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Introduction

L’accès à l’information constitue une préoccupation majeure pour les entreprises, et notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME), celles-ci disposant de ressources et compétences limitées. Obstacle majeur rencontré par les PME en raison de leur taille (Hollender, Zapkau et Schwens, 2017), l’accès à l’information constitue aujourd’hui un élément clé dans le développement international des PME dans la mesure où il favorise l’accumulation permanente de connaissances (Galkina et Chetty, 2015 ; Keupp et Gassman, 2009). Il permet aux entreprises de saisir de nouvelles opportunités d’affaires (Bell, McNaugthon, Young et Crick, 2003), d’innover (Zucchella et Siano, 2014), de s’adapter aux évolutions de leurs marchés (Child et Hsieh, 2014) et, ainsi, d’être plus compétitives (Lin et Chaney, 2007).

L’ouverture internationale expose les PME à davantage de risques, en raison de leur méconnaissance des marchés étrangers, de leur manque d’expérience internationale et des évolutions souvent imprévisibles des contextes locaux (Jain, Kothari et Kumar, 2016 ; Ojala, 2015). De même, le manque de ressources vient accroître l’incertitude perçue dans la mesure où tout échec à l’international pourrait influencer négativement la pérennité des PME (Child et Hsieh, 2014). Les dirigeants de PME sont alors amenés à collecter un maximum d’informations – générales et/ou spécifiques – auprès d’une grande diversité d’acteurs en vue de pallier la forte incertitude perçue et de compenser leur manque d’expérience relative au marché cible. Les recherches académiques mettent en avant le rôle prégnant des réseaux dans le partage des connaissances (Johanson et Mattsson, 1988 ; Johanson et Vahlne, 2009). Publics ou privés, formels ou informels, les réseaux sont de nature diverse et agissent tels des catalyseurs sur l’expansion internationale dans la mesure où ils fournissent à leurs membres les éléments nécessaires pour amorcer et réussir leur développement international (Catanzaro, Messeghem et Sammut, 2012 ; Dominguez et Mayrhofer, 2018 ; Mira-Bonnardel, 2015). En effet, ils permettent aux PME non internationalisées de réaliser leurs premières opérations à l’étranger et aux entreprises internationalisées d’accélérer leur expansion (Dominguez et Mayrhofer, 2017 ; Hughes, Cesinger, Cheng, Schuessler et Kraus, 2019). La littérature relative au rôle des réseaux dans l’internationalisation des PME porte principalement sur deux thématiques : (1) les caractéristiques et le nombre de relations au sein des réseaux ; (2) le développement, la coordination et la construction de la confiance entre membres au sein des réseaux (Galkina et Chetty, 2015). Il s’avère, toutefois, que peu de travaux se sont attachés à comprendre comment s’opère et évolue la collecte d’informations export au sein des réseaux, selon la progression de l’entreprise sur les marchés internationaux (conquête de nouveaux marchés/développement de marchés existants) et la nature des réseaux mobilisés (professionnels/institutionnels). Tel est l’objet du présent article.

Gallais et Boutary (2014) mettent en avant le fait que les réseaux institutionnels ne connaissent qu’une efficacité limitée en raison de l’inadéquation de leur offre avec les attentes des PME qui sont alors incitées à se tourner vers d’autres interlocuteurs, tels que les réseaux professionnels (formels et/ou informels) (Dominguez, Mayrhofer et Obadia, 2017 ; Musteen, Datta et Butts, 2014). Dès lors, il paraît pertinent de s’interroger sur le partage de l’information par les dirigeants de PME dans le cadre de leur internationalisation. Nous entendons plus précisément répondre à la question suivante : quel est le rôle du partage d’informations au sein des réseaux de PME exportatrices ? L’objectif de notre travail est d’étudier comment les dirigeants de PME collectent et partagent des informations au sein des réseaux déployés dans le cadre de leur démarche d’internationalisation.

L’article s’articule de la façon suivante. Après avoir présenté le cadre conceptuel de notre recherche (1.) et la méthodologie retenue (2.), nous analyserons et discuterons les principaux résultats de l’étude empirique menée auprès de dix-sept dirigeants de PME et de spécialistes de l’accompagnement export (3. et 4.).

1. Présentation du cadre conceptuel

Le cadre conceptuel mobilisé dans le cadre de cette recherche s’appuie sur l’approche par les réseaux (Johanson et Mattsson, 1988 ; Johanson et Vahlne, 2009 ; Vahlne et Johanson, 2017) et les travaux qui y sont associés (par exemple, Musteen, Datta et Butts, 2014).

1.1. L’accès aux informations dans le processus d’internationalisation des PME

Si elle est vectrice de nouvelles opportunités d’affaires, l’ouverture aux marchés internationaux expose les PME à davantage de difficultés liées à une méconnaissance des environnements locaux. Le modèle d’Uppsala, proposé par Johanson et Vahlne (1977), montre que les entreprises qui s’internationalisent sont souvent confrontées à un manque d’information concernant les marchés étrangers. Leurs dirigeants sont dès lors contraints de faire appel à des ressources extérieures (publiques et/ou privées), notamment aux réseaux, afin de pallier ces difficultés et d’accéder aux informations requises (Musteen, Datta et Butts, 2014). En France, Bpifrance, Business France et les chambres de commerce et d’industrie (CCI) ont mis en place des réseaux qui visent à faciliter la mise en relation d’entreprises souhaitant se développer à l’international et accompagnent les entreprises dans leur démarche d’internationalisation. Les PME peuvent aussi mobiliser d’autres sources pour trouver les informations recherchées, par exemple, des fédérations professionnelles, des groupements d’exportateurs, des pôles de compétitivité, des incubateurs, des salons et des consultants. Ces différentes sources peuvent aider les PME dans l’utilisation des outils d’aide à la décision tels que le diagnostic export.

Johanson et Vahlne (1977) mettent également en lumière l’existence de différentes catégories d’information de marché, leur mobilisation n’étant pas la même selon les différents stades du développement international. Ils mettent en avant les concepts d’expérience internationale et de degré d’internationalisation. L’expérience internationale correspond à l’expérience acquise par l’entreprise sur les marchés étrangers. Le degré d’internationalisation peut concerner le nombre de marchés étrangers et le pourcentage du chiffre d’affaires réalisé à l’international. Les auteurs considèrent que les entreprises ayant peu d’expérience internationale sont principalement intéressées par la collecte d’informations générales dites « objectives », qui sont facilement accessibles, afin d’avoir une première image du marché cible. Ces informations peuvent concerner le potentiel du marché cible, les caractéristiques de l’environnement local (par exemple, l’environnement légal), la structure des canaux de distribution et d’autres informations qui permettent l’entrée sur un nouveau marché. Elles sont principalement collectées auprès d’acteurs publics (réseaux institutionnels) destinés à aider les PME à amorcer le processus d’internationalisation (Musteen, Datta et Butts, 2014). À l’inverse, les entreprises possédant une forte expérience internationale sont essentiellement motivées par l’accès à des informations spécifiques qui sont plus difficilement accessibles et qui sont sources de différenciation. Ces informations peuvent porter sur la concurrence, les fournisseurs potentiels, le niveau des prix, le comportement des clients et d’autres informations qui facilitent le développement sur les marchés étrangers. Dans ce cas, les entreprises se tournent principalement vers les réseaux professionnels, ceux-ci étant plus à même de leur fournir les informations spécifiques recherchées (Dominguez et Mayrhofer, 2018 ; Musteen, Datta et Butts, 2014). En d’autres termes, la collecte d’information est fortement liée à l’expérience de l’entreprise, tant au niveau du type d’information requis que des sources mobilisées.

