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Introduction

L’argument économique de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE), selon lequel il y aurait des bénéfices financiers à tirer de la mise en oeuvre de pratiques de RSE, est souvent mobilisé par les promoteurs d’un engagement plus important des entreprises de petite taille dans des logiques de développement durable (DD)[2]. Dans cette approche, généralement qualifiée de business case[3], la RSE est ainsi vue comme un moyen de faire des affaires, de développer les bénéfices, d’accéder à de nouveaux marchés et de maximiser les opportunités et l’innovation (Jenkins, 2004, 2009 ; Smekey, 2004). Elle est censée créer un scénario gagnant sur tous les plans (Jenkins, 2004).

Même si les dirigeants de petites entreprises (PE)[4] n’ont pas toujours une vision très claire de ce qu’est la RSE, et si leurs convictions citoyennes jouent souvent un rôle décisif dans l’orientation durable des pratiques managériales (Paradas, 2011), certains adhèrent bien à l’idée que good ethics is good business (une bonne éthique d’entreprise fait de bonnes affaires) (Cohen, 1999). Ainsi, nombre de typologies qui classent ces entreprises selon leur propension à s’engager dans la RSE présentent au moins un profil de PE à la recherche de retombées économiques positives (Battisti et Perry, 2011 ; Spence, Gherib et Biwolé, 2011). Il apparaît donc bien que certains dirigeants ont une approche utilitariste de la RSE. S’ils s’engagent dans des pratiques durables, c’est qu’ils pensent que cela facilite les affaires (Courrent et Gundolf, 2009). Pour autant, l’adhésion à l’argument économique de la RSE ne conduit pas nécessairement à son instrumentalisation : elle peut traduire simplement la conviction que la mise en place de pratiques durables est compatible avec les objectifs économiques poursuivis et/ou les contraintes économiques perçues.

La forte personnalisation des décisions managériales autour de la figure centrale du dirigeant dans les entreprises de petite dimension (Carland, Hoy, Boulton et Carland, 1984 ; d’Amboise et Muldowney, 1988 ; Julien, 1990) a souvent conduit les chercheurs qui étudient comment les PE se saisissent de la question du DD, à centrer leurs travaux sur le rôle du chef d’entreprise. Ils montrent, en premier lieu, que ce rôle est dominant dans l’engagement de politiques RSE de l’organisation (Brilius, 2010 ; Jenkins, 2009 ; Elke et Bos-Brouwers, 2009). Ils font apparaître, en second lieu, une grande hétérogénéité des attitudes et des comportements (Berger-Douce et Deschamps, 2012 ; Besser, 2012 ; Bos-Brouwers, 2010 ; Cassells et Lewis, 2011 ; Kuckertz et Wagner, 2010 ; Lähdesmäki, 2012 ; Lamberti et Noci, 2012 ; Schaltegger et Wagner, 2011 ; Spence, Gherib et Biwolé, 2011 ; Thornton et Byrd, 2013 ; Uhlaner, Berent-Braun, Jeurissen et de Wit, 2012). Cette hétérogénéité s’explique par la diversité des représentations que les dirigeants peuvent nourrir sur « la connaissance même de la notion de DD ou de RSE ; l’intérêt d’en faire un cadre d’analyse qui guide les actions de l’entreprise ; la possibilité de l’intégrer dans les pratiques de gestion » (Courrent, 2013) : le quoi, le pourquoi, le comment. Comprendre l’engagement durable des petites entreprises suppose ainsi de mettre en lumière le rôle de facteurs non seulement organisationnels et environnementaux, mais également (voire surtout) individuels tels que l’âge ou le genre (Buttner, 2001 ; Labelle et St-Pierre, 2015 ; Marta, Singhapakdi et Kraft, 2008 ; Schaper, 2002 ; St-Pierre, Carrier et Pilaeva, 2014), le type et le niveau de formation (Hsu et Cheng, 2012 ; Parry, 2012 ; Schaper, 2002 ; Tilley, 1999).

L’objet de cette recherche est ainsi de contribuer à combler le manque de connaissances relatives à l’influence du dirigeant sur l’engagement de son entreprise dans une logique de RSE (Aguinis et Glavas, 2012). Plus particulièrement, elle cherche à mieux appréhender le « pourquoi » en identifiant des éléments d’ordre personnel qui sont associés à l’une des approches importantes de la RSE relevée dans la littérature, celle de la raison économique. Il ne s’agit pas, pour autant, d’étudier l’effet des motivations du dirigeant sur l’engagement, mais de s’intéresser aux représentations de la RSE qui étayent ces motivations en essayant de mieux comprendre la place qu’occupe l’argument économique dans ces représentations. La question centrale est dès lors la suivante : quelles caractéristiques individuelles sous-tendent l’adhésion du dirigeant de PE à l’argument économique de la RSE ?

La présentation des éléments théoriques et le développement des hypothèses font l’objet des deuxième et troisième sections. Dans la quatrième, la méthodologie est exposée. Suivent la présentation des résultats et leur discussion. Pour conclure, sont enfin envisagées les implications de l’étude pour les dirigeants, les pouvoirs publics et les chercheurs, ainsi que ses limites et les avenues de recherche qui se dégagent.

1. Cadre théorique

1.1. Argument économique et approche managériale de la RSE

Comme le rappelle Gendron (2000), la question de la responsabilité sociale de l’entreprise a donné lieu à de nombreux débats qui « se sont progressivement institutionnalisés pendant les années 80 autour de trois grandes écoles (la Business Ethics, la Business & Society et la Social Issue Management) correspondant à des types différents de justification (morale, sociale, managériale) des pratiques de RSE. L’argument économique s’inscrit dans le courant du Social Issue Management qui traite les questions sociétales « comme des paramètres, dont il faut tenir compte dans le cadre de la gestion stratégique », dans une logique principalement utilitariste.

De fait, force est de constater que l’approche utilitariste est dominante dans la sphère économique et, notamment, dans les discours adressés aux dirigeants de petites entreprises réticents à intégrer des enjeux aussi complexes dans leurs cadres d’analyse et leurs processus de prise de décision. Proposé en 1997 par le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), le concept de business case (Schmidheiny, Chase et DeSimone, 1997), que nous traduirons par « argument économique », est ainsi devenu le fondement de la conception managériale de la RSE la plus répandue et constitue un cadre d’analyse incontournable dans les travaux sur la RSE en PE (Labelle et Aka, 2012 ; Naffziger, Ahmed et Montagno, 2003 ; Smekey, 2004). L’ensemble des arguments qu’il regroupe (Kurucz, Barry et Wheeler, 2008), – possibilité de réduire certains coûts, de développer un avantage concurrentiel, des innovations durables, de diversifier ses sources de revenus, d’améliorer sa réputation et sa crédibilité, ainsi que sa rentabilité –, tend à convaincre non seulement de la compatibilité des pratiques responsables avec les contraintes économiques de l’entreprise, mais encore de leur effet positif sur la performance économique et financière.

