PrésentationLes aménagements de la participation : design, innovation et controverses sociospatiales[Notice]

  • Louis Jacob et
  • Fabien Desage

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  • Louis Jacob
    Département de sociologie, Université du Québec à Montréal

  • Fabien Desage
    CERAPS, Université de Lille

Issue d’approches critiques du fonctionnalisme et du marketing (Papanek, 1984 ; Margolin et Margolin, 2002), la notion de « design social » s’est diffusée ces dernières années, notamment dans les espaces professionnels de l’architecture et de l’urbanisme aux prises avec une injonction délibérative et participative croissante (Blondiaux et Sintomer, 2002 ; Nonjon, 2006 ; Carrel, 2013) et parfois contraints de relégitimer leur intervention (Champy, 2001). Terme générique – d’autant plus fort que flou (Boltanski, 1982) –, le design social désigne un ensemble d’intentions et de méthodes, plus ou moins délimitées et formalisées, censées rompre avec les formes de planification centralisées du passé, et oeuvrer à une conception participative des objets urbains et des espaces construits ou aménagés (Deboulet et Nez, 2013). Alain Findeli, qui fut professeur à l’École de design industriel de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, décrit le « changement de paradigme » qui s’opère dans les années 1990, dans le sillage d’une critique amorcée deux décennies plus tôt : Design social, mais aussi architecture participative, architecture citoyenne, participatory design, sustainable design, urbanisme participatif, laboratoires vivants ou living labs… sont autant de dénominations qui ont fleuri depuis pour désigner cette tendance protéiforme, que nous souhaitons questionner dans ce numéro, en l’appréhendant dans la diversité de ses expressions locales et nationales (France, Québec, Italie et Autriche). La pertinence de ces nouvelles pratiques de fabrication de l’espace peut d’abord s’évaluer à l’aune de leur propension à innover ou à étendre concrètement le changement social à la trame des relations et des usages de l’espace, mais aussi aux représentations ou aux concepts mêmes par lesquels l’espace humain est imaginé, délimité et habité. Aussi ce numéro se penche-t-il, avec les outils des sciences sociales, sur des projets d’aménagement qui prétendent subordonner l’urbanisme et l’architecture à la « participation », et qui revendiquent dès lors a minima l’inclusion de publics (« clients », « habitants », « citoyens » et/ou « usagers », selon la manière dont on les nomme et définit) dans la production de la ville. Par-delà la multiplicité des formes et l’extrême diversité de leurs enjeux économiques, politiques, sociaux ou culturels, ces projets « participatifs » semblent de prime abord remettre en question la primauté – voire le monopole – accordée au « professionnel », à l’« expert » et à l’élu en matière de décision concernant l’environnement – construit ou non – et ses usages. Les articles rassemblés dans ce dossier, s’ils prennent au sérieux ces démarches et en restituent finement l’économie, les technologies et la mise en oeuvre, montrent également combien – et comment – ces figures traditionnelles de la décision, et la division des rôles et du pouvoir qui les accompagnent, résistent, le plus souvent, se redéployent et se réinventent plus qu’elles ne se dissolvent. En maintenant ainsi un « plafond de verre » de la démocratie représentative, qu’il ne suffit décidément pas de vouloir « briser » pour y parvenir (Lefebvre et Roger, 2009). Appréhender le design social comme objet implique dès lors de s’intéresser de manière centrale aux professions et aux professionnels (Nonjon, 2006) qui s’en saisissent, et à la manière dont ces pratiques – qu’ils contribuent en grande partie à définir – modifient, entament ou non, leur rôle et leur prééminence. Si certains placent parfois leur action dans le sillage des « luttes urbaines » radicales des années 1960 et 1970, beaucoup revendiquent aujourd’hui une approche nettement plus « pragmatique », dépolitisée et dépolitisante. Plusieurs perspectives s’offrent à qui veut comprendre et problématiser le design social aujourd’hui. Il y a d’abord, si l’on accepte de s’en tenir à la …

Parties annexes