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Introduction

Dans une économie mondialisée et fondée sur le savoir, la création et le développement des jeunes entreprises technologiques innovantes constituent un enjeu majeur pour la compétitivité des économies en participant à l’innovation et à sa diffusion, à la croissance et à l’emploi (Jacquin, 2003). Aussi, le potentiel de réussite de ce type d’entreprises est de nature à stimuler l’initiative économique, la prise de risque et plus généralement l’envie d’entreprendre des acteurs économiques. La question de leur performance est donc cruciale.

Généralement définies comme étant des entreprises de moins de huit ans, qui développent et appliquent des technologies innovantes (Cooper, 1986 ; Albert et Mougenot, 1988 ; Bernasconi et Moreau, 2003 ; Moreau, 2005), les JETI font l’objet d’un intérêt croissant tant de la part des acteurs publics (régions, collectivités locales), privés (structures d’accompagnement, consultants, financiers) que des chercheurs (Bernasconi et Moreau, 2003). Si les travaux de recherche existants ont indiscutablement permis d’identifier et de définir les facteurs de succès des entreprises ou encore les déterminants de leur performance ou de leur croissance (Eisenhardt et Schoonhoven, 1990 ; Sammut, 2001 ; Li, Zhang et Chan, 2005) en les classant en trois principales catégories : les caractéristiques de l’entrepreneur, les caractéristiques de l’entreprise et les caractéristiques de l’environnement, ils paraissent toutefois insuffisants pour expliquer les différences de performance et rendre compte de la spécificité du développement des JETI (Bernasconi et Moreau, 2003 ; Song et al., 2008). En effet, bien que des travaux antérieurs (Chen, 2009 ; Song et al., 2008 ; Whu, 2007) aient proposé des modèles prédictifs de la performance de la JETI, cela a plutôt été fait dans une approche de contingence et d’adaptabilité, alors que de nombreux travaux démontrent la supériorité d’une perspective de gestalt[1] en termes d’une meilleure explication de la performance (Ketchen, Thomas et Snow, 1993 ; Dess, Lumpkin et Covin, 1997 ; Wiklund et Shepherd, 2005 ; Harms, Kraus et Schwarz, 2009). Dans cet ordre d’idées, de nombreux auteurs (Biga Diambeidou et Gailly, 2011 ; Harms, Kraus et Schwarz, 2009) ont mis en évidence la pertinence de cette perspective qui suggère de limiter l’analyse à un nombre restreint de formes cohérentes (Meyer, Tsui et Hinings, 1993) nommées « gestalts » censées correspondre aux cas d’entreprises les plus performantes (Witmeur, 2008). Définie comme une configuration, « un assemblage fréquemment observable de différents attributs » (Venkatraman, 1989 ; Fabi, Raymond et Lacoursière, 2006), la gestalt[2] illustre l’une des perspectives de l’alignement de l’approche configurationnelle (Miller, 1981, 1987a, 1990). Son intérêt est d’autant plus fort qu’elle permet de dépasser la perspective réductionniste et déterministe de l’organisation dans laquelle se situe l’approche contingente en cherchant à intégrer plusieurs éléments de façon holiste (Claessens, 2001) et en faisant appel à la variation simultanée de plusieurs variables agencées de façon cohérente (Fabi, Raymond et Lacoursière, 2006).

Dans ce cadre, ce travail a pour objectif de contribuer à une meilleure compréhension de la performance de la JETI par la proposition d’une modélisation systémique qui s’inscrit dans le cadre de l’approche configurationnelle et plus particulièrement dans la perspective de gestalt (Drazin et van de Ven, 1985 ; Miller, 1981). La modélisation développée suggère que les déterminants liés à l’entrepreneur, à l’entreprise et à l’environnement ne contribuent à la performance de la JETI que s’ils constituent des gestalts ou des configurations cohérentes. Ce qui nous amène à poser la question de recherche suivante : « Dans quelle mesure les déterminants de la performance de la JETI s’alignent-ils de façon cohérente pour conduire à une performance supérieure ? ».

À la lumière de cette approche gestaltiste de la performance (Drazin et van de Ven, 1985 ; Miller, 1981), cette question de recherche peut-être décomposée en plusieurs interrogations suivantes : « Cet alignement de type “gestalt” a-t-il un effet sur la performance de la JETI ? », « Le cas échéant, quelles sont les configurations les plus performantes que les autres ? », « Autrement dit, quels profils possèdent les JETI qui enregistrent un niveau de performance supérieur ? », « Existe-t-il des configurations qui conduisent à une performance semblable (c’est-à-dire des gestalts de JETI différentes et également performantes) ? ».

Cinq principales parties structurent cet article. Avant d’aborder les fondements théoriques qui sous-tendent la question de la performance de la jeune entreprise technologique innovante, nous tenterons de proposer une clarification conceptuelle de la JETI et de sa performance. Dans une deuxième partie, la présentation des fondements théoriques de recherches consacrées à la performance de la JETI conduira à la mise en évidence des limites de l’approche contingente et à la mise en exergue de la pertinence de la perspective de gestalt. Au niveau de la troisième partie seront identifiés les éléments constitutifs de notre modèle de recherche ainsi que les hypothèses qui le sous-tendent. La quatrième partie procédera à la présentation des choix méthodologiques ainsi que l’enquête par questionnaire réalisée auprès de 95 JETI françaises du secteur des services informatiques. Les résultats obtenus seront finalement exposés et discutés dans une quatrième et dernière partie, ce qui permettra d’alimenter la réflexion sur la pertinence de l’approche gestaltiste dans l’étude de la performance.

1. La jeune entreprise technologique innovante et sa performance : essai de clarification conceptuelle

1.1. La jeune entreprise technologique innovante

Jeune entreprise high tech, jeune entreprise innovante, entreprise de haute technologie, ou encore high technology venture, high tech firm, new technology-based firm, technology-based venture sont parmi les vocables les plus couramment utilisés pour la dénommer (Albert, 2000a ; Song etal., 2008). En nous référant à la définition de la jeune entreprise high tech proposée par Bernasconi, Monsted etal. (2000, p. 14), la JETI est appréhendée en distinguant ses « caractéristiques communes » avec trois autres types d’entreprises : les entreprises innovantes, les entreprises technologiques et les petites et moyennes entreprises.

Nous avons relevé, dans la littérature, des travaux qui ont cherché à faire ressortir les caractéristiques distinctives de la JETI, plutôt orientée vers la croissance, par rapport aux autres entreprises. Ces caractéristiques ont été dépeintes par plusieurs auteurs (Jacquin, 2003 ; Albert et Mougenot, 1988 ; Cooper, 1986). Jacquin (2003, p. 27) retient une série de caractéristiques comme : « la nature technologique de l’activité d’innovation », « les structures décisionnelles et de financement faisant intervenir des capitaux et des acteurs externes », « la nature globale des marchés », « le rythme élevé du renouvellement des produits » en raison de la rapidité des évolutions technologiques (Bantel, 1998). Quant à Albert (2000a), le montant nettement plus important des dépenses de R&D, la nouveauté des produits, l’existence de relations étroites avec les milieux scientifiques, l’importance et la spécificité de leur financement et l’appartenance à des secteurs d’activité instables, en font un modèle particulier d’entreprises. Certaines de ces caractéristiques sont également citées par Li (2001) à l’image de la part relativement supérieure des ventes dédiées aux dépenses en R&D et du pourcentage relativement élevé des ingénieurs et des scientifiques.

Au-delà de ces caractéristiques distinctives, les recherches s’étant intéressées à cette catégorie d’entreprises s’accordent pour dire que le degré élevé d’incertitude demeure leur principale particularité (Albert, 2000a, 2000b ; Bernasconi, Monsted et al., 2000 ; Moreau, 2003). Moreau (2005) décline cette incertitude en trois aspects : de nature « économique » inhérente à l’importance des ressources mobilisées, de nature « stratégique » liée à la réaction imprévisible des marchés qui sont le plus souvent instables, voire émergents, et de nature « technique » en raison de la mobilisation de « compétences et de savoirs élevés ».

1.2. La performance de la jeune entreprise technologique innovante

Comme nombre de recherches (Behrens, Patzelt, Schweizer et Burger, 2012 ; Chen, Zou et Wang, 2009 ; Song et al., 2008 ; Li et Atuahene-Gima, 2001) portant sur la JETI, la problématique de fond concerne la performance de cette catégorie d’entreprises et les facteurs de réussite s’y rapportant. La performance de la jeune entreprise en général, et de la jeune entreprise technologique innovante en particulier, a fait l’objet d’un large débat portant sur la manière dont le concept même de performance est appréhendé et sur la prise en compte par les recherches antérieures d’un nombre limité de dimensions et de mesures.

Ayant procédé à une revue de la littérature sur les outils de mesure de la performance, Chandler et Hanks (1993) ont bien souligné l’absence de consensus sur ce sujet. De même, Stearns et Hills (1996) soulignent les différentes natures de mesure de la performance : comptables, de croissance, subjectives, boursières. De plus, la plupart des recherches n’argumentent pas leur choix de variables, ce qui est de nature à engendrer des conséquences sur les résultats (Biga Diambeidou et al., 2007).

Dans le même ordre d’idées, Murphy, Trailer et Hill (1996) font le constat que, malgré la grande diversité des mesures utilisées, les recherches antérieures retiennent le plus souvent une ou deux dimensions généralement financières. Ce constat est d’autant plus saillant lorsqu’il s’agit de s’intéresser à la performance de la JETI. Il ressort de la littérature entrepreneuriale que la conception de la performance de la JETI se focalise le plus souvent sur l’utilisation des seuls indicateurs financiers, comptables ou boursiers qui sont censés rendre compte du degré d’atteinte des objectifs de l’entreprise. Dans la recherche empirique en stratégie (Hofer, 1983), la performance financière de l’entreprise a été le modèle dominant. En témoignent les recherches antérieures (Zahra, Matherne et Carleton, 2003 ; Qian et Li, 2003 ; Zahra, Ireland et Hitt, 2000 ; Marino et de Noble, 1997) consacrées à l’étude des jeunes entreprises technologiques. Ces recherches adoptent, le plus souvent, une démarche caractéristique consistant à retenir des indicateurs tels que la rentabilité mesurée par des ratios dont les plus usités sont la rentabilité des capitaux propres (ROE), le retour sur investissement (ROI), le retour sur ventes (ROS), ou encore la valeur boursière de l’entreprise ou la valeur actualisée des revenus futurs.

