L’appropriation du réseau hydrographique canadien sous le Régime français[Notice]

  • Benjamin Furst

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  • Benjamin Furst
    Candidat au doctorat, histoire, Université de Montréal
    Université de Haute-Alsace

Il est difficile de passer outre l’ampleur du réseau hydrographique québécois. Ces quelque 201 753 km² d’eau douce (12 % du territoire) avec 130 000 cours d’eau et un million de lacs, avaient déjà été remarqués, en partie au moins, par les premiers Européens arrivés dans la vallée laurentienne. Samuel de Champlain décrit le Canada comme « beau en toute perfection, et qui a des scituations très commodes, tant sur les rivages du grand fleuve Sainct Laurent […] qu’ès autres rivières, lacs, estangs et ruisseaux, ayant une infinité de belles isles accompagnées de prairies ». Charlevoix, en 1744, affirme que « c’est sans contredit le pays du monde où il y a le plus d’eau ». De fait, le contact des Européens avec l’hydrographie canadienne a été immédiat, le Saint-Laurent constituant la porte d’entrée du territoire, force était de constater à quel point l’eau était présente sur ce territoire méconnu. A-t-elle pour autant eu un impact sur ces colons ? Les Français ont-ils montré la volonté de s’adapter au système hydrographique canadien, ou se sont-ils efforcés de conserver leurs anciennes pratiques ? Quels ont été leurs discours, leurs perceptions, leurs gestions de l’eau ? Plus présente qu’en France, l’eau en devient-elle plus dangereuse ? Comment les Français se sont-ils approprié l’hydrographie de la vallée laurentienne ? Selon David Le Breton, il existe pour un même objet « une multitude de perceptions à son propos selon les angles d’approche, les attentes, les appartenances sociales et culturelles ». Le constat peut s’appliquer au réseau hydrographique canadien à deux niveaux : d’une manière générale, il faut poser la question des différences de perceptions (et donc de gestion) de l’eau par les différents acteurs de la colonisation. Que représente-t-elle pour l’habitant qui s’installe le long du Saint-Laurent ou de ses affluents, le coureur des bois, l’administrateur à Québec ou Montréal, les ordres religieux qui s’établissent progressivement ou enfin, les marchands qui font commerce de fourrures auprès des Amérindiens ? La première tentative d’évaluer le rôle du réseau hydrographique au sein de la société canadienne d’Ancien Régime, celle que nous présentons ici, a donné lieu à un mémoire de maîtrise. La multiplicité des acteurs et des sources de la Nouvelle-France et la diversité des questions liées à l’eau, peu compatibles avec la faible ampleur d’un travail de deuxième cycle, nous avaient conduits à restreindre la problématique. L’objectif était l’analyse des pratiques et des représentations de l’eau qui transparaissent dans les sources que Thomas Wien appelle la « Bibliothèque de la Nouvelle-France », des textes décrivant la colonie et publiés pendant ou après le Régime français, qu’ils y aient été initialement destinés ou non. La question des diversités de perception demeure au premier plan, même avec un corpus réduit, et nous pouvons nous demander si l’eau de la Nouvelle-France marque de la même manière Samuel de Champlain, explorateur chargé de fonder un établissement permanent au début du xviie siècle, et le voyageur suédois Pehr Kalm, lors de son court séjour en 1749 dans une Nouvelle-France relativement peuplée, avec trois pôles urbains constitués. L’eau canadienne est-elle perçue de la même manière par Pierre Boucher dans son Histoire véritable et naturelle décrivant la colonie aux Français de métropole, que par Marie de l’Incarnation, cloîtrée dans son couvent à Québec ? Comment, dans ces sources, peut-on deviner le rapport à l’eau des acteurs de la colonie canadienne ? Pour les mêmes raisons que celles qui nous ont amenés à ne nous intéresser qu’aux sources publiées, une seconde sélection s’est avérée nécessaire. Au sein de cette « Bibliothèque de la Nouvelle-France », il a fallu constituer un panel représentatif …

Parties annexes