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« La véritable genèse des peuples de la Caraïbe, c’est le ventre du bateau négrier », affirme Édouard Glissant dans Le traité du Tout-Monde[1]. Par cette image qui hante son oeuvre, l’écrivain et penseur martiniquais fait l’état de la dépossession généralisée imposée aux esclaves déportés dans les colonies par la traite atlantique. Dépossession physique, mais aussi spirituelle, puisque l’arrachement à la terre originelle équivaut pour l’esclave à une rupture avec son passé, son histoire, et ses pratiques culturelles, parmi lesquelles se distingue en particulier la question du mythe. En effet, si le mythe fonde la civilisation, son absence ouvre, selon Glissant, une brèche paralysante, qu’il nomme « non-histoire ». La littérature peut tenter de combler cette brèche par la célébration de figures historiques locales. François Mackandal est l’une d’elle. Esclave de la partie française de l’île de Saint-Domingue, Mackandal se fit marron et répandit la mort par le poison avant d’être capturé et condamné à être brûlé vif en 1758. Sorcier et prêtre du vaudou, il est cependant réputé avoir échappé au supplice en se métamorphosant en moustique.

En s’attardant sur ses jalons les plus représentatifs, nous nous proposons de parcourir dans un premier temps la trajectoire littéraire que connaît le personnage historique de Mackandal, qui bascule progressivement dans la sphère mythique, pour montrer dans un deuxième temps que cette réappropriation de la figure permet aux auteurs caribéens d’opérer une relecture critique de l’histoire de l’esclavage et de la colonisation à travers la mise en place de stratégies discursives.

Mackandal : de l’histoire au mythe

Des archives à la fiction : une traversée transatlantique

L’histoire de Mackandal est rapportée pour la première fois dans des récits du XVIIIe siècle qui participent à la construction d’une légende noire autour du personnage. Le journal métropolitain Le Mercure de France propose d’abord, en 1787—soit 30 ans après sa mort—une narration courte et déjà largement romancée, intitulée « Mackandal, histoire véritable[2]» dans laquelle le personnage est au centre d’un drame sentimental : deux personnages fictifs, les esclaves Samba et Zami, forment un couple que Mackandal jalouse. Mackandal empoisonne Samba et est livré par Zami aux colons. Ce récit sera repris presque à l’identique tout au long du XVIIIe et du XIXe siècle, dans plusieurs recueils d’histoires criminelles dits de « causes célèbres », compilations d’études de moeurs mettant en avant des personnages célèbres de bandits et de criminels.

Dix ans plus tard (1796), dans sa Description topographique et politique de la partie espagnole de l’isle Saint-Domingue[3], le colon Moreau de Saint-Méry raconte à son tour l’histoire de Mackandal, adoptant au contraire une perspective historiciste qui condamne les excès romanesques du récit du Mercure de France.

Ces premières apparitions du personnage illustrent et perpétuent la légende noire qui accompagne le nom de Mackandal, à propos duquel Moreau de Saint-Méry affirme qu’il est utilisé par les esclaves comme « l’une des plus cruelles injures[4] », pour désigner « les empoisonneurs ». Or cette aura maléfique qui entoure la vie de Mackandal va être dissipée, et la figure réinvestie par des écrivains caribéens. Le personnage connaît ainsi un déplacement significatif à trois niveaux : géographique et linguistique, puisqu’elle traverse l’Atlantique pour apparaître dans des récits caribéens francophones et hispanophones, mais également génériques, puisque Mackandal passe des récits appartenant à ce que l’on peut appeler la « paralittérature » aux trois grands genres littéraires que sont le théâtre, le roman et la poésie.

