PrésentationLes politiques de genre : quel genre de politiques ?[Notice]

  • Isabelle Mallon et
  • Anne Quéniart

…plus d’informations

  • Isabelle Mallon
    Maîtresse de conférences, Université Lumière Lyon II, Centre Max Weber (umr 5283)

  • Anne Quéniart
    Professeure, Département de sociologie, Université du Québec à Montréal

Il y a une dizaine d’années, le numéro 47 de Lien social et Politiques posait la question suivante : les politiques publiques ont-elles un genre ? Un ensemble d’articles y déconstruisait la prétendue neutralité des politiques publiques, en la mettant en question et en décrivant le travail d’invisibilisation du genre amené par cette neutralité revendiquée des politiques publiques, sectorielles ou globales. Le parti pris dans ce présent numéro constitue en quelque sorte la prolongation et l’envers de la livraison de 2002 : plus que donner à voir comment l’impensé du genre travaille les politiques publiques, nous avons cherché à présenter les nouvelles orientations et pratiques qu’a entraînées la prise de conscience du genre comme enjeu politique, au-delà des mouvements féministes. Son objectif est de mettre en question le genre comme objectif, objet ou instrument politiques. Nous avons ainsi défini les politiques de genre comme des politiques visant à réduire les inégalités de genre, en considérant de manière explicite le système des rapports sociaux de sexe inégaux, système qui est défavorable aux femmes. Cette prise en compte du genre est réalisée de deux manières : soit la question de l’égalité entre les sexes est intégrée à chaque étape de la construction et de la mise en oeuvre des politiques publiques dans différents contextes sociopolitiques selon la perspective du gender mainstreaming développée et diffusée par des organisations internationales depuis une vingtaine d’années, soit l’égalité entre les sexes et la transformation du système de genre sont l’objectif principal de politiques spécifiques. Précisons ici que l’usage de l’expression anglo-saxonne gender mainstreaming semble généralisé actuellement dans les textes spécialisés, voire officiels, et c’est pourquoi nous avons laissé les auteures libres de choisir ou non son équivalent français. À cet égard, l’expression la plus répandue au Québec et en France est l’approche intégrée de légalité ou du genre. Par ailleurs, l’expression « politiques de genre » nous permet de considérer les différentes formes que prend la conscience du genre dans l’action publique et de les soumettre à analyse. L’existence de telles politiques et la montée en puissance d’une « sensibilité au genre » (selon l’expression de M. Molyneux, reprise par J. Jenson) ont eu des effets au-delà de ces politiques, dans la prise en compte des stéréotypes et des inégalités de genre dans les programmes politiques. Ainsi, on peut penser que des politiques genrées, par leur objet ou leur histoire, telles que les politiques familiales, les politiques éducatives, les politiques de reproduction, de contraception, de la sexualité – la liste n’étant pas limitative –, ont été transformées par cette nouvelle conscience du genre en politique. Les réflexions actuelles sur la mixité ou la séparation des sexes à différents niveaux du système éducatif, les expérimentations sur les prises en charge non sexuées des jeunes enfants (notamment dans les services publics de garde), les efforts d’implication des hommes dans la contraception ou la prise en charge des jeunes enfants (extension des congés de paternité, par exemple) signalent une mise en oeuvre du gender mainstreaming en leur sein, mais pas toujours grâce à des institutions ou à du personnel dédié. Ces politiques se déclinent à différents niveaux de l’action publique : aux niveaux supra ou international, les impératifs de prise en compte du genre et de réduction des inégalités de genre étant à l’origine portés dans des systèmes politiques supranationaux (comme l’Union européenne) ou par des institutions internationales (ONU, OCDE), mais également aux niveaux national ou local (régional, municipal). Au-delà, ces politiques ont vraisemblablement eu des effets d’entraînement sur les grandes entreprises ou dans des institutions publiques (comme les universités), qui développent des missions ou …

Parties annexes