De même, l’étude de Song et al. (2008), ayant fait un recensement des recherches traitant des nouvelles entreprises technologiques, montre que la majorité des travaux sont fondés sur une approche de la performance unidimensionnelle, mobilisant le plus souvent une dimension financière, ne permettant pas de restituer la réalité complexe et multiforme de la performance.

Hormis le constat de la focalisation des recherches antérieures sur un nombre restreint de dimensions généralement financières de la performance, les résultats de l’étude de Murphy, Trailer et Hill (1996) démontrent une absence de corrélation ou l’existence d’une corrélation négative entre les variables utilisées pour l’évaluation de la performance. Ces résultats suggèrent que la performance est une notion multidimensionnelle et que la nature de la relation entre une variable indépendante et la performance est dépendante de la mesure de la performance usitée. Murphy, Trailer et Hill préconisent à ce sujet de ne plus utiliser le terme de performance, mais de préciser la ou les dimensions utilisées (efficiency, growth, profit, size, liquidity…).

Ce constat trouve bien son écho dans les résultats des travaux de Song et al. (2008) qui mettent en évidence le rôle modérateur de la mesure de la performance dans l’influence de certains facteurs et qui suggèrent que l’étude de la performance de la JETI implique l’utilisation de multiples indicateurs de nature à rendre compte du caractère hétérogène du phénomène étudié. La nature multidimensionnelle de la performance milite donc en faveur d’une opérationnalisation du concept en fonction de différentes dimensions (Venkatraman et Ramanujam, 1986 ; Murphy, Trailer et Hill, 1996 ; Biga Diambeidou et al., 2007).

2. La pertinence de l’approche configurationnelle : la performance par la cohérence des gestalts

Plusieurs recherches ont développé des approches systémiques de la JETI partageant une caractéristique importante, celle de mobiliser la notion de « fit » ou « alignement » entre les éléments d’un système (Drazin et van de Ven, 1985 ; Miller, 1981) pour expliquer sa performance. Cette perspective s’inscrit dans la lignée plus large des travaux sur la contingence prônant l’adaptation de l’organisation à son contexte (Witmeur, 2008).

L’approche contingente, en entrepreneuriat, est à l’origine d’un corps de connaissances solide et diversifié qui permet de « regrouper les recherches dont la finalité est l’identification et la description des facteurs qui expliquent les causes de succès et d’échec, ou encore les facteurs favorables au développement et à la croissance des jeunes entreprises technologiques » (Bernasconi et Moreau, 2003). Les recherches faisant ressortir la contingence du phénomène entrepreneurial se sont largement inspirées des travaux de Sandberg (1986), Sandberg et Hofer (1986) et de Hofer et Sandberg (1987). Les principaux résultats de ces travaux (Sandberg et Hofer, 1986 ; Eisenhardt et Schoonhoven, 1990 ; Baum, Locke et Smith, 2001) démontrent que c’est l’alignement – entre la stratégie et l’environnement ou encore entre les caractéristiques de l’équipe fondatrice et l’environnement ou bien la stratégie et les compétences – qui a un impact plus significatif sur la performance. Les travaux de Baum, Locke et Smith (2001) ; Robinson et McDougall (2001) et Naman et Slevin (1993) ont démontré empiriquement la supériorité en termes de résultats des modèles fondés sur l’alignement entre plusieurs variables par rapport aux modèles basés sur l’étude des effets directs des variables.

Les limites de ces recherches résident dans le caractère réductionniste de leur approche en raison de la prise en compte d’un nombre restreint de variables, et de l’association de la performance à une « interaction bivariée » ; une interaction de paires de facteurs, ce qui ne permet pas de restituer la réalité multidimensionnelle de la performance (Song et al., 2008 ; Witmeur, 2008). En effet, le point commun de ces recherches est d’envisager l’alignement au sens de « modération », ou bien de « médiation » ou encore de « correspondance » dans l’étude de la relation entre une variable explicative et une variable expliquée (Weinzimmer, 1993 ; Zahra et Bogner, 2000 ; Chen, 2009). D’autre part, ces recherches se sont focalisées sur les facteurs financiers, stratégiques ou environnementaux et ont négligé l’importance de l’équipe dirigeante avec « un portefeuille de compétences-clés » dans le développement d’une jeune entreprise innovante (Barzantny et Bost, 2001 ; Charles-Pauvers, Schieb-Bienfait et Urbain, 2004).

C’est à ce titre que la perspective de gestalt se présente comme une source d’approfondissement des apports de l’approche contingente, de par la recherche de synergies plus complexes (Desreumaux, 1998, 2005). Cette perspective envisage l’alignement ou la cohérence comme une consistance interne entre des contingences multiples, notamment stratégique, environnementale, organisationnelle (Drazin et van de Ven, 1985). Miller (1981) souligne que cette perspective s’intéresse aux attributs qui permettent d’identifier des gestalts ou des configurations d’entreprises, plutôt que d’analyser quelques variables ou des associations linéaires entre ces variables. Dès lors, l’intérêt de la perspective gestaltiste est d’autant plus fort qu’elle permet de dépasser les insuffisances de l’approche contingente liées aux « conflits éventuels relatifs à l’analyse d’une multitude de relations bivariées » (Henninger-Vacher, 1999). En effet, les configurations générées sont « le produit d’effets de synergies non linéaires, et d’interactions complexes d’ordre supérieur qui ne peuvent pas être représentées par les approches contingentes traditionnelles faisant appel à des analyses bivariées » (Henninger-Vacher, 1999, p. 4).

Cherchant à dépasser le caractère réductionniste de l’organisation dans laquelle se situe l’approche contingente, la perspective de gestalt permet d’intégrer plusieurs éléments de manière holiste (Ketchen, Thomas et Snow, 1993 ; Harms, Kraus et Schwarz, 2009 ; Witmeur et Biga Diambeidou, 2010) en faisant appel à la variation simultanée de plusieurs variables agencées de façon cohérente (Fabi, Raymond et Lacoursière, 2006).

« Plutôt que de s’intéresser à toutes les combinaisons possibles entre les différents éléments et à la formulation d’une loi générale qui les relierait » (Witmeur, 2007, p. 8), cette perspective offre la possibilité d’étudier une multitude de variables issues de différents courants théoriques (Mintzberg, Alhstrand et Lampel, 1998) en considérant que ces variables sont susceptibles de se rassembler en configurations ou en gestalts (Meyer, Tsui et Hinings, 1993) qui seraient d’une efficacité maximale (Henninger-Vacher, 1999). La perspective de gestalt permet de générer des configurations définies par leur degré de cohérence interne entre un ensemble d’attributs théoriques (Henninger-Vacher, 2000) pouvant concerner différents niveaux d’analyse (individus, organisations, réseaux d’organisations). Tel que le font remarquer Meyer, Tsui, Hinings (1993), l’intérêt de cette perspective se traduit par la possibilité de concentrer le spectre de l’analyse sur l’étude d’un nombre restreint de cas cohérents ou de combinaisons d’éléments par la génération de taxonomies issues d’observations empiriques.

Par ailleurs, cette perspective de gestalt est basée sur l’équifinalité qui, « […] plutôt que de supposer qu’il n’y a qu’une seule meilleure solution pour un contexte donné, elle reconnaît que des alternatives aussi efficaces peuvent exister » (Drazin et van de Ven, 1985). C’est à ce titre que cette perspective permet d’aboutir à « des résultats intéressants dans le cas de l’étude de configurations alternatives, cohérentes et également performantes » (Henninger-Vacher, 2000, p. 51). Ketchen, Thomas et Snow (1993) expliquent que l’équifinalité est vérifiable par un examen a posteriori de la performance des configurations générées.

3. Proposition d’un modèle gestaltiste de la performance de la JETI

Après avoir mis en évidence la pertinence d’une approche de gestalt dans l’étude de la performance, seront identifiés, en premier, les éléments constitutifs de notre modèle de recherche ainsi que les approches théoriques associées en se référant à un ensemble de modèles configurationnels. Ensuite, il s’agit, sur la base de la présentation des résultats de recherches antérieures ayant proposé des typologies et/ou taxonomies, de mettre en exergue les logiques de cohérence sous-jacentes et de pouvoir formuler les hypothèses de recherche sous-tendant notre modèle.

3.1. Les éléments constitutifs du modèle de recherche et les approches théoriques associées

En entrepreneuriat, l’approche par les configurations sous-tend de nombreux modèles. Nous avons retenu, dans ce cadre, des modèles (Gartner, 1985 ; Smida, 1992 ; Bruyat, 1993 ; Paturel, 1997 ; Hernandez, 1999 ; Song etal., 2008 ; Timmons, Spinelli et Ensign, 2010) qui prônent une vision systémique de la jeune entreprise et partagent la caractéristique de s’articuler autour de la notion de « gestalt » ou de « cohérence » entre plusieurs variables pour expliquer sa création ou sa performance (cf. Annexe I). Adoptant une approche intégrative, ces modèles regroupent aussi bien des variables internes qu’externes à l’entreprise. Au-delà des spécificités inhérentes à chaque recherche, la majorité des modèles configurationnels précités partage la caractéristique de mobiliser trois dimensions communes pour appréhender la création ou la performance de la jeune entreprise : environnement, entreprise et entrepreneur. Toutefois, certains de ces modèles retiennent des variables hétérogènes, voire non représentatives des dimensions étudiées.