Il paraît nécessaire de préciser que toutes les PME ne suivent pas l’approche processuelle préconisée par Johanson et Vahlne (1977) (Dominguez et Mayrhofer, 2017). En effet, certaines d’entre elles choisissent de s’internationaliser très tôt, parfois dès leur création, et de manière rapide. Ces entreprises à internationalisation rapide et précoce (EIRP) cherchent, dès leur naissance, à construire des avantages concurrentiels en utilisant des ressources localisées à l’étranger et en commercialisant leurs produits dans plusieurs pays, y compris dans des pays éloignés (Servantie, 2011). Elles sont amenées à collecter des informations à la fois générales et spécifiques pour réussir leur développement à l’international (Catanzaro, Messeghem et Sammut, 2012 ; Oviatt et McDougall, 2005 ; Reuber, Dimitratos et Kuivalainen, 2017).

Bien que fréquemment considérées comme interchangeables, il convient de distinguer les informations des connaissances. Les informations regroupent un ensemble de données spécifiquement structurées par un individu afin de leur donner du sens et en faire les bases de la connaissance. La connaissance représente, ainsi, l’ensemble des informations traitées par les individus afin de servir de base à toute prise de décision et/ou action (Child et Hsieh, 2014 ; Nonaka et Takeuchi, 1995). Les connaissances peuvent être directes et découler de l’expérience de l’entreprise ou, au contraire, de nature indirecte et découler de l’observation des décisions et actions engagées par d’autres entreprises (Madsen et Desai, 2010). Étudiée sous le prisme des réseaux, l’information constitue une base permettant au dirigeant de PME d’identifier les interlocuteurs les plus pertinents au regard des besoins de son entreprise et des ressources et compétences détenues par les autres membres. Elle est ainsi propre à l’individu qui la possède et la traite de façon spécifique. Inversement, la connaissance est socialement construite, partagée et valorisée par les membres du réseau (Child et Hsieh, 2014). Ces connaissances auront ainsi un impact sur la valeur des relations d’affaires au sein du réseau (Hohenthal, Johanson et Johanson, 2015).

Il est intéressant de préciser que la valeur et l’impact des connaissances expérientielles partagées par les membres d’un réseau diffèrent selon la nature de l’expérience. Madsen et Desai (2010) montrent, par exemple, que les connaissances développées à la suite d’un échec (de l’entreprise et/ou d’un membre du réseau) ont un impact plus important et durable sur le processus décisionnel que les connaissances développées à la suite d’un succès (Diwas, Staats et Gino, 2013). Selon eux, les expériences réussies tendent à rendre les dirigeants trop confiants et ne les poussent pas à questionner l’adéquation de leurs connaissances et/ou de leurs modèles avec les réalités du marché. Peu conscients du manque de connaissances existant, les dirigeants s’appuient ainsi sur un nombre restreint de sources afin d’accéder à des informations venant conforter leurs décisions (Baum et Dahlin, 2007). Inversement, les échecs subis par l’entreprise (ou par un membre du réseau) mettent la lumière sur l’inadéquation des modèles d’affaires déployés par les dirigeants avec les spécificités locales. Ces échecs poussent alors les dirigeants à remettre en question la validité de leurs connaissances et à diversifier leurs sources en vue d’accéder à de nouvelles informations, à renouveler leur stock de connaissances et à anticiper les échecs ultérieurs.

Dans le domaine de l’export, plusieurs recherches mettent en relief l’influence positive de l’acquisition d’information sur la performance de l’expansion internationale (Souchon et Diamantopoulos, 1996 ; Theodosiou et Katsikea, 2013). Les travaux réalisés révèlent que les réseaux jouent un rôle clé dans la connaissance des sources d’information (Souchon, Dewsnap, Durden, Axinn et Holzmüller, 2015) et l’acquisition d’information (Theodosiou et Katsikea, 2013), mais ils ne permettent pas d’expliquer comment les dirigeants collectent et partagent des informations au sein des réseaux mobilisés dans le cadre de leur démarche d’internationalisation.

1.2. La place des réseaux dans l’internationalisation des entreprises

Dans leurs travaux ultérieurs, Johanson et Vahlne (2009) et Vahlne et Johanson (2013) mettent en relief l’importance des réseaux pour le développement international des entreprises. Les auteurs considèrent qu’un réseau constitue un ensemble de liens qui peuvent être tissés par et entre des individus et/ou des organisations. Ils soulignent qu’il est nécessaire d’intégrer les réseaux locaux pour réussir l’internationalisation des activités. Quelle que soit leur nature, les réseaux constituent des sources d’informations fiables et pertinentes, permettant à l’entreprise d’identifier de nouvelles opportunités d’affaires et de développer des relations de confiance avec des partenaires étrangers. Ils participent à la création d’un avantage concurrentiel durable grâce aux ressources, à la confiance et aux opportunités d’affaires qu’ils génèrent – éléments nécessaires à tout engagement à l’étranger (Catanzaro, Messeghem et Sammut, 2012 ; Coviello et Munro, 1997 ; Musteen, Datta et Butts, 2014). Ils créent de la valeur pour les membres se matérialisant principalement sous forme de ressources intangibles relationnelles (Manolova, Manev et Gyoshev, 2010) et informationnelles. Toutefois, la construction de nouvelles relations nécessite du temps en vue de créer les conditions de confiance nécessaires au partage de ressources (Huggins, 2010).

Il convient à ce stade de distinguer les réseaux calculatoires des réseaux sociaux. Les réseaux calculatoires sont établis dans une optique de recherche de profitabilité à court terme. Les relations établies entre les membres ne reposent pas sur la confiance, mais plutôt sur les compétences que ceux-ci sont susceptibles d’apporter pour un projet donné. Inversement, les réseaux sociaux sont établis dans une optique de satisfaction d’objectifs mutuels à long terme. Les relations établies entre les membres sont de nature plus émotionnelle que les précédentes et sont stables dans le temps, car fondées sur la confiance et l’engagement mutuel (Huggins, 2010 ; Catanzaro, Messeghem et Sammut, 2015). Les membres sont, dans ce cas, incités à partager des informations spécifiques dans la mesure où ils ne craignent pas de souffrir de l’opportunisme des acteurs et que ce partage participe à accroître la performance des membres du réseau.

Dans le cadre de leur développement international, les PME sont souvent confrontées à deux obstacles majeurs : (1) le handicap d’être une entreprise étrangère (« liability of foreignness ») et (2) le handicap de ne pas appartenir à des réseaux (« liability of outsidership ») (Johanson et Vahlne, 2009 ; Meier et Meschi, 2010 ; Schweizer, 2013). En effet, dès lors qu’une entreprise souhaite entrer sur un nouveau marché, elle doit faire face à des coûts supplémentaires. Ces coûts sont liés à sa méconnaissance de l’environnement local, aux différences économiques, institutionnelles et culturelles entre son pays d’origine et le pays d’accueil et à la nécessité de coordonner des activités géographiquement dispersées. Ce handicap de l’extranéité, désigné par le terme « liability of foreignness », peut freiner le développement international des PME. Zaheer (1995) montre que les entreprises étrangères ont souvent une rentabilité moins élevée et une plus faible probabilité de survie que les firmes locales. Wu et Salomon (2016, 2017) indiquent que les entreprises qui souhaitent établir des filiales à l’étranger font face à des coûts opérationnels plus élevés et connaissent des taux d’échec plus marqués que les entreprises locales. Lorsqu’une entreprise s’implante sur un marché étranger, elle peut aussi avoir des difficultés pour accéder aux réseaux locaux (fournisseurs, distributeurs, clients, etc.) qui lui permettent de développer ses activités. Ce handicap de la non-appartenance aux réseaux est désigné sous le terme de « liability of outsidership » (Chen, 2017 ; Fiedler, Fath et Whittaker, 2017 ; Vahlne et Johanson, 2013). L’intégration dans les réseaux locaux paraît d’autant plus difficile pour les entreprises de taille limitée dans la mesure où elles sont peu nombreuses à établir des filiales à l’étranger. L’association avec d’autres entreprises peut permettre aux PME de surmonter les handicaps de l’extranéité et de la non-appartenance aux réseaux (Hilmersson et Jansson, 2012).

