Comptes rendus

Poplyansky, Michael, Le Parti acadien et la quête d’un paradis perdu (Québec, Septentrion, 2018), 178 p.[Notice]

  • Joseph Yvon Thériault

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  • Joseph Yvon Thériault
    Sociologue/UQAM

Le Parti acadien a existé en Acadie du Nouveau-Brunswick de 1972 à 1982. On pourrait parler ici d’un curieux paradoxe. Pendant cette décennie, le Parti ne réussit à faire élire aucun député. À l’élection de 1978, son meilleur score électoral, il ne récoltera pas plus de 10 % des votes dans les circonscriptions électorales acadiennes où il présenta des candidats. Mais bien qu’il ne soit jamais devenu un parti ou un mouvement populaires, il reste un phare dans l’analyse politique de la communauté acadienne. Une sorte d’âge d’or politique de l’acadianité. La plupart des travaux portant sur l’Acadie politique s’y réfèrent, des travaux universitaires lui sont consacrés. Le Parti acadien avait déjà été l’objet d’un petit livre en 1992, issu du mémoire de maîtrise de Roger Ouellette : Le Parti acadien. De la fondation à disparition. 1972-1982, un premier ouvrage, un peu scolaire, trop collé à l’événement. L’historien Michael Poplyansky dans Le Parti acadien et la quête d’un paradis perdu, reprend ici l’analyse, cette fois issue d’une thèse de doctorat. Le pari est ici mieux tenu. On sent le travail de fouille de l’historien et la distance permet une meilleure synthèse. Poplyansky veut inscrire sa lecture, à l’instar, dit-il, des jeunes historiens de l’Acadie contemporaine, dans une lecture moins autoréférentielle de l’Acadie, on pense notamment au livre de Joël Belliveau, Le mouvement 68 et la réinvention de l’Acadie. Comme ce dernier, il désire étudier l’expérience acadienne à la lumière des « courants mondiaux qui balaient tous les continents » de l’époque (p. 11). Le néonationalisme acadien, dont fait partie l’expérience du Parti acadien, s’inscrit ainsi dans la mouvance d’un nationalisme des régions périphériques de l’Occident. Il y aurait dans ce nationalisme à la fois un désir de rattrapage modernisateur et un exutoire d’une « jeunesse » que l’on dira déjà « désillusionnée ». Le Parti acadien est parent du Small is beautiful de E. F. Shumacker (1974) ou encore de la culture des « back to the landers » des années 1970. Une sorte de contre-culture qui, au lieu de faire un saut vers le futur, propose un certain retour à la terre (p. 55). Il est parent aussi avec le Parti québécois et plus généralement en phase avec le néonationalisme québécois. Sa gestation « nationaliste » était même « annexionniste » avec le Québec, quoique les dirigeants du Parti québécois (en premier lieu René Lévesque) comme les milieux nationalistes québécois de l’époque, se sont rapidement dissociés de ces sécessionnistes à la frontière qui auraient pu donner des idées aux minorités québécoises (p. 36 et ss.) L’élargissement du contexte de lecture, c’est-à-dire le rejet d’une lecture essentiellement autoréférentielle, ne se fait toutefois pas, dans l’analyse de Poplyansky, au détriment d’un oubli de la singularité du contexte, comme le sont parfois de telles analyses. Au contraire, cela lui permet, dans l’ensemble, de bien camper certaines contradictions des idéologues du Parti, celle par exemple entre tradition et modernité. Les néo-nationalistes se veulent modernisateurs, mais ils ne font pas une réelle critique du nationalisme traditionnel, ils semblent plutôt vouloir « retrouver la société idéalisée de leur ancêtre » (p. 23). Ils s’inscrivent dans ce que nous avons déjà nommé une « tradition vivante » ou encore des « nostalgies créatrices ». On aurait d’ailleurs pu souhaiter que Poplyansky approfondisse ici le contexte historique acadien (autoréférentiel), en insistant davantage sur la continuité de l’idéologie du Parti acadien avec la tradition coopérative acadienne et l’action sociale catholique des années 1930 et 1940. Pour Poplyansky, il n’y aurait d’ailleurs pas, à l’encontre d’une interprétation souvent admise, de réelle rupture entre un Parti acadien …

Parties annexes