  • La dimension « entrepreneur » : comporte des variables relatives aux caractéristiques de l’entrepreneur comme son capital humain (Gartner, 1985), ses objectifs (Smida, 1992), ses caractéristiques psychologiques (Gartner, 1985), ses ressources et ses compétences (Bruyat, 1993), ses aspirations (Paturel, 1997 ; Bruyat, 1993) ou bien son savoir, savoir-faire et savoir-être (Hernandez, 1999), ou encore les caractéristiques de l’équipe (Song et al., 2008 ; Timmons, Spinelli et Ensign, 2010).

  • La dimension « entreprise » : se compose de variables se rapportant aux caractéristiques de l’entreprise (Hernandez, 1999 ; Song et al., 2008), à ses moyens (Smida, 1992), aux ressources et/ou compétences de l’entreprise (Paturel, 1997 ; Song et al., 2008 ; Timmons, Spinelli et Ensign, 2010) ou encore aux dimensions de la stratégie (Gartner, 1985).

  • La dimension « environnement » : regroupe des variables relatives à la munificence et aux opportunités de l’environnement (Gartner, 1985 ; Bruyat, 1993 ; Song et al., 2008 ; Timmons, Spinelli et Ensign, 2010), à ses contraintes (Smida, 1992), aux caractéristiques du marché (Hernandez, 1999) ou celles de la stratégie (Song et al., 2008).

S’inscrivant dans la continuité des travaux intégrateurs sur la performance des jeunes entreprises (Sandberg et Hofer, 1986 ; Weinzimmer, 1993 ; Janssen, 2002) et s’inspirant des modèles configurationnels cités précédemment, nous distinguons trois éléments constitutifs de notre modèle de recherche reliés aux dimensions de l’entrepreneur, de l’entreprise et de l’environnement. Chaque dimension est considérée de manière homogène (du point de vue d’une seule variable). Dans l’identification de ces trois éléments, nous avons également tenu compte de caractéristiques spécifiques à la JETI relevées par plusieurs recherches comme : l’importance de la formulation d’une stratégie construite à partir du métier de l’entreprise ; c’est-à-dire de ses compétences spécifiques (Danjou et Dubois-Grivon, 1999), la constitution d’une équipe avec « un portefeuille de compétences-clés » (Barzantny et Bost, 2001) ou encore l’assimilation de l’organisation à l’équipe entrepreneuriale et la forte association entre comportement stratégique de la jeune entreprise et celui de l’équipe (Naffakhi, Boughattas-Zrig et Schmitt, 2008).

La stratégie (Entrepreneur)

La dimension « entrepreneur » est appréhendée uniquement du point de vue de ses choix stratégiques, d’où la transposition : (entrepreneur)-(stratégie). Cet élément constitutif est associé à une dimension psychosociologique et comportementale en relation avec les caractéristiques de l’entrepreneur. En effet, Witmeur (2008, p. 46) considère que « l’approche par les traits débouche sur celle des comportements qui amène les notions d’orientation et de stratégie entrepreneuriale qui aident à caractériser la stratégie générale de l’entreprise ». C’est à ce titre que l’auteur a regroupé l’approche centrée sur l’individu et l’approche stratégique au sein d’un courant plus vaste : le courant volontariste qui associe l’entrepreneur à un « acteur stratégique ».

Partant de cette perspective, l’élément constitutif « stratégie » est associé à un ensemble d’approches centrées sur la stratégie (S). Le paradigme classique de la recherche entrepreneuriale fondée uniquement sur l’entrepreneur, sa personnalité et ses motivations (Shapéro, 1975) a été abandonné au profit d’un paradigme où la stratégie est considérée comme le déterminant essentiel de la réussite entrepreneuriale (Sandberg et Hofer, 1986).

La compétence (Entreprise)

La dimension « entreprise » n’est appréhendée que du point de vue des compétences de l’entreprise, d’où la transposition : (entreprise)-(compétence). Dès lors, la JETI est considérée comme « un portefeuille de compétences-clés » nécessaire à son développement (Barzantny et Bost, 2001). Partant de cette perspective, cet élément constitutif est associé à un ensemble d’approches qui accorde une importance primordiale au rôle des ressources et des compétences (R/C) : ce sont les approches centrées sur les ressources-compétences. Au début des années 1990, les travaux de Prahalad et Hamel (1990) sont parmi les premiers travaux à avoir revisité le concept de compétence et plus particulièrement le concept de « compétence-clé » fondée notamment sur « la contribution significative à la création de valeur pour les clients et le degré de non-imitabilité » (Moreau, 2003). La présente recherche s’inscrit dans cette veine et plus particulièrement dans le cadre de l’approche par les compétences qui est à l’origine de la consolidation du « caractère construit et volontaire de la démarche stratégique sur la base des compétences détenues ou accessibles par l’entreprise » (Moreau, 2003). L’avantage concurrentiel se fonde sur la construction et l’exploitation de compétences définies comme clés.

L’environnement (Environnement)

La dimension « environnement » est appréhendée, dans cette recherche, du point de vue des caractéristiques de l’environnement pertinentes pour la JETI. Partant de cette perspective, cet élément constitutif est associé à un ensemble d’approches centrées sur l’environnement. Parmi les théories qui peuvent illustrer les relations organisation-environnement en les situant sur un « continuum allant de l’adaptation à la sélection », Hernandez (2001) retient la théorie de la dépendance des ressources (Pfeffer et Salancik, 1978), la théorie de l’écologie des populations d’organisation (Hannan et Freeman, 1977) et la théorie institutionnelle (Selznick, 1957). Alors que la théorie de l’écologie des populations et la théorie institutionnelle considèrent que c’est l’environnement qui s’impose aux organisations et détermine leurs résultats, la théorie de la dépendance des ressources part du rôle actif de l’entreprise face à l’environnement.

Étant donnée la volonté de choix et d’action de l’entrepreneur sur son environnement, la théorie de la dépendance des ressources suscite notre intérêt à cet égard puisqu’elle reconnaît à l’organisation, « une certaine marge de manoeuvre, une certaine capacité stratégique » afin de faire face à l’environnement (Hernandez, 2001, p. 131). C’est à ce titre que l’application de la théorie de la dépendance des ressources aux cas des jeunes entreprises innovantes, a donné lieu à des travaux sur les milieux innovants (GREMI[3], 1986, 1992 ; Albert, 2000a ; Albert, 2000b ; Verstraete et Saporta, 2006), les districts industriels et les réseaux sociaux (Bernasconi, Di Biaggio et Ferrary, 2004 ; Lasch, Le Roy et Yami, 2004) prônant l’importance de développer et d’intégrer des réseaux pour les jeunes entreprises innovantes du fait du manque de ressources, de données passées, de légitimité sur le marché et de l’imprévisibilité de la réaction du marché quant à l’offre innovante proposée. Maillat et Le Coq (1992) soulignent l’importance des réseaux d’innovation comme facteur de réussite des jeunes entreprises de manière à accéder à des informations pertinentes.

3.2. Construction du modèle et hypothèses sous-jacentes

Les hypothèses de recherche sont construites à partir des apports d’un ensemble de travaux antérieurs (McDougall, Covin, Robinson et Herron, 1994 ; Bantel, 1998 ; Park et Lee, 2000 ; Heirman et Clarysse, 2004 ; Raymond, St-Pierre, Fabi et Lacoursière, 2010) ayant proposé des configurations et de l’analyse des logiques de cohérence qui les sous-tendent. Ces travaux portent dans leur majorité sur les jeunes entreprises technologiques innovantes.

Partant des résultats des études antérieures, McDougall et al. (1994) ont démontré que les différences de performance des jeunes entreprises sont associées à la poursuite de différentes configurations de stratégie et de structure de l’industrie plutôt que de conditions spécifiques de l’industrie ou d’une stratégie particulière. Ces conclusions témoignent de l’existence d’alignements préférables qui mettent en cohérence la stratégie et la structure de l’industrie.

Dans la lignée des travaux cherchant à proposer des taxonomies isolant des configurations plus performantes que d’autres, on cite les taxonomies de Heirman et Clarysse (2004) et de Raymond etal. (2010). Proposant une taxonomie multidimensionnelle fondée sur les ressources technologiques, financières et humaines, Heirman et Clarysse (2004) mettent en évidence l’existence de cohérences entre ces ressources et des facteurs internes et externes à l’entreprise. Partant des résultats de l’existence de différences significatives entre les quatre profils en termes de ressources mobilisées, de la structure de l’industrie ciblée et du degré de maturité, d’innovation et d’étendue de la technologie, l’étude de Heirman et Clarysse suggère que les start-up étudiées adoptent des configurations qui mettent en cohérence les ressources mobilisées, l’environnement et la stratégie. De même, Raymond et al. (2010) confirment l’existence de différences significatives entre des profils d’entreprises technologiques innovantes en fonction de facteurs de contingence comme le secteur industriel et les compétences du dirigeant. En effet, ces résultats suggèrent que les entreprises les plus performantes adoptent des configurations qui mettent en cohérence les capacités stratégiques et des variables liées à l’environnement et à l’entrepreneur.

Toujours dans la lignée des travaux cherchant à valider l’approche par les configurations (ou les gestalts), Bantel (1998) et Park et Lee (2000) ont développé des taxonomies qui sont parvenues à isoler des configurations dont le niveau de cohérence interne est associable à différents niveaux de performance. S’intéressant particulièrement aux jeunes entreprises technologiques, les conclusions de Bantel ainsi que celles de Park et Lee suggèrent que les entreprises les plus performantes adoptent différentes configurations qui mettent en cohérence trois éléments caractéristiques de la performance (la stratégie, l’environnement et la compétence). Partant des développements précédents, il est possible de formuler les deux hypothèses de recherche suivantes :

  • H1 : l’alignement de type « gestalt » entre stratégie, compétence et environnement a un impact sur la performance de la JETI ;

  • H2 : il existe une (ou des) gestalt(s) associée(s) à un niveau supérieur de performance.