On peut ainsi considérer que les réseaux constituent, pour les PME, un élément essentiel afin d’accéder aux informations nécessaires à leur internationalisation – indépendamment de leur degré d’engagement, leur expérience internationale ou leur âge. Leur attractivité est conditionnée par leur degré d’ouverture, la réputation des firmes ayant une position centrale ainsi que des éléments qui sont échangés (Yamin et Kurt, 2018). Ils ont pour principale vocation de mettre en relation différents acteurs qui poursuivent des objectifs semblables et qui sont désireux de collaborer – de façon plus ou moins formelle – en vue d’augmenter leurs bénéfices mutuels (Jack, Anderson, Moult et Dodd, 2010). Les réseaux influencent les décisions stratégiques dans la mesure où ils peuvent inciter les PME à amorcer les premières démarches d’internationalisation (Francioni, Vissak et Musso, 2017), à augmenter ou à réduire leur niveau d’engagement à l’étranger (Johanson et Vahlne, 2009 ; Vissak et Francioni, 2013). Ils atténuent la sensibilité des dirigeants à l’incertitude puisque les informations qui y circulent viennent pallier les vides informationnels locaux (Kingsley et Graham, 2017). Les informations disponibles au sein du réseau peuvent conforter les dirigeants quant à la pertinence de leur démarche d’internationalisation ou, au contraire, les pousser à questionner et ajuster leur approche (Madsen et Desai, 2010 ; Diwas, Staats et Gino, 2013).

L’appartenance à un réseau implique ainsi que les acteurs s’engagent à interagir et à partager leurs ressources (notamment leurs informations) et leurs compétences dans une démarche de long terme. Ceci sous-tend que des relations de confiance soient établies entre les membres et que ceux-ci fassent preuve d’une volonté manifeste de s’investir dans la constitution et la vie du réseau (Yamin et Kurt, 2018). Les membres sont, pour leur part, sélectionnés au regard de leurs expériences, de leurs caractéristiques ou encore de leurs apports potentiels. La différenciation s’opérant au sein des réseaux implique que la réussite des entreprises sur les marchés internationaux est fortement liée à leur capacité de s’insérer dans les réseaux locaux, d’identifier les acteurs clés et d’interagir avec eux (Johanson et Mattsson, 1988 ; Johanson et Vahlne, 2009). Håkansson et Ford (2002) précisent, toutefois, que le développement des réseaux expose les entreprises à trois paradoxes, à savoir (1) la création d’opportunités et de restrictions, (2) le pouvoir d’influencer et l’influence des membres du réseau et, enfin, (3) le contrôle et le manque de contrôle des échanges s’y opérant. La création de valeur par les réseaux implique, dès lors, que les entreprises aient soigneusement sélectionné les réseaux et/ou les membres, mais aussi qu’elles disposent d’une réelle stratégie quant au développement, au maintien et à l’exploitation des relations créées. Un arbitrage doit alors être opéré quant aux coûts/gains et aux opportunités/restrictions émanant des relations créées.

Selon Stam, Arzlanian et Elfring (2014), le capital social des entrepreneurs et leur capacité à sélectionner, à s’insérer et à diversifier leurs réseaux influencent positivement la performance des PME à l’international – notamment des entreprises nouvellement internationalisées et/ou opérant dans des secteurs de haute technologie (logiciels, etc.). Ils leur permettent, en effet, d’accéder à des informations privilégiées quant à la structure et à l’évolution du marché, accroissant de fait les capacités d’adaptation et d’anticipation des PME.

Les développements précédents montrent que la participation à des réseaux et le partage d’informations revêtent une importance critique lorsque les entreprises choisissent de s’internationaliser. En effet, ils viennent faciliter l’identification et la saisie de nouvelles opportunités d’affaires ou encore l’accès à de nouvelles ressources et compétences. Ceci est particulièrement vrai pour les PME, les réseaux leur permettant de réduire leur exposition aux risques locaux ainsi que les effets négatifs liés à leur taille restreinte (manque de visibilité, de notoriété, etc.). La revue de littérature conduite dans le cadre de cette recherche montre que, si les travaux ayant trait à l’internationalisation des PME et aux réseaux se sont multipliés depuis les années quatre-vingt-dix, la grande majorité des articles se focalise sur (1) la façon, dont les PME gagnent des connaissances relatives aux opérations internationales (Gilmore, Carson et Rocks, 2006 ; Hadley et Wilson, 2003 ; Zhou, Wu et Luo, 2007), (2) les caractéristiques, l’établissement et la disparition des connexions au sein des réseaux (Ellis, 2000, 2011 ; Galkina et Chetty, 2015) ou encore (3) les relations interorganisationnelles, leur coordination et leurs effets (Hohenthal, Johanson et Johanson, 2015). En l’état, peu de travaux se sont attachés à comprendre comment s’effectue le partage d’informations au sein des réseaux. Or, il s’agit d’une question stratégique dans la mesure où l’accès aux informations constitue l’une des principales barrières rencontrées par les PME à l’international. On peut rappeler ici que les informations constituent les données structurées par un individu afin de leur donner du sens et en faire les bases de la connaissance qui peut servir aux prises de décisions et/ou actions menées.

Le modèle d’Uppsala montre que la nature de l’information recherchée dépend du niveau d’expérience internationale de l’entreprise (Johanson et Vahlne, 1977, 2009). À travers nos investigations empiriques, nous chercherons à montrer que le rôle de l’expérience doit également être appréhendé au niveau individuel. En effet, le type d’information recherché peut être influencé par l’expérience des dirigeants.

Après avoir mis en relief le rôle que peuvent jouer les réseaux dans l’accès aux informations concernant les marchés étrangers, nous allons expliquer la démarche méthodologique retenue dans le cadre de cette recherche.

2. Méthodologie

Riches et contextuelles par nature, les études qualitatives sont particulièrement pertinentes pour explorer des phénomènes nouveaux, méconnus et/ou peu traités dans la littérature (Eisenhardt, 1989 ; Eisenhardt et Graebner, 2007 ; Yin, 2013) – tels que le partage d’informations au sein des réseaux de PME exportatrices. Eu égard à la question de recherche retenue et aux vides théoriques précédemment évoqués en matière de partage d’informations au sein des réseaux d’exportateurs, nous avons fait le choix de mener une étude qualitative de type inductif. Cette approche est justifiée par notre volonté d’approfondir les théories existantes en matière d’internationalisation des PME via les réseaux.

