Comptes rendus

Lamonde, Yvan, Aux quatre chemins. Papineau, Parent, La Fontaine et le révolutionnaire Côté en 1837 et 1838 (Montréal, Lux, 2018), 242 p.[Notice]

  • Olivier Guimond

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  • Olivier Guimond
    Département d’histoire, Université d’Ottawa

Yvan Lamonde veut éclairer la signification du moment républicain bas-canadien pour la conscience historique et politique québécoise. Aux quatre chemins porte sur cette question. Dans cet ouvrage concis et proche des sources, citées en abondance, Lamonde brosse les « chemins » de quatre individus – Louis-Joseph Papineau, Étienne Parent, Louis-Hippolyte La Fontaine et Cyrille-Hector-Octave Côté – qui furent au coeur de 1837-1838. Il faut d’emblée saluer la bonne idée d’analyser conjointement et de façon comparative quatre trajectoires individuelles ; cela a l’évident mérite de les rendre exemplaires de certains possibles à un moment clé de l’histoire. L’auteur expose ainsi des itinéraires qui lui permettent d’évaluer la validité d’options concurrentes. Dans Aux quatre chemins, l’option choisie par Parent et La Fontaine dès la deuxième moitié des années 1830 n’apparaît pas sous un jour favorable : elle est celle d’un réformisme colonisé opérant un retour au monarchisme honni par les patriotes – ce que les deux hommes étaient eux-mêmes, à des degrés différents, avant leur « retournement » (p. 155, 179, 230). Il y a aussi l’option révolutionnaire de Côté. Mais si ce dernier fut tenant d’une idéologie d’émancipation, d’un républicanisme « social et politique » (p. 231, 190), un problème demeure sous la plume de Lamonde : celui de la violence. En effet, « homme de terrain » (p. 226, 231) – le comté chaud de l’Acadie – Côté privilégie les armes aux requêtes, les balles aux discours. Cette perspective radicale, que ne prisait pas publiquement Papineau, n’a pu prévaloir et aura été source de division au sein des patriotes. Comme pour couronner l’impasse de sa trajectoire, le révolutionnaire Côté terminera précocement ses jours, à 41 ans, pasteur et prosélyte converti à la religion baptiste. Le républicanisme modéré de Papineau est l’objet d’un tout autre traitement dans Aux quatre chemins : il aurait été le reflet d’un sens aigu de la responsabilité et, fort d’une longue expérience d’orateur, d’une capacité hors du commun d’évaluer les options qui s’offraient au Bas-Canada. Papineau est ainsi dépeint comme l’« émancipateur » (p. 22, 185) déchu, mais conséquent. Pour lui, en effet, résister au colonialisme devait signifier avoir recours à la démocratie. C’est sur ce théâtre que l’on devait persister à se réclamer du modèle des États souverains de la République étatsunienne qui représentait la meilleure façon de sortir du colonialisme. Papineau est le seul à avoir ainsi fait preuve de constance, de « fermeté » dans une « conviction républicaine » (p. 241) réaliste. Pour Lamonde, la clé est là : à la différence de Parent et de La Fontaine, fils intellectuel du premier, Papineau ne s’est jamais résolu, après 1831, à réclamer pour les Bas-Canadiens le maintien d’une condition coloniale. Mais le seigneur républicain connut l’exil, puis la marginalisation sous l’Union. Papineau ne pouvait se satisfaire du choix de Parent et de La Fontaine, c’est-à-dire d’un repli dans les « arrangements sociaux » (p. 93, 122, 132, 239) – les institutions traditionnelles – de la « nationalité » au nom de la « conservation de ce qui nous constitue comme peuple » (p. 125). Voilà où se situe le républicanisme québécois en 1837 et 1838 tel que présenté dans Aux quatre chemins, à un carrefour au sortir duquel des patriotes repentis, détournés du républicanisme pour conserver l’essentiel, adopteront la position qui aura préséance dans le régime d’Union. Parent et La Fontaine, ces figures de la « résistance passive » (p. 114, 230), de la « soumission honorable » (p. 115, 143, 230), de la « navigation supportable » (p. 114, 143, 230), auraient imprimé sur la destinée du Québec une direction …