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Pour qui décide d’habiter le quartier Arnaud-Bernard de Toulouse aujourd’hui, il sera certainement sollicité à venir partager, le premier vendredi de juin, un moment convivial et populaire. Au repas-de-quartier, il ne suffira pas d’apporter ledit repas, il faudra aussi dresser la table, jouer de la musique et surtout rencontrer et discuter avec son voisin et les gens de passage. L’ambiance sonore est vouée à l’improvisation et aux échanges de compositions personnelles alors que sur la table sont servis des plats de chez-soi et dont on est le spécialiste. Dans la rue, le soir venu, c’est tout le quartier qui est invité à rejoindre cet évènement éphémère où la nourriture et la musique ne sont qu’un prétexte à venir débattre et échanger, car l’objectif est civique. Pour les initiateurs du repas, il doit être le lieu de la parole et de la cohabitation entre différentes origines, générations et classes sociales, autrement dit il serait, peut-être, le lieu du vivre ensemble.

La réflexion sur la notion du vivre ensemble n’est pas nouvelle mais s’ajoute, au contraire, aux nombreuses recherches en sciences sociales et politiques qui ont centré leur analyse dans la compréhension de la crise du système d’intégration républicain. La première phrase de l’introduction de l’ouvrage Une société fragmentée ? publié en 1997 montre que Michel Wierviorka se demande déjà « Que peut signifier le projet de vivre ensemble avec nos différences ? »[1]. Cette question retentit encore aujourd’hui et notamment depuis 2005, lorsqu’éclate la crise des banlieues en France. Le vivre ensemble, difficile à définir, est une notion sur laquelle s’appuient les hommes politiques français pour réunir le plus grand nombre de sympathisants au nom de la République. Dans le discours, elle semble promouvoir l’idéal d’une société harmonieuse, du bien-vivre et du vivre citoyen. En pratique, elle est en crise au sein de l’hexagone et le résultat des récentes élections présidentielles l’a encore montré.

Au coeur du vivre ensemble siège le lien social : le Comité de quartier, initiateur du repas-de-quartier, l’a bien compris et a créé consciemment cet évènement comme étant à la fois une expérience individuelle de l’Autre et une pratique visant à « faire territoire » et « faire société » à l’échelle locale. Dans son roman Chronique dels Happy jours in Toulouso, Francia paru en 1988, Claude Sicre, musicien et romancier toulousain porté par l’occitanisme, fait naître le repas-de-quartier de son imagination lorsqu’il déclare : « un jour tous les quartiers du monde mangeront tous ensemble dans la rue et c’en sera fini de tous les intermédiaires qui gênent la marche de la démocratie ». De la théorie vient la pratique lorsqu’en 1991, grâce à la coopération du Comité de quartier et de l’association du Carrefour Culturel Arnaud-Bernard (CCAB), le repas séduit le quartier, Toulouse l’année suivante et conquiert certains quartiers de France dès 1994. Suscitant moins d’enthousiasme aujourd’hui, il est toujours actif, connu aussi sous des dérivés tels que le repas-de-rue ou immeuble-en-fêtes.

Or, après une baisse d’engouement pour le repas-de-quartier en 2001, en raison de mauvaise fréquentation, l’émergence d’une polémique au niveau du quartier Arnaud-Bernard en 2009 entre en contradiction avec l’objectif citoyen du repas-de-quartier[2]. En septembre 2009, la municipalité de Toulouse retire les bancs de la place centrale du quartier afin de réduire les trafics en tout genre. Ce problème d’insécurité s’explique par l’histoire sociale et économique structurelle du lieu : situé dans le centre-ville de Toulouse, Arnaud-Bernard est soumis à la dynamique des vieux quartiers populaires insalubres et délabrés avec des formes d’habitats précaires[3] où le processus de régénération balbutie, marqués par la présence importante de population immigrée. La réponse menée par la mairie fait suite à une opération sécuritaire durant l’année 2009 dont le CCAB dénonce un contrôle de l’espace public considéré comme espace de partage et créateur de lien social propice au vivre ensemble.

Pierre Bouvier, anthropologue français, analyse ce que peut le repas-de-quartier dans la création du lien social grâce à une perspective socio-anthropologique publié en 2005 dans Lien social. Avec cet évènement « on est en présence d’interconnaissances ponctuelles, d’un construit : un lieu, une date, une initiative et éventuellement une durabilité d’ensemble populationnel à plus longue portée »[4]. Le temps éphémère du repas-de-quartier pose la question du développement du vivre ensemble dans le temps long. Qu’en est-il du lien social lorsque les tables sont rangées et la musique éteinte ? Selon lui, tout est à reconstruire : « le lien est à fabriquer de façon quasi ex nihilo si ce n’est un ancrage à l’environnement urbain de proximité »[5]. La perspective historique dans l’analyse du repas décloisonne l’évènement de lui-même afin d’inscrire son histoire dans une réalité globale structurelle. La mise en contexte spatiale et temporelle du repas-de-quartier témoigne alors de rapport de forces dans la vie sociale du quartier et met en avant différents acteurs : les habitants et usagers, le Comité de quartier, et la mairie.