Dès lors, notre modèle de recherche s’articule autour de l’alignement de type « gestalt » entre les variables de stratégie, de compétence et d’environnement et influence de cette « gestalt » sur la performance de la JETI. Ces trois éléments sont considérés comme étant des attributs théoriques devant atteindre un certain degré de cohérence interne (Venkatraman, 1989 ; Henninger-Vacher, 2000) pour correspondre à une configuration performante ou à une « gestalt » (Venkatraman, 1989).

4. Méthodologie de la recherche

4.1. Choix méthodologiques

Dans le cadre de cette recherche à orientation positiviste, notre propos est de montrer, sur la base d’une démarche hypothético-déductive et d’une approche quantitative de la collecte et de l’analyse des données, que ce n’est pas une, ou une paire ou bien plusieurs variables(s) particulières(s) qui déterminent la performance d’une JETI, mais c’est plutôt la configuration d’un ensemble de variables ; l’existence d’une cohérence de type « gestalt » entre ces mêmes variables. Deux principales étapes structurent cette recherche : l’une descriptive et l’autre explicative.

Dans le cadre de l’étape descriptive, l’identification de groupes, de configurations ou de profils homogènes de JETI se fera suivant une démarche empirique et inductive de classification. Il s’agira alors de constituer une taxonomie de JETI sur la base des données collectées sur le terrain d’étude en faisant appel à des techniques statistiques dites de classification. Tandis que pour l’étape explicative, il s’agira d’évaluer la validité de prédiction de la taxonomie proposée et son pouvoir d’explication des différences de performance entre les configurations générées sur la base d’une série d’analyses de variances unilatérales des variables de performance et de pouvoir ainsi procéder au test de la première hypothèse de recherche. Si l’analyse de variance est peu sensible aux violations de la normalité de la distribution (Jolibert et Jourdan, 2006 ; Gianelloni et Vernette, 2012), il n’en est pas de même pour l’égalité des variances. La vérification du respect de cette hypothèse a été effectuée par le recours au test de Levene (Jolibert et Jourdan, 2006). Les résultats montrent des probabilités associées au test supérieur à 0,05, l’hypothèse de base de l’analyse de variance est ainsi respectée. Dans le cas de la confirmation de la première hypothèse traduisant l’existence d’un effet d’un alignement de type « gestalt » sur la performance, il s’agit alors d’identifier quelles sont les configurations les plus performantes grâce à l’utilisation de tests post hoc[4] : tests de comparaison multiples des moyennes (test de Scheffe) et tests d’intervalle. C’est le test de la deuxième hypothèse de recherche.

4.2. Présentation des dimensions et des échelles de mesure

Composé de cinq principales parties portant sur la stratégie, la compétence, l’environnement, la performance et les caractéristiques organisationnelles et sociodémographiques de l’entreprise, le questionnaire de l’enquête est élaboré sur la base des dimensions et des mesures retenues dans les recherches antérieures (cf. Annexe II) et permet au répondant d’évaluer respectivement :

  • le degré d’importance qu’occupe pour son entreprise, chacune des dimensions stratégiques retenues (Li, 2001 ; McDougall et Robinson, 1990) sur une échelle de mesure de Likert à cinq points allant de « Pas important » à « Très important » (cf. Annexe III.A) ;

  • le degré de contribution de chacune des compétences retenues (Charles-Pauvers, Schieb-Bienfait et Urbain, 2004 ; Lee, Lee et Pennings, 2001), à la constitution de l’avantage concurrentiel de son entreprise, sur la base d’une échelle de Likert à cinq points allant de « Pas important » à « Très important » (cf. Annexe III.B) ;

  • le degré d’accord ou de désaccord concernant l’état de l’environnement dans lequel son entreprise opère en termes de deux dimensions retenues (Naman et Slevin, 1993 ; Sutcliffe et Huber, 1998) : la turbulence et la munificence (cf. Annexe III.C) ;

  • la performance perçue de son entreprise en termes de trois dimensions : financière, commerciale et satisfaction du dirigeant. La performance financière sera mesurée par trois indicateurs communément utilisés dans la littérature (Murphy, Trailer et Hill, 1996 ; Chandler et Hanks, 1993) : taux de rentabilité des capitaux propres, taux de rentabilité économique et liquidités . Le répondant est amené à juger du niveau de ces critères sur une échelle à cinq points allant de « Très faible » à « Très élevé ». La performance commerciale sera mesurée par les deux critères du chiffre d’affaires et de la part de marché (Zahra et Bogner, 2000 ; Murphy, Trailer et Hill, 1996) amenant le répondant à évaluer leur évolution sur une échelle à cinq points allant de « Fortement décroissante » à « Fortement croissante » sur les trois dernières années. La satisfaction globale du dirigeant quant à la performance de son entreprise est évaluée sur la base de la mesure de Cooper et Artz (1995), par un seul item sur une échelle à cinq points allant de « Pas du tout satisfait » à « Tout à fait satisfait » (cf. Annexe III.D).

La purification de l’instrument de mesure s’est effectuée sur la base de tests de validité par l’utilisation de l’analyse factorielle « ACP » (c’est-à-dire, analyse en composantes principales) et de fiabilité par le calcul du coefficient alpha de Cronbach (Jolibert et Jourdan, 2006). L’annexe II : il présente une synthèse des variables de la recherche ainsi que le nombre des items avant et après purification. Dans une première étape, l’ACP permet une réduction de l’information par un regroupement des variables initiales dans des facteurs et un test de l’unidimensionnalité ou la multidimensionnalité des échelles de mesure. Nous utilisons, à cet effet, les critères d’épuration des items les plus répandus suivants (Jolibert et Jourdan, 2006) : le critère des valeurs propres conduit à ne retenir que les axes qui ont une valeur propre supérieure à l’unité selon la règle de Kaiser (1960), les items qui ont des loadings ou corrélations égales ou supérieures à 0,5 sur un facteur sont retenus, les items dont les communalités (part de variance prise en compte) sont égales ou supérieures à 0,5 sont retenus et les items possédant de faibles corrélations avec les autres items de l’échelle (inférieures à 0,5) ou ceux dont l’inclusion conduit à une brusque détérioration de la valeur de l’alpha seront supprimés. Pour certaines variables, l’interprétation des facteurs est facilitée par le recours à une rotation Varimax. Dans une seconde étape et une fois l’analyse en composantes principales (ACP) effectuée, il est procédé à une estimation de la fiabilité des échelles de mesure en recourant au calcul du coefficient alpha de Cronbach, considéré comme l’indicateur le plus répandu mesurant la cohérence ou la consistance interne d’une échelle (Evrard, Pras et Roux, 2003). Les résultats font apparaître des valeurs satisfaisantes du coefficient supérieures à 0,8.

4.3. Présentation de l’enquête par questionnaire

L’enquête par questionnaire s’adresse aux JETI opérant dans la réalisation de logiciels de la branche des services informatiques et implantées, dans leur majorité, dans la même zone géographique (Région Provence-Alpes-Côte d’Azur) en France. L’échantillon des entreprises a été constitué sur la base des critères suivants : « Ex nihilo, avoir donné lieu à un établissement jusqu’alors inexistant », « Être âgée de 6 ans, afin qu’elles aient eu le temps d’appliquer leur projet, sachant que le seuil de 5 années est généralement considéré comme un seuil de survie de l’entreprise », « Posséder, dès leur création, une technologie plus avancée, voire inédite, qui leur permet d’avoir des performances améliorées, des coûts plus bas ou de produire un service ou un bien nouveau » (Moreau, 2005), « Être créée par une équipe : c’est le fruit d’une création collective. Comme le constatent Bernasconi, Monsted etal. (2000) ou encore Julien (2002), les entreprises à forte croissance sont généralement « le fait de l’hégémonie d’une équipe et non d’un entrepreneur solitaire » (Moreau, 2005). Sous le terme d’équipe, il est désigné l’équipe des fondateurs qui est composée par l’ensemble des personnes ayant participé à la création de l’entreprise et qui se reconnaissent mutuellement comme tels », « Appartenir au sous-secteur de la réalisation de logiciels de la branche des services TIC en France. En raison de la variation des conditions environnementales d’une industrie à une autre (Dess et Beard, 1984), le contrôle de ces variations, par l’étude d’un sous-secteur particulier, s’avère nécessaire pour ne pas aboutir à des résultats biaisés ».

La méthode en « boule de neige », l’une des variantes de l’échantillonnage par convenance, a été utilisée puisqu’elle constitue la technique la plus pertinente pour le repérage des populations difficiles à identifier (Thiétart etal., 1999). Dans le cadre de cette méthode, ce sont les premiers répondants qui sont invités à désigner l’existence d’autres entreprises possédant les caractéristiques requises pour l’enquête, et ainsi de suite, par contacts successifs, jusqu’à la constitution progressive de l’échantillon (Jolibert et Jourdan, 2006). Le meilleur interlocuteur pour notre enquête s’avère être le dirigeant-fondateur qui connaît tous les aspects depuis la création de l’entreprise. Pour pallier les contraintes de disponibilité des dirigeants, nous avons eu recours à d’autres répondants qui sont en mesure de restituer les informations requises par le questionnaire. Il s’agissait soit de l’un des membres de l’équipe fondatrice, soit de l’un des collaborateurs ayant intégré l’entreprise depuis plus de trois années. Deux principaux modes d’administration ont été retenus : le face-à-face qui constitue le mode de collecte « le plus performant en termes de quantité et de qualité des informations recueillies » (Jolibert et Jourdan, 2006, p. 101), et l’autoadministré qui reste une option intéressante dès lors qu’il existe des contraintes en termes de distance ou de disponibilité. Les questionnaires retenus ont été sélectionnés sur la base de 141 questionnaires adressés aux entreprises : 35 questionnaires sont restés sans réponses et 11 questionnaires étaient incomplets et non exploitables, soit un total de 95 réponses exploitables.

5. Présentation des résultats et discussion

Il s’agit, dans cette partie, d’exposer les résultats des tests des hypothèses de la recherche.

