Cette traduction par Patricia Godbout de The Black Atlantic Reconsidered (2015) permet de faire connaître le travail du spécialiste en littérature anglaise Winfried Siemerling à un lectorat francophone. L’intérêt de traduire ce livre lauréat du prix Gabrielle-Roy, qui couronne des ouvrages de critique littéraire écrits en français et en anglais portant sur la littérature canadienne ou québécoise, semble naturel dans le contexte canadien. Les écritures noires du Canada porte sur des thématiques que Siemerling a déjà mobilisées auparavant. En effet, les questions relatives à la transculturalité et aux écrits nord-américains dans une perspective transnationale et pluridisciplinaire structurent plusieurs de ses publications antérieures, notamment Canada and Its Americas. Transnational Navigations (2010) et le collectif qu’il a codirigé The New North American Studies. Culture, Writing and the Politics of Re/Cognition (2005). Cette fois, ce sont les écritures noires du Canada que l’auteur explore afin de les replacer dans les principaux moments littéraires noirs, du 18e siècle (avec les premiers témoignages d’esclaves) aux productions littéraires d’aujourd’hui. L’ouvrage s’articule autour de deux objectifs principaux. D’une part, il veut explorer l’écriture noire à la fois dans ses aspects spécifiquement canadiens et dans ses dimensions diasporiques propres à l’Atlantique noir. De l’autre, il entend démontrer l’importance que revêt le passé dans de nombreux textes noirs contemporains. Pour ce faire, l’auteur présente des écrits qui s’étalent sur plusieurs siècles et dans lesquels les auteurs et autrices font référence au Canada, comme milieu de vie ou comme point de passage. Le pays est ainsi replacé au sein d’un espace atlantique lié à la fois à l’Afrique, à l’Europe, aux États-Unis et aux Caraïbes et dans lequel se déploie une mobilité diasporique noire. L’esclavage, ainsi que les violences et les souffrances qu’engendre cette institution, occupe une place centrale dans les témoignages et les écrits noirs du Canada. L’auteur montre bien comment les productions littéraires contemporaines s’imprègnent des souffrances du passé et comment ce passé façonne l’identité à travers des formes d’agentivité culturelle. Car si l’ouvrage respecte une certaine chronologie essentielle à sa fluidité, Siemerling établit constamment un dialogue entre les oeuvres de différentes époques. Ainsi, les auteurs et autrices plus récents se réapproprient un passé diasporique en le représentant dans le roman, la poésie ou le théâtre. De cette façon, Les écritures noires du Canada prend la forme d’un répertoire chronologique d’oeuvres plurielles, mais toujours en dialogue entre elles dans le temps et l’espace. L’ouvrage se divise en deux grandes parties. La première porte sur les premiers témoignages d’esclaves ainsi que sur la « renaissance noire » du 19e siècle. On y retrouve notamment les traces du procès et de la pendaison de Marie-Josèphe-Angélique à Montréal en 1734. L’auteur revient aussi sur le Book of Negroes de 1783, qui offre des informations sur l’arrivée en Nouvelle-Écosse des « Loyalistes noirs » (esclaves affranchis du fait de leur soutien à la Grande-Bretagne durant la révolution américaine) et relie ce territoire au reste du monde atlantique noir. Les récits de captivité et les autobiographies spirituelles permettent également de rendre compte de l’expérience noire au Canada. La renaissance noire du 19e siècle, alimentée par l’immigration de Noirs en provenance des États américains esclavagistes et portée par des figures telles que Mary Ann Shadd et Martin Delany, offre quant à elle de nombreuses productions littéraires engagées. Dès cette première partie, Siemerling tente de démythifier l’histoire canadienne, le Canada ayant longtemps été considéré comme la terre de Canaan pour les esclaves en fuite. Car si l’auteur participe à peu de débats historiographiques — le livre étant surtout axé sur les contextes de création et les procédés littéraires —, il contribue …
Siemerling, Winfried. Les écritures noires du Canada. L’Atlantique noir et la présence du passé, traduction de Patricia Godbout (Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2022), 672 p.
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William Léveillée Lamoureux
Université de Sherbrooke et Université Toulouse Jean Jaurès
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