Comptes rendus

Robert, Camille, Toutes les femmes sont d’abord ménagères. Histoire d’un combat féministe pour la reconnaissance du travail ménager (Montréal, Éditions Somme toute, 2017), 180 p.[Notice]

  • Marilyne Brisebois

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  • Marilyne Brisebois
    Département des sciences historiques, Université Laval

Camille Robert reprend ici les résultats d’un mémoire de maîtrise sur les débats entourant la reconnaissance et la rétribution du travail ménager que Micheline Dumont, dans sa préface, situe en histoire politique. L’ouvrage contribue bien à l’histoire du féminisme québécois, une histoire qui reste encore aujourd’hui à compléter. L’auteure justifie d’emblée son choix de parler de travail « ménager » d’abord parce qu’il s’agit des termes utilisés dans les sources consultées, mais aussi parce qu’elle considère que travail « domestique » renvoie plutôt au travail d’entretien salarié accompli par une personne extérieure au ménage. Son objectif est d’étudier les discours et les mobilisations féministes liés au travail ménager, de « (re)faire de la ménagère une actrice politique » (p. 17). Le corpus mobilisé présente les points de vue sur la question véhiculés par des collectifs féministes, des organisations féminines et gouvernementales ainsi que par certains comités syndicaux. Trois avenues de reconnaissance du travail ménager sont explorées : les réformes gouvernementales, la socialisation et la salarisation du travail ménager. Le premier chapitre est un bref survol des premiers discours du mouvement des femmes sur cet enjeu au début du XXe siècle. Robert y présente la manière dont les féministes ont d’abord formulé leurs revendications à partir du travail des mères. Elle oppose un féminisme de la différence qui naturaliserait la maternité à un féminisme de l’égalité qui l’aborderait plutôt comme un travail. L’auteure reprend ainsi à son compte l’utilisation du concept de maternalisme pour parler de ces revendications, sans souligner toutefois qu’il ne fait pas l’unanimité en histoire du féminisme. Après une présentation de diverses mesures touchant les mères et abordées comme autant d’étapes de la reconnaissance du travail ménager, ce premier chapitre se clôt avec la commission Bird, considérée comme une rupture avec l’essentialisme ayant caractérisé jusqu’alors les discours. Le coeur de l’analyse se retrouve dans les deux derniers chapitres, qui couvrent la période 1968-1985. Robert présente d’abord les premières analyses développées par les collectifs féministes autonomes qui dissocient l’activité ménagère de la nature féminine et la conçoivent désormais comme un travail, invisible, privé et gratuit. Elle reprend les principales publications produites pour en tirer les éléments essentiels à son analyse, ce qui donne parfois un ton un peu descriptif à l’ouvrage. L’auteure analyse dans ce chapitre la socialisation du travail ménager, qui passe par la mise en place de différents services, notamment des garderies populaires et gratuites. Elle illustre comment la figure de la ménagère devient, pour ces féministes, symbole d’une communauté de situation, d’une exploitation commune à toutes les femmes. Au contact du mouvement international pour un salaire au travail ménager, cette perspective évolue et, pour les féministes québécoises, le rôle de la ménagère passe du rôle de la subordonnée à une position de lutte. Ainsi, la salarisation du travail ménager représente une autre avenue de reconnaissance envisageable. Robert souligne bien les divisions du mouvement féministe sur ces moyens de reconnaissance, notamment entre anglophones et francophones. Elle met également en lumière la tension entre le salaire du travail ménager comme perspective politique et comme revendication matérielle. La dernière partie du chapitre est consacrée à l’analyse de deux productions culturelles portant sur le travail ménager qui diffusent les réflexions menées jusque-là essentiellement par des féministes montréalaises. Ainsi, Môman travaille pas, a trop d’ouvrage, avec ses deux versions de la fin, correspond tout à fait à la polarisation suscitée par l’idée du salaire au travail ménager. Le dernier chapitre de l’ouvrage s’intéresse à la manière dont le travail ménager est progressivement envisagé par un ensemble d’organisations comme un problème social ayant des conséquences sur l’accès des femmes à …