Pour autant, l’approche managériale de la RSE ne s’inscrit pas toujours dans une logique strictement utilitariste. Elle cultive une certaine ambigüité sur les motivations des acteurs à « faire de la RSE » de façon délibérée, sur les buts qu’ils poursuivent en cela, autrement dit sur leur conception de la performance, qui est très diverse en PE (St-Pierre et Cadieux, 2011). Pour certains, la performance est par essence d’ordre économique et financier. Il convient dès lors de s’inscrire dans une logique clairement utilitariste d’instrumentalisation de la RSE, les actions sociales et environnementales étant considérées comme des moyens utiles ou des contraintes à respecter dans la poursuite d’objectifs purement économiques. Pour d’autres, au contraire, les dimensions sociales et environnementales sont intégrées, à des degrés et sous des formes divers, aux objectifs de l’organisation. À l’opposé de la logique utilitariste, la conception de la RSE en termes de triple résultat (Elkington, 1997), pose même qu’il est possible de favoriser la recherche d’une performance globale reposant sur un équilibre entre les conséquences économiques, sociales et environnementales des décisions managériales considérées comme un ensemble cohérent d’objectifs. Au-delà de cette opposition, il existe une grande diversité des postures de la RSE que les dirigeants d’entreprises peuvent adopter, selon que chacune des trois dimensions du développement durable relève des objectifs poursuivis, des moyens engagés ou des contraintes prises en compte (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2010).

Cette grande diversité traduit une grande hétérogénéité dans les représentations que les acteurs peuvent avoir des objectifs à poursuivre d’une part, et de la possibilité de les atteindre d’autre part. En premier lieu, les buts et objectifs des dirigeants de PE sont d’une grande variété, ce qui a conduit à de nombreux essais de typologisation des entrepreneurs (Filion, 2000). Les conceptions de la performance sont ainsi très diverses, la performance économique n’étant bien souvent qu’un élément, parmi d’autres, des buts fondamentaux poursuivis. On ne peut donc réduire les pratiques managériales des PE à la seule logique utilitariste, en particulier en matière de RSE. Comme l’a souligné Paradas (2011), de nombreux dirigeants de petites entreprises « font [même] de la RSE sans le savoir ». En second lieu, la conviction d’une convergence possible entre les résultats économiques, sociaux et environnementaux est loin d’être unanimement partagée. Si certains adhèrent à l’argument économique de la RSE, d’autres estiment en revanche qu’elle est coûteuse, voire que c’est un luxe pour entreprises riches. Labelle et St-Jean (2011) distinguent ainsi les entrepreneurs « égoïstes », poursuivant des intérêts personnels (sous-entendu de type économique) incompatibles avec un engagement pour le développement durable, par opposition à ceux que décrivent Patzelt et Shepherd (2011), ou Parrish (2010), les « altruistes », pour lesquels les retombées économiques sont le sous-produit d’actions socialement et environnementalement responsables. Pour les premiers, la finalité économique est l’objectif exclusif ; pour les seconds, la bonne performance économique est une conséquence de la RSE. Notons que ces convictions relèvent de la croyance et non de la connaissance, les diverses études académiques menées pour évaluer les effets de la RSE sur la performance n’ayant pas permis d’établir de relation claire entre les trois dimensions, du développement durable, notamment en PE (Battisti et Perry, 2011 ; Drake, Purvis et Hunt, 2004 ; Hull et Rothenberg, 2008 ; McKeiver et Gadenne, 2005 ; Orlitzky, Schmidt et Rynes, 2003 ; Revell et Blackburn, 2007 ; Russo et Fouts, 1997).

En définitive, l’adhésion à l’argument économique de la RSE trouve un éclairage intéressant dans la théorie sociologique néo-institutionnelle (DiMaggio et Powell, 1983 ; Meyer et Rowan, 1977 ; Suchman, 1995), particulièrement au regard des pressions sous lesquelles les institutions se diffusent (Scott, 1995). Dans une approche utilitariste, la mise en place de pratiques durables est vue, entre autres, comme une réponse aux pressions coercitives exercées par les gouvernements ou par les apporteurs de ressources (clients, donneurs d’ordre, financeurs, salariés parfois), dont dépend l’entreprise (Pfeffer et Salancik, 1978) : ces pratiques ont notamment pour objet d’améliorer la réputation de l’entreprise par des actions jugées légitimantes, ce qui favorise, à son tour, l’amélioration des résultats économiques et financiers. Mais la diffusion du discours dominant sur l’argument économique de la RSE, la forte communication autour de cas d’entreprises durables exemplaires, créent également des pressions normatives et mimétiques en favorisant la diffusion d’une conviction partagée qu’il existe une corrélation positive entre les résultats économiques, sociaux et environnementaux (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2010). L’adhésion à l’argument économique de la RSE recouvre ainsi les trois formes de stratégies d’acquiescement aux processus d’institutionnalisation identifiés par Oliver (1991) : la soumission (obéissance aux règles et acceptation des normes), l’habitude (suivi des normes considérées comme acquises) et l’imitation (mimétisme).

Ces trois logiques d’acquiescement sont néanmoins souvent difficiles à distinguer clairement dans les entreprises de petite taille, du fait du caractère intuitif, peu formalisé, des processus de prise de décision. C’est pourquoi, l’objectif de cette recherche est bien d’identifier les caractéristiques individuelles qui sous-tendent l’adhésion du dirigeant de PE à l’argument économique de la RSE et non de tenter de mesurer l’effet de son intention sur l’engagement effectif de pratiques durables dans son entreprise.

2. Développement des hypothèses

Les travaux antérieurs sur la RSE, qui se sont intéressés aux profils des dirigeants de PE, ont mis en lumière les effets, sur leurs attitudes ou leurs comportements, d’un ensemble de caractéristiques individuelles liées d’une part aux aspects démographiques, tels que le genre, l’âge, la formation et l’expérience en gestion, et d’autre part aux valeurs personnelles et entrepreneuriales. Il est intéressant de noter, qu’à notre connaissance, aucun de ces écrits ne relie le profil démographique du dirigeant ou ses valeurs personnelles aux représentations qu’il peut avoir des relations existantes entre les différentes dimensions du développement durable incarnées dans les stratégies et pratiques de RSE. Pour développer nos hypothèses nous nous sommes donc appuyés sur les études plus générales portant sur les attitudes ou les comportements en matière de RSE, en supposant que les facteurs individuels identifiés comme discriminants pouvaient expliquer les différences de représentations de la RSE, – particulièrement concernant ses conséquences économiques –, sur lesquelles se fondent les décisions.