5.1. Test de l’hypothèse de l’existence d’un effet de gestalt sur la performance de la JETI

Le test de cette hypothèse suit une démarche en deux étapes. Dans une première étape, comme recommandé par nombre d’auteurs (Venkatraman, 1989 ; Ketchen et Shook, 1996 ; Ketchen etal., 1997) , une analyse des classes sera conduite dans l’objectif de regrouper les JETI en classes dans lesquelles les entreprises tendent à être similaires entre elles et différentes de celles des autres classes. Cette analyse permettra de déterminer s’il est possible de distinguer des gestalts différentes au sein de l’échantillon étudié et de pouvoir proposer une taxonomie de JETI. Nous réalisons, dans une deuxième étape, une série d’analyses de variance des variables de performance afin de déterminer s’il existe des différences significatives de moyenne en fonction du type de classe, et de pouvoir trancher sur l’existence d’un effet de gestalt sur la performance.

5.1.1. Proposition d’une taxonomie de quatre gestalts de JETI

L’analyse des classes ou taxonomique s’avère être la méthode la plus appropriée à la vérification de notre première hypothèse dans une perspective de gestalt (Venkatraman, 1989).Toutefois, plusieurs choix (Evrard, Pras et Roux, 2009 ; Malhotra, Decaudin et Bouguerra, 2007 ; Jolibert et Jourdan, 2006 ; Ketchen et Shook, 1996 ; Miller, 1996) sont à effectuer pour la réalisation d’une analyse des classes : la définition des variables d’intérêt ou de classement, la mesure de proximité à retenir, la sélection d’une méthode de classification (hiérarchique versus non hiérarchique) et l’algorithme de calcul qui lui correspond, le nombre de classes à retenir et l’interprétation des gestalts ou configurations.

Afin de construire la taxonomie, nous avons suivi une démarche à plusieurs étapes recommandée par nombre de références méthodologiques (Evrard, Pras et Roux, 2009 ; Malhotra, Decaudin et Bouguerra, 2007 ; Jolibert et Jourdan, 2006 ; Thiétart et al., 2003). En premier lieu, nous avons défini les variables de classement en relation avec notre cadre d’analyse théorique : il s’agit des variables associées à la stratégie, à la compétence et à l’environnement de la JETI. Ensuite, nous avons procédé à la vérification de la qualité métrique des indicateurs mesurant les variables de classement en effectuant les analyses statistiques nécessaires à savoir, l’analyse en composantes principales et le calcul de l’alpha de Cronbach. En effet, le recours à une analyse factorielle des variables d’origine (les items composant chaque variable de classement) permet aussi de réduire préalablement leur nombre et de s’assurer que ces variables aient un poids équivalent dans le calcul de l’indice de distance entre les observations (Jolibert et Jourdan, 2006, p. 360). L’analyse en classes sera ainsi menée sur la base des facteurs obtenus et non plus à partir des variables d’origine.

Les étapes suivantes vont permettre de déterminer le nombre optimal de gestalts à retenir et d’évaluer la validité de la taxonomie générée. Les gestalts de JETI associées à chaque classe seront par la suite interprétées et nommées.

La détermination du nombre de groupes ou de gestalts s’est effectuée, dans un premier temps, par une analyse en classes hiérarchique sur le logiciel SPSS. La méthode hiérarchique ascendante utilise un algorithme agglomératif qui effectue une série de fusions entre les objets pour obtenir des groupes (Jolibert et Jourdan, 2006). Nous avons retenu l’algorithme ou la méthode de Ward qui maximise l’homogénéité dans les groupes. Selon Scheibler et Schneider (1985, p. 367) cité dans Jolibert et Jourdan (2006), il s’agit de l’une « des méthodes les plus précises lorsqu’un indicateur de distance euclidienne est utilisé ». La distance euclidienne est définie comme étant « la racine carrée de la somme des carrés des différences entre valeurs pour chaque variable » (Malhotra, Decaudin et Bouguerra, 2007, p. 562). Cette méthode permet donc, sur la base de la mesure des distances euclidiennes entre les variables utilisées, la constitution de classes d’observations relativement homogènes.

La lecture de la chaîne d’agrégation et du dendrogramme a fait ressortir, en fonction de la variation de l’indice de fusion, un nombre optimal de quatre classes de JETI aboutissant à une répartition équilibrée des observations puisque chaque classe représente plus de 10 % de l’échantillon total : {Classe 1 : n=31 (32,63 %)}, {Classe 2 : n=22 (23,16 %)}, {Classe 3 : n= 26 (27,37 %)}, {Classe 4 : n=16 (16,84 %)}. La classification non hiérarchique a été ensuite conduite à l’aide de la méthode K-Means en utilisant les informations issues de l’analyse hiérarchique (c’est-à-dire nombre et composition des groupes). À partir du nombre d’observations dans chaque groupe et de l’observation de l’historique des itérations, l’analyse des résultats confirme que le nombre de classes issu de l’analyse hiérarchique est satisfaisant.

Après avoir identifié une structure taxonomique à quatre classes, il s’agit à présent d’interpréter et de nommer les quatre configurations de JETI identifiées en fonction des variables de classification. La description d’une configuration se fait le plus souvent par les coordonnées de son centre de gravité, c’est-à-dire les moyennes des valeurs des variables de classement pour tous les individus composant la configuration (Evrard, Pras et Roux, 2009 ; Jolibert et Jourdan, 2006). Cependant, la description d’une configuration ne se limite pas forcément aux seules variables qui ont été utilisées pour établir la taxonomie. Il est fréquemment utile, pour interpréter les configurations, de recourir à des variables n’ayant pas été incluses dans la taxonomie, car moins directement liées au phénomène étudié, mais pouvant contribuer à la compréhension (Evrard, Pras et Roux, 2009).

Étant donné les recherches théoriques et empiriques antérieures sur le rôle que peuvent jouer certaines caractéristiques du dirigeant-fondateur comme la formation (Cooper, Gimeno-Gascon et Woo, 1994), l’expérience professionnelle (Wiklund et Shepherd, 2001 ; Agarwal, Echambadi, Franco et Sarkar, 2004), l’expérience entrepreneuriale (Cooper, Gimeno-Gascon et Woo, 1994), la familiarité avec l’activité actuelle de l’entreprise[5] (Praag, 2003 ; Cooper, Gimeno-Gascon et Woo, 1994) et certaines caractéristiques de l’entreprise telles que la nature de l’activité[6] (Witmeur, 2010) et les sources de financement[7] (Dahlqvist, Davidsson et Wiklund, 2000), nous avons, en premier, procédé à une description des quatre configurations sur la base de ces variables non utilisées comme critères de classification. Cette description a été prise en considération pour l’interprétation et la dénomination des quatre profils de JETI associés à chaque configuration.

Ensuite, nous avons dégagé des tendances pour chaque variable de classification en interprétant, selon trois niveaux (faible, moyen, élevé), le score moyen de la valeur de chaque variable (cf. Annexe IV) pour toutes les entreprises composant la configuration, et ce en fonction des valeurs des médianes et troisièmes centiles de ces mêmes variables. Sur chacune des variables de classification, une analyse de variance à un facteur a été menée dans le but d’identifier les variables les plus significatives pour la définition et l’interprétation de la classification obtenue. Les résultats (cf. Annexe IV) montrent que toutes les variables sont significatives pour la classification (loi de Fisher-Snedecor F, p = 0,05). Toutefois, il ressort que les variables les plus discriminantes entre les quatre classes sont : le rythme de développement poursuivi, les compétences managériales à dominante humaine, l’envergure des activités, les compétences managériales à dominante politique, les compétences entrepreneuriales, et la compétence collective. Un test de comparaison des moyennes « test de Scheffe » a été également mené sur chacune des variables de classification, dans le but d’apporter un affinement supplémentaire à l’analyse des différences significatives entre les caractéristiques des quatre classes que l’on a qualifiées de « patrimoniales » pour la configuration 1, d’« aventurières » pour la configuration 2, de « rapides » pour la configuration 3 et de « questions » pour la configuration 4. Les résultats du « test de Scheffe » montrent que les quatre configurations sont significativement différentes les unes des autres (p < 0,05).

Configuration 1. « Les patrimoniales »

Ce profil est le plus représentatif de l’échantillon de l’enquête puisqu’il représente près de 33 %. Sur le plan de la stratégie, cette configuration se différencie par un faible degré de rythme de développement[8] à l’image de la configuration 4 en raison du recours limité voire inexistant à des sources de financement externes, de la motivation de leur dirigeant de sauvegarder une liberté décisionnelle et de leur volonté d’une croissance progressive. Ces JETI se caractérisent par une offre moyennement innovante[9] et différenciée[10] se traduisant le plus souvent par une forte amélioration de l’offre de manière à répondre aux besoins réels du marché et une envergure des activités[11] largement étendue comparable à celle de la configuration 3, du fait de leur activité mixte (développement de logiciels et prestations de service) et de leur volonté de drainer suffisamment de revenus pour assurer l’autosuffisance financière. Ces entreprises s’estiment également moyennement impliquées dans des partenariats[12] leur permettant notamment de soutenir le développement technologique et commercial de leur produit.

La stratégie poursuivie par les JETI de la configuration 1 est portée par une équipe caractérisée par des compétences : – fortement entrepreneuriales pour détecter et exploiter les opportunités présentes sur le marché, – fortement collectives et moyennement managériales à dominante humaine ; nécessaires à ce type de croissance endogène basé sur les revenus de l’entreprise. Les JETI de cette configuration ont une structure de compétences faiblement axée sur les capacités technologiques et politiques. Pour les compétences technologiques, ceci peut être mis en rapport avec leur volonté de proposer une offre non « poussée par la technologie » mais plutôt « tirée par le marché », c’est-à-dire une offre basée sur une connaissance approfondie des marchés et des attentes des clients. Les dirigeants des JETI de la configuration 1 estiment avoir des connaissances et/ou des expériences antérieures en matière de fonctionnement de marché et de comportements de consommation et de collaboration avec des clients similaires à celles de son activité actuelle. Alors que pour les compétences politiques, ceci peut-être mis en relation avec leur volonté de sauvegarde d’une indépendance financière ne nécessitant pas de compétences pour la recherche et la levée de fonds auprès d’investisseurs externes. Pour les JETI de la classe 1, la détection de clients de référence[13] semble être associée à l’importance du réseau relationnel du dirigeant-fondateur fort d’une expérience antérieure à la fois professionnelle et entrepreneuriale. L’environnement dans lequel ces JETI opèrent est perçu comme fortement turbulent[14] et munificent[15] par les dirigeants en raison du fort potentiel de croissance du marché et de la présence d’acteurs favorables à la prise de risque et de structures multipliant les mises en relation entre entrepreneurs et acteurs pertinents.

