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Ce livre est la publication des actes du colloque éponyme organisé par Étienne Wolff à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense les 6 et 7 octobre 2014. L’objectif est double. D’abord, présenter « un solide bilan des connaissances sur l’Afrique vandale », ce qui est fait à travers des survols historiographiques et synthèses. Ensuite, plusieurs articles proposent de nouvelles interprétations et soulèvent des pistes de recherches à développer. Le sujet, qui est « volontairement bien ciblé » (p. 7) tant géographiquement (Afrique vandale) que chronologiquement (439-533), est divisé en cinq parties.

La première partie présente l’aspect politique. On y aborde d’abord les relations diplomatiques des Vandales avec les royaumes voisins des Goths par Konrad Vössing (p. 11-37). Puis, quelques articles traitent de « la mise en mémoire de cette époque » (p. 39) par les sources écrites : chez les chroniqueurs latins des Ve et VIe siècles par Bertrand Lançon (p. 39-52), chez Corippe par Aurélie Delattre et Vincent Zarini (p. 65-72) et finalement sur le souvenir des Vandales dans la Carthage byzantine par Richard Miles (p. 73-92). Charles Guittard montre dans sa contribution la difficulté d’identifier l’Aurès de Procope, dont la localisation exacte et la représentation chez nos sources sont encore aujourd’hui débattues (p. 53-63). Afin de briser « l’isolement scientifique » (p. 105) dont souffrent encore aujourd’hui les études sur l’Afrique vandale, Anis Mkacher conclut cette section par l’examen des sources et de l’historiographie sur le sujet, détaillant les différentes écoles historiques, soit principalement l’école catholique, l’école germanique et l’école de Vienne (p. 93-106).

La seconde section traite de l’aspect religieux. Bien que celle-ci soit la moins développée, les trois articles qui la composent arrivent à bien cerner la problématique particulièrement importante de l’arianisme des Vandales en relation avec la foi nicéenne locale. Bien que ce soit une situation qu’on retrouve dans plusieurs royaumes de l’Antiquité tardive (ostrogoth et burgonde par exemple), la réalité en Afrique est plus conflictuelle en raison du « prosélytisme religieux des Vandales » (p. 154) face à la foi nicéenne. Cette situation particulière est approfondie par Bruno Pottier (p. 109-125) ainsi que par Sabine Fialon qui se concentre plus précisément sur le cas de la Disputatio Cerealis contra Maximinum (p. 137-155). S’y retrouve également un article d’Hervé Inglebert s’intéressant aux interventions divines à travers les genres historiques et hagiographiques à l’époque vandale (p. 127-136).

Les trois dernières sections portent sur la littérature, avec en premier lieu une présentation sur Martianus Capella par Chiara O. Tommasi (p. 159-178) ainsi que deux autres sur Fulgence le Mythographe, dont il est encore discuté s’il est à distinguer de Fulgence de Ruspe. Le débat tend vers la distinction des deux personnages, ce qui est aussi la position défendue par les auteurs de ces deux contributions. La première, de Martina Venuti, se concentre sur les éléments historiques de son prologue (p. 179-195) alors que la seconde par Massimo Manca traite des aspects vandales présents dans son oeuvre (p. 197-210).

Les quatrième et cinquième sections portent sur Dracontius. L’édition complète de ses oeuvres avec traduction parue aux Belles Lettres entre 1985 et 1996 a grandement « favorisé l’éclosion d’études critiques » (p. 211). Le grand nombre d’articles est représentatif de l’importance de cette source pour notre connaissance de l’Afrique vandale. En effet, « il existe peu d’oeuvres de cette période » (p. 215), la majorité de celles que nous possédons étant postérieures à l’occupation par les Vandales. L’organisateur du colloque introduit donc cette section en résumant l’état de la recherche sur Dracontius, soulignant les publications récentes ainsi que l’évolution du débat (p. 211-225).

La division de ces deux dernières sections du recueil s’articule entre les articles concernant les carmina christiana et ceux sur les profana. Dans la première catégorie, Sylvie Labarre nous offre un article sur « les crimes des héros païens » (p. 229-242) suivie par Benjamin Goldlust sur la posture discursive de l’auteur dans la Satisfactio (p. 243-256). La première contribution de la seconde catégorie est celle d’Annick Stoehr-Monjou qui relève, à partir du contraste entre deux épithalames (Romulea 7-6), la vision que se fait Dracontius du rôle social du poète à Carthage lors de son séjour en prison (p. 259-274). Angelo Luceri s’intéresse aussi à cet épisode en prison, en analysant les liens d’amitié, de parenté et de clientélisme mentionnés par l’auteur ainsi que la place des conventions rhétoriques et littéraires dans ces éléments autobiographiques (p. 275-286).

Trois auteurs traitent des courtes épopées profanes de Dracontius. Bruno Bureau examine l’aspect épique de leurs propositiones, ce qui permet une analyse très intéressante de l’évolution et l’utilisation du mythe classique (p. 287-302). Laurence Gosserez et Lavinia Galli Milic se concentrent quant à eux sur la Médée. La première traite de la signification littéraire, morale et religieuse de l’ajout non conventionnel de la figure de Cupidon (p. 303-322). La seconde propose une analyse intertextuelle de l’oeuvre afin d’explorer comment Dracontius cherchait à se positionner dans la longue tradition culturelle de ce mythe (p. 323-340). Finalement, Amedeo A. Raschieri propose une introduction au logiciel Pede certo. Metrica latina digitale qui permet l’analyse métrique des vers latins. Après une description claire et concise des possibilités et limites du logiciel, l’auteur nous en fait une démonstration bien convaincante en validant certaines hypothèses avancées sur la métrique de Dracontius (p. 341-354).

Bien qu’il n’y ait pas de conclusion au recueil, Étienne Wolff termine par un dernier article (p. 355-376) faisant un retour sur son édition des profana de 1996 en considérant les critiques et autres éditions des vingt dernières années, ce qui illustre bien l’objectif de ce livre, clairement accompli, d’offrir une synthèse de nos connaissances sur le sujet. On ne peut qu’espérer qu’il inspirera effectivement de plus amples travaux et recherches sur le royaume vandale.