2.1. Profil sociodémographique du dirigeant

2.1.1. Genre

De nombreuses études ont souligné que les hommes et les femmes auraient des styles de gestion différents qui influenceraient les choix stratégiques des entreprises. Les femmes auraient un style de gestion plus participatif et relationnel prônant l’équilibre et l’harmonie dans toutes les sphères de la vie (Rosa, Hamilton, Carter et Burns, 1994). Elles seraient souvent perçues comme moins agressives et moins centrées sur les résultats financiers, mais ceci pourrait tout autant provenir de multiples influences sociales et culturelles que de leurs valeurs personnelles (De Bruin, Brush et Welter, 2006). Cependant, si les stéréotypes persistent, indiquant que les entreprises dirigées par des femmes sont généralement plus petites que celles qui sont dirigées par des hommes et plus pérennes, car les femmes prennent moins de risques (Orser et Hogarth-Scott, 2002), des études récentes montrent qu’elles auraient autant que les hommes des ambitions de croissance, mais à des stades différents de leur cycle de vie (Davis et Shaver, 2012). Dans le domaine de la RSE, bien que les questions d’éthique soient importantes pour les dirigeants quel que soit le genre, certains auteurs avancent que les femmes semblent mettre en place davantage de pratiques prenant en compte ces considérations au sein de leur entreprise (Ahmad et Seet, 2010 ; Cassells et Lewis, 2011). D’autres, en revanche, ne mettent pas en évidence de différences significatives entre les hommes et les femmes dans le niveau de leur engagement en termes de RSE (Peterson et Jun, 2009). Les différences concerneraient plutôt la nature des pratiques responsables privilégiées (Courrent, 2013). Il semblerait, dès lors, que le genre ait un effet sur les représentations de ce qu’il est souhaitable et possible de faire en matière de RSE, vraisemblablement liées à la place plus ou moins importante accordée aux résultats financiers dans les objectifs poursuivis.

2.1.2. Âge

Les études ayant analysé l’influence de l’âge des individus sur leur propension à engager leur entreprise dans le DD ne sont pas concluantes. Or, on pourrait s’attendre à une corrélation négative entre l’âge et l’engagement dans le DD, dans la mesure où les jeunes générations ont grandi dans des sociétés qui prônent la mise en oeuvre de pratiques plus « durables », notamment dans les médias et à travers les enseignements, ce qui est de nature à façonner leurs représentations de la RSE. Une étude assez ancienne déjà auprès d’un large public montre pourtant que 68 % des plus jeunes (moins de 25 ans) disaient être concernés par des questions environnementales contre 93 % des 55 ans et plus (Petts, Herd et O’Heocha, 1998). De même, l’étude plus récente de Peterson et Jun (2009) montre un plus grand intérêt des entrepreneurs les plus âgés pour la RSE. Gadenne, Kennedy et McKeiver (2009) ont, quant à eux, constaté que l’âge n’avait aucun effet sur les connaissances, les attitudes et les pratiques environnementales des dirigeants qu’ils ont interrogés. Les raisons de ce manque de cohérence (au moins apparent) dans les résultats des recherches antérieures sont multiples. Tout d’abord, l’effet de l’âge a été testé sur diverses variables dépendantes mesurant des aspects très différents du DD. Par ailleurs, cet effet peut résulter de l’impact d’autres facteurs sous-jacents qui ne sont pas toujours contrôlés dans les études, telle l’expérience professionnelle qui aurait un effet négatif sur l’opinion des entrepreneurs concernant la faisabilité économique des projets de RSE (Kuckertz et Wagner, 2010). Enfin, ces recherches ne portent pas directement sur les représentations du DD qui fondent la prise de décision. Dès lors, l’absence de résultats convergents traduisant une méconnaissance encore importante du phénomène, elle ne peut conduire à supposer une absence de relation entre l’âge et l’adhésion à l’argument économique de la RSE.

2.1.3. Formation et expérience en gestion

D’autres études ont montré que l’expérience dans les affaires ainsi que l’éducation tendaient à influencer la propension des individus à créer et gérer des entreprises responsables.

Ainsi, le niveau d’éducation serait positivement associé à l’intérêt porté au DD (Gadenne, Kennedy et McKeiver, 2009 ; Schaper, 2002 ; Vives, 2006), ainsi qu’à l’engagement effectif de pratiques responsables (Peterson et Jun, 2009), du fait de la complexité des enjeux à prendre en compte qui suppose une capacité élevée à chercher des informations pertinentes et à les analyser.

De même, la nature de la formation et l’expérience auraient une influence sur les représentations de la RSE. L’exposition à ce qu’ils perçoivent être la réalité du monde de l’entreprise pousserait les étudiants en commerce et les diplômés qui ont un certain nombre d’années d’expérience à être moins portés à poursuivre un objectif de triple performance (au sens d’Elkington, 1997) que les étudiants d’autres disciplines ou les personnes avec moins d’expérience (Kuckertz et Wagner, 2010). Les étudiants en commerce se sentiraient moins concernés par les questions environnementales ou écologiques (Benton, 1994 ; Kraft et Singhapakdi, 1995). On peut donc supposer que la nature et le niveau de formation, ainsi que l’expérience professionnelle ont un effet sur l’analyse des projets de RSE, notamment dans l’évaluation économique qui en est faite.

Cela nous conduit, en synthèse, à proposer l’hypothèse suivante :

  • Hypothèse 1 : Le profil démographique du dirigeant de PE (genre, âge, formation et expérience en gestion) influence son adhésion à l’argument économique de la RSE.

2.2. Valeurs du dirigeant

2.2.1. Éthique

La gestion de proximité qui prévaut dans les PE fait que le dirigeant peut transmettre ses valeurs au travers de ses choix managériaux. Le succès de l’entreprise et son propre succès sont étroitement liés et visibles (Del Baldo, 2012). Plusieurs études sur l’éthique du dirigeant ont conclu que l’adoption de pratiques de développement durable par les PE ne peut se faire sans l’alignement de ses valeurs et de ses croyances sur celles du DD (Courrent et Gundolf, 2009 ; Spence et Perrini, 2009 ; Spence et Rutherfoord, 2003 ; Fassin, Van Rossem et Buelens, 2011 ; Spence, Gherib et Biwolé, 2011). La façon, dont les dirigeants « se perçoivent, pensent et agissent », va influencer la direction stratégique de l’entreprise (Boiral, Cayer et Baron, 2009, p. 479). Le dirigeant est dès lors le catalyseur des valeurs et de la culture de l’organisation (Boiral, Cayer et Baron, 2009 ; Jenkins, 2009). Ainsi lorsque, par éthique personnelle, il est sensible aux enjeux du DD (ce qui peut par exemple, dans la sphère privée, orienter ses décisions d’achat vers des entreprises « vertueuses », l’inciter à militer, à faire des dons pour soutenir des organisations non gouvernementales), on imagine mal qu’il puisse considérer simultanément, dans la sphère professionnelle, que le DD soit incompatible avec les intérêts économiques des entreprises. Ces entrepreneurs sont représentés dans nombre de typologies en tant que personnes mues par leur éthique personnelle pour mener leur firme dans la voie de l’innovation durable, car ceci leur procurera des gains économiques. Ce sont les entrepreneurs qui présentent un enlightened-self-interest pour Spence et Rutherfoord (2003) par exemple, ou ceux qui sont advantage driven pour Parker, Redmond et Simpson (2009).

