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Introduction

« Si dans sa famille, on ne mange pas de porc, et bien le jour où, à la cantine, y a des frites [sic] et une tranche de jambon, et bien le petit prend pas de tranche de jambon, il prendra une double ration de frites. C’est la République[1]. » (Nicolas Sarkozy, 7 novembre 2016)

La tirade d’un ancien président en reconquête sur la double ration de frites a connu une certaine postérité. Et avec elle, un des enjeux associés aux cantines scolaires : celui des menus de substitution. Plus récemment, la décision du maire de Lyon, Grégory Doucet, de supprimer la viande des menus pour faire face aux défis logistiques posés par le protocole sanitaire en contexte de pandémie a de nouveau placé les cantines scolaires au centre du débat[2], autour de l’enjeu, cette fois, du végétarisme. Cette visibilité est nouvelle. À l’instar de l’alimentation, les cantines sont longtemps restées hors des radars des médias, de la compétition politique et, in fine, des politiques publiques nationales.

Cette absence du champ politique ne peut s’expliquer par l’absence de problèmes ou d’enjeux objectifs. De la maternelle au lycée, deux élèves français sur trois, soit plus de 7 millions d’enfants, mangent à la cantine au moins une fois par semaine, ce qui correspond à un milliard de repas servis annuellement (Anses, 2017). Les cantines scolaires constituent un secteur clé des politiques publiques d’alimentation. Elles recoupent des enjeux dont la portée politique est incontestable : la qualité – sécurité sanitaire (Bundy et al., 2013), labels et signes de qualité (Adamson et al., 2013) –, la nutrition – équilibre (Hercberg, 2011), information et sensibilisation (Bourdel, 2010) –, les modes de production et de consommation – transition alimentaire (Gatien-Tournat, Fortunel et Noël, 2016), filières et marchés (Darly, 2013). La restauration scolaire touche aussi à des enjeux éducatifs – vivre-ensemble (Comoretto, Lhuissier et Maurice, 2020) – et sociaux – égalité et précarité (Math, 2019), pluralisme religieux (Papi, 2012) – qui dépassent le cadre strictement alimentaire. Ces différentes dimensions offrent autant de cadres (Entman, 1993) possibles pour ouvrir le débat ou remettre en cause le statu quo.

Ces cadres possibles sont longtemps restés inutilisés, ce qui s’explique en partie par la lente institutionnalisation des « restaurants d’enfants ». En France, les cantines scolaires se sont développées par le bas, à l’initiative d’acteurs locaux, et ne sont entrées dans le périmètre d’attention de l’État qu’à la fin du xxe siècle (Nourrisson, 2004). Aussi, ce n’est que très récemment qu’elles sont devenues un « problème public » (Neveu, 2016) à l’échelle nationale, un ensemble d’enjeux dont on attend qu’il soit traité par les autorités politiques (Cobb et Elder, 1971). Les cantines scolaires suivent en cela la trajectoire qui a vu « l’alimentation se fai[re] politique » depuis la fin des années 1990 (Fouilleux et Michel, 2020).

Un indice de ce phénomène : la présence des cantines dans les programmes des candidats à l’élection présidentielle. Mentionnées ponctuellement par des candidats écologistes (Lalonde en 1981 et Mamère en 2002) sur le thème de la qualité nutritionnelle et environnementale des aliments, elles ont acquis une place croissante dans les programmes à partir de 2012, portées à la fois par les écologistes (en 2012 et en 2022), la gauche radicale (Mélenchon en 2017 et en 2022), la droite et le centre (Sarkozy en 2012, Macron en 2017, Pécresse en 2022) et l’extrême droite (Le Pen en 2012 et en 2022). Les cantines se sont même invitées au débat de l’entre-deux tours de la dernière présidentielle, lorsque Marine Le Pen souhaitait que les acteurs publics de la restauration collective « s’engagent à acheter, pas bio – parce que, bio, il y a du bio étranger [...] –, non, français. Voilà, que l’on puisse avoir des produits français dans les cantines collectives de notre pays » (20 avril 2022). Les signes de la présence de ces enjeux dans les arènes les plus conventionnelles et visibles du système politique sont nombreux.

Cet article étudie les formes de la politisation des cantines scolaires. La politisation se caractérise par une dimension « polysémique » et une certaine « élasticité conceptuelle » (Déloye et Haegel, 2019). Sa portée peut être plus ou moins large – à une échelle micro, pour ce qui concerne des individus ou des groupes restreints, comme à une échelle macro, pour ce qui concerne des arènes nationales ou internationales. Elle peut se dérouler sur le temps long, comme le fruit de processus macro-historiques tels que décrits par McAdam, Tarrow et Tilly (2001) ou encore Lipset et Rokkan (1967), ou sur un temps plus court, par exemple dans les moments de crise ou d’intenses mobilisations (Lagroye, 2003 ; pour une catégorisation des différentes acceptions de la politisation : Déloye et Haegel, 2017). Dans cet article, nous nous concentrons d’abord sur l’échelle macro et le contenu du débat public tel qu’il se présente dans l’arène médiatique, espace principal dans lequel se déroule la compétition entre partis (Mazzoleni et Schultz, 1999), avant de resituer les effets de cette politisation à l’échelle macro à une échelle locale.

