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Effectuation : les principes de l’entrepreneuriat pour tous, Philippe Silberzahn, 2e édition, Pearson France, 2020[Notice]

  • Martine Hlady-Rispal

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  • Martine Hlady-Rispal
    Professeure des Universités en sciences de gestion, IAE Limoges, Centre de recherche sur l’entreprise, les organisations et le patrimoine (CREOP)

Détenteur du prix du meilleur ouvrage en management attribué par Consult in France (anciennement Syntec), la FNEGE et la SFM (Société française de management) en 2016, Philippe Silberzahn propose en 2020 une 2e édition de son livre Effectuation : les principes de l’entrepreneuriat pour tous. Les travaux de Philippe Silberzahn portent sur la façon dont les organisations se comportent et évoluent face à l’inattendu, les tensions et les crises qui rythment leur quotidien. Auparavant entrepreneur et dirigeant d’entreprise, il intervient régulièrement auprès de dirigeants d’entreprise et d’acteurs publics. Le premier mérite de Philippe Silberzhan est celui de la traduction et de la transmission. Entrepreneur jusqu’en 2009, c’est en 2004 qu’il découvre pour la première fois l’article fondateur de Saras Sarasvathy et se définit alors comme le M. Jourdain de l’effectuation. Il transmet depuis le message d’un projet entrepreneurial qui se construit chemin faisant, dans l’incertitude et le tâtonnement… Son message clé : cette démarche correspond à l’entrepreneuriat tel qu’il se fait vraiment. À la différence des nombreux travaux universitaires publiés en anglais, l’ambition est ici d’offrir une introduction à un public francophone d’entrepreneurs, d’accompagnateurs, d’étudiants, mais aussi d’investisseurs, moins à notre sens de chercheurs, tant les travaux sur l’effectuation sont aujourd’hui connus et acceptés. La 2e édition de l’ouvrage s’inscrit désormais dans un ensemble bien plus large de travaux, d’enseignements MOOC, d’ouvrages complémentaires relatifs à l’effectuation en action ou à des conférences de l’auteur tant académiques que professionnelles. L’organisation de l’édition 2020 est efficace en ce qu’elle reprend la précédente tout en l’enrichissant avec une introduction composée de deux chapitres, puis quatre parties de cinq, quatre, trois, deux chapitres et une conclusion qui guident le lecteur dans une réflexion-action rythmée. L’ouvrage est illustré d’exemples sur une longue période (1945-2019) qui montre l’universalité de la démarche effectuale. Le livre ne délivre pas de méthode infaillible fondée sur un modèle établi. Il ne défend pas davantage la thèse d’un entrepreneuriat improvisé dénué d’expertise. Il propose en revanche des principes définis par l’auteur comme des règles empiriques puisées de l’observation d’entrepreneurs qui guident la réussite entrepreneuriale, sans l’assurer pour autant. Le propos est sage et incite à la lecture. Les deux chapitres introductifs révèlent les principes d’un processus entrepreneurial émergent, à l’opposé d’une logique causale, séquentielle et ordonnée d’une part, d’un entrepreneuriat pour tous d’autre part, bien éloigné des mythes de l’entrepreneur visionnaire, amoureux du risque, solitaire super-héros, aujourd’hui également dénoncés par de nombreux auteurs. Les développements qui suivent permettent dès lors de répondre à deux questions essentielles : comment les entrepreneurs prennent-ils leurs décisions ? Existe-t-il une logique entrepreneuriale ? La première partie énonce ainsi les cinq principes (chapitres) mis en lumière par Saras Sarasvathy, suivis par les entrepreneurs lorsqu’ils développent leur projet. Le principe 1 (chapitre 3) affirme que l’entrepreneur démarre avec ce qu’il a sous la main. L’entrepreneur part de ses ressources personnelles fondamentales : qui il est, ce qu’il connaît et qui il connaît. En s’associant à d’autres, il accumule de nouvelles ressources qui lui permettent de progresser. Le principe 2 (chapitre 4) révèle que l’entrepreneur raisonne en termes de perte acceptable. Lorsqu’il évalue ses actions, l’entrepreneur est rarement à même d’anticiper le gain attendu. Il peut en revanche anticiper ce qu’il accepte de perdre en temps ou en salaire notamment. Le principe 3 (chapitre 5) constate que l’entrepreneur construit un « patchwork fou ». Il s’agit d’un réseau d’acteurs qui apporte des ressources en fonction des buts déclarés par l’entrepreneur, mais sans que l’entrepreneur puisse en connaître la nature au préalable. L’entrepreneur se tourne vers les personnes qu’il connaît en leur demandant comment elles peuvent l’aider. …