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Créée en 1988 par Pierre-André Julien, avec la collaboration de Michel Marchesnay de l’Université de Montpellier et de Robert Wtterwulgue de l’Université catholique de Louvain, et s’ajoutant aux cinq premières revues scientifiques sur le sujet dans le monde, la Revue internationale PME (RIPME) en est maintenant à sa 25e année de diffusion de la recherche sur la petite et moyenne entreprise (PME) et l’entrepreneuriat. Elle est toujours dirigée par des professeurs chercheurs de l’Institut de recherche sur les PME de l’Université du Québec à Trois-Rivières, un des plus importants centres de recherche dans le domaine depuis 1976, et relève d’un rigoureux processus d’évaluation par les pairs qui assure la qualité et le renouvellement de son contenu.

La RIPME en chiffres, ce sont plus de 1 100 personnes depuis son origine, auteurs, évaluateurs, rédacteurs, qui en ont assuré la réalisation et la diffusion. Ce sont 424 articles diffusés sur plus de 76 sujets référés par près de 500 mots clés différents. Ce sont aussi des auteurs venant de 33 pays de tous les continents.

Les thèmes y ont fortement évolué depuis les balbutiements de la théorie sur les PME et l’entrepreneuriat il y a un peu plus de 25 ans, tout en suivant les grandes tendances. Ainsi, les articles du début relevaient de contenus plus économiques et où l’accent était mis sur le développement avec en filigrane la PME en tant qu’entité. Or cette vision a évolué pour cohabiter de plus en plus avec « l’entreprise », avec « l’entrepreneur » et finalement, avec les « réseaux » et les « coopérations » de l’entreprise et de l’entrepreneur. Les thèmes de recherche se sont affinés et les discussions ont gagné en précision et en profondeur. Un bref survol historique permet de constater certains travaux avant-gardistes ou précurseurs.

  • En 1990, les thèmes de la dotation en personnel et des enjeux du recrutement, qui constituent des défis majeurs actuels dans les pays industrialisés, étaient déjà discutés.

  • En 1991, on commence à s’intéresser à la sous-traitance internationale alors que ce sujet est actuellement à l’ordre du jour des gouvernements de plusieurs pays qui tentent de freiner l’exode d’emplois locaux vers des pays émergents.

  • En 1997, la PME en tant qu’objet de recherche se précise ; on en étudie les particularités, le rôle et l’influence de l’entrepreneur, les réseaux et la stratégie tout en introduisant des aspects plus transversaux tels que l’innovation, l’internationalisation et le risque.

  • Les quelques années qui suivent voient l’utilisation de nouvelles approches et méthodologies, incluant de plus en plus d’études qualitatives, alors que l’on spécifie de mieux en mieux les PME en tant qu’objet de recherche, reconnaissant aussi leur hétérogénéité et la diversité de leurs configurations.

  • En 2002, les technologies deviennent plus présentes par l’introduction des enjeux de l’Internet et du web, ce qui entraîne des discussions entre autres sur l’entrepreneuriat technologique et le cyberentrepreneuriat.

  • En 2004, les chercheurs reviennent sur des questions plus épistémologiques et sur leurs façons de « chercher », sur leur champ de recherche privilégié et sur sa reconnaissance scientifique. On effectue de nouvelles analyses sur les liens entre le chercheur et l’objet de sa recherche, parlant alors d’utilité, de valorisation ou d’actionnabilité de la recherche. La PME et l’entrepreneuriat ne sont ainsi plus les seuls sujets de publication des chercheurs.

  • En 2006, on accentue les réflexions sur la gouvernance appliquée aux PME et on discute davantage de partenariats et d’alliances interentreprises.

  • En 2009, les problématiques concernant la relève, la transmission familiale et le repreneuriat deviennent plus fréquentes, mais aussi plus urgentes, vu l’évolution démographique de bon nombre de pays industrialisés où la pérennité de la PME est menacée par l’absence de successeurs ou par une succession qui provoquera d’importants bouleversements.

  • Dans les dernières années, on accorde plus de place aux questions de recherche liées à l’entrepreneur, à l’intention entrepreneuriale, à l’entrepreneuriat étudiant, à l’éducation entrepreneuriale, et ce, dans des contextes de création, de développement, d’innovation et d’internationalisation.

Durant toutes ces années, la communauté scientifique s’est agrandie, s’est développée et s’est transformée. Dominé à l’origine par des chercheurs ayant une formation plutôt d’économiste, le champ de recherche sur la PME et de l’entrepreneuriat compte de plus en plus sur des spécialistes formés sur l’objet. Aussi, on voit une plus grande légitimation de ce champ de recherche, la cohabitation d’approches différentes, l’explosion des équipes de recherche et des laboratoires publiant en commun ainsi que le développement des compétences de chercheurs du Sud. Bref, la PME et l’entrepreneuriat sont devenus des domaines de recherche à part entière, domaines auxquels la Revue internationale PME aura fortement contribué.

