Recensions

Andrée Rivard, De la naissance et des pères, Montréal, Éditions du remue-ménage, 2016, 189 p.[Notice]

  • Christine Labrie

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  • Christine Labrie
    Candidate au doctorat en études des femmes, Université d’Ottawa, Canada

Deux ans après la publication de son Histoire de l’accouchement dans un Québec moderne, Andrée Rivard nous revient avec un complément portant plus spécifiquement sur la place des pères autour de l’accouchement, De la naissance et des pères. Pour cette étude, Rivard s’appuie principalement sur l’analyse de guides de préparation à la naissance, rédigés par des médecins et des éducatrices prénatales, ainsi que des publications gouvernementales, y compris les cinq éditions de La mère canadienne et son enfant. Elle revisite aussi des sources écrites et orales mises à profit dans son Histoire de l’accouchement, en les interrogeant cette fois sous l’angle de l’expérience de la paternité. Quatre nouveaux récits de vie de pères ont en outre été récoltés spécifiquement dans le cadre de cette recherche. L’ ouvrage est découpé en six chapitres. Le premier, et le plus long, dresse le portrait du modèle paternel idéal qui se dessine au milieu du XXe siècle, et que les diverses éditions de La mère canadienne et son enfant contribuent à diffuser. Le deuxième chapitre rend compte de la manière dont l’accouchement à l’hôpital, qui se généralise beaucoup plus tardivement au Québec qu’ailleurs au Canada, perturbe l’engagement des pères dans la naissance. Rivard montre que les médecins découragent la présence du conjoint auprès de la mère lors de l’accouchement, au point où l’inutilité de la présence du père est intériorisée. Dans le troisième chapitre, Rivard présente les méthodes d’accouchement naturel privilégiées par les couples qui souhaitent permettre au père de jouer un plus grand rôle dans la naissance de leur enfant. Ce chapitre aura des airs de déjà-vu pour qui a déjà lu Histoire de l’accouchement, mais l’auteure aborde cette fois le sujet en intégrant plusieurs extraits de témoignages de pères ayant opté pour ces méthodes. Le quatrième chapitre aborde quant à lui la lutte de certains pères pour conquérir l’accès à la salle d’accouchement, en vertu du droit des hommes d’assister à la naissance de leur enfant. Rivard montre dans le cinquième chapitre que la présence du père s’institue finalement en tant que nouvelle norme à partir des années 1970, au point où sa présence est attendue dès 1980, même si sa participation à la naissance est hautement régulée. Finalement, le dernier chapitre explore les tentatives de vivre un accouchement démédicalisé, qui émergent durant les années 1970. Y sont abordés l’accouchement à domicile et l’aménagement de chambres de naissances dans quelques hôpitaux, suite à l’initiative de parents. Si l’auteure annonce en introduction se pencher sur l’évolution de l’implication des pères franco-québécois au moment de la naissance, entre les années 1950 et 1980, l’ouvrage laisse davantage l’impression d’analyser l’évolution du discours normatif quant à la place des pères autour de la grossesse et de la naissance. Cela s’explique vraisemblablement par la nature des sources les plus utilisées dans l’analyse, lesquelles sont principalement des ouvrages prescriptifs (des manuels ou des guides de préparation à la naissance). Les témoignages de pères présentés semblent par ailleurs plus souvent représentatifs de précurseurs du mouvement d’humanisation des naissances que de l’expérience moyenne des pères. Ainsi, si l’on comprend bien à la lecture de l’ouvrage quelles sont les attentes du personnel médical envers les pères, et comment elles évoluent sur la période, on reste sur notre faim quant à la manière dont les pères vivent ces attentes. Les témoignages des combats isolés de certains, qui appartiennent manifestement à une classe privilégiée (« les avocats auraient été particulièrement convaincants pour se faire admettre en salle d’accouchement »), nous en apprennent peu sur le vécu de la majorité des pères qui attendent la naissance derrière des …

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