Nous avons procédé à un échantillonnage par critères (Patton, 2002) afin d’identifier les PME membres – et actives au sein – d’un réseau d’exportateurs. Le réseau choisi regroupe des PME françaises ayant un fort potentiel de croissance, notamment à l’international. Il compte près de 2 000 membres. Le processus de sélection des entreprises repose sur plusieurs critères d’éligibilité. Tout d’abord, l’entreprise se devait d’être indépendante, d’employer moins de 250 salariés et de réaliser un chiffre d’affaires n’excédant pas 50 millions d’euros annuels (Commission européenne, 2003). Outre leur taille, les entreprises ont été sélectionnées sur la base de leur engagement international et de leur appartenance et implication au sein de différents réseaux professionnels. Nous avons ainsi fait le choix de ne retenir que les PME réalisant au moins 10 % de leur chiffre d’affaires à l’étranger, exportant dans plus de trois pays différents – indépendamment de leur ancienneté – et disposant d’un responsable/directeur export au sein de leur effectif. Les PME sélectionnées ont adopté une approche processuelle pour se développer à l’international. La liste des entreprises membres du réseau que nous avons étudiée nous a permis de contrôler l’appartenance et l’implication des PME au sein de réseaux d’exportateurs. Précisons que l’industrie ne constitue pas, dans notre cas, un critère d’échantillonnage pertinent dans la mesure où l’exportation reste le mode d’internationalisation privilégié par les PME, quelle que soit la nature de leurs activités. Nous avons ainsi retenu onze PME – six manufacturières et cinq sociétés de services. Les entreprises sont localisées dans différentes régions françaises afin de limiter les biais de contextualité liés aux spécificités des territoires.

Nous avons choisi d’ajouter six acteurs de l’accompagnement des entreprises à l’international, car les PME interrogées ont fréquemment recours à ces réseaux institutionnels qui visent à les aider dans leur démarche d’internationalisation. Les acteurs sélectionnés ont pour mission d’assurer la diffusion des informations relatives aux marchés étrangers aux PME en vue de faciliter leur développement international. Il semblait donc pertinent de les inclure dans notre échantillon. Business France est un organisme public chargé d’aider les entreprises, notamment les PME, dans leurs projets à l’international et d’attirer davantage d’investisseurs étrangers en France. Bpifrance est une banque publique d’investissement qui a pour mission de soutenir les entreprises qui se développent à l’international, notamment les PME, par le biais de financements. Ces deux organismes, de même que les autres acteurs de l’accompagnement interrogés, travaillent régulièrement pour les partenaires du réseau étudié.

La collecte de données repose sur dix-sept entretiens ouverts – d’une durée moyenne d’une heure – réalisés avec les dirigeants ou responsables export des PME (Tableau 1) ainsi qu’avec six experts travaillant au sein des structures publiques ou privées d’accompagnement (Tableau 2). Les répondants ont été sélectionnés selon un ensemble de critères fréquemment mobilisés dans la littérature en management international (âge, expérience export, secteur de l’entreprise, taille, intensité export, etc.) afin d’assurer la fiabilité des résultats (Cuervo-Cazurra, Andersson, Brannen, Nielsen et Reuber, 2016).

Tableau 1

Principales caractéristiques des dirigeants de PME interviewés

Principales caractéristiques des dirigeants de PME interviewés

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Tableau 2

Principales caractéristiques des acteurs de l’accompagnement interviewés

Principales caractéristiques des acteurs de l’accompagnement interviewés

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Le guide d’entretien, présenté en annexe 1, est composé de neuf questions réparties en deux sections. Dans un premier temps, les dirigeants étaient invités à décrire leurs principales activités liées à l’export (choix de marchés export, négociations avec des importateurs, décisions concernant le marketing mix export, etc.) tout en mettant l’accent sur les situations au cours desquelles ils ont eu à prendre des décisions. Les relances effectuées par les chercheurs ont permis d’identifier clairement les informations utilisées par les dirigeants et, ainsi, mettre à jour les différentes dimensions de la notion d’information. Dans un second temps, une présentation brève du projet de création de plateforme institutionnelle de partage d’informations et un questionnement direct ont permis de dégager les potentiels facteurs clés de succès et/ou d’échec d’une telle initiative. Le projet de plateforme correspond à une communauté virtuelle qui serait développée et animée par un organisme institutionnel. L’objectif serait de créer une communauté d’entraide entre responsables export intégrant le réseau institutionnel constitué pour favoriser l’échange d’information et la coopération entre les membres de la communauté.

Les spécialistes de l’accompagnement étaient, pour leur part, incités à raconter diverses situations au cours desquelles ils avaient eu à fournir des informations et conseils à des exportateurs français en se focalisant sur les comportements et attitudes des dirigeants qu’ils assistaient. Dans les deux cas, l’objectif principal des entretiens était d’identifier différentes facettes de la notion d’information dans le contexte des pratiques d’exportation.

Les entretiens ont été réalisés en face-à-face (à l’exception de cinq interlocuteurs situés à l’étranger) puis retranscrits intégralement. Les retranscriptions ont fait l’objet d’une microanalyse de contenu avec l’aide du logiciel ATLAS.ti. Toutes les références à l’information ont été isolées – soit un total de 81 citations. Une vérification a permis de constater que ces 81 références correspondaient à 50 événements uniques et indépendants. Les références ont donc été regroupées pour former le code « information » avec 50 citations.

Ces 50 citations ont ensuite été catégorisées avec la technique dite du comparateur constant (Glaser et Strauss, 2010). Chaque citation est examinée individuellement et comparée avec la citation précédente. Si elle est considérée comme similaire à la citation précédente, elle reçoit la même dénomination. Dans le cas contraire, elle reçoit une étiquette différente. Il est important de noter que, eu égard à la nature inductive de notre démarche, les catégories correspondant aux étiquettes ne sont pas prédéterminées. Elles sont issues du contenu des données analysées. Les différentes citations ont chacune reçu trois étiquettes correspondant chacune à une catégorie. La première catégorie concerne le type d’information et a donné lieu à la création de huit sous-catégories. Une deuxième catégorisation a fait ressortir les sources de l’information avec huit sous-catégories. Enfin, une dernière catégorisation a permis de clarifier la progression de l’entreprise sur les marchés internationaux (deux sous-catégories). La méthodologie explicitée, nous nous proposons de présenter, dans la section suivante, les principaux résultats de notre étude qualitative.

3. Analyse des résultats

L’analyse des 50 citations montre que les PME exportatrices utilisent des sources d’information différentes selon le type d’information recherché et la progression de l’entreprise sur les marchés internationaux (Tableau 3). Les informations recherchées concernent surtout le potentiel du marché, mais aussi les canaux de distribution, la concurrence, le prix, le comportement des consommateurs/utilisateurs et les caractéristiques du produit/service. Parmi les principales sources d’information indiquées, on peut mentionner les consommateurs/utilisateurs, le distributeur/représentant de l’entreprise, d’autres distributeurs et importateurs, les études et documents divers, les confrères et concurrents et l’entreprise elle-même.

Le tableau 3 montre que la source d’information utilisée varie selon le type d’information recherché. Ainsi, pour évaluer le potentiel d’un marché, les dirigeants export utilisent souvent des études et des documents divers. Pour s’informer sur les canaux de distribution, il paraît plus judicieux de s’adresser à d’autres PME et aux concurrents. Pour connaître la concurrence, les PME privilégient les consommateurs et les utilisateurs.