2.2.2. Ancrage de l’entreprise dans le territoire

Cependant, ces valeurs individuelles ont aussi besoin d’une assise sociale dans le sens où le dirigeant ne va les développer que si elles sont reconnues et valorisées par la communauté. La qualité des relations informelles qu’il entretient au sein de sa communauté est liée à sa réputation ainsi qu’à celle de l’entreprise et est une incitation à agir d’une façon perçue comme intègre et honnête (Spence, 1999, 2004). Cet ancrage fonde souvent son sens de la responsabilité par rapport à ses parties prenantes internes et externes, d’où l’importance accordée au bien-être des employés ainsi qu’à l’image de l’entreprise. L’éthique peut ainsi être perçue comme un moyen d’améliorer cette image (Courrent et Gundolf, 2009), la performance économique étant alors associée à la performance éthique de l’entreprise et de son dirigeant (Sciarelli, 1999). Elle est conçue comme le lubrifiant du système de relations globales de la firme amenant une efficacité accrue qui contribue à sa performance économique, d’où l’importance de son ancrage dans le territoire.

L’ancrage des PE et en particulier des entreprises familiales dans un territoire donné est d’autant plus fort qu’elles partagent des racines communes avec leurs parties prenantes et les engagent dans une dialectique au cours de laquelle le développement de valeurs et de normes est mutuel (D’Aprile et Mannarini, 2012 ; Del Baldo, 2012). Certains auteurs tels Meek, Pacheco et York (2010) ont montré que les normes sociales ont un impact sur le taux de création de nouvelles entreprises écologiquement responsables. Selon eux, les normes sociales, définies comme les règles de comportement non écrites d’un groupe (Elster, 1989), donnent de façon implicite un protocole de conduite qui est maintenu par les émotions, comme celles de la culpabilité, de l’embarras ou de la honte, qui poussent les individus du groupe à se plier à ces normes collectives (Meek, Pacheco et York, 2010). Les PE ancrées dans leur territoire se sentent donc redevables envers ce dernier duquel elles retirent leur succès, au sens large, et non restreint à la rentabilité, dans un processus d’itérations et d’ajustements continus entre l’entreprise et sa communauté (Del Baldo, 2012 ; Niehm, Swinney et Miller, 2008). Le sentiment d’ancrage territorial semble dès lors favoriser celui de responsabilité sociale vue, notamment, comme une condition ou un moyen d’assurer la pérennité ou le développement de l’entreprise.

L’hypothèse suivante est ainsi avancée :

  • Hypothèse 2 : Les valeurs personnelles des dirigeants de PE (éthique, sentiment d’appartenance territorial) influencent leur adhésion à l’argument économique de la RSE.

  • Hypothèse 2.1 : Plus le dirigeant exprime une éthique forte, plus il adhère à l’argument économique de la RSE.

  • Hypothèse 2.2 : Plus le dirigeant exprime un sentiment d’appartenance fort au territoire, plus il adhère à l’argument économique de la RSE.

2.3. Valeurs entrepreneuriales

Les stratégies entrepreneuriales (Jenkins, 2009) et les objectifs incluant la croissance et la pérennité (Spence, Gherib et Biwolé, 2011 ; Jenkins, 2004 ; O’Gorman, 2001) peuvent aussi avoir un impact sur l’engagement dans le DD. Les dirigeants exprimant des intentions de croissance sont ceux qui développent le plus une culture d’innovation au sein de leur entreprise (Gray, 2006). Or, l’engouement de la société pour le développement durable crée de nouvelles opportunités que seuls les dirigeants entrepreneuriaux sont susceptibles d’identifier et d’exploiter comme source de différenciation. La propension des dirigeants à adopter des stratégies de RSE est ainsi plus importante dans les entreprises innovantes qui implicitement, visent aussi la croissance (Aragon-Correa, Hurtado-Torres, Sharma et Garcia-Morales, 2008 ; Spence, Gherib et Biwolé, 2007, 2011 ; Bos-Brouwers, 2010 ; Klewitz et Hansen, 2014). Pour ces dirigeants, qui cherchent à conjuguer rentabilité de l’entreprise et DD, l’adhésion à l’argument économique de la RSE fondée sur la réputation, l’accès aux marchés et les retours financiers (Boiral, Cayer et Baron, 2009 ; Russo et Perrini, 2010) peut être attrayant. Une étude réalisée auprès de PE de Nouvelle-Zélande montre que les deux tiers des dirigeants interrogés identifient la réduction de coûts et les retombées financières positives comme les principales motivations à leur mise en oeuvre de pratiques environnementales (Lewis et Cassells, 2010).

L’argument économique de la RSE peut ainsi paraître particulièrement attrayant pour les entrepreneurs, dont le principal objectif est de maximiser la rentabilité et, plus généralement, les objectifs financiers. Les études en ce sens abondent (Arend, 2014 ; Cramer, Kim et van Dam, 2004 ; Torugsa, O’Donohue et Hecker, 2012, 2013 ; Wagner, 2010), ce qui a ainsi pu servir d’argument phare aux pouvoirs publics pour essayer de convaincre les PE à s’impliquer dans le DD. Torugsa, O’Donohue et Hecker (2013) montrent, par ailleurs, que si l’objectif premier est de favoriser la dimension économique de la RSE, les éléments sociaux et environnementaux doivent être judicieusement choisis pour s’aligner avec cet objectif. La rationalité calculatrice caractéristique de l’argument économique de la RSE pourrait dès lors être associée à une plus grande formalisation des décisions, notamment stratégiques, de la PE.

La dichotomie croissance-pérennité apparaît comme structurante de nombreuses typologies de dirigeants de PE. Par exemple, Stinchfield, Nelson et Wood (2013) comparent l’entrepreneur ingénieur aux artisans, bricoleurs et artistes, ainsi qu’aux courtiers. Le premier a pour but de développer divers processus innovants pour perfectionner les opérations de son entreprise et mettre en pratique ses compétences, le tout résultant en une meilleure rentabilité, alors que les deuxièmes perpétuent des traditions et des savoir-faire dans un souci de pérennité et que le troisième présente l’unique finalité de faire de l’argent. Ainsi, l’ingénieur serait plus enclin à adhérer à l’argument économique de la RSE, dans une logique de différenciation par rapport aux autres types de dirigeants, excluant les courtiers, dont la mission principale est le maintien des traditions. De même, les typologies classiques de Smith (1967) et Julien et Marchesnay (1988) opposent le dirigeant « opportuniste » (privilégiant la croissance de l’entreprise) à l’« artisan », préférant la recherche de pérennité. La recherche de croissance s’accompagne vraisemblablement d’une sensibilité significative à l’argument économique de la RSE, dans la mesure où le développement durable peut être vu comme une source d’opportunités d’affaires. En revanche, il est plus difficile de dégager un lien clair entre l’importance accordée à la pérennité de l’entreprise et l’adhésion à l’argument économique. Julien et Marchesnay (1988) associent, en effet, la recherche de pérennité à l’évitement des risques. Or, l’engagement en RSE peut être vu comme un moyen d’éviter les risques réputationnels qui génèrent des coûts et affectent le chiffre d’affaires (Godfrey, Merrill et Hansen, 2009 ; Salama, Anderson et Toms, 2011), mais aussi comme une source de risques opérationnels, particulièrement en PE, l’inexpérience et le manque de compétences dans la mise en oeuvre de pratiques durables pouvant faire craindre le développement de coûts nouveaux (Fisher, Geenen, Jurcevic, McClintock et Davis, 2009).