On se demandera alors à quelles échelles de temps et d’espace le repas-de-quartier peut être une manifestation de la démocratie directe révélatrice de la création conjointe de liens et de production territoriale. D’autant plus que si cette initiative est une manifestation de la démocratie directe éphémère à l’échelle du quartier, il semble pourtant ne pas avoir d’effets dans le temps long à l’échelle de la ville. Le lien social est au centre de la tension entre inclusion/exclusion sociale où réside la difficulté de vivre ensemble et où la spatialité du repas à l’échelle de l’individu, de la rue, du quartier et de la ville rend d’autant plus visibles les tensions qui peuvent exister à vivre ensemble dans le temps long.

L’analyse de documents issus du journal quotidien régional La Dépêche du Midi de 1991 à 2009, des archives municipales de la ville de Toulouse et des archives du CCAB et du Comité de quartier (Bulletins, tracts, photos, comptes rendus de réunion, et l’ouvrage du CCAB publié en 2001 qui contient un entretien de Claude Sicre) donnent une vue d’ensemble du repas-de-quartier à différentes échelles. À ces archives a été associé un travail de collecte d’entretiens semi-directifs. Les interrogés ont tous un profil différent, mais ont la particularité de vivre, d’avoir vécu ou de travailler dans le quartier et représentent alors un biais utile à notre analyse à l’échelle individuelle. Leur vision du repas est aussi conditionnée par leur relation à l’événement et au quartier aujourd’hui et engage une perspective intéressante sur la résistance des liens sociaux dans le temps, mais également de la perception de l’Autre, premier pas dans la création du lien social[6]. La prise de contact avec l’association a démontré par la suite un réseau local, révélateur de lien social réel où chaque personne renvoie à une autre. Cependant le nombre d’entretiens n’est pas suffisant et constitue déjà une limite à ce travail, bien qu’ils donnent les tendances générales et ouvrent des possibilités pour un travail futur. Enfin, cette contribution s’inscrit dans le cadre d’un mémoire de maîtrise consacré au concept de mixité sociale à l’échelle du quartier à Toulouse.

Dans cette étude, je rappellerai le contexte toulousain de création du repas à l’échelle du quartier et dans le coeur de la pensée du Comité. Puis je me concentrerai sur le repas à l’échelle de la ville révélant que la confrontation entre la municipalité et le CCAB limite les effets du repas autant qu’elle contribue à renforcer sa pertinence idéologique. Enfin j’interrogerai le repas citoyen comme manifestation de la démocratie directe ayant un impact éphémère ou durable au niveau de la rue et du quartier ainsi qu’à l’échelle individuelle.

Le repas-de-quartier : histoire et ancrage d’une manifestation populaire

Le repas-de-quartier : évènement au service d’une idéologie

Le Comité de quartier est né à Arnaud-Bernard en 1976 dans une période d’ébullition socio-cultuelle de l’après mai 1968. Le Comité et le CCAB sont à différencier sur la forme, mais il s’agit du même groupe d’individus, s’octroyant un certain monopole dans la vie du quartier. Le CCAB est la branche culturelle du Comité née pour faire la jonction avec la décentralisation de la culture entre la ville, la région et la nation où les membres sont profondément marqués par l’occitanisme. Dès 1991, le Carrefour Culturel et le Comité sont portés par deux figures emblématiques : Claude Sicre et Francis Blot, président du Comité de 1989 à 1996. Ils sont une élite intellectuelle et politisée nourrie par la volonté de décentraliser la culture, accaparée par la capitale, et par le désir de redonner à chaque minorité et région (ici l’Occitanie[7]) le pouvoir de la langue. Voyageurs, l’un porté par les sciences humaines, l’autre ingénieur en aéronautique, Claude Sicre est venu habiter le quartier alors que Francis Blot en est natif : l’amour des langues et le refus du provincialisme ont alors uni ces deux hommes[8]. Ils contribuent à alimenter le collectif associatif et militant la Linha Imaginot établi en réseau et institutionnalisé par une revue du même nom. Selon Christophe Traïni, sociologue politique français, la Linha Imaginot est :

née pour faire la jonction entre plusieurs villes françaises en situation multiséculaire de provincialisation, par laquelle leurs habitants se retrouvaient culturellement citoyens de seconde zone, la Linha Imaginòt s’est progressivement étendue, grâce au contenu universalisable de sa stratégie anti-unitariste, tirée de sa stratégie anti-centraliste de départ, à d’autres villes, à d’autres pays, à d’autres pans du monde[9].