Ces développements récents nous amènent toutefois de nouveaux défis. Bien que certains comportements regrettables existent depuis des lustres dans les milieux scientifiques, l’arrivée des technologies et du web a malheureusement facilité et accentué ces comportements chez certains. Le « métier » de chercheur devient plus complexe. Avec l’avènement des technologies, la pression à la diffusion « rapide » de textes non aboutis, les financements de la recherche sur projets spécifiques, le travail collaboratif pour la production scientifique et les questions de droits d’auteur sont des facteurs qui influent sur les attitudes et les comportements de certains chercheurs, conduisant ainsi dans certains cas, malheureusement de plus en plus fréquents, au contournement des règles de déontologie en matière de publication scientifique.

Nous invitons les chercheurs à lire, par exemple, Honig et Bedi (2012) qui soulignent l’ampleur appréhendée du problème de plagiat dans les milieux scientifiques à partir d’une étude approfondie des articles soumis au prestigieux colloque de l’Academy of Management. Loin de s’atténuer, ce problème prend de plus en plus d’importance tout en changeant parfois de forme. Cela demande aux rédacteurs de revue et aux directeurs scientifiques de congrès d’adopter de nouveaux comportements et de déployer des mécanismes de surveillance qui ne semblaient pas utiles a priori, voire qui étaient incompatibles avec « l’idéal scientifique » de notre communauté.

L’une des actions les plus importantes à déployer en vue de réduire les intentions de plagiat est la préparation et la diffusion d’un code de déontologie, ce qui a été fait par notre association (l’AIREPME) de façon à favoriser sinon à valoriser les bons comportements. Évidemment, l’utilisation d’outils technologiques est aussi recommandée pour détecter les fraudeurs, sachant toutefois que cela alourdit et prolonge de façon appréciable le processus d’évaluation, ce qui n’est pas toujours à l’avantage des chercheurs, ni des revues. Or cela nous a amené à introduire une nouvelle chronique dans la revue, soit sur « Le métier de chercheur[1] ».

Les nouveaux enjeux de la diffusion scientifique s’inscrivent dans le débat sur le « libre accès », c’est-à-dire « la mise à disposition en ligne de contenus numériques, qui peuvent eux-mêmes être soit libres, soit relever d’un autre régime de propriété intellectuelle » (Wikipédia, 2012). Que ce soit l’accès libre aux contenus des revues ou à celui des auteurs sur leur page web personnelle (auto-archivage), ces nouvelles tendances interpellent tous les directeurs de revue scientifique dans le but d’assurer le rayonnement des auteurs qu’ils publieront, sans jamais oublier que cette diffusion doit être porteuse de connaissances nouvelles faisant évoluer le champ de recherche que nous représentons. Nous devons toutefois nous assurer de maintenir la qualité et l’intégrité du processus scientifique en ne réduisant pas à néant le rôle des pairs dans l’approbation et la reconnaissance des travaux à diffuser. À noter par ailleurs que de plus en plus de critiques se font entendre sur la dérive d’appareils technologiques tels que Wikipédia qui tendent malheureusement à « normaliser » l’erreur, faute de travaux en profondeur et de vérifications rigoureuses.

La RIPME s’inscrit désormais dans les tendances décrites ci-dessus. D’autant plus que avons toujours le défi que trop de revues oublient dans le monde francophone, soit celui de protéger la langue française que nous privilégions comme mode de diffusion de la recherche sur les PME et l’entrepreneuriat. Il importe donc que la publication en français (ou en d’autres langues que l’anglais) ne soit pas considérée comme une publication de second niveau, sans quoi la RIPME pourrait disparaître éventuellement. Rehausser le niveau de la RIPME au même rang que les meilleures revues de langue anglaise est le travail d’une communauté. Les auteurs, par des travaux approfondis, muris, et véritablement novateurs, les évaluateurs par la rigueur de leur travail et la diligence à remettre un rapport constructif, et les rédacteurs par une gestion appropriée et un suivi étroit de tout le processus pour éviter des goulots, des retards ou la perte d’intérêt, doivent y veiller scrupuleusement.

Enfin, nous profitons de cet éditorial[2] pour souligner en particulier le travail des évaluateurs et l’importance de leur rôle. Ce sont les « gardiens » du développement des connaissances ! La responsabilité qui leur incombe par rapport au processus scientifique est lourde et ses conséquences sont significatives, puisqu’ils influencent la construction des savoirs. Lire attentivement et dans un esprit constructif les textes soumis, rédiger des rapports complets qui identifient à la fois les forces et les faiblesses des manuscrits, suggérer des améliorations et faire des recommandations dans le but de donner plus de valeur au travail, ce sont là les tâches d’un évaluateur. Celles-ci doivent être réalisées avec rigueur et professionnalisme, mais aussi avec respect de l’effort et du temps que le chercheur aura consacrés à son travail. Aucun article n’est publié sans modifications et la plupart subiront plus d’une révision avant d’être finalement acceptés. L’évaluateur doit donc voir au-delà du texte qu’il a sous les yeux ; il doit s’assurer, avant de prendre une décision qui pourrait avoir des conséquences majeures sur la carrière des auteurs, que la recherche de ces derniers génèrera une réelle contribution aux connaissances lorsque publiée.

Nous entreprenons ainsi cette vingt-cinquième année sous le sceau de la nouveauté, de l’innovation ainsi que de grands défis que nous souhaitons relever tous ensemble.

Bonne lecture et au plaisir de vous lire éventuellement dans notre revue.