ÉditorialLa finance entrepreneuriale[Notice]

  • Josée St-Pierre et
  • Nazik Fadil

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  • Josée St-Pierre
    Université du Québec à Trois-Rivières

  • Nazik Fadil
    EM Normandie

Pendant longtemps, la finance et l’entrepreneuriat ont été considérés comme des champs disciplinaires distincts. Les recherches en finance, basées principalement sur les théories d’évaluation (du portefeuille, des actifs financiers, des options, de l’efficience des marchés) et sur les théories de la structure du capital (choix de financement, coûts d’agence, asymétrie d’information, signal…), ont surtout porté sur les grandes entreprises cotées. La recherche en entrepreneuriat, quant à elle, a beaucoup emprunté des théories et des méthodes d’autres disciplines comme la psychologie, le management et le marketing (Brophy et Shulman, 1992), la finance ayant été occultée de ce champ de recherche. Pourtant, elle est indissociable de l’acte entrepreneurial et indispensable à sa dynamique pour saisir une opportunité d’affaires, créer une organisation, innover, prendre des risques, se développer et créer de la valeur. Cette séparation des disciplines s’explique par le décalage entre les problèmes rencontrés par les firmes entrepreneuriales et par les grandes entreprises cotées (Denis, 2004). Les hypothèses de la finance traditionnelle ne semblent pas adaptées aux particularités des PME. En effet, le dirigeant de la PME ne poursuit pas nécessairement des objectifs de maximisation de la valeur actionnariale (chère à la finance classique). Il n’aspire pas systématiquement à la croissance, dès qu’elle va à l’encontre de son désir de contrôle ou de sa qualité de vie. De même, son approche du risque est différente. Son patrimoine (humain et financier) est souvent intégré à celui de son entreprise ; il est de ce fait fortement impliqué, enraciné et dispose d’un avantage informationnel certain qui freine les autres partenaires (notamment financiers) redoutant l’exacerbation du phénomène du hasard moral, de l’expropriation des richesses et de l’importance des coûts d’agence. Enfin, les PME présentent des caractéristiques propres par leur taille, leur flexibilité et leur proximité avec les différentes parties prenantes. Leurs besoins de financement varient en fonction du type d’affaires, du degré de risque, du stade et des perspectives de développement (St-Pierre et Mathieu, 2003). La prise de conscience de ces spécificités oblige le chercheur à intégrer ces considérations dans la formulation du problème, dans la méthode d’investigation et dans l’analyse des résultats. Cet exercice d’intégration de l’entrepreneur au coeur des problématiques financières a donné naissance au champ « émergent » de la finance entrepreneuriale. Il perce encore timidement dans les revues spécialisées en entrepreneuriat et surtout dans les revues financières. Dans son recensement de la littérature basé sur les six principales revues de finance, Denis (2004) constate l’absence de travaux portant sur la finance entrepreneuriale avant les années 1990 et, à partir de cette période, les publications ont augmenté sans pour autant dépasser six articles par an jusqu’à l’horizon 2002. Le manque de données concernant les sociétés fermées réduit l’opportunité de publication dans les grandes revues financières (Brophy et Shulman, 1992). Cela étant dit, Paré et al. (2009) montrent l’intérêt grandissant de la recherche pour la finance entrepreneuriale en mentionnant l’apparition de revues consacrées à ce sujet : Venture Capital Journal : An International Journal of Entrepreneurial Finance (en 1999) ; Journal of Entrepreneurial Finance and Business Ventures (en 2000) et l’organisation annuelle de la conférence « Academy of Entrepreneurial Finances » (depuis 1989). Les auteurs mentionnent également une conception anglo-saxonne réduite de la finance entrepreneuriale confondue avec le financement par capital-risque. Or ce type de financement ainsi que le recours au marché boursier sont très éloignés de la réalité d’un grand nombre de PME. Une partie de ces entités, moteurs de la croissance économique, souffre toujours de problèmes de financement qui entravent leur développement, voire compromettent leur survie. Les institutions publiques soucieuses d’améliorer les conditions des PME ne parviennent pas à situer les …

Parties annexes