Nous choisirons de nous intéresser ici à trois oeuvres appartenant à la deuxième moitié du XXe siècle qui apparaissent comme particulièrement représentatives du processus de mythification que connaît la figure de l’esclave. Il s’agit d’abord d’El reino de este mundo[5] [Le Royaume de ce monde], du Cubain Alejo Carpentier, publié en 1949, qui accorde une place importante aux premières insurrections d’esclaves à Saint-Domingue ; de Monsieur Toussaint[6], pièce de théâtre d’Édouard Glissant publiée en 1986, où l’imagination du général Toussaint agonisant dans sa prison du Jura fait surgir devant lui les fantômes des héros de la Révolution haïtienne ; et de Las metamorfosis de Makandal[7] [Les Métamorphoses de Makandal], dernier ouvrage publié par le Dominicain Manuel Rueda avant sa mort en 1998. Ce long poème d’inspiration épique retrace l’histoire de l’île de Saint-Domingue, des origines mythiques de son apparition dans l’archipel caribéen jusqu’à l’époque contemporaine.

L’histoire de Mackandal connaît ainsi un certain nombre « d’invariants »[8] : déportation depuis l’Afrique ; mutilation ; entrée en marronnage et empoisonnements ; arrestation et exécution publique sur le bûcher. À partir de ce schéma général, on assiste à des variations significatives entre les récits du XVIIIe français et ceux du XXe siècle caribéen, à partir desquelles on peut observer la manière dont le personnage acquiert une dimension mythique.

Mort et métamorphose

Tout d’abord, la question de la mort du personnage est centrale, parce qu’elle donne lieu à une double lecture selon la perspective adoptée. Dans les textes anciens, la disparition de Mackandal n’est pas remise en question. Mackandal est un imposteur (un « séducteur » selon le terme employé dans son arrêt de condamnation[9]). Moreau de Saint-Méry rapporte, par exemple, que Mackandal a prétendu échapper au feu, et que seules les apparences ont pu convaincre les esclaves de sa survie :

Le hasard ayant voulu que le poteau où l’on avait mis la chaîne qui le saisissait fût pourri, les efforts violents que lui faisaient fuir les tourments du feu, arrachèrent le piton et il culbuta par-dessus le bûcher. Les Nègres crièrent : Macandal sauvé ; la terreur fut extrême ; toutes les portes furent fermées. Le détachement de Suisses qui gardait la place de l’exécution la fit évacuer ; le geôlier Massé voulait le tuer d’un coup d’épée, lorsque d’après l’ordre du procureur général il fut lié sur une planche et lancé dans le feu. Quoique le corps de Macandal ait été incinéré, bien des Nègres croient, même à présent, qu’il n’a pas péri dans le supplice[10].

Dans les récits du XXe siècle, une autre lecture est cependant proposée, se manifestant par l’introduction d’une certaine ambiguïté du point de vue. Chez Alejo Carpentier, notamment, cette ambiguïté s’instaure par un jeu dans la focalisation qui fait alterner les points de vue des colons et des esclaves. La crédulité bascule alors du côté des Blancs :

Que savaient les Blancs des histoires des Noirs ? […] Au moment décisif, les liens du Mandingue n’ayant plus de corps à serrer dessineraient une seconde silhouette d’un homme aérien avant de retomber le long du poteau. Et Mackandal, transformé en moustique, irait se poser sur le tricorne même du chef des troupes, pour jouir de la confusion des Blancs. Voilà ce que les maîtres ignoraient. Aussi avaient-ils gaspillé tant d’argent pour organiser ce spectacle inutile, qui révèlerait leur totale impuissance contre un homme qui était l’oint des grands Loas[11].

C’est par sa métamorphose, réelle ou symbolique, que Mackandal se sauve de la mort. Ce motif est très largement mis de l’avant dans les oeuvres caribéennes, qui jouent sur les résurgences ovidiennes de ce thème mythique par excellence. La métamorphose, qui rappelle le temps archaïque de la non-séparation entre les choses, donne notamment son titre au poème de Manuel Rueda, Las metamorfosis de Makandal, qui décline à l’infini les phases de transformations du personnage. Alejo Carpentier évoque aussi longuement ce cycle de transformations, qui voit réapparaître le personnage transfiguré :

Tout le monde savait que l’iguane vert, le papillon de nuit, le chien inconnu, l’invraisemblable pélican étaient de simples déguisements. Doué du pouvoir de se transformer en animal à sabots, en oiseau, en poisson ou en insecte, Mackandal faisait de fréquentes visites aux habitants de la Plaine pour surveiller ses fidèles et savoir s’ils avaient encore confiance en son retour. De métamorphose en métamorphose, le manchot était partout ; il avait recouvré son intégrité corporelle sous le vêtement d’animaux. Un jour pourvu d’ailes, un autre jour de branchies, galopant, rampant, il s’était rendu maître du cours des fleuves souterrains, des cavernes de la côte, de la cime des arbres, et il régnait maintenant sur l’île tout entière[12].