Plus de 80 % des entreprises de la configuration 1 combinent deux types d’activités : le développement de logiciels et la prestation de services. Selon Witmeur (2010), combiner produit et service est source d’une série de complémentarités entre les deux activités. La prestation de services permet non seulement de générer des revenus pour le financement du développement du produit, mais également d’orienter ce développement vers des besoins réels grâce aux expériences d’échange et de collaboration avec les clients lors des missions de conseil. Le choix d’une activité « mixte » s’accompagne, pour les entreprises de la configuration 1, par une faible voire non-mobilisation de capitaux externes et par un recours aux ressources propres de l’entreprise, à la signature de clients et aux ressources personnelles du dirigeant comme principales sources de financement de l’activité.

Les JETI de la configuration 1 ont été qualifiées de « patrimoniales » pour témoigner de la volonté de leur dirigeant de conserver une indépendance financière par rapport à des sources de financement externes, de sauvegarder une autonomie décisionnelle et de leur volonté d’accumulation et de conservation de leur patrimoine entrepreneurial.

Configuration 2. « Les aventurières »

La deuxième configuration représente 23 % de l’échantillon de l’enquête. Sur le plan de la stratégie, les JETI de cette configuration se différencient par une offre moyennement innovante pouvant notamment se traduire par une forte amélioration de l’offre. Le degré du rythme de développement poursuivi par ces entreprises est moyen, témoignant notamment du recours aux capitaux externes pour le financement de l’activité et de la volonté d’atteindre des objectifs rapides et immédiats.

Les degrés de différenciation marketing, d’envergure des activités et de développement de partenariats sont relativement faibles, mais restent largement supérieurs à ceux de la configuration 4. Les faibles degrés de différenciation marketing et d’envergure des activités témoignent, le plus souvent, d’une offre desservant une niche de marché étroite, géographiquement limité. Bien qu’étant estimées comme ayant un faible recours aux partenariats relativement aux configurations 3 de type « rapide » et 1 de type « patrimonial », le score moyen enregistré par ces JETI s’élève à 4,0000 sur une échelle à cinq points, ce qui témoigne de l’existence d’efforts fournis par ces entreprises pour le développement de partenariats.

Les JETI de la configuration 2 sont portées par une équipe caractérisée par des compétences moyennement entrepreneuriales, technologiques, humaines et politiques, mais dont les scores moyens sont supérieurs à ceux de la configuration 4.

Bien que ces scores enregistrés semblent témoigner de la constitution d’une équipe polyvalente, les JETI de cette configuration laissent apparaître un faible degré de compétence collective, témoignant de l’absence éventuelle d’apprentissages humains nécessaires à la réussite du fonctionnement de l’équipe.

Quant à l’environnement dans lequel évoluent ces JETI, il est perçu comme ayant un faible degré de turbulence pouvant être mis en rapport avec la desserte d’une niche de marché étroite et géographiquement limitée et est estimé comme étant moyennement munificent par les dirigeants du fait notamment du fort potentiel de croissance du marché ciblé et d’une disposition favorable des acteurs à la prise de risque.

Les JETI de la configuration 2 ont été qualifiées d’« aventurières » en raison notamment des caractéristiques sociodémographiques de leurs dirigeants-fondateurs qui, dans leur grande majorité, ne disposent que de peu, voire pas d’expériences professionnelle et entrepreneuriale, malgré leur niveau de formation particulièrement élevé. Les JETI de cette configuration s’inscrivent bien dans le cas des entreprises créées par de jeunes entrepreneurs qui, forts de leur expertise technique notamment en termes de connaissances et/ou expériences en matière de technologie et de conception et de fabrication de produits, cherchent à exploiter les opportunités offertes par l’environnement.

Configuration 3. « Les rapides »

Cette configuration représente 27 % de l’échantillon de l’enquête. Sur le plan de la stratégie, les JETI de cette configuration se caractérisent par un fort degré de rythme de développement se traduisant par un recours important au capital-risque et par une offre fortement innovante majoritairement basée sur une activité de développement de logiciels. Ces JETI sont fortement impliquées et engagées dans des relations de partenariats leur permettant de soutenir le développement technologique et commercial de leur produit, d’augmenter la crédibilité de leur produit sur le marché, sa valeur perçue par les utilisateurs, et de pouvoir accéder à de nouveaux marchés.

Les entreprises de cette configuration se distinguent également par une envergure des activités en termes de marché et de produits fortement étendue. La vente d’une large gamme de produits à différents segments de marché géographiquement étendus s’accompagne, dans le cas de ces JETI par un fort degré de différenciation marketing se traduisant par d’importantes dépenses en matière de publicité, par le développement de nouveaux canaux de distribution, par l’innovation dans les méthodes et techniques de mise en marché, et par le développement de services connexes au produit proposé.

Concernant la nature des compétences mobilisées, il semble qu’elles soient fortement complémentaires et collectives. Les JETI appartenant à cette configuration se distinguent par une équipe de collaborateurs dont les compétences sont diverses : entrepreneuriales, technologiques et managériales.

L’environnement dans lequel évoluent ces JETI est qualifié comme étant fortement turbulent par les dirigeants, et il est également caractérisé par une munificence perçue comme élevée de la part de ces derniers en raison du fort taux de croissance du marché, d’un contexte favorisant la prise de risque et multipliant les mises en relation entre entrepreneurs et acteurs pertinents.

Les JETI de la configuration 3, de par leurs caractéristiques dominantes, ont été qualifiées dans le cadre de cette recherche, de « rapides » en raison de leur volonté de franchir rapidement les étapes de développement de l’entreprise et de l’ambition d’atteindre des objectifs rapides et immédiats grâce notamment à un financement adapté provenant principalement de sources externes à l’image du capital-risque.

Configuration 4. « Les questions »

La quatrième configuration est la moins représentative puisqu’elle ne représente qu’environ 16 % de l’échantillon d’enquête. Concernant la stratégie, cette configuration regroupe les JETI qui se caractérisent par une offre faiblement innovante et dont le rythme de développement poursuivi est faible relativement aux autres configurations. Le faible degré du rythme de développement de ces entreprises témoigne, en partie, d’un recours très limité, voire inexistant aux capitaux externes. Les JETI de la classe 4, dans leur grande majorité, ont comme principales sources de financement : les ressources propres de l’entreprise (l’autofinancement), les ressources personnelles du dirigeant et les découverts bancaires, alors que pour le capital-risque, 81 % des dirigeants qualifient de « pas importante » sa contribution dans le financement de leur activité. L’envergure de leur activité est très restreinte aussi bien en termes de l’étendue des marchés ciblés que de la largeur de la gamme de produits proposés.

Les entreprises de cette configuration se distinguent cependant par une offre moyennement différenciée qui se caractérise par des efforts en matière, notamment de publicité, d’innovation dans les méthodes et techniques de mise en marché et de développement de nouveaux canaux de distribution. Par ailleurs, avec un score moyen de développement de partenariats s’élevant à 4,2031 sur une échelle à cinq points, ces JETI témoignent d’efforts consentis dans le développement de partenariats pour soutenir leur offre (cependant, cet effort reste moindre que celui des configurations 3 de type « rapide » et 1 de type « patrimonial »).

Pour ce qui est des compétences mobilisées, ces JETI laissent apparaître une structure de compétences faiblement axée sur les compétences entrepreneuriales, managériales et collectives relativement aux trois autres configurations, mais se distinguent par une équipe de collaborateurs dont les compétences sont moyennement technologiques.

L’environnement de ces jeunes entreprises est caractérisé par des degrés relativement faibles de munificence et de turbulence. Le faible degré de turbulence perçu par les JETI de la classe 4 peut être mis en rapport avec le faible degré d’envergure de leur activité, se traduisant par une offre géographiquement limitée et où le marché ciblé est le plus souvent une niche.

La grande majorité des JETI de cette configuration ont une activité de prestations de services qui se traduit généralement par des missions de consultants ou d’experts (Witmeur, 2010). Selon la typologie de la nature de l’activité des entreprises high tech de Bernasconi (2000), les sociétés de services sont le plus souvent créées par des chercheurs qui, forts de leur expertise technologique, proposent des prestations de conseils et de services spécialisés (Witmeur, 2010). Les JETI de la configuration 4 s’inscrivent bien dans cette veine dans la mesure où ces entreprises estiment que ce sont leurs compétences technologiques qui contribuent à leur avantage concurrentiel. Selon Witmeur (2010), ces entreprises de services ont, le plus souvent, comme avantage compétitif initial le savoir-faire de leur fondateur. Ceci se retrouve dans les JETI de la classe 4 dont les dirigeants estiment avoir des connaissances et des expériences en matière de technologie, de fonctionnement du marché, et de conception et de développement de produits/services similaires à celles de l’activité de son entreprise.