À ce réseau idéologique s’agrègent toutes les revendications du CCAB porteur de l’idéologie théorisée par des essayistes et linguistes tels que Felix Castan[10], Henri Meschonic[11], ou Claude Sicre[12]. L’idée principale tourne autour de la « décentralisation culturelle » grâce notamment à la reconnaissance de la langue-culture[13] et dénonce le processus universaliste et unitariste propre à la République française[14]. Cependant, le régionalisme n’est pas la solution à leurs revendications, car il répond à la centralisation. Le régionalisme a un territoire politico-administratif que la Lihna Imaginot nie : ils parlent de culture et non de territoire, de facteurs socioéconomiques ou de revendications politiques. Finalement, comme l’explique Claude Sicre lui-même dans un tract en 2000, l’objectif de la Linha Imaginot est de « construire une pluralité [culturelle] interne (là où on peut tout de suite, chez soi) qui seule peut inventer, sur place, de nouvelles valeurs, et contribuer à inventer un nouveau modèle de confrontation intellectuelle et de vivre ensemble »[15]. À travers le CCAB les militants de Linha Imaginot mettent au centre de leur revendication la langue et la parole comme éléments essentiels à la création du lien social et du vivre ensemble notamment avec le repas-de-quartier, mais aussi avec le Forum des langues ou lesdites Conversations Socratiques. Ces événements sont créés pour débattre et mettre en pratique une forme de démocratie directe. Pour cela, ils s’appuient sur le quartier Arnaud-Bernard dont l’histoire favorise l’émergence de nouvelles alternatives et dont l’échelle autorise la proximité, mais aussi l’ouverture aux autres comme le résume le slogan du CCAB : « Arnaud-Bernard écoute le monde et Arnaud-Bernard parle au monde »[16].

Le quartier du repas : entre centralité et marginalité

Le nouvel habitant d’Arnaud-Bernard aura le plaisir de découvrir un quartier populaire à quinze minutes à pied au sud de la place du Capitole, coeur névralgique de la ville. De cette centralité, le quartier n’en demeure pas marginal puisque les murs d’enceinte de la vieille ville ont laissé place à une grande artère composée des boulevards Lascrosse, d’Arcole et de Strasbourg du nord-ouest jusqu’à l’est du quartier. Cet axe routier très fréquenté fait en effet office de frontière avec la partie nord du quartier. À l’Ouest, l’Université de Droit et la Cité Administrative forment deux « espaces-tampons »[17] et gênent l’accès aux autres quartiers vivants de la ville. À l’Est les maisons bourgeoises le long de la rue Saint-Bernard ajoutent une délimitation plus sociale que structurelle[18]. En effet, les habitations précaires du quartier Arnaud-Bernard abritent des étudiants largement représentés[19]. Au Sud, la Basilique Saint-Sernin constitue un « espace-tampon » structurel supplémentaire aux frontières du quartier. Cependant, la Basilique est aujourd’hui un des landmark attractif de Toulouse et ouvre alors le quartier vers le sud de la ville. Arnaud-Bernard est entouré de frontières, edges selon Kevin Lynch[20], qui font du lieu une enclave à la fois centrale et marginale dans le reste de la ville. Dans ces conditions, le développement d’un sentiment d’attachement au quartier avec une identité propre est envisageable[21]. La situation ambigüe du quartier au sein de la ville explique en partie l’engouement du Comité et des usagers pour la réalisation d’une communauté urbaine entre le repli sur soi et l’ouverture à l’Autre.

Par ailleurs, la marginalité du quartier l’installe très tôt dans une position de carrefour entre l’urbain et le rural. Jusqu’au début des années 1960, le quartier vit du commerce de gros sur la place centrale et de l’artisanat. La délocalisation de la Halle du marché en 1964 annonce le déclin économique et matériel du quartier. Pourtant l’activité commerciale persiste grâce à l’arrivée des immigrés harkis et réfugiés de la période de décolonisation du Maghreb qui succèdent aux Italiens et aux Espagnols. Ils instaurent des bazars et commerces (le premier magasin juif maghrébin s’ouvre en 1979[22]) et dominent le paysage urbain du quartier. Le monopole économique de l’ethnic business maghébin[23] en fait la référence incontournable de Toulouse jusqu’à aujourd’hui. Les activités artisanales et commerciales ainsi que la forte présence de population immigrée contribuent à façonner le caractère populaire du quartier. Les réfugiés républicains espagnols font de Toulouse en général et du quartier Arnaud-Bernard en particulier un lieu privilégié de l’opposition à la dictature franquiste. Ils y ont installé leurs locaux à la Bourse du Travail situé dans le quartier. Ils font du lieu un centre de convergence pour les mouvements sociaux et syndicaux. Mêlant idéologie libertaire espagnole et communisme français, ils façonnent l’image politique du quartier. La culture des squats politiques et artistiques ainsi que l’active vie nocturne attirent de nombreux étudiants et artistes dans le quartier dès la fin des années 1960[24].