Comme indiqué dans le tableau 3, la source d’information utilisée dépend également de la progression des PME interviewées sur les marchés internationaux. Ainsi, les PME qui débutent à l’international ont principalement recours à des distributeurs et importateurs, aux études et documents divers, aux consommateurs/utilisateurs, à d’autres PME ainsi qu’à certains de leurs concurrents. À l’inverse, les PME qui cherchent à développer des marchés existants privilégient leurs distributeurs et représentants, les consommateurs/utilisateurs et des sources d’information internes à l’entreprise.

On peut remarquer que les PME interrogées utilisent essentiellement des réseaux professionnels pour acquérir les différents types d’information recherchés. Ces réseaux comprennent des acteurs aussi variés que les clients, les distributeurs, d’autres PME, les concurrents et les cabinets de conseil.

Les entretiens réalisés auprès des dirigeants de PME et des acteurs de l’accompagnement montrent que le type et les sources d’information ainsi que leurs modalités de partage divergent selon l’expérience des dirigeants et la progression de l’entreprise sur les marchés internationaux. Nous présenterons les résultats en fonction (1) de l’expérience des dirigeants, (2) la progression de l’entreprise sur les marchés internationaux et des sources de données utilisées, et (3) des modalités de partage des informations de marché.

Tableau 3

Analyse de l’information export selon la source, le type d’information et la progression sur les marchés internationaux

Analyse de l’information export selon la source, le type d’information et la progression sur les marchés internationaux

NB : Dans le tableau, la fréquence indiquée correspond au nombre de citations par item.

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3.1. L’expérience individuelle des dirigeants

Interrogés sur l’origine des informations utilisées, il apparaît que les connaissances personnelles des répondants constituent la principale source d’information préalable à toute prise de décision ou action de développement international. Les entretiens menés auprès des directeurs généraux et responsables export de PME nous amènent à constater que l’information n’a pas la même valeur perçue selon l’âge et l’expérience des interviewés. Les dirigeants les plus jeunes (I, J, K) semblent peu conscients de l’importance des informations et fondent leurs décisions principalement sur la base de leurs connaissances, bien que celles-ci demeurent souvent limitées. Les entreprises ne disposent pas, dans ce cadre, de stratégie de collecte et de traitement des informations.

« Mes parents, fondateurs et dirigeants de la société, sont dans le secteur depuis des années. Les gens de cette industrie se connaissent tous… Rapidement on se croise, on a un distributeur en commun. […] On était sur un salon en France (le premier qu’on ait fait) et d’un seul coup, une personne vient et nous apporte des distributeurs bulgares. Comme ça. On ne la connaît pas. Elle nous apporte des distributeurs bulgares. On dit ben… c’est gentil… » (répondant J)

À l’inverse, les dirigeants les plus expérimentés (B, D, E) paraissent plus enclins à apprécier la juste valeur des informations. La collecte et le partage d’informations deviennent alors un besoin dans la mesure où ils viennent consolider les connaissances de l’entreprise et renforcer le contrôle sur les opérations internationales. Les dirigeants ont su, au fil des ans, développer et opérationnaliser leurs propres stratégies de collecte et de partage des informations de marché. Le répondant D indique en ce sens que, pour lui, « la clé du business, c’est avant tout de bien connaître ses chiffres, de savoir exactement comment ça se passe sur le terrain pour pouvoir anticiper les discussions avec ses clients ».

Ces propos attestent du caractère dynamique de la constitution des réseaux d’une part, et de la collecte et du partage des informations d’autre part. L’appréciation de la valeur des informations et leur collecte ne sont possibles que par le biais de mécanismes d’apprentissage expérientiel. L’expérience amène, en effet, les dirigeants à développer puis institutionnaliser différentes stratégies de recueil et de partage des informations relatives au marché cible en interne ainsi qu’auprès des membres des réseaux. En d’autres termes, les dirigeants novices semblent principalement s’appuyer sur des réseaux sociaux – vecteurs de soutien émotionnel – en vue de collecter des informations de nature générale leur permettant d’apprécier le marché cible ainsi que l’adéquation de leur offre aux attentes locales. Les dirigeants les plus expérimentés s’appuient, pour leur part, sur des réseaux plus calculatoires afin d’accéder aux informations spécifiques recherchées. Ces résultats abondent dans le sens d’Huggins (2010) tout en précisant la nature dynamique des relations et des réseaux ainsi que le rôle de l’expérience dans le type de réseau (social ou calculatoire) créé.

3.2. La progression de l’entreprise sur les marchés internationaux et les sources d’information

Outre l’expérience des dirigeants, des divergences ont pu être identifiées selon la progression et les objectifs de l’entreprise sur les marchés internationaux. Les PME débutant à l’international ont peu d’expérience des marchés cibles et paraissent essentiellement motivées par la volonté de conquérir de nouveaux marchés. Les informations recherchées sont de nature générale et concernent principalement le potentiel du marché cible et la structure des canaux de distribution locaux, l’objectif étant d’avoir une première image du pays. Prenant l’exemple d’un primo-exportateur de vin français ayant fait le choix de développer ses activités en Chine, l’acteur institutionnel M explique que les contacts avec la PME prenaient majoritairement la forme de « rendez-vous en tête à tête à la chambre de commerce et Business France pour avoir des informations assez générales sur le type de client à cibler, sur la façon de l’aborder, sur l’intérêt de faire une marque propre pour vendre du made in France en Chine, etc. Ce sont la chambre de commerce et surtout Business France (avec ses spécialistes de l’agroalimentaire) qui lui ont apporté ces informations. Ils lui ont apporté des éléments de base – nécessaires à tout primo-exportateur sur la manière de s’insérer sur le marché et la manière de bien identifier à qui il pourrait vendre ».

Au regard de leur manque d’expérience, ces PME primo-exportatrices ont peu d’informations à partager avec les membres du réseau. Leur contribution potentielle étant limitée, elles souffrent d’un accès réduit aux réseaux locaux, donc aux informations stratégiques. Dès lors, elles font appel à des sources extérieures, notamment à d’autres PME ou des cabinets de conseil, pour pallier leur méconnaissance des spécificités locales. Le partage d’informations de nature générale, en contrepartie du versement d’une compensation financière, constitue, en effet, l’une des principales vocations des structures publiques d’accompagnement, au regard de la grande diversité d’entreprises s’adressant à elles. L’un des consultants indique qu’en matière de maturité des projets d’internationalisation, « on a tous les cas de figure. Quand on les sent peu préparés, on considère que c’est aussi notre rôle de les préparer avec des informations de base. Ces informations de base concernent aussi bien la culture des affaires que la préparation d’un discours professionnel ». Le consultant M abonde en ce sens et indique que « les questions que se posent les primo-exportateurs sont très différentes de celles que se posent les responsables export qui ont déjà une partie des réponses. Les primo-exportateurs se posent des questions qui sont toujours les mêmes, par exemple “si je vais en Chine ou si je vais dans tel pays, quel type de contrat est-ce que je vais signer ? Si je fais une vente, est-ce que j’ai un simple bon de commande, ou est-ce que j’ai un contrat, ou est-ce que j’ai un courriel, ou est-ce qu’on se tape dans la main ? Et, quelle est la validité juridique ?” Donc, des notions de sécurité contractuelle ainsi que des questions administratives du type “comment je fais pour envoyer mon container ?” Les responsables export sont plutôt à la recherche d’informations sur les sources de financement, etc. Des problématiques bien différentes ».