Les JETI de la configuration 4, de par leurs caractéristiques dominantes, ont été qualifiées de « questions », car la perspective de migrer d’une activité basée sur les prestations de services vers une activité de développement de produits est probable et reste latente. En effet, le score moyen (s’élevant à 4,2031 sur une échelle de cinq points) de développement de partenariats les caractérisant, témoignent d’efforts fournis dans ce sens, mais laisse dans l’ombre l’ambition qui les sous-tend. La question qui se pose en filigrane est, dès lors, de savoir s’il s’agit, pour les JETI de la configuration 4, de développer des partenariats dans le but de stimuler les ventes de leur offre de services voire d’accéder à de nouveaux marchés ou bien dans le dessein de soutenir le développement technologique et commercial potentiel d’un nouveau produit. Dans le cas échéant, cette activité de service serait une activité transitoire à vocation « alimentaire » (Bernasconi, 2000) puisque les revenus générés par la prestation de services servent à financer le développement de l’activité réellement souhaitée. Selon Witmeur (2010), la majorité des jeunes entreprises innovantes font le choix de faire leurs premiers pas dans la prestation de services pour générer rapidement des revenus et assurer l’autosuffisance financière. Cependant, cette activité constitue également une opportunité dans le sens où « […] lors des missions, les consultants développent des solutions sur mesure qui répondent aux besoins de leurs clients, mais constituent également les fondations d’une solution produit plus générique ».

5.1.2. Lien entre les quatre configurations et la performance de la JETI

Tenant compte des trois dimensions de la performance, il s’agit de tester successivement la première hypothèse de l’existence d’un effet de « gestalt » dans le cas de la performance financière (PERFF), la performance commerciale (PERFC) et la satisfaction personnelle du dirigeant (PSATIS). Les résultats de l’analyse de variance des variables de performance (Tableau 1) permettent d’identifier des différences significatives de moyenne en fonction du type de configuration.

Tableau 1

Scores moyens et analyse de variance des variables de performance

Scores moyens et analyse de variance des variables de performance

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Pour les trois dimensions de la performance, la valeur du F de Fisher calculée (qui est égal au rapport du carré moyen factoriel [CMF] divisé par le carré moyen résiduel [CMR]) est bien supérieure au F de Fisher lu dans la table pour 3 et 91 degrés de liberté respectivement et pour un seuil α de 5 %.

L’hypothèse nulle d’égalité des moyennes entre les modalités du facteur relatif au type de configuration peut être rejetée. Il existe donc au moins une moyenne statistiquement différente des autres pour une des modalités du facteur. Il est possible donc de conclure que le facteur manipulé, en l’occurrence le type de configuration, a un effet significatif sur les trois dimensions de la performance de la JETI. L’examen des moyennes dans les différentes classes générées montre un score de performance financière faible pour la configuration 1 et plus élevé pour la configuration 3 que les configurations 4 et 2.

La dernière colonne du tableau représente l’indicateur « Eta carré » représentant la signification pratique, l’intensité ou encore l’importance, de l’effet d’un facteur sur la variable expliquée (Jolibert et Jourdan, 2006). À titre d’exemple, l’intensité de l’effet du facteur (type de configuration) est égale à 0,844, soit une valeur relativement élevée. Ce qui permet de conclure que 84,4 % de la variance de la performance financière de la JETI est expliquée par le type de configuration adopté, c’est-à-dire par la combinaison de la stratégie, de la compétence et de l’environnement de la JETI.

5.2. Test de l’hypothèse de l’existence de gestalts préférables

Pour le test de cette hypothèse, des tests post hoc ont été menés en fonction du type de configuration sur chacune des trois variables de performance. Il s’agit plus précisément du test de comparaison des moyennes « test de Scheffe » (cf. Annexe V) permettant de déterminer les moyennes qui diffèrent et des tests d’intervalle permettant d’identifier les sous-groupes homogènes de moyennes ou de classes qui ne diffèrent pas les uns des autres, en fonction des variables de la performance. L’objectif étant de mettre en évidence les alignements qui peuvent être jugés comme préférables, c’est-à-dire liés à un meilleur niveau de performance. Il s’agit donc d’identifier quelles modalités du facteur (quels types de configurations parmi les quatre générées) sont à l’origine de l’effet (Jolibert et Jourdan, 2006), en l’occurrence l’effet de l’alignement de type « gestalt ».

Cas de la performance financière

L’observation des résultats du test des comparaisons multiples des moyennes (cf. Annexe V) montre que l’adoption de la configuration 3 de type « entreprises rapides » constitue le meilleur alignement pour les JETI puisqu’en enregistrant un niveau significativement plus élevé de performance financière que les configurations 1, 2 et 4 avec des différences significatives des moyennes qui sont respectivement de l’ordre de 3,3284, de 2,0420 et de 3,2911. Ces résultats sont confirmés par ceux des tests d’intervalle (Tableau 2) qui font apparaître que la variable « performance financière » permet une discrimination significative entre trois groupes homogènes de configurations et que le groupe 3 constitué par la seule configuration 3 regroupe bien les JETI les plus performantes.

Tableau 2

Groupes homogènes – Variable « performance financière »

Groupes homogènes – Variable « performance financière »

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Cas de la performance commerciale et de la satisfaction personnelle du dirigeant

L’observation des résultats du test des comparaisons multiples des moyennes (cf. Annexe V) montre que les configurations 1, 2 et 3 sont significativement différentes et plus performantes, enregistrant les niveaux les plus élevés de performance commerciale et de satisfaction relativement à la configuration 4. Concernant les tests d’intervalle (Tableaux 3 et 4), les résultats confirment que les variables de « performance commerciale » et de « satisfaction personnelle du dirigeant » discriminent significativement entre deux principaux groupes homogènes de configurations, dont le groupe 2 formé par les classes 1, 2 et 3, regroupant bien les JETI qui atteignent des niveaux de performance les plus élevés.

Tableau 3

Groupes homogènes – Variable « performance commerciale »

Groupes homogènes – Variable « performance commerciale »

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Tableau 4

Groupes homogènes – Variable « satisfaction personnelle du dirigeant

Groupes homogènes – Variable « satisfaction personnelle du dirigeant

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L’appartenance des différentes configurations 1, 2 et 3 au même groupe de JETI enregistrant des niveaux significativement plus élevés et comparables de performance commerciale et de satisfaction met en évidence l’existence de différents alignements préférables concernant le type de configuration. En définitive, l’hypothèse H2 est validée pour les trois dimensions de la performance.

5.3. Discussion

Notre objectif est d’évaluer la pertinence du modèle proposé à la lumière des résultats des tests des hypothèses. La perspective de gestalt est validée par la taxonomie développée qui parvient à isoler quatre configurations dont la cohérence interne est associable à différents niveaux de performance. En regard de la question centrale de cette recherche, il est possible de répondre que les JETI les plus performantes adoptent des gestalts préférables qui mettent en cohérence les variables stratégiques, de compétence et environnementales. Cependant, il s’avère que l’étendue (nombre) et la nature (type) des gestalts préférables ne sont pas les mêmes suivant la dimension de la performance considérée.

Dans le cas de la performance financière, les résultats obtenus montrent qu’il existe qu’une seule gestalt associée à la configuration 3 de type « entreprises rapides ». En observant les caractéristiques de cette configuration, deux constats sont à effectuer. D’une part, c’est l’unique classe regroupant des JETI qui sont fortement financées par des capitaux externes, notamment par capital-risque. D’autre part, il s’avère que c’est également la seule gestalt qui mobilise l’ensemble des variables avec des scores moyens élevés.

Ces résultats sont à mettre en rapport avec la logique dominante dans la littérature entrepreneuriale (Zahra, Matherne et Carleton, 2003 ; Qian et Li, 2003 ; Li, 2001 ; Zahra, Ireland et Hitt, 2000) traitant de la performance des jeunes entreprises innovantes, qui associe l’atteinte des objectifs financiers à une nécessaire démarche stratégique fondée principalement sur une logique de financement par capital-risque (Savignac, 2007 ; Hellmann et Puri, 2000 ; Guilhon et Montchaud, 2003) et un rythme de développement rapide dont l’enjeu principal est une valorisation de l’entreprise. Le capital-risque paraît, à ce niveau, comme un levier incontestable du développement rapide de la JETI, « l’instigateur » d’un « renforcement mutuel » entre les éléments du système étudié (Heirman et Clarysse, 2004). À ce titre, Guilhon et Montchaud (2003) considèrent le capital-risque comme « levier de croissance » pour les jeunes entreprises innovantes en ce sens que « l’implication poussée des investisseurs dans les premières étapes de la vie d’une entreprise », notamment dans « les étapes du choix, de la conception des contrats, et du contrôle et du suivi des participations » est de nature à augmenter – « l’efficience allocative du capital risque au sein du processus de R&D et d’innovation » de manière à « accroître le potentiel de R&D des firmes innovantes » et à « faciliter l’introduction des innovations sur le marché ».

À la lumière des travaux de Heirmann et Clarysse (2004) sur l’existence d’un « renforcement mutuel » entre les différents types de ressources, les résultats de cette recherche suggèrent que l’atteinte d’un niveau supérieur de performance financière par la seule configuration 3 est associée à l’existence d’un « renforcement mutuel », ou ce que l’on pourrait traduire par un alignement « global » et « mutuel » entre les variables de stratégie (technologie innovante, offre étendue, financement par capital-risque), de compétence (large panoplie de compétences) et d’environnement (technologie en pleine émergence, munificence de l’environnement en termes de potentiel de croissance du marché).

Par alignement « global », on entend un alignement qui mobilise l’ensemble des variables avec des scores moyens élevés. Par alignement « mutuel », on entend un alignement où les scores élevés de toutes les variables composant la gestalt se renforcent mutuellement.

Dans le cas de la performance commerciale et de la satisfaction globale, les résultats obtenus montrent qu’il existe trois gestalts préférables (1 : les patrimoniales, 2 : les aventurières et 3 : les rapides) associées à des niveaux élevés et comparables de performance et se traduisant par des configurations différentes de variables. Ces résultats appellent différentes réflexions de nature à apporter un meilleur éclairage sur la performance de la JETI.

Dans un premier temps, ce résultat est à mettre en rapport avec le principe de l’équifinalité de l’approche configurationnelle qui considère que différentes configurations peuvent être également performantes (Drazin et van de Ven, 1985), permettant ainsi aux entrepreneurs de bénéficier d’une certaine latitude en matière de choix à effectuer.