Immigrés, artistes et étudiants s’implantent dans le quartier pour des raisons matérielles : le prix de l’immobilier est peu élevé[25] et la mise en place d’habitat T1 ou T2 ne permet pas l’installation de familles pour une plus longue durée[26]. Par ailleurs, la fréquentation importante du quartier qui attire au-delà de ses frontières les citoyens maghrébins venus le week-end dans une logique commerciale rend difficile la création d’un lien plus intime autour de la convivialité entre habitants et usagers[27]. Aussi, selon Slimane Touhami de nombreux jeunes précaires venus de l’Ouest algérien à partir des années 1990 s’installent provisoirement dans le quartier en attendant de se rendre à Paris, en Allemagne ou en Belgique[28]. Ces personnes ne parlent pas français et ne souhaitent pas s’ancrer dans le territoire. Cependant, elles survivent un temps grâce à la vente hasardeuse de cigarettes venues d’Andorre à laquelle se greffent d’autres substances illicites contribuant à noircir la convivialité du quartier[29]. Ces pratiques illégales utilisées par de jeunes précaires renforcent le sentiment d’insécurité et contribuent à dégrader durablement le quartier Arnaud-Bernard jusqu’à ce qu’il soit qualifié par un commerçant de « zone de non-droits » et de « ghetto », comme le rapporte un article de la Dépêche du Midi de 2009[30]. En 2009, sur 122 articles de ce journal régional comportant le mot « arnaud-bernard », 32 parlent des problèmes sécuritaires (trafics, incendies) ainsi que des réponses apportées (déploiement de forces de l’ordre, retrait du marché aux puces), soit un peu plus du double qu’en 2004 où l’on compte 11 articles abordant ces questions sur 98 traitant du quartier. Selon une enquête réalisée par la mairie de Toulouse parue dans la Dépêche du Midi le 16 juillet 2009, Arnaud-Bernard fait partie de l’un des quartiers les plus sales de Toulouse. C’est dans ce contexte que la municipalité décide en octobre 2009 de retirer les bancs publics pour lutter contre les trafics de drogues. Cette réponse sécuritaire et radicale fait écho à la volonté de créer une image positive du centre-ville de Toulouse. Cependant la dégradation progressive du quartier populaire en quartier pauvre et peu sécurisé véhiculée par la presse est aussi la conséquence de plusieurs initiatives de la mairie n’ayant eu aucun réel impact sur le territoire.

En effet, les initiatives de la mairie qui, à plusieurs reprises, oscillent entre processus de gentrification et maladresses dans la rénovation, légitiment en partie les revendications citoyennes à l’échelle du quartier comme le repas-de-quartier. Jugées en décalage avec les nécessités des habitants (l’OPAH de 1982[31], le Programme de Référence en 1993[32] et le réaménagement de la place centrale en 1988 et en 1991, voire même celle de 2004[33]), la revitalisation du quartier se poursuit jusqu’à aujourd’hui sans la concertation des usagers[34]. De même, la nomination de la Basilique Saint-Sernin au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1998 participe à la valorisation globale du vieux centre-ville. Alors que la politique urbaine de piétonisation à l’échelle de la ville de 1991 réduit le trafic routier et rend possible la réappropriation de la rue, les comptes rendus de réunions des années 1991 et 1992[35] mettent en avant la menace que représente, selon le Comité de quartier, le projet Compans Caffarelli, visant à redynamiser le Nord du quartier. Même si le complexe Compans Caffarelli ne sera pas finalisé pour raison financière[36] et semble être un échec de la politique municipale, il engage malgré tout une crise démocratique dans la gestion du territoire au niveau du quartier, éclatant entre les habitants soutenus par le Comité et la municipalité dont les membres se battent pour préserver l’identité matérielle et communautaire de leur lieu de vie.

Les actions du CCAB, dont l’appropriation du territoire par les repas-de-quartier, ont contribué en partie à freiner l’embourgeoisement du secteur, comme l’explique Anne Clerval dans le cas de l’appropriation quotidienne de la rue pour les quartiers de Château-Rouge ou du Bas-Belleville de Paris[37]. Cependant, cette action collective de réappropriation de la rue et du quartier a la particularité d’être organisée par les habitants afin de restreindre les effets jugés dévastateurs des débuts d’une gentrification et d’une valorisation du territoire pensée par la municipalité. Paradoxalement, cette résistance n’a pas non plus contribué à préserver un lieu convivial propice au vivre citoyen comme l’explique Francis Blot en 2015, président du Comité de quartier de 1989 à 1996 : « on s’est battu contre la gentrification et en fait, on a eu la paupérisation d’Arnaud-Bernard. Parce que notre but c’était de garder une mixité. En tout cas c’est un constat »[38]. Son analyse relate les actions du CCAB tout en observant l’actualité du quartier : garder le caractère populaire du quartier en luttant contre l’embourgeoisement progressif, symbole d’une menace au vivre ensemble, mais obtenir l’appauvrissement du lieu, dont les problèmes de trafics, la présence de population précaire, et la politique de la mairie envers le quartier sont les symptômes. À l’échelle de la ville, le repas-de-quartier s’installe dans un contexte tendu entre la municipalité et le quartier, bête noir du centre-ville. La différence de temporalité entre l’action municipale et celle de l’association dessine un rapport de forces dans la gestion territoriale et citoyenne du quartier où siège le repas-de-quartier.

