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Dans cet ouvrage récent, issu d’une thèse soutenue en 2009 à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, F. Madeline propose une nouvelle perspective sur l’empire des Plantagenêts, sujet qui a fait l’objet de plusieurs publications dans les dernières années. Plus précisément, l’auteure propose d’étudier la problématique du «renforcement du pouvoir territorial et de la formation d’un territoire politique» [1] à travers la politique de construction monumentale des premiers Plantagenêts. Pour reprendre les mots de l’auteure, l’affirmation du contrôle de l’espace impérial s’est orientée autour de quatre actions : « construire, saisir, délimiter et habiter » [2], pour reprendre les mots de l’auteure. S’inscrivant en filiation directe avec les recherches sur la genèse médiévale des États modernes, dont J.-P. Genet, son directeur de thèse, fut l’un des principaux instigateurs, F. Madeline envisage le passage du pouvoir féodal au pouvoir monarchique à travers les trois processus que sont la politisation, la territorialisation et l’impérialisation.
Pour ce faire, elle a divisé son étude en quatre parties renvoyant à sa thèse. La première partie porte sur l’administration royale des chantiers et se divise en trois chapitres, soit un premier dressant un état de la documentation et deux autres sur les chantiers royaux. F. Madeline y démontre que les chantiers royaux, surtout ceux des châteaux, constituent un mode de contrôle du territoire s’insérant dans la logique d’une politique de domination de l’espace et d’affirmation du pouvoir dans l’empire Plantagenêt. Cette administration de chantiers royaux, à travers la mobilisation des ressources du territoire, met ainsi en exergue l’efficacité de l’administration anglo-normande.
La seconde partie porte sur le contrôle de l’espace et l’affirmation de la puissance de l’État. Elle traite, à travers quatre chapitres, de la relation du pouvoir avec l’aristocratie, l’Église et les villes ainsi que du contrôle grandissant des travaux publics par le gouvernement royal. F. Madeline y explique que les premiers Plantagenêts, et plus particulièrement Henri II, ont renforcé leur pouvoir monarchique au moyen d’un contrôle de l’espace qui s’est exprimé par l’appropriation des châteaux, des monastères et des villes. Ceci illustre le processus de renforcement et d’affirmation du pouvoir monarchique au détriment des élites seigneuriales et ecclésiastiques et au bénéfice des élites urbaines. En fortifiant les villes, non plus vues comme alliées mais comme véritables auxiliaires du pouvoir royal, les Plantagenêts contribuèrent à assoir leur pouvoir face à celui de la noblesse et de l’Église. Le droit romain est aussi central dans cette partie, comme le montre la façon dont les Plantagenêts s’en sont servis pour justifier leur rôle de gardiens de la res publica et, donc, renforcer leur contrôle sur les constructions et les ouvrages publics qui étaient alors la prérogative des seigneurs.
La troisième partie, pour sa part, traite des frontières de l’empire. L’auteure y illustre la nature hétérogène du contrôle des Plantagenêts sur ces territoires. Si les frontières normandes et anglaises étaient fortement militarisées, les zones méridionales l’étaient par exemple beaucoup moins, et ce selon la nature de la relation qu’ils entretenaient avec leurs voisins. Le contrôle des territoires limitrophes de l’empire s’est effectué à travers les processus précédemment décrits, et plus notamment avec les conflits, considérés comme modes de territorialisation et d’affirmation du pouvoir royal.
Enfin, la dernière partie porte sur les résidences et les itinéraires royaux. Pour F. Madeline, les résidences royales servent à symboliser la puissance du souverain et permettent d’exercer son contrôle territorial. Celles-ci s’inscrivent dans un contexte de cour itinérante contribuant à la visibilité du pouvoir royal mais représentent aussi, à travers leurs fonctions militaires et symboliques, le pouvoir du roi.
F. Madeline réussit à offrir un ouvrage clair, concis et très bien construit témoignant d’une grande maîtrise du sujet étudié. Sa démonstration des mécanismes de contrôle territorial et de renforcement du pouvoir de l’État Plantagenêt déployés par Henri II et ses fils est tout à fait convaincante, même si on dénote une parfois certaine tendance à l’exceptionnalisme des premiers souverains de cette dynastie. En effet, des études antérieures, comme celle de J. Green sur le règne d’Henri Ier [3], sous-tendent les origines plus anciennes de ces processus. L’étude aussi s’avère parfois plutôt synthétique, comme c’est le cas par exemple du chapitre 9 dans lequel l’auteure reprend généralement les propos d’autres historiens. F. Madeline propose toutefois une excellente analyse des enjeux et des modes de maîtrise du territoire dans l’espace angevin au XIIe siècle. Son travail témoigne d’une grande connaissance des sources médiévales et constituera sans doute une belle addition à la bibliothèque des érudits intéressés par la question de la consolidation des états médiévaux.