Comptes rendus

Vasquez-Parra, Adeline, Aider les Acadiens ? Bienfaisance et déportation, 1755-1776 (Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2018), coll. « Études canadiennes/Canadian Studies », vol. 32, 201 p.[Notice]

  • Robert Larin

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  • Robert Larin
    Chercheur indépendant

En abordant les motivations d’administrateurs coloniaux ayant modelé leur action politique envers les déportés acadiens sur le concept de bienfaisance, Adeline Vasquez-Parra ouvre de nouvelles perspectives faisant contrepoids à une histoire ayant déjà largement souligné les malveillances dont ces derniers ont largement été victimes. La relation d’aide engendrant l’acte de nommer, le fait de désigner les bénéficiaires acadiens comme des ennemis, des Français neutres, des prisonniers de guerre ou comme des réfugiés ou une communauté de familles a eu un impact sur la conception de leur identité. Cet ouvrage expose les politiques de charité et de bienveillance mises en place pour accueillir, aider et intégrer les déportés et suit avec intelligence et nuances l’évolution de l’identité acadienne dans le temps, entre 1755 et 1776, et dans l’espace au gré des migrations dans les colonies britanniques, dans l’empire français et au Canada. L’historiographie a plutôt tendance à percevoir globalement les administrateurs des colonies britanniques comme des politiciens conservateurs, mais Adeline Vasquez-Parra s’arrête, en première partie de son livre, sur les motivations de certains juristes et personnalités politiques qui, dès l’arrivée des Acadiens en Nouvelle-Angleterre, ont formé des comités pour leur fournir des soins, de l’aide, des vivres et les loger. Elle présente d’abord le concept de bienfaisance, idée philosophique issue des Lumières, que des réseaux de sociabilité, comme la franc-maçonnerie et le courant évangéliste, ont introduit dans les colonies. La bienfaisance se distingue de la charité liée au domaine religieux et s’incarne dans des actions humanitaires et de solidarité envers des personnes en état de faiblesse et les populations sinistrées. Au lieu d’être considérés comme des papistes ou comme des étrangers à punir ou à éloigner, les déportés acadiens sont alors vus comme des frères en humanité à secourir et à accueillir dans la communauté. Le chapitre 2 décrit le contexte historique, soit la société acadienne avant la Déportation ; les sentiments des puritains de la Nouvelle-Angleterre considérant les Acadiens comme des ennemis menaçants ; la destruction des établissements acadiens et leur déportation décrits à partir de sources anglo-américaines ; l’arrivée et l’accueil des déportés dans les colonies où ils furent parfois considérés comme de dangereux prisonniers de guerre comme en Géorgie, ou comme des familles en détresse à qui accorder la charité chrétienne chez les baptistes de Philadelphie. Le chapitre suivant porte l’attention sur le Massachusetts où des membres de la Chambre des représentants, non pas inspirés par des obligations morales ou par des valeurs chrétiennes, mais acquis aux idées nouvelles, ont accueilli avec bienveillance les Acadiens arrivés à Boston très éprouvés et atteints de la variole. Leur action bienfaisante s’est poursuivie durant la guerre de Sept Ans en même temps que s’accroissait chez d’autres administrateurs la suspicion envers les Acadiens que l’on décida de disperser et d’éloigner des ports d’où ils pourraient éventuellement s’échapper et aider les Français en cas d’invasion par la mer. Les déportés furent alors dispersés dans des petites municipalités où les pouvoirs publics les percevaient comme des indésirables et comme une lourde charge imposée à leur communauté. Mais la bienfaisance atténuait à certains endroits le discours considérant les Acadiens comme des ennemis et veillait à ce qu’ils puissent s’installer dans la municipalité. On observe au passage que ceux-ci n’étaient pas seulement rétifs à l’ordre et à toute forme d’autorité, ainsi que les présente l’historiographie ; ils contestaient les mesures répressives, mais ils acceptaient aussi l’aide qu’on leur procurait. Les Acadiens ayant été envoyés dans des petites municipalités sans pouvoir s’y intégrer en raison de leurs origines et de la suspicion qu’on leur portait, l’ouvrage montre, en seconde partie, comment les Bureaux d’assistance publique des petites …