Le repas dans la ville : la ville avec ou contre le repas ?

Dès sa création en 1976, le Comité de quartier se positionne en contre-pouvoir civique et culturel face à la municipalité, engagé dans la continuité de l’idéologie de mai 1968. Les efforts perpétrés par ses membres afin de réunir les citoyens au nom du vivre ensemble tiennent essentiellement dans leur volonté de créer un événement par la base et pour la base[39]. Le discours planifié du vivre ensemble durable par le Comité de quartier prend racine dans l’idéologie occitanniste, mais surtout dans un rapport de confrontations hiérarchiques entre la base et les décideurs. Selon eux, il faut « définir des règles de fonctionnement entre pouvoir et contre-pouvoir civique, militant, pour faire remonter les débats de la base au conseil municipal »[40]. Les militants du CCAB se définissent donc eux-mêmes comme médiateurs des rapports de forces en place, mais également porteurs d’un contre-pouvoir.

En effet, la municipalité met longtemps à soutenir matériellement les projets culturels proposés par le CCAB, y voyant une confrontation dans la gestion du territoire malgré l’encouragement des initiatives[41]. Différentes institutions ne participent pas à l’initiative des repas lancée dans tout Toulouse en 1992 ou à l’échelle nationale en 1994 et accentuent ainsi le clivage entre le Comité de quartier et les décideurs administratifs. Cela tient aussi à la volonté affirmée du Comité d’être indépendant et de ne pas être affilié à un parti politique. Il a donc toujours refusé toute subvention par principe[42]. Ce n’est que six ans après la création des repas de quartier, en juin 1997, que la mairie autorise le prêt de chaises, tables et tréteaux ainsi que la suspension de la circulation afin d’autoriser la réalisation de l’événement. Cette année-là, plus de 300 convives étaient dans la rue Saint-Charles et ses abords, au coeur du quartier Arnaud-Bernard. Avant juin 1997, le repas de quartier s’organise de façon spontanée, sans concertation préalable avec la mairie, dans une initiative populaire et solidaire de débrouille, orchestrée par le Comité, mais vécue et réalisée par les usagers. En 2001, Claude Sicre parle de cette période comme étant celle du « bricolage convivial »[43] où les individus, acteurs de la production locale du territoire et de ses pratiques, « inventent leur quotidien », comme dirait Michel de Certeau[44]. Le manque d’implication et d’intérêts de la municipalité pour le repas-de-quartier à l’échelle du quartier ou pour les projets culturels de façon générale est encore une fois mis en avant par le Comité en janvier 2008. Il expose une liste de propositions non seulement à destination de la Mairie de Toulouse, mais également à destination des autres associations du quartier afin de créer du lien par la culture (repas-de-quartier, festivals) essentiellement sur le territoire d’Arnaud-Bernard[45]. Ici, la démocratie directe engagée par le repas-de-quartier reste planifiée par le Comité et vécue par les habitants qui y participent. Au niveau de la ville, l’événement n’est pas envisagé de façon coopérative dans la gestion du secteur malgré une aide relative. Paradoxalement l’évènement contribue à alimenter la visibilité culturelle de la ville et l’image du vivre ensemble citoyen à l’échelle de Toulouse, comme le montre la double page consacrée à Toulouse dans le journal L’express de 1999[46]. Aussi la municipalité s’accapare-t-elle l’événement pour promouvoir une image positive du centre-ville de Toulouse et effacer l’autre réalité, celle des trafics[47]. Parallèlement, le traitement des personnes précaires dans l’espace public en 2009 par la mairie renvoie au fait que l’administration municipale encadre les « bons » ou « mauvais » usagers de l’espace public et réitère la difficulté à vivre ensemble ainsi que le poids de la base dans l’occupation et la production du territoire[48].

Le repas-de-quartier est entièrement conçu et pensé par l’association du CCAB et s’ancre dans une stratégie globale de mise en place du vivre ensemble de longue durée favorisée par le contexte historique et spatial du quartier Arnaud-Bernard. La stratégie de l’association vise à agir à l’échelle locale et s’érige contre la municipalité. Cependant, les rapports de forces entre la municipalité et le CCAB témoignent de la difficulté d’établir un vivre ensemble serein au niveau local notamment par la mise en pratique d’une démocratie directe de participation et de réalisation pour la communauté urbaine.

Le repas citoyen : manifestation de la démocratie directe ?

