De Gênes à Fukushima : perceptions et gestions du risque

Le mot du directeur[Notice]

  • Benjamin Furst

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  • Benjamin Furst
    Candidat au doctorat, Histoire moderne, Université de Montréal, Université de Haute-Alsace

Le jeu de dés qui figure sur la couverture de ce numéro et l’affiche du 19e colloque de l’Association des étudiants-diplômés du Département d’histoire de l’Université de Montréal (AÉDDHUM), dont il constitue les actes, cristallisent toutes les implications du risque : le hasard et la chance comme origine du résultat et dont les étymologies respectives renvoient d’ailleurs au jeu de dés, la prévision, le calcul de probabilités, l’identification du danger, le choix de prendre le risque ou non, le pari, l’issue incertaine, la catastrophe ou le profit. On pense souvent, en mentionnant le terme de risque, aux risques naturels et technologiques conduisant à des catastrophes humaines et environnementales. Le titre du colloque faisait d’ailleurs explicitement référence à cette représentation en mentionnant la catastrophe de Fukushima, en mars 2011, qui a relancé le débat sur le risque nucléaire. La crainte d’une catastrophe environnementale reste toujours d’actualité, y compris au Québec, comme en témoigne par exemple l’inquiétude au sujet du transport de pétrole lourd issu des sables bitumineux sur le Saint-Laurent. Le colloque entendait toutefois dépasser cette notion très actuelle en rappelant que le terme précède de loin l’ère industrielle et que le concept qu’il recouvre peut être plus ancien encore. Le terme « risque » apparaît au milieu du XIIe siècle dans le vocabulaire maritime méditerranéen. En latin, c’est le resicum, qui devient en italien risico. Quel est l’origine de ce resicum ? Les théories s’opposent. On l’a supposé dérivé du grec rhiza, « racine », ou issu d’une évolution interne au latin, resecare, qui signifie « tailler », « couper », et désignant par extension un récif coupant qui menace les navires et le commerce. Cette dernière hypothèse a des implications intéressantes. Le mot offre une alternative dont l’issue échappe, en partie, aux hommes : un profit si le navire arrive, la ruine s’il heurte le récif. Déjà, il implique un danger identifié et la probabilité d’une issue heureuse. Une autre origine possible du terme « risque » serait un mot arabe sensiblement équivalent à la fortune, la chance. Ce mot serait passé dans les langues européennes via le commerce entre arabes et italiens. À partir de ce milieu du XIIe siècle, le terme commence à se diffuser et se décliner dans toute l’Europe. Il est d’abord cantonné au vocabulaire notarial en lien avec le commerce maritime, où il désigne les responsabilités financières engagées par les différents partis, avant de s’appliquer à des situations plus générales. À l’époque moderne, hasard, danger, péril et risque sont quasi-synonymes, mais le dernier revêt déjà la possibilité d’une issue favorable. Le dictionnaire de Furetière explique ainsi que, « en ce monde, il faut risquer, mettre quelque chose au hasard pour faire fortune ». Le risque bouleverse les cadres de la pensée en offrant un autre discours que celui de la seule Providence. Il invite, pour mieux l’appréhender, au développement de techniques comme le calcul des probabilités. Il prendra l’acception qu’on lui connaît aujourd’hui pendant les Lumières, « en étant associé à un acte volontaire, à une détermination de la volonté face à une situation comprise en termes de prévision, de probabilité, situation qui demeure incertaine mais peut s’avérer positive dans ses résultats ». Il implique une anticipation, l’évaluation d’une situation comprise en termes de danger et de profit potentiel. Il est, à ce titre, affaire de perception. Autour du risque gravitent d’autres notions. Certaines lui sont antérieures, comme le péril et la fortune. Le hasard et la chance, auxquels on peut attribuer l’occurrence d’un évènement, sont contemporains à l’apparition du resicum. L’aléa et le danger, …

Parties annexes