Il est intéressant de noter que, si les dirigeants rencontrés font facilement confiance à leurs homologues, ils font preuve de défiance à l’égard des acteurs publics et privés de l’accompagnement en raison du manque de pertinence et du coût des informations prodiguées. Il semble, en effet, que les opérations de recherche d’informations impliquant une contrepartie financière suscitent davantage d’attentes quant aux retombées positives potentielles que les échanges interfirmes, qui sont souvent insatisfaites en raison du caractère généraliste des éléments transmis. Interrogé sur les sources d’information mobilisées au cours du développement international de son entreprise, le dirigeant A explique que « c’était un peu particulier parce que comme je vous l’ai dit, on était surtout passés par Business France. Il y a une demi-journée qui est faite de présentation du “territoire” où on va, mais qui ne correspondait pas à nos besoins parce qu’en fait, c’était très axé pour l’industrie en B-to-C et pas en B-to-B. À chaque fois qu’il nous a fallu des informations, il fallait faire des demandes spécifiques – donc payables ». Le répondant G abonde en ce sens et précise avoir « pris connaissance d’un certain nombre de contrats qui existaient avec des sociétés privées en conseil à l’export. Ça n’engage que moi, mais j’ai constaté qu’on payait très cher des prestations qui étaient franchement, à mes yeux, pas à la hauteur. […] Il y a des petites structures souvent basées à Paris qui fleurissent. Je ne suis pas convaincu, pas convaincu du tout. J’ai discuté avec une dizaine [d’entre elles], mais je n’en ai trouvé aucune qui avait un discours pertinent, percutant. On gratte la surface, il n’y a rien derrière. C’est souvent des gens qui ont peut-être travaillé un peu en entreprise. Peut-être qu’ils ont été à l’étranger. Ils manient à peu près correctement l’anglais, mais si on gratte derrière, il n’y a rien du tout. Je pense qu’il y a beaucoup de sociétés qui se sont “fait avoir” dans le sens où elles sont déçues du rendu parce qu’en fait, ça finit par coûter cher ».

À l’inverse, les entreprises expérimentées à l’international sont principalement mues par la volonté d’optimiser la gestion de leur portefeuille de marchés. Les informations recherchées et partagées visent à actualiser les données préalablement collectées, à affiner la connaissance des marchés ainsi que la stratégie marketing, donc, à renforcer le positionnement de l’entreprise sur les marchés visés. Elles ont principalement trait à la structure de la concurrence, au niveau général des prix et au comportement des consommateurs locaux. Contrairement aux PME inexpérimentées, ces entreprises mobilisent principalement leurs ressources internes ainsi que leurs réseaux proches pour accéder aux informations désirées. En effet, l’expérience accumulée à l’étranger a permis à ces organisations d’identifier les acteurs clés, de s’insérer dans les réseaux locaux et d’interagir avec les interlocuteurs jugés les plus pertinents. Le répondant F indique, à ce sujet, que « comme on est très implantés depuis longtemps, on a des contacts dans le monde entier. On sait à qui s’adresser pour avoir des informations sur le marché : des amis qui travaillent, etc., on arrive à avoir des informations. L’industrie du cuir n’est pas une industrie très importante au niveau mondial. Donc, on ne peut jamais passer par Business France ou les missions économiques des ambassades parce qu’ils n’ont pas les informations sur des marchés qui ne sont pas suffisamment importants. C’est à nous de nous débrouiller. On fait des salons professionnels dans le monde entier depuis très longtemps. Par les salons, on arrive toujours à avoir des contacts dans des pays où on n’est pas, parce que les gens passent sur nos stands demander des informations. Ou nous, on voit qu’il y a une tannerie russe qui a pris un stand dans le salon où on est. On va aller voir en disant “écoutez, on ne connaît pas le marché russe, est-ce que vous pouvez nous aider ? Est-ce qu’on peut travailler avec vous ?” Donc, on arrive à prendre des contacts ». Il poursuit en affirmant que, globalement, « les [PME exportatrices] ont du mal à s’appuyer, comme le font les Anglo-Saxons, sur les consultants, sur les sociétés de commerce, parce qu’elles n’aiment pas les intermédiaires ». Ces propos attestent de la défiance qui existe à l’égard des acteurs publics et privés de l’accompagnement, ceux-ci étant souvent assimilés à des intermédiaires peu utiles et parfois coûteux.

Au regard des éléments mentionnés précédemment, nous pouvons conclure que plus les PME acquièrent d’expérience à l’international et plus le degré de spécificité des informations recherchées et partagées tend à s’affiner. Les informations générales, aisément accessibles via les acteurs extérieurs, font progressivement place aux informations spécifiques, essentiellement partagées entre et par le biais d’interlocuteurs de confiance (ressources internes et/ou réseaux proches). Ces résultats vont dans le sens de Johanson et Vahlne (1977, 2009) et de Johanson et Mattsson (1988) quant au rôle clé et à la nature évolutive des informations, des mécanismes d’apprentissage expérientiels et de partage ainsi que des réseaux dans l’internationalisation des entreprises. L’expérience accumulée à l’étranger conduit les entreprises à développer un ensemble de routines et de mécanismes de collecte, d’analyse et de diffusion interne des informations spécifiques favorisant la réussite du processus d’internationalisation. Ils complètent par ailleurs les travaux de Catanzaro, Messeghem et Sammut (2015) quant au processus de sélection des réseaux. Il ressort, en effet, de notre recherche que les PME – indépendamment de leur progression sur les marchés internationaux – font preuve de défiance envers les acteurs de l’accompagnement, qu’ils soient publics ou privés. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des entreprises suivant une stratégie de niche. Le coût, la qualité hétérogène des prestations, le caractère général et le manque d’adéquation des informations fournies avec les besoins de l’entreprise et/ou de la réalité du marché poussent les PME à privilégier les réseaux professionnels au sein desquels les échanges (ciblés) s’opèrent gratuitement et de pair à pair. Ces résultats témoignent ainsi de la nécessité de procéder à une analyse fine des réseaux.

3.3. Le partage d’informations

Les divergences identifiées précédemment, à savoir le type d’information recherché, l’expérience des dirigeants et la progression de l’entreprise sur les marchés internationaux, ont une influence sur les occasions de partage et l’accessibilité des données. Les entretiens conduits auprès des différents interlocuteurs sont venus préciser les conditions de partage des informations selon l’expérience des dirigeants et la progression des entreprises sur les marchés internationaux. Comme évoqué précédemment, les PME entrant sur de nouveaux marchés souffrent d’un accès limité aux réseaux locaux, donc d’occasions restreintes de partage d’informations. Elles font ainsi appel à des ressources extérieures afin de recueillir les informations nécessaires à la bonne compréhension du marché. Les possibilités d’interaction étant limitées par le manque d’expérience et la méconnaissance des acteurs locaux clés, les entreprises débutant leur internationalisation s’appuient essentiellement sur les rencontres informelles avec d’autres PME, les échanges en face-à-face lors de manifestations professionnelles spécialisées (salons, congrès, conférences). En revanche, les entreprises les plus expérimentées ayant développé leurs propres systèmes de collecte et de partage d’informations sont capables d’actionner leurs ressources internes ou leurs réseaux afin d’accéder – de façon permanente – à des informations plus spécifiques.

Là encore, il est intéressant de noter que la richesse des informations partagées semble être liée au degré de socialisation des individus. Les PME rencontrées semblent davantage enclines à échanger avec des PME expérimentées qu’avec les organisations novices en matière d’internationalisation. Une différenciation s’opère ainsi entre entreprises selon leur degré d’expérience et les éléments qu’elles sont en capacité d’apporter au réseau. Interrogé sur la pertinence d’institutionnaliser des groupes d’entraide interentreprises, le répondant I indique, par exemple, que « ça serait bien que ça ne soit que des entreprises d’un certain niveau, qui ont déjà fait leurs preuves, parce qu’après, ça peut devenir le cliché du coiffeur qui veut monter sa gamme de produits pour les cheveux… ».