Temps et espace localisés du vivre ensemble : intégration dans la polis ?

En 2001, le Carrefour Culturel publie le livre Repas-de-quartier pour faire le bilan des dix années de l’évènement à la suite du constat d’une baisse de fréquentation. Destiné aux quartiers intéressés par la pratique, il vise à donner un deuxième élan au repas-de-quartier. Claude Sicre y explique que :

le repas-de-quartier est fait pour créer une communauté forcément éphémère, le temps du repas et de ses retombées, communauté qui ne préexiste pas, à cause de l’anonymat, et qui ne durera pas, parce qu’il y a beaucoup de passage. […] ce que l’on veut, c’est créer un contre-pouvoir à cet anonymat, une force qui le relativise[49].

Cette déclaration témoigne de la volonté consciente et réfléchie par les membres du CCAB de suspendre le temps quotidien et profane de la ville propice à l’isolement et à l’anonymat dans le but de créer un temps sacré, celui de la fête.[50] Pour Claude Sicre, la création du lien social se fait dans l’éphémère et le discontinue où le lien se crée grâce au poids de la proximité territoriale renforcée par le temps court de l’événement. Autrement dit, il s’agit d’une cohabitation affirmée et créatrice de liens dans un espace-temps déjà envisagé à court terme.

Ainsi, le repas-de-quartier est un facteur d’inclusion sociale grâce à un temps et un espace spécifique entre l’espace privé et l’espace public qui entrent en dialogue à l’échelle de la rue lorsque les citoyens y sortent pour s’y rencontrer, comme le montre le témoignage d’une retraitée habitante du quartier : « Quand on a fait le repas-de-quartier dans ma rue, j’ai laissé la cuisine ouverte. Et Claude Sicre faisait réchauffer sa pizza »[51]. Cette tension entre l’espace privé et l’espace public montre une proximité réelle entre les individus participant au repas et contribue à créer un réseau de solidarité à l’échelle du quartier : Claude Sicre et cette habitante se connaissent intimement aujourd’hui.

Outre une inclusion sociale à l’échelle individuelle, les membres du Comité revendiquent avoir « beaucoup réfléchi sur la démocratie, le civique, le politique, leurs rapports dans la pratique… [ils se sentent] vraiment des pionniers, [ils ont] théorisé et mis en pratique la distinction entre civique, culture et social »[52] qui fait que leur intention n’était pas uniquement de créer une communauté éphémère, mais bien de marquer les individus par une réflexion plus profonde d’analyse de la société, et de faire en sorte que tous discutent et participent à la vie du quartier. Si la communauté est éphémère comme le présente Claude Sicre, ce n’est pas le cas de la mise en pratique citoyenne à l’échelle du quartier. Les retombées civiques émises par l’événement sont plus longues et plus vastes que l’espace-temps du repas-de-quartier participant au vivre ensemble, certes dans la création du lien social, mais surtout dans son acception de la pratique de la citoyenneté.

Dans la théorie de Jürgen Habermas, l’espace public est « conçu comme un espace s’ouvrant entre l’État et la société civile, où les citoyens se rencontrent afin de débattre librement des questions d’intérêt général, assumant ainsi la fonction politique »[53]. En occupant l’espace public, le repas-de-quartier a cette vocation particulière de créer une forme de vivre ensemble. L’espace public du repas est propice à la parole, à la rencontre et à la participation. De façon générale, la discussion est bien au centre de la démocratie comme l’entend J. Habermas[54]. On peut discuter différentes formes de participation à la vie démocratique par l’intermédiaire du repas-de-quartier. Les différents comptes rendus de réunion du Comité des années 1991, 1993, 1996 et 1998[55] témoignent ainsi de l’importance du bon déroulement du repas : une participation citoyenne propre à l’événement (amener les tables et les chaises, nettoyer avant de partir, amener le repas), la gestion de la fête à l’échelle du quartier (plaintes dans la gestion du bruit et la question de la propreté des lieux où les riverains ne participant pas au repas se plaignent d’une mauvaise gestion), les débats concernant l’aménagement de la place Arnaud-Bernard (le projet « Imaginer la place autrement » en 1997), ou la mise en place d’espaces verts (le jardin d’Embarthe en 1993), la vie associative, les questions liées au trafic ou à la propreté des lieux (les jours de marché par exemple). Ainsi, le repas-de-quartier est une pratique planifiée du vivre ensemble à l’échelle du quartier. Il porte les marques de la démocratie par sa spatialité et sa temporalité qui implique une participation des usagers, mais surtout une organisation citoyenne de plus longue durée ayant un impact local concret sur le territoire et sur la vie en communauté.

L’expérience de l’altérité : marque de l’intégration dans la communauté urbaine ?