  • Hypothèse 3 : Les valeurs entrepreneuriales des dirigeants de PE (objectifs poursuivis, vision stratégique) influencent leur adhésion à l’argument économique de la RSE.

  • Hypothèse 3.1 : Plus le dirigeant poursuit un objectif de croissance, plus il adhère à l’argument économique de la RSE.

  • Hypothèse 3.2 : Le degré d’adhésion à l’argument économique de la RSE est indépendant de l’importance que le dirigeant attache à la pérennité à long terme et à la transmission de son entreprise.

  • Hypothèse 3.3 : L’adhésion à l’argument économique est liée positivement à la formalisation de la stratégie.

  • Hypothèse 3.4 : L’adhésion à l’argument économique est positivement liée à la priorité donnée aux objectifs financiers.

La figure 1 illustre le modèle conceptuel de cette étude et récapitule les hypothèses à tester.

Figure 1

L’influence du profil du dirigeant sur son adhésion à l’argument économique de la RSE

L’influence du profil du dirigeant sur son adhésion à l’argument économique de la RSE

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Les sept déterminants d’ordre individuel que nous venons de présenter (genre, âge, expérience, formation, éthique, sentiment d’appartenance territoriale, objectifs entrepreneuriaux) constituent les variables indépendantes de notre cadre conceptuel, c’est-à-dire les facteurs qui devraient influencer l’adhésion du dirigeant de PE à l’argument économique de la RSE. La partie empirique de cette recherche (cadre méthodologique, résultats et discussion) est présentée dans les sections suivantes.

3. Méthodologie de la recherche

3.1. Collecte des données

3.1.1. Administration de l’enquête

Les données de cette étude proviennent d’une enquête conduite en 2011 auprès des dirigeants de petites entreprises[5] canadiennes de moins de 100 salariés qui représentent 98 % des entreprises du pays (Industrie Canada, 2013). Nous pouvons, en effet, faire raisonnablement l’hypothèse que ces entreprises sont proches du « modèle de la petite entreprise », c’est-à-dire ont les caractéristiques typiques des entreprises de petite taille (Julien, 1990 ; Mahé de Boislandelle, 1994 ; Pfeffer et Salancik, 1978 ; Torrès, 2008), en particulier la personnalisation de la gestion autour du personnage central du dirigeant. La base de sondage utilisée été constituée à partir du répertoire d’entreprises d’Industrie Canada. Les critères de sélection ont été : la taille (moins de 100 employés), le secteur (en excluant les activités agricoles et du tertiaire non marchand), la disponibilité d’un contact, en particulier courriel et nom du ou des dirigeants. Ainsi le questionnaire d’enquête a pu être envoyé par courriel à 6 000 entreprises. Parmi celles-ci, 196 ont répondu, soit un taux de réponse de 3,3 %. Finalement, après élimination des questionnaires comprenant des données manquantes, 188 observations exploitables ont été conservées dans l’échantillon d’étude.

Le questionnaire a été administré à l’aide d’un formulaire en ligne à remplir par le dirigeant principal de l’entreprise. Deux rappels en ligne ont été effectués. Le questionnaire était composé de plusieurs sections concernant l’éthique personnelle du dirigeant, l’appartenance géographique de l’entreprise, les objectifs de l’entreprise, la vision stratégique, l’argument économique de la RSE ainsi que des questions concernant le profil démographique du dirigeant et de l’entreprise.

L’enquête par Internet est un moyen efficace de contacter les petites entreprises canadiennes géographiquement dispersées, mais très connectées (en 2007, 85 % avaient accès à l’Internet) (Industrie Canada, 2010). Un retour rapide d’information est possible avec ce mode d’administration, ainsi que la maîtrise du déroulement du questionnaire. En revanche, l’identité du répondant ne peut pas être contrôlée et une autosélection s’opère au profit de ceux qui sont les plus à l’aise avec l’outil Internet et qui s’intéressent au sujet de l’étude.

3.1.2. Caractéristiques de l’échantillon d’étude

Les répondants au questionnaire dirigent des petites entreprises (1-49 salariés : 88,3 % ; 50-99 salariés : 11,7 %) avec une moyenne de 18 employés (écart-type = 24). L’âge de ces entreprises varie entre 1 et 80 ans, il est en moyenne de 21 ans (écart-type = 13,7). Près de la moitié (44,7 %) opère dans le secteur des services, 36,2 % sont des entreprises de production et de transformation, et le reste des entreprises sont technologiques (12,8 %) et de commerce (6,4 %). L’échantillon présente une proportion légèrement plus grande d’entreprises de production et de transformation que la population canadienne où 23 % sont dans ce secteur.

Les caractéristiques démographiques des dirigeants interrogés montrent une diversité de profils en termes de genre, d’âge, d’expérience et de niveau de formation (Tableau 1). Le profil moyen est celui d’un homme (82,4%), de plus de 55 ans (50,6%), ayant plus de 10 années d’expérience comme dirigeant ou gestionnaire d’entreprises (83,5%) et détenteur d’un diplôme universitaire (68,0 %).

Tableau 1

Les caractéristiques sociodémographiques des dirigeants interrogés (N = 188)

Les caractéristiques sociodémographiques des dirigeants interrogés (N = 188)

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Parmi les dirigeants interrogés, 71,4 % estiment l’engagement RSE de leur entreprise comme important ou très important. Les autres le jugent moyen (23,5 %), ou faible (4,1 %) et seul 1,0 % le jugent comme inexistant. Au sein de l’échantillon d’étude, le niveau de formalisation des pratiques est plutôt élevé. En effet, 30,3 % des entreprises dirigées par les répondants ont engagé une démarche de certification et 33,0 % ont une personne responsable des questions RSE. Par ailleurs, le mode de collecte des données favorise une autosélection de répondants intéressés par la thématique de l’enquête. Ainsi l’échantillon est logiquement constitué de dirigeants d’entreprises qui se sentent concernés par la RSE et qui expriment une opinion réfléchie sur les motifs de l’engagement.

3.2. Opérationnalisation des variables

3.2.1. Variable dépendante

L’adhésion à l’argument économique de la RSE a été mesurée par trois questions interrogeant les dirigeants sur leur opinion relative aux bénéfices d’un engagement RSE de l’entreprise, tels qu’ils ont été identifiés dans la littérature du domaine (Boiral, Cayer et Baron, 2009 ; Russo et Perrini, 2010) (Tableau 2). La majorité des répondants (54,2 %) sont d’accord ou tout à fait d’accord avec le fait que les politiques RSE de l’entreprise lui procurent de la légitimité. Ce taux d’accord diminue sensiblement en ce qui concerne le fait que cela permette à l’entreprise d’accéder à de nouveaux marchés (34,3 %) ou d’améliorer sa performance financière (36,8 %).