Dans un second temps, à la lumière des résultats de l’étude de Heirmann et Clarysse (2004) sur l’existence d’un renforcement « mutuel » entre les différents types de ressources, les résultats de cette recherche suggèrent deux formes d’alignements préférables de type « gestalt » :

  • Un alignement « global » et « mutuel », caractérisant les entreprises de type « rapide » comme souligné précédemment.

  • Un alignement « partiel » et « substitutionnel », caractérisant les entreprises de type « aventurier » et de type « patrimonial ».

Les qualificatifs global/partiel cherchent à traduire s’il y a une mobilisation de l’ensemble ou d’une partie des variables composant la gestalt. Les qualificatifs mutuel/substitutionnel cherchent à traduire si le faible niveau d’une variable est compensé par le niveau plus élevé d’une autre variable.

Ce résultat s’inscrit dans la lignée des travaux qui identifient différents types ou niveaux de cohérence ou d’alignement. Pour Venkatraman et Camillus (1984), la cohérence est de type « intégré » lorsqu’elle regroupe des éléments internes et externes à l’entreprise. Quant à Miles et Snow (1984), différents niveaux de cohérence peuvent être distingués en fonction de la nature des activités. D’une cohérence « fragile » pour les activités en déclin ou « minimale » pour les industries très compétitives à une cohérence « précoce » pour les activités très innovantes ou « forte » pour les activités établies.

Enfin, les résultats de cette recherche corroborent les conclusions de travaux antérieurs (Murphy, Trailer et Hill, 1996 ; Cooper et Artz, 1995) prônant le caractère de multidimensionnalité de la performance et de non-interchangeabilité de ses mesures et démontrant une absence de corrélation ou l’existence d’une corrélation négative entre les variables utilisées pour l’évaluation de la performance.

Tout d’abord, l’identification de gestalts préférables associées à des profils contrastés de JETI en fonction de la performance rappelle les conclusions de travaux qui suggèrent que la nature de la relation entre une variable explicative et la performance est dépendante de la mesure de la performance (Murphy, Trailer et Hill, 1996). Dans cette recherche, c’est la dimension de la performance considérée (financière, commerciale ou satisfaction globale) qui détermine la nature, l’étendue et la forme de(s) gestalt(s) préférable(s).

Les résultats montrent ensuite que, pour certains profils de JETI, la satisfaction globale n’est pas forcément associée à l’atteinte d’un niveau élevé de performance. Bien au contraire, il s’avère que la configuration 1 de type « patrimonial », bien que percevant un faible niveau de performance financière, affiche un score élevé de satisfaction globale. Ces JETI se trouvent être animées par la volonté d’une croissance progressive et maîtrisée et d’une indépendance financière et imprégnées par une logique qui tendrait vers une valorisation patrimoniale de l’entreprise plutôt qu’une recherche forcenée d’une sortie industrielle ou boursière. Alors que pour la configuration 3 de type « rapide », l’atteinte de scores les plus élevés de performances financière et commerciale n’est pas forcément associée au plus haut degré de satisfaction relativement aux entreprises de type « patrimonial ». Ce qui rejoint les travaux de Cooper et Artz (1995) qui montrent que le degré de satisfaction des entrepreneurs est sensible à la nature des objectifs escomptés, en ce sens que les entrepreneurs visant des objectifs non économiques ressentent plus de satisfaction que ceux motivés par la réalisation d’objectifs économiques.

Conclusion

La conclusion de ce travail s’articule autour de quatre principaux points de manière à présenter ses contributions tant théoriques que managériales, ses limites et les voies de recherche futures.

Tout d’abord, les résultats de cette recherche ont permis d’accroître l’importance de l’approche configurationnelle et plus particulièrement de la perspective de « gestalt » dans l’étude de la performance de la JETI. Il a été constaté que l’alignement de type « gestalt » entre stratégie, compétence et environnement constitue une base théorique et méthodologique pertinente pour décrire et expliquer les différences de performance entre les entreprises de l’échantillon étudié.

Cette recherche a également des retombées managériales, notamment pour les entrepreneurs potentiels et les dirigeants actuels de JETI. En effet, la perspective de l’alignement au sens de « gestalt » prône une démarche entrepreneuriale collective et de surcroît synergique qui situe l’entrepreneur par rapport à la dimension stratégique de son projet, l’environnement dans lequel son entreprise opère et les compétences qu’il est ou que son équipe est en mesure de mobiliser et de développer. Une telle perspective permet, plus particulièrement, d’engager la réflexion vers une démarche de prise de conscience et d’évaluation, eu égard la stratégie de la JETI, des leviers d’action et de l’entrepreneur de par la mobilisation et le développement de ses compétences grâce aux options de formation, d’apprentissage, d’échange et de développement de réseaux relationnels s’offrant à lui, et de l’environnement, notamment de par la participation et l’exploitation des services proposés par les infrastructures diverses, notamment sociales, et ce en raison du rôle de catalyseur qu’elles assurent. C’est l’un des rôles importants des acteurs publics et également privés, en région, de multiplier et de renforcer le développement de réseaux, de créer et de favoriser les mises en relations originales qui sont incontestablement à la source de l’innovation et de sa réussite.

Pouvant aussi intéresser les acteurs de l’accompagnement, les enseignements de ce travail sont susceptibles de faire l’objet de réflexions et d’analyses complémentaires à leurs pratiques, étant donné les différentes configurations de JETI, qu’elles soient de type patrimonial, aventurier, rapide ou question, afin de leur fournir les appuis adéquats. L’identification de profils contrastés de JETI appelle nécessairement, de la part des accompagnateurs, des réponses différenciées (Chabaud, Messeghem et Sammut, 2010) et adaptées (Verzat, Gaujard et François, 2010). La prise en compte de la diversité des profils de JETI se présente alors comme un enjeu important pour les dispositifs d’accompagnement entrepreneurial en termes de conseil, de formation, de réseautage et de financement. Sans vouloir préjuger des dispositifs et des modalités employés, quelques premières pistes se dessinent pour une prise en considération de cette diversité dans l’accompagnement des JETI.

Les dirigeants des entreprises de type « patrimonial » se distinguent par une grande expérience professionnelle et entrepreneuriale, disposent de connaissances en matière de technologies et de fonctionnement du marché et par une très faible importance (voire une hostilité) accordée au financement par capitaux externes. L’accompagnement des entreprises de ce type, portées par une logique de valorisation patrimoniale ne tendrait-il pas vers une offre adaptée à la volonté d’une croissance endogène « organique » fondée principalement sur l’autofinancement et sur les revenus tirés des ventes de la JETI et se traduisant par une indépendance par rapport aux sources de financement externes et un recours aux partenariats pour soutenir le développement technologique et commercial du produit ? Un accompagnement spécifique serait alors plus axé sur une facilitation d’accès aux marchés, une aide à la prospection des premières références clients ou encore une mise en réseau avec des partenaires pertinents ?

Les dirigeants des entreprises de type « rapide » ont un profil similaire à celui des dirigeants des entreprises de type « patrimonial », mais s’en distinguent par une grande importance accordée au financement externe. L’accompagnement des entreprises de type « rapide » animées par une logique de valorisation financière, ne se traduit-il pas alors par une offre adaptée à la volonté d’une croissance rapide et exogène privilégiant une logique de financement par capital-risque ? Le dispositif d’accompagnement s’articulerait autour du même levier que celui des entreprises « patrimoniales », à savoir l’accompagnement dans la recherche de partenaires, mais avec un accent particulier mis sur le financement (levée de fonds) par capitaux externes.

Les dirigeants des entreprises de type « question » se caractérisent, relativement aux autres configurations, par une faible expérience entrepreneuriale, mais disposent d’un niveau de formation élevé et sont forts de connaissances et/ou expériences en matière de technologies, de fonctionnement du marché et de ses acteurs, de comportements de consommation et de collaboration avec les clients et de conception, de développement et de fabrication de produits/services similaires à celles de leur activité actuelle. Cette faible expérience entrepreneuriale conduit à des besoins en matière d’accompagnement axés sur la formation à la création d’entreprises, le conseil, notamment concernant la formulation d’une démarche stratégique à partir du métier de l’entreprise et le soutien dans la recherche de financement. Les dirigeants des entreprises de type « aventurier » se caractérisent par peu d’expériences professionnelle et entrepreneuriale, une faible connaissance du fonctionnement du marché, mais se distinguent par un niveau de formation élevé et des connaissances en matière de technologie et de conception et de fabrication de produits. Les dispositifs d’accompagnement seraient similaires à ceux des entreprises de type « question » à l’image de l’accompagnement dans la recherche de fonds et à la mise en réseau avec différents acteurs, mais avec un accent fort mis sur le conseil et la formation à la création et à l’acquisition de compétences managériales.

Bien entendu, les résultats de ce travail ne peuvent être appréhendés que relativement à ses limites. Comme dans toute étude empirique traitée de façon quantitative, il existe des biais liés à la collecte et au traitement des données. Il serait alors intéressant de tester la portée des résultats obtenus en reproduisant l’analyse sur un échantillon plus large et sur une périodicité différente en utilisant notamment des données plus récentes sur les JETI du secteur français des services informatiques. L’objectif étant de pouvoir valider ou réfuter les résultats obtenus et, d’autre part de mettre en évidence une éventuelle évolution des profils d’entreprises. Aussi, le choix d’une étude transversale est de nature à engendrer une déperdition d’enseignements. Étant donné que le fit au sens de gestalt peut-être appréhendé en tant qu’un état instantané ou processus, il conviendrait alors de mener une étude longitudinale permettant d’étudier le degré de stabilité des configurations de JETI obtenues et d’expliquer l’origine de leurs évolutions dans le temps.

Enfin, les données utilisées portent sur un seul sous-secteur, à savoir les services informatiques, ce qui peut limiter la portée des conclusions de ce travail. Il est donc possible de se demander si l’on obtiendrait les mêmes résultats en reproduisant l’analyse au niveau d’autres sous-secteurs des TIC (notamment télécommunications, hautes technologies). Cette nouvelle analyse permettrait de mettre en évidence d’éventuelles spécificités entre les sous- secteurs.