L’expérience apparaît, ici, comme étant un vecteur de crédibilité et de légitimité aux yeux des autres PME. Ces résultats montrent que les bénéfices liés aux réseaux sont fonction des éléments initialement apportés par les entreprises : plus une entreprise est expérimentée et s’implique dans la vie du réseau, plus elle sera en mesure de bénéficier d’un positionnement favorable au sein du réseau et des effets positifs en résultant. À l’inverse, les entreprises peu expérimentées et/ou n’ayant qu’une contribution minime à la vie du réseau parviendront difficilement à se positionner au sein de celui-ci ou à tirer parti des bénéfices offerts aux membres du réseau.

L’analyse des entretiens réalisés met en relief le rôle joué par le sentiment d’appartenance dans le fonctionnement des réseaux. Les personnes interviewées soulignent qu’elles préfèrent partager des informations dans les réseaux où les membres sont sélectionnés selon un certain nombre de critères tels que l’expérience internationale et l’appartenance à un même secteur d’activité. Dans ce cas, les dirigeants de PME seraient intéressés de partager des informations sur des plateformes électroniques, notamment des études sectorielles, des informations réglementaires, juridiques et fiscales ainsi que des informations sur les canaux de distribution.

Le tableau 4 synthétise les principaux résultats de nos travaux.

Tableau 4

Synthèse des résultats

Synthèse des résultats

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4. Discussion

L’étude empirique réalisée dans le cadre de cette recherche met en avant le rôle clé des réseaux professionnels. Le partage d’informations s’effectue principalement de façon informelle entre PME d’un même secteur d’activité. Les interlocuteurs étant tous confrontés aux mêmes problématiques, ils sont alors à même de proposer des réponses spécifiques adaptées aux besoins de leurs homologues. Les interviewés ont, en effet, souligné leur confiance limitée dans la qualité et l’efficacité des acteurs publics de l’accompagnement dans la mesure où ils ne proposent qu’une offre généraliste peu conforme aux attentes des entreprises expérimentées. Dès lors, les PME se replient sur leurs réseaux professionnels, ceux-ci étant vecteurs d’informations spécifiques – actualisées, pertinentes et fiables – ainsi que d’opportunités. Ces éléments attestent de la prégnance des réseaux dans le développement international des PME et soulignent l’existence d’une hiérarchie entre les différents réseaux selon leurs apports potentiels et le positionnement des entreprises au sein de ceux-ci. Ils mettent également en avant le fait que, si la confiance, la réciprocité et l’engagement à long terme constituent bien les règles de base de tout échange, tous les réseaux et interlocuteurs ne sont pas affectés du même degré de confiance. Les acteurs établissent ainsi des sentiments et des comportements qui sont considérés comme acceptables par les membres d’un même réseau. Ces normes, qui possèdent une forte dimension sociale, permettent de déterminer les interactions entre les dirigeants de PME appartenant à un même réseau, facilitant ainsi la coopération entre les membres. L’attitude négative affichée par les responsables export envers les consultants indique que les réseaux institutionnels souffrent d’un manque de crédibilité, comme dénoté par Gallais et Boutary (2014). Le versement d’une contrepartie financière à des interlocuteurs n’appartenant pas au secteur d’activité des entreprises suscite, en effet, davantage de méfiance que de confiance de la part des dirigeants rencontrés.

Le développement international des entreprises est un processus complexe obligeant les dirigeants de PME à collecter – de manière permanente – un maximum d’informations afin d’approfondir leurs connaissances et de maintenir un niveau élevé de flexibilité organisationnelle en vue de s’adapter aux mutations de l’environnement mondial. Ils mobilisent alors différentes ressources – internes comme externes – afin d’accéder aux éléments requis. Le modèle d’Uppsala met en avant le fait que la nature de l’information recherchée dépend du niveau d’expérience internationale de l’entreprise (Johanson et Vahlne, 1977, 2009). Nos résultats vont plus loin et précisent qu’outre la dimension organisationnelle, le rôle de l’expérience doit également être appréhendé au niveau individuel. En effet, le type d’information recherché – et les mécanismes déployés en ce sens – semblent influencés par l’expérience des dirigeants. Les dirigeants les moins expérimentés ne paraissant pas avoir conscience du rôle stratégique de l’information dans la conduite du processus d’internationalisation et se basent principalement sur leurs connaissances personnelles quand leurs homologues les plus expérimentés sont en quête permanente d’information. Ils multiplient les sources afin de vérifier la pertinence des éléments recueillis et ont développé puis institutionnalisé leurs propres mécanismes de collecte et de partage de l’information. Il convient de noter que l’insertion des PME dans les réseaux dépend également du mode d’entrée qui est choisi pour les différents marchés visés. Lorsqu’une PME débute son expansion internationale via l’exportation, elle est généralement peu insérée dans les réseaux locaux et rencontre dès lors des difficultés pour accéder aux informations recherchées. En revanche, les PME avec une plus forte progression sur les marchés internationaux utilisent souvent des modes d’entrée plus engageants tels que les filiales, ce qui leur donne un accès facilité aux réseaux locaux et à des informations plus variées (Hollender, Zapkau et Schwens, 2017).

Dans cette perspective, il convient de préciser que le partage d’informations dans les réseaux peut aussi présenter des risques dans la mesure où la divulgation d’informations à caractère stratégique peut avoir des effets négatifs sur l’activité de la PME qui partage ce type d’information (Håkansson et Ford, 2002 ; Child et Hsieh, 2014 ; Francioni, Vissak et Musso, 2017). Ceci est notamment le cas lorsque les PME appartiennent au même univers concurrentiel et/ou visent les mêmes marchés géographiques. Outre le risque concurrentiel, le développement et le maintien des réseaux impliquent un investissement régulier (Håkansson et Ford, 2002) pouvant être difficilement supportable pour les PME en raison de leurs ressources limitées – d’où l’importance de sélectionner de façon attentive les réseaux auxquels prendre part. Comme le soulignent Johanson et Vahlne (2009), il est nécessaire de développer des relations de confiance à long terme avec les autres acteurs du réseau. Nos travaux ont mis en avant que lorsque le partage d’information est conditionné par le paiement d’une contrepartie financière (réseaux institutionnels), les relations développées sont généralement de court terme et peu satisfaisantes pour les entreprises en raison du caractère général des ressources partagées et du manque d’adéquation entre les informations recherchées et collectées. Inversement, les réseaux professionnels semblent plus satisfaisants dans la mesure où ils sont plus spécialisés, de taille restreinte et fondés sur la collaboration. L’accès y est conditionné par la volonté des membres et le partage de ressources s’opère en vue de l’atteinte d’un gain mutuel. Il s’effectue de façon mutuelle, en vue d’assurer la vie et le développement du réseau. Ces résultats précisent les travaux de Musteen, Datta et Butts (2014) en indiquant que le recours aux réseaux professionnels ne s’explique pas seulement par le manque de fiabilité des informations fournies par les réseaux institutionnels, mais aussi par l’inadéquation perçue des informations diffusées avec les besoins des entreprises. L’évolution des besoins (découlant des connaissances expérientielles accumulées) et la spécificité des activités des entreprises poussent ces dernières à se tourner progressivement vers les réseaux professionnels et à sélectionner plus finement leurs réseaux en fonction des coûts et des gains potentiels associés. Là encore, ceci est particulièrement vrai pour les PME au regard des ressources limitées, dont elles disposent.