Tableau 2

L’opinion des dirigeants quant aux avantages perçus de la RSE

L’opinion des dirigeants quant aux avantages perçus de la RSE

Pourcentage des réponses, N = 188

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Une variable composite de l’adhésion à l’argument économique de la RSE de la part des dirigeants a été construite à partir des trois items précédents. Une analyse factorielle exploratoire (analyse en composantes principales) a été réalisée afin de vérifier la validité de ce regroupement. La solution factorielle montre un bon niveau d’adéquation des données (indice KMO = 0,694) et démontre la validité convergente du construit qui restitue 68,5 % de la variance totale des items (Annexe 2). La valeur associée du coefficient alpha de Cronbach (coeff. α) est de 0,767 ce qui correspond à un bon niveau de fiabilité du construit (Nunnaly et Bernstein, 1994).

3.2.2. Variables indépendantes

Valeurs personnelles du dirigeant

Les PE se caractérisent par une gestion de proximité qui se manifeste par une grande symbiose entre les valeurs du dirigeant, son éthique personnelle et les valeurs de l’entreprise ainsi que son insertion dans la communauté (Courrent, 2003). L’éthique du dirigeant a été évaluée par huit énoncés l’interrogeant sur son comportement responsable et citoyen dans sa vie privée, inspiré des travaux de Turker (2009) sur la mesure de la RSE (Annexe 1). Une analyse en composantes principales (KMO = 0,759) a permis d’identifier deux dimensions valides et distinctes restituant 59,3 % de la variance totale des items (Annexe 2). La première est qualifiée d’éthique « activiste », car elle regroupe les items relatifs à la participation militante et au comportement de consommation responsable du dirigeant ; la seconde est qualifiée d’éthique « altruiste », car elle regroupe les items relatifs au don et au bénévolat qui convergent avec la pratique d’une religion. La fiabilité est très bonne pour le construit « Éthique activiste » (coeff. α = 0,804) et admissible pour le construit « Éthique altruiste » (coeff. α = 0,652) (De Vellis, 2003).

Par ailleurs, les dirigeants ont été questionnés sur leur sentiment d’appartenance à sept unités territoriales croissantes de « à ma communauté » à « au monde entier », selon la classification utilisée par Courrent et Gundolf (2009) dans leur recherche relative aux effets de proximité sur les conceptions de la RSE chez les dirigeants de petites entreprises (Annexe 1). Une analyse en composantes principales (KMO = 0,816) a révélé deux dimensions valides et distinctes restituant 72,9 % de la variance totale des items (Annexe 2). La première regroupant les unités territoriales les plus proches (communauté, ville, région, province), la seconde les unités territoriales plus éloignées (pays, continent, monde). La fiabilité est très bonne pour le construit « Appartenance locale » (coeff. α = 0,886) et bonne pour le construit « Appartenance globale » (coeff. α = 0,769).

Les mesures composites des quatre construits précédents sont opérationnalisées par la moyenne de leurs items respectifs.

Valeurs entrepreneuriales du dirigeant

Comme vu précédemment, plusieurs objectifs motivent les dirigeants dans la poursuite de leur trajectoire personnelle et ceux-ci auront un impact sur la performance de l’organisation. Un objectif de survie est généralement lié à la formulation d’une stratégie à long terme, alors qu’un objectif de croissance est attaché au suivi d’indicateurs principalement financiers (Julien et Marchesnay, 1988). Les objectifs entrepreneuriaux et la vision stratégique des dirigeants ont été évalués par l’intermédiaire de quatre mesures : la recherche de pérennité dans une logique de transmission (Objectif survie) et la volonté de croissance (Objectif croissance), la formulation d’une stratégie à long terme (Stratégie long terme) et la priorité stratégique donnée à la performance financière (Stratégie financière) (Annexe 1). Les caractéristiques de la distribution de ces quatre variables sont présentées dans le tableau 3.

Les variables indépendantes décrivant les valeurs du dirigeant (personnelles et entrepreneuriales), bien que partiellement corrélées pour certaines d’entre elles (Tableau 3), ne posent pas de problème de multicolinéarité : toutes les valeurs du facteur d’inflation de la variance (VIF) sont inférieures à 1,37 pour tous les modèles testés (Ryan, 1997).

Puisque les données de l’enquête ont été recueillies par l’intermédiaire d’un questionnaire autoadministré, nous avons utilisé le test du facteur unique de Harman pour vérifier un possible biais de méthode commune qui augmenterait artificiellement la covariance des variables étudiées (Podsakoff et Organ, 1986). Ce test indique un biais significatif dans le cas où un unique facteur principal représente plus de 50 % de la covariance entre les variables. Les résultats du test sur notre échantillon suggèrent qu’il n’y a pas de biais de méthode commune significatif : sept facteurs associés à des valeurs propres supérieures ou égales à 1 ont été extraits de l’ensemble des indicateurs de mesure représentant 68,8 % de la variance totale ; le premier ne compte que pour 23,4 % de la variance.

Tableau 3

Statistiques descriptives et corrélations de Pearson entre les variables du modèle

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3.3. Test des hypothèses de la recherche

Pour tester l’influence du profil sociodémographique des dirigeants sur l’adhésion à l’argument économique de la RSE, une analyse de variance (ANOVA) a été conduite afin de comparer les moyennes empiriques de l’adhésion à l’argument économique de la RSE pour chaque niveau des variables nominales considérées : genre, âge, expérience et éducation.

Pour tester l’influence des valeurs personnelles et entrepreneuriales des dirigeants, des modèles hiérarchiques de régression linéaire multiple ont été estimés afin d’évaluer les effets conjoints de ces variables explicatives sur leur adhésion globale à l’argument économique de la RSE puis, séparément, sur chacun des 3 arguments (légitimité, accès à de nouveaux marchés, amélioration de la performance financière) qui le composent.

4. Résultats

4.1. Effet du profil sociodémographique

Les résultats de l’ANOVA multifactorielle testant l’hypothèse H1 sont présentés dans le tableau 4. Les groupes considérés sont les modalités décrivant le profil démographique des dirigeants (Tableau 1). Le test préalable de Levene vérifie l’homogénéité des variances des erreurs entre tous les groupes de l’échantillon (D = 0,93 Sig. = 0,58 pour 33 ddl). Les tests F des effets intergroupes se révèlent tous non significatifs (toutes Sig. > 0,26) indiquant que les moyennes empiriques de l’adhésion à l’argument économique de la RSE ne sont pas statistiquement différentes entre les niveaux des facteurs démographiques considérés : genre, âge, expérience et éducation. L’hypothèse H1 qui prédisait une influence du profil sociodémographique sur l’adhésion à l’argument économique de la RSE n’est donc pas validée sur notre échantillon.

Tableau 4

Résultats de l’ANOVA multifactorielle testant l’influence du profil sociodémographique du dirigeant sur son adhésion à l’argument économique de la RSE

Résultats de l’ANOVA multifactorielle testant l’influence du profil sociodémographique du dirigeant sur son adhésion à l’argument économique de la RSE

N = 188, R2 du modèle = 0,04 (R2 ajusté = 0,00).

ns : non significatif.

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4.2. Effet des valeurs du dirigeant

Les hypothèses H2 et H3 ont été testées par des modèles de régression multiple, dont les résultats sont présentés dans le tableau 5. La variable composite « adhésion à l’argument économique de la RSE » ainsi que les trois mesures qu’elle regroupe sont traitées successivement comme variables dépendantes dans les analyses.