Dès 1991, le repas-de-quartier est accueilli par la communauté urbaine d’Arnaud-Bernard. Tracts, bouche-à-oreille, communication lors de festivals dans le quartier (Forum des langues, concerts des Fabulous Troubadours[56]) sont les principaux moyens de publicité pour faire connaître et inciter chacun à venir y participer de façon spontanée. Jusqu’en 2001, le repas prend place de façon régulière, chaque semaine, dans l’enceinte du quartier. Après 2001, il est établi le premier vendredi de juin à Arnaud-Bernard, mais aussi à l’échelle nationale, où les membres du Comité ont voulu créer un jour national des repas-de-quartier afin de « permettre à certains de mieux apprendre à faire pour pouvoir organiser d’autres repas de ce genre tout au long de l’année, quand ils le voudraient »[57].

Néanmoins, de 1991 à 2001, le succès du repas-de-quartier est réel et le profil des convives laisse place à des questionnements. Selon les chiffres de La Dépêche du Midi datant du 16 septembre 1992, la popularité du repas-de-quartier varie entre trois cents et douze convives un an après sa création dans l’enceinte du quartier. Cette tendance se poursuit jusqu’ à la veille des années 2000 selon les comptes rendus de Comité de quartier. Un corpus photographique datant de 1992 et 1999[58] illustre visuellement le repas-de-quartier : un djembé, instrument oriental et africain autour duquel gravitent des jeunes adultes. Ces images prêtent à interprétation : on peut penser à une fête mixte avec la présence de personnes aux origines africaines, arabes, ou méditerranéennes. La présence d’individus aux origines diverses et la forme du repas rendent possible l’expression du vivre ensemble. En effet, il permet la rencontre de l’autre au-delà de la coprésence dans le quartier. Le tract « Méchoui-de-quartier » de mai 1994[59] donne à voir une exportation du repas vers d’autres religions et cultures. Ce jour est celui de l’Aïd el Kébir, fête musulmane marquant la fin de l’hajj, le pèlerinage vers La Mecque. Si la population d’origine maghrébine ne se fédère pas autour du repas, l’action de l’association, pour inclure ces individus, passe par la mise en avant d’une forme alternative du repas. Toutefois cette initiative ne provient pas entièrement des citoyens maghrébins de la place. En ce sens l’évènement est une expression urbaine de l’altérité plus que du vivre ensemble, mais il est un outil permettant la production du quartier comme un lieu de convergence ethnique et culturel. La symbolique de cette forme de banquet est plus importante que son efficacité puisqu’elle contribue à fabriquer l’idée du vivre ensemble dans le quartier. Elle permet aussi une meilleure visibilité à l’extérieur par la publicité du tract qui illustre l’ouverture et l’atmosphère du vivre ensemble d’une coexistence améliorée.

Ainsi, la forme du repas incite les individus à rencontrer l’Autre. Cinq profils différents sont à distinguer à l’échelle du quartier. Les citoyens maghrébins et commerçants (coiffeurs, commerces ethniques, bazars) sont souvent absents aux repas. Ils ne vivent pas à Arnaud-Bernard, mais l’envisagent essentiellement comme un lieu de travail avec des va-et-vient constants entre le quartier et leur lieu d’habitation, extérieurs au quartier[60]. Ensuite, les autres commerçants et restaurateurs ne participent pas de façon permanente au repas. Ils y voient une concurrence et leurs horaires de travail correspondent à ceux de la fête. Les retraités constituent un troisième profil. Le repas-de-quartier est un biais pour réduire l’isolement : la plupart retraités espagnols durant la décennie 1990, ils sont largement contributeurs du succès du repas-de-quartier. À leurs côtés, ce sont les jeunes qui animent l’évènement, où l’ambiance séduit particulièrement les étudiants en recherche de nouvelles opportunités et de nouvelles manières de créer du lien social. Pour finir, les personnes sans-domiciles fixes (SDF) sont aussi attirées par le repas-de-quartier dont la mission se rapproche de celle des « restos du coeur »[61]. Le repas-de-quartier entraîne l’expérience de l’Autre par l’hétérogénéité de la population qui s’y rend. Il est dont intergénérationnel, interculturel, et socio-économiquement divers. Le vécu réel de la démocratie directe par les habitants qui décident de participer de façon spontanée à l’événement les intègre dans la communauté éphémère créée à ce moment donné où le repas et le territoire du quartier sont essentiels au rassemblement. Finalement des groupes d’amis se créent et des solidarités se tissent. Pour la période entre 1991 et 2009, on parle d’entraide dans la recherche d’emploi, de logement des plus précaires contre certains services d’aide aux personnes âgées, d’aide dans l’apprentissage de langues ou encore de la création de groupes de musique[62].

