Résumés
Résumé
À Montréal, dans la première moitié du 20e siècle, les détaillants indépendants de l'alimentation ont l'habitude de faire crédit à leur clientèle des milieux populaires, en leur permettant d'ouvrir un compte courant, réglé en principe à intervalles réguliers. À cette époque, pour une large part de la population, le revenu familial suffit à peine à couvrir les besoins de base et ne permet pas de faire face aux impondérables. Le crédit qu’accordent les détaillants de quartier donne au budget familial un peu de la souplesse qui lui manque et représente en quelque sorte un filet de sécurité à une époque où les revenus des familles ouvrières sont peu élevés et instables. Aussi, en dépit du danger d'endettement qu'il représente, il est activement recherché par les résidents des quartiers populaires.
Dans le contexte économique et social des années 1920 à 1940, et à ce moment de l'évolution du commerce de l'alimentation, les détaillants indépendants qui accordent crédit se trouvent placés dans une situation paradoxale. D'abord, le progrès important des chaînes de magasins dans le secteur de l'alimentation les inquiète vivement. Or tandis que les chaînes appliquent en principe la règle du « cash & carry », le crédit qu'accordent les détaillants indépendants leur permet de se distinguer de leurs concurrents et de retenir leur clientèle des quartiers populaires. Dans ce sens, cette pratique devient leur « arme favorite », suivant l'expression d'un contemporain. Il s'agit cependant d'une arme à deux tranchants. Pour la majorité des petits commerçants, dont les entreprises sont fragiles et manquent de capital, le crédit représente une charge considérable. Les détaillants les mieux établis se trouvent eux aussi partagés entre la crainte de perdre leur clientèle au profit des chaînes et le désir d'éliminer cette forme de crédit qu'ils ne gèrent pas nécessairement à profit.
Abstract
In Montreal in the first half of the 20th century, independent food retailers commonly extended credit to their working-class customers. The merchants allowed them to establish current accounts, which they settled (in theory at least) at regular intervals. During this period, for a large part of the population, family income was barely sufficient to cover the basic necessities and left little for unforeseen circumstances. The credit that neighbourhood grocers extended allowed family budgets a degree of flexibility and represented a sort of safety net during a period before the introduction of state welfare programmes. Despite the danger of falling deeper and deeper into debt, residents of working-class neighbourhoods actively searched out merchants who would provide credit.
In the socio-economic context of the years between 1920 and 1940, and at this stage in the history of food retailing, independent grocers who extended credit found themselves in a paradoxical situation. In the first place, they were worried by the rapid expansion of chain grocery stores. While the chain stores applied the principle of "cash and carry", independent retailers used credit to differentiate themselves from their competitors and to retain their working-class clientele. This practice became their "favorite weapon", as one contemporary put it. It was, however, a double-edged sword, particularly for the majority of small retailers, whose businesses were fragile and lacked capital. Credit was a considerable financial burden for these shopkeepers. For their part, the most stable grocers were torn between the fear of losing their customers to the chains or to their competitors and their desire to eliminate this form of credit which they had difficulty managing profitably.
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