La question de la mutilation apparaît également comme un élément central. Mentionné très rapidement par Moreau de Saint-Méry comme un accident courant chez les esclaves affectés à la meule, ce détail disparaît complètement du récit du Mercure de France. Or, de manière très significative, toutes les oeuvres caribéennes reprendront cet épisode pour lui donner une dimension symbolique et allégorique. En effet, la mutilation n’est plus un stigmate dégradant marquant la soumission de l’esclave, mais une marque d’élection, le signe d’une évolution qui lui permettra de perfectionner ses armes de lutte en apprenant à utiliser les plantes pour fabriquer des poisons. Ainsi, dans Les métamorphoses de Makandal, l’image de l’oiseau amputé évoque la mutilation du personnage à travers une image de révolte, symbolisée par son geste de défi : « Vol de Mackandal de l’aile tronquée/de son unique bras levé[13] ».

Du « Séducteur, profanateur et empoisonneur » au libérateur

Mackandal passe progressivement de criminel à héros, et ce à travers un processus qui vise à dé-marginaliser le personnage. Isolé dans les premiers textes, Mackandal agit à son compte, en rival éconduit terrorisant et manipulant les autres esclaves. En ce sens, son destin est individualiste et anecdotique. Au contraire, dans les textes postérieurs, le personnage s’inscrit dans une destinée collective. Il constitue dès lors le premier maillon de ce que Marie Christine Rochmann appelle la « filiation marronnique[14] » dont découleront toutes les luttes pour les libérations à venir. Ainsi, Toussaint affirme, dans la pièce de Glissant : « Il y eut Mackandal pour annoncer le combat et la douleur du combat, puis il y eut Toussaint pour prendre la victoire et la douleur de la victoire[15] » une affirmation dont on trouve un écho dans Le Royaume de ce monde : « Mackandal s’était métamorphosé pour servir les hommes, pas pour les abandonner[16] ». Le rôle politique du personnage est ainsi rétabli, et il apparaît dès lors comme un héros libérateur qui rappelle les figures historiques de Jeanne d’Arc ou Spartacus, ou bibliques, à l’instar de Moïse ou de Jésus-Christ. L’histoire de Mackandal occupe dès lors une fonction didactique, permettant d’expliquer rétrospectivement la fondation de la République d’Haïti. Le personnage acquiert ainsi la dimension universelle et la plasticité propres au mythe qui lui permettent d’être réinvesti par chaque époque, « revivant ou rejouant la geste inauguratrice pour déchiffrer dans le temps actuel sa propre situation », selon les termes de Jean Rousset[17]. Le combat de Mackandal est ainsi systématiquement comparé avec d’autres luttes : dans Monsieur Toussaint, Édouard Glissant fait de Toussaint Louverture l’héritier et le double d’un Mackandal initiateur de la résistance contre les colons ; dans Le Royaume de ce monde, Alejo Carpentier construit un système qui met en parallèle les étapes de l’histoire postrévolutionnaire haïtienne et la première résistance des esclaves ; enfin Les métamorphoses de Makandal évoquent les problématiques de discrimination, de corruption et de violence de la société dominicaine du XXe siècle.

A travers le basculement des représentations qui opposent les modèles européens et caribéens, on voit ainsi comment le personnage acquiert une dimension mythique. Dans le même temps, les oeuvres mettent en place des stratégies discursives qui visent à proposer une lecture alternative de l’histoire.

