L’histoire environnementale : études et réflexions

Introduction[Notice]

  • Catherine Paulin et
  • Michèle Dagenais

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  • Catherine Paulin
    Candidate au doctorat en histoire, Université de Montréal, Canada

  • Michèle Dagenais
    Professeure titulaire au département d’histoire, Université de Montréal, Canada

Bien que l’environnement soit un sujet de préoccupation relativement récent en histoire, il n’en est pas moins fondamental : les travaux qui l’abordent cherchent à exhumer les processus par lesquels l’humain en est venu à se dissocier des espaces, des dynamiques et des êtres naturels qui l’entourent. S’engager dans l’étude des relations humaines avec l’environnement, c’est tenter de comprendre ce que c’est qu’être, et de mieux saisir les dynamiques spatio-temporelles qui ont façonné les expériences humaines passées. Étudier l’environnement peut nous aider à comprendre ces expériences en tant qu’espèce, mais également à s’engager à mieux concevoir comment et en quoi ces dynamiques relationnelles nous mènent à un futur rapproché et plus lointain. Examiner l’histoire de l’environnement est aussi susceptible de nous inciter à revoir les récits du passé déjà constitués et à remettre en question les idées préconçues sur lesquelles se fondent notre compréhension du monde. En ce sens, nous estimons que l’histoire environnementale est une histoire engagée, non seulement dans sa démarche envers la reconstitution du passé mais aussi dans les voies qu’elle suggère pour concevoir et entrevoir un futur qui soit partagé entre tous les êtres vivants. En tant qu’historien.ne.s de l’environnement, nous bénéficions des avancées de plusieurs spécialistes de l’histoire de ce champ dont les premiers travaux s’en réclamant datent des années 1960-1970. Si, comme Richard White l’explique dans un article paru en 1985, on peut faire remonter les origines de ce domaine d’étude au mouvement conservationniste du tournant du XIXe au XXe siècle, celui-ci se développe concrètement au moment où l’environnement devient un enjeu politique d’une plus grande envergure avec le mouvement environnementaliste moderne. C’est ce que constatent aussi Valérie Poirier et Stéphane Savard dans un bilan historiographique dressé en 2015 qui cherche à identifier les origines de l’histoire environnementale québécoise. Mais Andrew Isenberg souligne à juste titre que l’histoire environnementale est plus que le résultat du mouvement du même nom : ses fondations sont intellectuelles et elles remontent facilement au travail d’historiens américains tel que Frederick Jackson Turner et d’écrivains tel que George Perkins Marsh, et du côté français à l’École des Annales et à la longue durée de Fernand Braudel. Si la filiation établie avec ces divers travaux et écoles se défend, dès 1985 Richard White enjoint les historien.ne.s à problématiser davantage les objets et approches de ce domaine afin de complexifier les récits et prendre une distance salutaire avec une vision « naturalisante » de l’environnement. Il les exhorte à historiciser la nature, alors perçue de manière universelle et intemporelle, mais aussi les rapports et les préoccupations des populations passées trop souvent confondus avec ceux des historiens qui les examinent. Il suggère de considérer le caractère à la fois physique et culturel de la nature : « (n)ature is at once a physical setting where living beings exist in a complex relationship with each other, and a human invention ». Dans son plaidoyer, White invite l’histoire environnementale à se détacher aussi de l’histoire politique et intellectuelle, puisque que même si ces deux domaines ont permis son émergence, ils sont « unable to nurture [environmental history] » à eux seuls. Il vaut la peine de rappeler cette série de conseils qu’il prodigue dans un souci d’identifier ce qui constitue les spécificités d’une histoire environnementale pleinement assumée : À partir des années 1990, un autre développement important de la discipline, que signalent Poirier et Savard, est l’internationalisation des perspectives en histoire environnementale, qui se détachent de l’influence exercée par les travaux américains « ainsi que son éclatement géographique et thématique ». Au Canada, c’est en 1998 que le terme « environmental history » …

Parties annexes