Cependant, le constat de l’absence des citoyens maghrébins remet en question l’intégration réelle de tous à la communauté. Le repas-de-quartier ne fédère pas les différentes populations en raison d’une mise à distance de l’Autre de la part de certains usagers et en raison des différents statuts des individus : étudiants et retraités sont plus enclins à venir aux repas que les commerçants et restaurateurs. Par ailleurs, il faut aussi rappeler le droit à la méfiance et à l’indifférence[63] et ne pas croire naïvement que ce genre d’initiative puisse susciter un engouement pour tous. Voici quelques exemples de réponse à la question posée sur la fréquentation au repas :

Il y avait beaucoup de vieux Espagnols. Mais tout le monde ne venait pas c’est vrai[64].

Ce n’est pas dans leur culture, [les Maghrébins] sont gênés, bloqués, je ne sais pas. Au début ils ne venaient pas non plus, mais il y en avait moins. On faisait [des repas] toutes les semaines. Toujours très peu de Maghrébins, il y en avait très peu qui habitaient là aussi, et si on l’avait fait à midi, ils ne seraient pas venus non plus, parce qu’ils bossent[65].

Oui j’y suis allée. Je n’ai pas trop mangé parce que c’était en même temps que mon travail, mais quand j’ai pu oui. Mais moralement c’est super sympa. Le dernier, j’étais juste passée dire bonjour et après je suis revenue travailler[66].

J’ai participé au repas-de-quartier bien sûr. J’ai même eu la couronne d’honneur parce que je suis la plus ancienne. Autrement c’est plus ce que c’était. J’ai arrêté d’aller au repas-de-quartier… ça doit être pour ça. Ce n’était pas bien fréquenté… pourtant c’est une bonne idée[67].

À travers ces exemples, il ressort clairement une distinction entre les statuts des usagers qui explique un degré d’implication plus ou moins important et d’autre part, l’expression d’une dichotomie entre « eux » et « nous » par les enquêtés perceptible à divers degrés. De fait, il existe une communauté préexistante franco-française face à plusieurs nationalités présentes dans le quartier, mais qui ne le sont pas forcément au repas-de-quartier. S’il est difficile de dater la période abordée, le deuxième témoignage exprime clairement une absence de fréquentation de la part des citoyens maghrébins avant et après 2001 (date où le repas devient un évènement annuel). Par ailleurs, le dernier exemple témoigne d’un changement d’attitude envers le repas et ne semble pas illustrer le vivre ensemble souhaité par le Comité. Au contraire, l’enquêtée fait référence aux jeunes hommes précaires du quartier ou à des populations sans domiciles fixes fréquentant les repas pour obtenir de la nourriture, ce qui fait écho à la situation du quartier entre 2001 et 2009. Ainsi, la lecture de la baisse progressive du succès des repas par une baisse d’implication de la part des habitants est intrinsèquement liée à la fréquentation générale à l’échelle du quartier et ravivée par un sentiment d’insécurité et une stigmatisation des nouveaux immigrés ou d’indésirables.

Bien que l’expérience de l’altérité soit difficile à mesurer, il est certain que le repas-de-quartier permet la rencontre de l’Autre, entraîne des solidarités réelles et durables et laisse entendre une intégration relative des individus à la ville et la communauté urbaine. En effet, il est créateur de lien à l’échelle individuelle, mais ne contribue pas à l’intégration globale de plusieurs communautés qui se côtoient sans nécessairement participer à la vie de quartier proposée dans le cadre de l’événement. Celui-ci est finalement peut-être trop inclusif.

En conclusion, le repas-de-quartier est un exemple de manifestation directe à l’échelle locale révélatrice de la création conjointe de liens et de production territoriale. L’établissement d’un espace-temps localisé et éphémère contribue à suspendre la mobilité urbaine propice à l’isolement et à se réapproprier d’abord la rue dont la proximité spatiale contribue à renforcer la création de lien social. Cette réappropriation de l’espace public appelle une confrontation en ce qui concerne la gestion de plus longue durée de l’espace public entre la municipalité et le Comité, porte-parole des usagers. D’ailleurs, nous avons démontré que l’objectif pensé du Comité et du CCAB s’installe clairement dans une action commune de participation et d’intégration à l’échelle du quartier afin de créer un citoyen, acteur de son milieu de vie indépendamment des décideurs politiques et gestionnaires dont les initiatives ont échouées. Cependant, le temps éphémère du repas accentue le sentiment d’appartenance à une communauté préexistante à l’échelle du quartier portée par le Comité et le CCAB dans le temps sans que l’inclusion de tous les usagers (de différents statuts, âges, classes sociales, ou origines) aille de soi. D’ailleurs, l’absence de travail conjoint entre la mairie, le Comité et peut-être même l’absence de dialogue avec les populations précaires de façon générale, dont l’activité contribue à noircir la convivialité du quartier, explique en partie la solution radicale de la municipalité en 2009 et la stigmatisation du quartier. Cette solution sécuritaire reflète les difficultés qui existent à vivre ensemble à l’échelle de la ville et remet en question l’efficacité du repas-de-quartier comme étant un intégrateur de longue durée et propice à la création de liens.