Le modèle 1 ne considère que l’effet des valeurs personnelles du dirigeant sur l’adhésion à l’argument économique de la RSE. Les résultats montrent que les variables du modèle expliquent une part significative de la variance (R² ajusté = 0,17, F = 8,34, p < 0,001). L’éthique activiste du dirigeant (β = 0,36, p < 0,001) et son sentiment d’appartenance à un territoire local (β = 0,23, p < 0,01) sont positivement et significativement liés à l’adhésion à l’argument économique de la RSE, ce qui soutient les hypothèses H2.1 et H2.2.

Les variables décrivant les valeurs entrepreneuriales sont ajoutées ensuite dans un second bloc pour créer le modèle 2. Cette introduction améliore peu le pouvoir explicatif du modèle (ΔR² = 0,03, non significatif). La recherche de croissance de leur entreprise (Objectif croissance) n’a aucun effet significatif sur l’adhésion des dirigeants à l’argument économique de la RSE (β = 0,00, p = 0,87). L’hypothèse H3.1 n’est donc pas validée. En revanche, la recherche de pérennité de l’entreprise (Objectif survie) est, quant à elle, positivement (β = 0,14) et significativement (p < 0,10) liée à l’adhésion à l’argument économique de la RSE, ce qui va à l’encontre de l’absence d’effet envisagée dans l’hypothèse H3.2. Par ailleurs, une stratégie clairement formulée à long terme (β = 0,04, p = 0,42) ou une stratégie donnant la priorité aux objectifs financiers (β = 0,09, p = 0,14) n’ont pas d’effets significatifs sur l’adhésion des dirigeants à l’argument économique de la RSE. Les hypothèses H3.3 et H3.4 ne sont donc pas validées par ce modèle.

Dans un second temps, le modèle 2 a été estimé séparément sur chacun des arguments des avantages économiques de la RSE (légitimité, accès à de nouveaux marchés et amélioration de la performance financière) afin de préciser les relations mises en évidence ci-dessus. Les trois modèles obtenus sont significatifs (Tableau 5). Les résultats de ces analyses montrent que l’effet positif de l’éthique activiste du dirigeant sur son adhésion à l’argument économique de la RSE est significatif en ce qui concerne la conviction d’acquérir de la légitimité (β = 0,30, p < 0,01) et d’accéder à de nouveaux marchés (β = 0,39, p < 0,001), mais pas sur la conviction d’améliorer la performance financière. L’effet positif du sentiment d’appartenance à un territoire local sur l’adhésion à l’argument économique de la RSE est significatif uniquement sur la conviction d’acquérir de la légitimité (β = 0,33, p < 0,001). Enfin, l’effet positif de l’objectif de survie de l’entreprise sur l’adhésion à l’argument économique de la RSE est significatif uniquement sur la conviction d’accéder à de nouveaux marchés (β = 0,22, p < 0,01). En outre, les résultats de ces analyses montrent que la poursuite d’une stratégie orientée prioritairement sur les résultats financiers a un effet positif et significatif (β = 0,22, p < 0,01) sur la conviction que la RSE permet d’améliorer la performance financière.

Tableau 5

Résultats des régressions linéaires multiples testant l’influence des valeurs du dirigeant sur son adhésion à l’argument économique de la RSE

Résultats des régressions linéaires multiples testant l’influence des valeurs du dirigeant sur son adhésion à l’argument économique de la RSE

N = 188, les coefficients standardisés Bêta sont reportés.

ns : non significatif ; † p < 0,10 ; * p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; *** p < 0,001.

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5. Discussion des résultats

L’objectif de l’étude était d’identifier les caractéristiques individuelles qui sous-tendent l’adhésion du dirigeant de PE à l’argument économique de la RSE. Il ne s’agissait pas de mesurer l’effet de son intention (éthique vs utilitariste) sur l’engagement effectif de pratiques durables dans son entreprise.

L’hypothèse H1 qui prédisait une influence du profil sociodémographique sur cette adhésion n’a pas été validée sur notre échantillon : aucune des quatre variables indépendantes retenues, à savoir le genre, l’âge, l’expérience et la formation du dirigeant, n’explique la sensibilité qu’il peut avoir à l’argument économique de la RSE. Ce résultat conduit à penser que l’existence d’un effet de ces variables démographiques, mis en évidence dans la plupart des travaux relatifs aux attitudes et comportements durables en PE, s’explique sans doute moins par la dimension cognitive des représentations générales du DD, que par leur dimension affective, qui fonde l’éthique individuelle (Lévinas, 1998, p. 201) et se traduit par la hiérarchie des préférences et des parties prenantes (Courrent et Gundolf, 2009). La question du DD est tellement abordée dans les milieux professionnels, que le genre, l’âge du dirigeant et le niveau d’éducation ne peuvent expliquer des différences significatives dans l’accès à l’information à ce sujet. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne l’argument économique, qui est très souvent mobilisé dans les campagnes d’incitation à engager des démarches de RSE en PE.

L’hypothèse H2, en revanche, a été validée : l’éthique activiste du dirigeant (correspondant à des comportements d’achat et de consommation responsables à titre personnel) est positivement et significativement liée à l’adhésion à l’argument économique de la RSE sur deux aspects, la conviction que cela permet d’acquérir de la légitimité et d’accéder à de nouveaux marchés (mais pas sur la possibilité d’améliorer ainsi la performance financière). En d’autres termes, le consommateur engagé a tendance à penser que les entreprises sont sensibles à ses attentes en matière de RSE et, lorsqu’il est également dirigeant de PE, il y voit en conséquence des perspectives de renforcer la réputation de la firme et/ou de développer de nouveaux marchés. En revanche, en tant que consommateur, son analyse ne porte pas sur les conséquences financières de la RSE. L’analyse fait apparaître que l’effet positif de l’éthique activiste sur la variable « nouveaux marchés » est supérieur à l’effet qui existe sur la variable « légitimité » : le développement des marchés n’est pas, ou pas seulement, la conséquence d’une légitimité accrue (du fait d’une gestion responsable), mais correspond davantage, dans l’esprit du dirigeant ayant une éthique personnelle activiste, à des activités spécifiques, dans une logique d’« entrepreneuriat durable » (énergies renouvelables, alimentation « bio », par exemple).

Le sentiment d’appartenance à un territoire local a également un effet positif sur l’adhésion à l’argument économique de la RSE. Lorsqu’on examine séparément les trois éléments qui forment l’argument économique, il apparaît que cet effet n’est significatif que sur la conviction d’acquérir de la légitimité. Autrement dit, plus le sentiment d’ancrage territorial est fort, plus le dirigeant voit dans la légitimité générée par la RSE un facteur positif sur le plan économique. En revanche, le degré d’ancrage territorial perçu n’explique pas la conviction que la RSE permet d’accéder à de nouveaux marchés ou d’améliorer la performance financière. Comme l’a montré Marchesnay (1998), l’enracinement territorial (durée d’existence de l’entreprise et attachement au territoire de son dirigeant) et l’imprégnation territoriale (intensité des liens noués avec les autres acteurs du territoire) font de la quête de légitimité un élément central de la prise de décision, cette légitimité étant considérée comme une contrainte ou un moyen incontournables, voire, chez certains, comme un objectif en soi.