Dans le cas des réseaux professionnels, les entreprises doivent ainsi faire preuve de leur volonté de s’investir dans la vie du réseau et de faire un bon usage des informations qui sont partagées. Le fonctionnement d’un réseau est souvent conditionné par les interactions (virtuelles ou en face-à-face) entre les membres. Les interactions sont liées au sentiment d’appartenance des membres au réseau, qui peut constituer une garantie « comportementale » du bon fonctionnement du réseau (Thévenard-Puthod et Picard, 2013) et qui dépend de la sélection des membres du réseau au regard du profil de leurs dirigeants. On peut remarquer qu’en France, la notion d’appartenance s’avère essentielle dans la mesure où l’on accorde difficilement sa confiance en dehors de ses réseaux. En effet, la culture française se caractérise par une forte orientation relationnelle de la confiance qui est de nature « affective » (McAllister, 1995). Ainsi, les réseaux sont marqués par une certaine complicité entre les membres qui est fondée sur des expériences communes, par exemple, les mêmes formations et parcours professionnels (Breuer et de Bartha, 1993 ; Fiedler, Fath et Whittaker, 2017). Nos travaux mettent ainsi en avant la nature contextuelle et dynamique des réseaux, ceux-ci évoluant au gré de l’expérience – professionnelle et internationale – des dirigeants et de leur organisation, mais aussi au gré de la position de l’entreprise au sein du réseau (une position centrale permettant d’influencer la vie du réseau et les décisions prises par les membres).

Conclusion

Les réseaux professionnels et les réseaux institutionnels jouent un rôle central dans le développement international des PME. Les réseaux institutionnels fournissent un ensemble d’informations objectives et générales permettant aux entreprises les moins expérimentées de développer leurs connaissances des marchés cibles et d’amorcer le processus d’internationalisation. Ces réseaux sont généralement de grande taille et peu spécifiques. Le partage d’information est conditionné par le versement d’une contrepartie financière et il n’existe aucune obligation pour les membres d’interagir et/ou de partager leurs ressources. Inversement, les réseaux professionnels sont plus spécifiques et de taille plus restreinte. Réservés à un nombre limité de membres et porteurs de ressources et d’opportunités d’affaires, ils permettent aux entreprises d’accéder à des informations pertinentes et actualisées. Le partage d’information n’est pas soumis au paiement de contrepartie financière, les membres interagissant de façon gratuite et permanente en vue d’atteindre un objectif commun et/ou d’assurer la vie et le développement du réseau. Le risque lié à l’opportunisme des agents s’en trouve réduit par le processus de sélection des membres.

Notre recherche montre que le type et les sources d’information et les modalités de leur partage varient selon l’expérience des dirigeants et la progression des entreprises sur les marchés internationaux. Les entretiens réalisés mettent en relief les liens existants entre expérience et accès au réseau. L’expérience est ici gage de crédibilité, de légitimité et source de confiance aux yeux des autres membres du réseau dans la mesure où elle vient pallier les craintes liées à l’opportunisme des acteurs. La méfiance témoignée par les dirigeants interrogés envers les consultants s’inscrit dans cette lignée. Plus précisément, il ressort de notre étude que la fréquence et la profondeur des interactions au sein du réseau dépendent de l’expérience de ses membres : plus les membres sont expérimentés et plus leur apport au réseau pourra potentiellement être conséquent, incitant les autres membres à échanger avec eux. En d’autres termes, la richesse des échanges est liée au degré de socialisation des acteurs et au type de réseau auquel ils appartiennent.

Plusieurs contributions académiques et managériales peuvent être tirées de ce travail de recherche. Sur le plan théorique, nos travaux mettent tout d’abord en avant la nature dynamique des réseaux en expliquant le type de réseau mobilisé en fonction de l’expérience et du degré d’internationalisation du dirigeant et de l’entreprise. Les réseaux institutionnels sont particulièrement pertinents lors des premières phases du développement international. Bien que présentant un coût, ils permettent aux PME et à leurs dirigeants de développer leurs connaissances des marchés étrangers et de prendre conscience des opportunités existantes à l’international. Leur efficacité s’en trouve toutefois réduite au gré des expériences accumulées par les PME. Plus les entreprises accumulent d’expérience et plus leurs besoins se font précis. Dès lors, les PME sont poussées à se tourner vers les réseaux professionnels, composés de membres de leur secteur d’activité, en vue d’accéder à de nouvelles ressources et informations (en ligne avec leurs nouveaux besoins) leur permettant d’accroître leur compétitivité à l’étranger. En d’autres termes, nos travaux apportent un éclairage complémentaire aux éléments existants en expliquant les différents types de réseaux mobilisés selon la progression des PME sur les marchés internationaux. Notre recherche contribue également à la littérature sur les réseaux en fournissant une nouvelle perspective concernant le partage d’informations au sein des réseaux. Elle met notamment en lumière l’importance du processus de sélection des membres dans la dynamique et la richesse du réseau. L’expérience individuelle et organisationnelle constitue une dimension clé dans la mesure où elle est génératrice de confiance et conditionne l’accès aux réseaux professionnels. Nos travaux précisent ainsi la nécessité d’apprécier la qualité (expérience) des membres du réseau à deux niveaux : individuel et organisationnel.

Sur le plan managérial, notre recherche apporte un éclairage intéressant quant au type de réseau à mobiliser, aux modalités d’accès et de fonctionnement des réseaux. Elle fournit, tout d’abord, une grille de lecture permettant aux dirigeants d’identifier le type de réseau à mobiliser selon le degré de spécificité de leur activité et les informations recherchées, d’une part, et l’expérience et la progression de l’entreprise sur les marchés internationaux d’autre part. Elle permet également aux dirigeants de mieux comprendre le fonctionnement des réseaux professionnels, tant au niveau du processus de sélection des membres que du partage d’informations et des ressources. L’accès aux réseaux professionnels est conditionné par l’expérience des dirigeants et de leur organisation, celle-ci étant gage de crédibilité quant à l’investissement, à la contribution potentielle et à l’absence d’opportunisme du futur membre dans la vie du réseau. Les relations sont nouées dans une perspective de long terme et les informations qui y sont échangées sont spécifiques et source de valeur pour l’ensemble des membres. Les entreprises les moins expérimentées ayant peu d’informations à partager, l’accès aux réseaux professionnels s’avèrera particulièrement complexe et peu pertinent, ces organisations risquant d’être exclues par les membres en raison de leur opportunisme perçu (manque d’investissement dans la vie du réseau).

Malgré ses apports, notre étude n’est pas exempte de limites ayant, tout d’abord, trait à la taille de l’échantillon retenu. Conduite auprès de onze PME et six acteurs de l’accompagnement, notre recherche mérite d’être élargie à un nombre plus important d’entreprises. Il conviendrait en effet de tester les liens entre les différents concepts mobilisés afin de pouvoir élaborer un modèle de recherche permettant d’identifier les déterminants du partage d’informations dans les réseaux étudiés. Il serait aussi intéressant d’étudier le rôle joué par différents réseaux dans la collecte et le partage d’informations dans les étapes du processus d’internationalisation. Enfin, il paraît souhaitable d’analyser les effets de la mobilisation des réseaux sur la dynamique d’internationalisation et in fine la performance des PME étudiées.