Mackandal et le contre-discours postcolonial

Renverser la perspective : une réappropriation du discours

Selon Bill Ashcroft, Gareth Griffiths et Helen Tiffin, les auteurs de The empire writes back[18], les sociétés postcoloniales doivent entreprendre une réappropriation identitaire visant à se libérer de la domination culturelle persistante imposée par l’Occident. La littérature est le lieu privilégié de ce processus de réappropriation. Dans le cas particulier de l’espace caribéen, la trajectoire littéraire de Mackandal peut ainsi nous permettre d’interroger certaines de ces stratégies qui visent à proposer un contre-discours au discours colonial. La transgression des codes de la langue héritée du colonisateur constitue un premier acte de réappropriation culturelle, qui passe par l’affirmation des spécificités de la langue locale. Ainsi, l’emploi de termes idiomatiques transgresse le code linguistique dominant en proposant des variantes ou en introduisant des termes de vocabulaires issus du parler autochtone. Chez Rueda, l’expression « milagroso rayano[19] » permet de désigner Mackandal par le nom donné par les Dominicains aux habitants de la frontière entre la République Dominicaine et Haïti. De la même manière, dans Monsieur Toussaint, un personnage use d’une expression idiomatique martiniquaise en appelant le héros « notre quimboiseur Mackandal[20] ».

Les oeuvres sont également le lieu d’une revalorisation de la culture du colonisé, qui met en avant ses particularités et en restitue la réalité ethnographique. Une telle démarche passe, par exemple, par l’emploi d’un vocabulaire adapté à ces spécificités. On peut par exemple noter l’emploi du terme houngan pour désigner la fonction spirituelle de Mackandal. Ce terme, consacré pour nommer le haut clergé dans la religion du vaudou, s’oppose à l’expression péjorative du Mercure de France, qui qualifiait l’esclave de « fanatique ambitieux[21] », et qui renvoyait au vocabulaire de la superstition. D’autre part, au terme générique de « fétiche[22] » employé indifféremment—et de manière impropre—dans les premiers textes pour toutes les croyances africaines et d’origine africaine, les écrivains caribéens substituent le terme de loa pour désigner les dieux du panthéon vaudou haïtien, qui sont eux-mêmes nommés par leur nom propre : « Ogun »—dieu de la guerre— ; « Legba »—dieu des carrefours—ou encore « Baron-Samedi »—dieu de la mort—.

Enfin, les oeuvres renversent le préjugé racial qui présidait à la caractérisation du personnage. Dans les premiers textes, Mackandal est dominé par ses bas instincts, guidé uniquement par sa sensualité débridée : « l’amour qui l’avait tant favorisé, l’amour pour lequel il commettait sans cesse des crimes insupportables, l’amour fut la cause de sa perte et de son juste châtiment[23] ». Son « orgueilleuse jalousie[24] », sa docilité ou sa barbarie sont ainsi alternativement mises en avant et connotées négativement. C’est ainsi que l’on s’étonne de « trouver dans les nègres de la soumission, de la résignation et de la fidélité », tout en déplorant le fait que « lorsque le nègre se livre à la vengeance et au crime, il invente des moyens qui étonnent et qui effraient[25] ». On retrouve ici le préjugé essentialiste qui fait du Noir un être soumis de nature, quand il n’est pas sauvage : une définition par l’excès, contraire à la raison, à la civilisation et à l’humanité. C’est cette perspective que Carpentier, Glissant et Rueda renversent en dotant le personnage de caractéristiques valorisantes qui redonnent une humanité et un prestige à l’esclave. Mackandal apparaît ainsi dans les trois oeuvres comme le dépositaire de la mémoire ancestrale : l’esclave évoque les dieux et le passé glorieux des rois africains dans des récits subversifs propageant des idées de rébellion. De la même manière, alors que l’action du personnage est qualifiée de criminelle dans le Mercure de France ou chez Moreau de Saint-Méry, Édouard Glissant la désigne comme un combat libérateur. Ce faisant, la littérature propose un contrepoint à l’histoire à travers le mythe de Mackandal en ce qu’il induit une réappropriation de l’histoire de l’esclavage.