Enfin, l’hypothèse H3 n’a pas été que partiellement validée. Contrairement à ce que l’on pouvait envisager au regard des fondements managériaux de l’approche utilitariste de la RSE (Gendron, 2000), aucun lien n’est établi entre la recherche de croissance et l’adhésion à l’argument économique de la RSE. En d’autres termes, les dirigeants de PE qui sont très soucieux de la croissance de leur entreprise ne semblent pas voir, plus que les autres, dans le DD, un moyen efficace d’atteindre leur objectif. En particulier, le DD ne semble pas représenter pour eux un gisement d’opportunités d’affaires à privilégier. Par ailleurs, comme il a été souligné dans les recherches antérieures (Williamson, Lynch-Wood et Ramsay, 2006), la RSE est sans doute associée à des contraintes et des coûts supplémentaires qui ne favorisent pas, lorsqu’on cherche à croître, l’amélioration des résultats financiers.

Or, notre étude montre également que lorsque la recherche de la performance financière est considérée comme prioritaire dans la stratégie de l’entreprise, le dirigeant tend à penser que la RSE est de nature à améliorer cette performance financière. Et plus la recherche d’une performance financière est forte, plus la RSE est vue comme une opportunité d’atteindre les objectifs financiers poursuivis. Ainsi apparaît un découplage, dans les représentations des dirigeants, entre la recherche de croissance et la priorité données à la performance financière. Il apparaît également qu’une conception classique de la performance centrée sur la dimension économique et financière (par opposition à une performance globale de type « triple résultat », au sens d’Elkington, 1997) ne signifie pas, bien au contraire, un rejet de pratiques positives en termes environnementaux, sociaux et sociétaux.

La recherche de pérennité à long terme de l’entreprise est positivement liée, quant à elle, à l’adhésion à l’argument économique de la RSE, quoique cet effet porte uniquement sur la conviction que cela permet d’accéder à de nouveaux marchés. Ainsi, plus les dirigeants sont préoccupés par la survie et la transmission de leur entreprise, plus ils semblent fonder leurs espoirs dans les perspectives de nouveaux marchés liés au développement durable. En ce sens, les retombées économiques positives semblent être considérées par eux, non pas comme la conséquence d’un management responsable (qui améliorerait la légitimité et les résultats financiers), mais comme celle d’un entrepreneuriat durable (permettant d’accéder à de nouveaux marchés), devenant à terme incontournable, pour continuer à exister, compte tenu de la généralisation des pressions sociales à être plus responsables.

Enfin, le caractère délibéré et explicité de la stratégie n’a pas d’effet sur la variable dépendante de notre modèle : l’adhésion à l’argument économique de la RSE n’est pas associée à une plus grande formalisation des décisions, notamment stratégiques, de la PE. Ce résultat conforte l’idée que l’adhésion à l’argument économique de la RSE relève d’une croyance d’ordre général, plus que de la rationalité calculatrice qui pousserait, comme le montrent Torugsa, O’Donohue et Hecker (2013), à choisir judicieusement les actions et projets durables les plus aptes à générer de la performance économique, dans le cadre d’un diagnostic stratégique précis.

Conclusion

L’objectif de cette recherche était de contribuer à une meilleure connaissance des représentations que portent leurs dirigeants des enjeux managériaux de la RSE. Partant du constat que la conception utilitariste de la RSE était progressivement devenue dominante, à partir des années 1970, en grande entreprise et dans les milieux gouvernementaux et académiques, il semblait utile de mieux connaître la sensibilité des dirigeants de PE à l’argumentaire économique qui est fortement mobilisé « pour inciter les dirigeants à concevoir et mettre en oeuvre des stratégies RSE » (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2015).

Les résultats montrent que le profil démographique des acteurs (âge, genre, formation, expérience) n’explique pas l’adhésion à l’argument économique. De même, les objectifs entrepreneuriaux (recherche de croissance, recherche de pérennité à long terme dans une optique de transmission) et le caractère délibéré de la stratégie n’ont pas, ou que peu, de pouvoir explicatif, contrairement à l’éthique individuelle et au sentiment d’ancrage territorial. En définitive, c’est le dirigeant citoyen, et non le dirigeant manageur, qui voit dans la mise en oeuvre de politiques de RSE des retombées économiques positives pour l’entreprise. L’adhésion à l’argument économique ne semble pas ainsi ressortir à la rationalité calculatrice, qui ferait de l’objectif économique un motif d’engagement durable, mais aux valeurs individuelles qui fondent cet engagement dans le domaine professionnel. En d’autres termes, elle correspondrait moins à une instrumentalisation de la RSE, qu’à la conviction que des comportements responsables sont compatibles avec les objectifs ou contraintes économiques.

Ces résultats permettent d’alimenter la réflexion sur les manières de susciter l’engagement RSE des dirigeants de PE et conduisent à s’interroger sur la pertinence des campagnes de sensibilisation mises en place à leur intention. Ils plaident notamment pour que, dans une optique de levée des freins à l’engagement, la justification économique porte sur les coûts éventuellement générés (en expliquant qu’ils n’obèrent pas la rentabilité), plus que sur les sources d’opportunités de gains que constituerait le DD. Ils incitent, par ailleurs, à développer des campagnes « grand public », plutôt que spécifiques aux chefs d’entreprise, puisque l’argument économique n’apparaît de fait que comme une raison secondaire, facilitatrice, à l’engagement, qui vient conforter l’envie de développer des pratiques professionnelles responsables chez les dirigeants qui ont une opinion favorable à la RSE pour des raisons d’éthique personnelle.

Nous pouvons, pour finir, soulever quelques limites dans cette étude, qui constituent autant de perspectives de recherches futures. En premier lieu, l’enquête qui a été menée ne permet pas d’appréhender la complexité du processus d’adhésion à l’argument économique de la RSE, dont on peut aisément imaginer qu’il repose sur des facteurs bien plus nombreux que ceux qui ont été retenus comme variables explicatives dans notre modèle. Elle n’a pas permis, par exemple, de montrer dans quelle mesure l’expérience effective d’un engagement RSE, son niveau, son ancienneté et ses formes pouvaient influencer le degré d’adhésion. Une compréhension plus fine des représentations supposerait de mobiliser des méthodologies qualitatives. En deuxième lieu, l’importance du facteur culturel dans ces représentations n’a pas été mesurée et invite à diligenter, maintenant, des comparaisons internationales. Enfin, il conviendrait de valider nos conclusions, d’une part en fondant l’analyse sur les pratiques effectivement mises en oeuvre, afin de confronter ce qui est de l’ordre de la pensée, du discours et de l’action (Basu et Palazzo, 2008 ; Fitzsimmons et Douglas, 2011) et, d’autre part, en comparant le niveau et les formes de ces pratiques chez les tenants d’une performance de nature purement financière et chez ceux qui raisonnent en termes de performance globale, en faisant des questions sociales et environnementales des objectifs managériaux, et non de simples moyens ou contraintes à l’action.