Comptes rendus

MacEachern, Alan, The Miramichi Fire : A History (Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2020), 282 p.[Notice]

  • Stephen Pyne

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  • Stephen Pyne
    Professeur émérite, Arizona State University

  • Traduit par
    Patricia Raynault-Desgagné

Le 7 octobre 1825, un front froid accompagné de vents violents, passant sur des forêts clairsemées par la coupe et ravagées par une sécheresse historique, forment un cocktail explosif provoquant un incendie qui brûla près de quatre millions d’acres autour de la rivière Miramichi, tuant 160 personnes, rasant plusieurs villes et détruisant des bateaux et des ports. L’incendie de Miramichi a consumé 20 % du territoire du Nouveau-Brunswick et menacé sa principale ressource, la forêt (en comparaison, les 4,4 millions d’acres qui ont brûlé de la même manière, en 2020, en Californie, correspondaient à 4 % de la superficie de l’État). Le feu déclencha un appel à l’aide international et devint un événement marquant incontournable dans l’histoire de la colonie – jusqu’à ce qu’il disparaisse de l’histoire officielle. Ce qui est vraiment arrivé, et les raisons qui ont fait disparaître cet événement de la mémoire collective alimentent l’étude bien ficelée d’Alan MacEachern. Dans La psychanalyse du feu, Gaston Bachelard observe que les flammes provoquent des fantasmes qui rendent impossible une analyse rationnelle. C’est ce qui semble avoir contaminé la plupart des recherches portant sur les feux historiques, celles-ci étant reléguées en marge de l’histoire universitaire tout comme les incendies le sont de la vie quotidienne. Jusqu’à tout récemment, même les biologistes, malgré les multiples preuves à l’appui, ne considéraient pas le feu comme un élément faisant partie intégrante de la vie sur Terre. Et les universitaires étudient ce qu’ils ont été entraînés à voir. Alan MacEachern va à l’encontre de cette tradition. Avec l’émergence de l’histoire environnementale qui lui procure un contexte intellectuel, et de nouvelles sources documentaires rendues accessibles par la numérisation, il détient désormais de l’information nouvelle. Il savoure ces nouvelles occasions, puisque l’histoire de l’incendie de Miramichi « is necessarily intensely global and intensely local because all histories are » (p. xiv), et il ajoute, « Having come to a topic under-researched and newly researchable, I have thoroughly over-researched it. » (p. 12) C’est un empiriste affirmé. Le livre contient 184 pages de texte, mais 52 pages de notes et 29 pages de références bibliographiques ainsi que 6 pages en annexe où on retrouve la liste officielle des décès. Tout cet appareil savant fait presque la moitié du texte principal, mais ne vient pas encombrer l’histoire, car l’histoire racontée par MacEachern est celle sur la façon dont l’histoire a été racontée. Les éléments centraux sont bien établis : le 7 octobre 1825, une grande partie du Nouveau-Brunswick a brûlé, le feu emportant vies humaines, villes et bateaux. « The fire’s effects were real, and it had a profound influence on the people and nature of the Miramichi region and beyond. » (p. 95) Les informations plus précises se sont toutefois révélées floues. « The very fact that the fire’s cause was unknown, that its existence was ephemeral, and that its range was unclear meant that it was open for interpretation, able to serve the arguments of whoever needed it. » (p. 95) Personne ne connaît avec certitude la source de l’incendie, combien de feux étaient actifs, quelle superficie de terre fut consumée et avec quelle gravité, et quelles furent les conséquences à long terme. Il existe deux interprétations dominantes, chacune produite par un homme accompli représentatif de son époque. La première, A Compendious History of the Northern Part of the Province of New Brunswick… publiée en 1832 par Robert Cooney, est devenue la référence de base pour le XIXe siècle. Cooney était un témoin, il a placé le feu au centre de son récit et a écrit un compte rendu tellement mélodramatique et rempli d’allusions …