Le point de vue de l’esclave, un contrepoint de l’histoire

En mettant en scène la puissance de rébellion des Noirs, symbolisée par Mackandal, les oeuvres réinterprètent les évènements, s’élevant contre un certain discours colonial selon lequel la servitude aurait été vécue dans la passivité. Pour ne prendre qu’un seul exemple, on peut évoquer certaines scènes devenues topiques des récits sur l’esclavage, comme celles des assemblées festives des Noirs. Ces « calendas », où les esclaves se réunissent et dansent au son de tambours, apparaissent d’abord comme un élément folklorique et pittoresque. Le Mercure de France propose ainsi une note de définition au terme « calenda », défini comme « une sorte de rendez-vous de danse que les Nègres aiment avec passion [26]». La naïveté et la joie de vivre primitive des esclaves sont mises de l’avant comme autant de sèmes négatifs et stéréotypiques faisant du Noir un être plus proche de la nature et par là même de la bête. Les oeuvres caribéennes opèrent une relecture de ces scènes pour rétablir le rôle profondément politique de ces réunions : l’assemblée festive est en réalité l’occasion pour les esclaves d’ourdir la résistance contre le blanc, tandis que les instruments de musique servent de langage codé. On peut ainsi lire, dans Le Royaume de ce monde : « un tambour pouvait signifier dans certains cas beaucoup plus qu’une peau de cabri tendue sur un tronc creux[27] ». Le maître envisage un instant l’existence et la pratique chez les esclaves d’une « religion secrète qui les encourageait, les rendait solidaires dans leurs révoltes [28] », le préjugé l’emportant cependant rapidement : « est-ce qu’une personne cultivée pouvait se préoccuper des croyances sauvages de gens qui adoraient un serpent[29] ? » Le changement de perspective permet ainsi une relecture du passé esclavagiste, qui prend la forme d’une « vision prophétique du passé[30] » selon le terme de Glissant, et se propose de relire l’histoire depuis le point de vue des esclaves.

Renégociations identitaires : vers un transculturalisme caribéen

En proposant un recentrement sur l’archipel caribéen, les écrivains font également émerger la possibilité d’une redéfinition identitaire de cet espace à différents niveaux. Au niveau national le mythe de Mackandal implique d’abord la reconnaissance de l’élément noir dans la constitution de la culture de ces anciennes colonies européennes, où c’est souvent la filiation européenne hispanique qui a le plus souvent été mise en avant par les pouvoirs politiques aux dépens de l’origine africaine, niant ainsi la nature intrinsèquement transculturelle des cultures marquées par l’histoire coloniale soulignée par Jean-Loup Amselle[31]. Ce transculturalisme peut être perçu comme une proposition de redéfinition identitaire, dont Mackandal serait l’allégorie. Cette figure, née de la rencontre entre différentes cultures, prend en effet corps dans une dimension nouvelle, qui dépasse la somme des cultures mises en présence pour constituer un espace autre et singulier qu’il faut définir pour lui même. Le mythe de Mackandal permet ainsi de penser l’identité des différents pays caribéens comme une identité hybride qui, si elle varie d’un pays à l’autre, dépend de problématiques communes. Alejo Carpentier, Manuel Rueda et Édouard Glissant postulent ainsi un rapprochement des territoires et des cultures caribéennes au sein de ce que l’on pourrait appeler avec ce dernier l’« antillanité[32] », selon une vision qui ne serait plus tournée vers l’Afrique ou l’Europe, mais vers l’espace caribéen envisagé comme une unité cohérente et complexe.

Il semble ainsi que l’émergence de la figure de Mackandal dans les littératures de l’espace antillais francophone et hispanophone cristallise le triple projet que se donnent les écrivains caribéens : mettre en avant des figures historiques locales caribéennes ; opérer une relecture critique de l’histoire par un renversement du point de vue qui tente de montrer l’invisible, le caché, l’histoire des vaincus ; penser enfin un nouvel espace qui réunirait les littératures caribéennes par leur nature transculturelle dans la perspective d’une l’émancipation culturelle.