Notes de lecture

Cohen, Yolande. 2010. Femmes philanthropes, catholiques, protestantes et juives dans les organisations caritatives au Québec, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal[Notice]

  • Mélanie Claude

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  • Mélanie Claude
    Université du Québec en Outaouais

L’ouvrage propose un éclairage sur la citoyenneté politique et sociale des femmes oeuvrant au sein d’organisations caritatives québécoises au début du xxe siècle. Or l’originalité de ce livre ne repose pas, comme le laissent croire à la fois le titre et les premières lignes du texte, sur une analyse des femmes dans le milieu philanthropique. Elle se trouve plutôt dans l’analyse historique de la citoyenneté sociale et politique des femmes. Cohen étudie les actions menées par les femmes par la voie des associations caritatives et montre que l’acquisition de la citoyenneté politique des femmes est le fruit d’une citoyenneté sociale construite au moyen d’expériences caritatives. L’auteur propose des preuves convaincantes de la contribution des femmes à la fois à la démocratisation de la vie politique, à l’élaboration de politiques sociales, à la sécularisation de la société et à la reconnaissance des compétences professionnelles des femmes dans le domaine du care, alors qu’elles n’avaient qu’un droit de vote restreint. Son analyse permet de « réhabiliter le social comme creuset du politique » (22). La perspective critique de l’analyse est d’avoir proposé une interprétation de l’action des femmes qui s’éloigne d’une certaine vision patriarcale où les femmes sont victimes du carcan maternaliste. Cohen conclut que les femmes ont choisi d’intégrer les associations philanthropiques et de s’approprier la stratégie maternaliste afin d’intervenir dans le domaine du care leur accordant ainsi une agentivité politique avant même qu’elles n’obtiennent le droit de vote. L’analyse historique porte sur trois organisations caritatives au Québec : la Young Women’s Christian Association, le National Council of Jewish Women et la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste. Le lecteur doit être avisé qu’il s’agit d’une analyse du mouvement des femmes au sein des associations caritatives philanthropiques bien davantage que d’une étude de la pratique des femmes en philanthropie. D’ailleurs, il est nécessaire de souligner que les encadrés, à l’intérieur desquels Cohen met en évidence de grandes dames philanthropes, sont un effort notable de se remémorer ainsi que de valoriser le travail de pionnières de la citoyenneté politique. Par contre, ces encadrés sont davantage des récits biographiques que des éclairages sur les réalisations de ces femmes en matière de philanthropie. La périodisation que propose Cohen est pertinente, car elle permet, comme l’écrit l’auteure, de voir comment ces trois grandes périodes marquent l’histoire et structurent le positionnement social et politique des femmes catholiques, protestantes et juives oeuvrant dans les organisations caritatives du Québec. La période 1880-1914 correspond à « l’émergence du féminisme revendicateur » ainsi qu’à l’intervention des femmes sur les questions sociales ; celle de 1914-1931 se caractérise par la promotion d’une politique du care et de pressions accrues auprès des gouvernements pour faire avancer leurs revendications et l’offre de services professionnels de soins ou d’assistance (travail social, soins infirmiers, diététique) ; finalement, les années 1932 à 1945 représentent, entre autres, l’acquis de lois portant sur les pensions aux mères dans le besoin et celui du droit de vote. Cohen a retenu trois thèmes lui permettant de rendre compte, d’un côté, du travail accompli par les femmes en matière de citoyenneté sociale et politique et, de l’autre, des événements et des actions ayant marqué et organisé les trois grandes périodes. Ces thèmes sont ceux de l’immigration, de la santé publique (care et des professions féminines) ainsi que des pensions aux mères et des politiques familiales. De l’analyse de ces thèmes émergent plusieurs constats. D’abord, l’action caritative au tournant du siècle s’effectuait souvent en amont du travail étatique, ce qui accordait aux associations une certaine crédibilité lorsque des pressions étaient exercées sur les gouvernements. L’expertise acquise par les femmes par le care …