Deux hypothèses guident cet article. D’abord, les cantines scolaires entreraient dans le champ politique parce que plusieurs enjeux qui y sont associés s’inscrivent au sein des deux clivages qui ont restructuré les systèmes politiques en Europe de l’Ouest à partir du milieu des années 1980. Comme les clivages mis en évidence par Lipset et Rokkan (1967), ces conflits sociaux sont d’un genre particulier, car ils comportent à la fois une dimension idéologique, une dimension organisationnelle (partisane) et une dimension sociologique (Bartolini et Mair, 1990). Le premier, entre écologie et productivisme, porte sur les enjeux d’environnement, de modes de vie et de production (Frognier, 2007 ; Persico, 2014 ; Latour et Schultz, 2022) ; le second, entre identité et cosmopolitisme, sur les enjeux de mondialisation, d’immigration et de la place de l’islam (Kriesi et al., 2008 ; Martin, 2018 ; Mudde, 2019). La politisation de la cantine scolaire devrait recouper les cadres offerts par ces nouveaux clivages, au détriment des cadres relatifs aux anciens clivages, tels que celui des inégalités sociales.

Ensuite, en raison de la très large autonomie des acteurs locaux dans la mise en oeuvre des politiques de restauration scolaire, cette politisation nationale pourrait avoir une influence limitée et différenciée sur le débat public à l’échelle locale, ainsi que, par voie de conséquence, sur la transformation de la restauration scolaire. Ce serait alors la présence ou l’absence de vecteurs de politisation plus locaux – la politisation entendue, cette fois, à l’échelle micro-méso et de temporalité plus courte (Déloye et Haegel, 2017) – qui expliquerait le changement ou l’inertie dans les menus servis, plus que les dynamiques de politisation nationale.

Pour confirmer ces deux hypothèses, cet article décrit les trajectoires de politisation des enjeux de restauration scolaire en France, entre 2010 et 2021. Il s’appuie sur l’analyse qualitative et quantitative d’un vaste corpus de presse et l’étude de cinq communes rurales[3].

1. La politisation des questions alimentaires et le développement de nouveaux clivages

Si les récents travaux sur les politiques alimentaires attestent la politisation de ces enjeux (pour une large revue des formes de politisation des enjeux agroalimentaires, voir Fouilleux et Michel, 2020), ils portent souvent sur des logiques de politisation d’ordre micro ou méso et lient rarement cette politisation aux dynamiques électorales et partisanes nationales. De leur côté, les travaux sur la transformation des systèmes partisans sont souvent aveugles aux enjeux plus particuliers et sectoriels qui composent les grandes dimensions du conflit dans les systèmes partisans. Cet article opère ainsi la jonction entre ces deux champs de la littérature pour mieux comprendre les formes et les effets de la politisation des cantines scolaires.

1.1. Crises sanitaires, ouverture des arènes et médiatisation : la politisation de l’alimentation

Jusque dans les années 1990, les questions liées à l’alimentation relèvent essentiellement des politiques agricoles. Celles-ci sont alors considérées comme stables, à l’échelle nationale ou européenne, parce qu’elles reposent sur un cadre institutionnel continu auquel participent un nombre restreint d’acteurs – ministères de l’agriculture et représentants des producteurs.

À partir du milieu des années 1990, les politiques alimentaires connaissent une visibilité soudaine et importante, alors que se succèdent deux crises sanitaires et alimentaires de grande ampleur – l’épizootie d’encéphalopathie spongiforme bovine (« vache folle ») en 1996 et la découverte de dioxine dans les farines animales (« poulet à la dioxine ») en 1999. Ces crises ont induit une montée en puissance de la régulation par l’Union européenne (UE) pour assurer la sécurité des aliments et la protection des consommateurs (Bergeaud-Blackler et Ferretti, 2006). Elles mènent également à la redéfinition du rôle des institutions publiques, mais aussi des organisations de consommateurs et environnementalistes, qui s’en saisissent pour s’attaquer aux externalités négatives du modèle productiviste. À partir des années 2000, sous la pression de ces organisations, les institutions adoptent une approche des politiques alimentaires fondée sur la durabilité. Au même moment se développent les politiques nutritionnelles, qui dépendent, elles, des secteurs et des ministères de la santé (Ngqangashe, Friel et Schram, 2022). Cette première forme de politisation nationale de l’alimentation est marquée par l’inscription à l’agenda.

La politisation des problèmes publics s’explique aussi par l’ouverture des arènes à un plus grand nombre d’acteurs (Schattschneider, 1960). Depuis la fin des années 1990, la mise en oeuvre du contrôle de qualité des produits est laissée à la responsabilité des acteurs privés, qui trouvent là une réponse à la crise de confiance des consommateurs ainsi que des avantages concurrentiels, en développant labels de qualité et indications géographiques (Fouilleux et Loconto, 2017). D’autres acteurs, comme les organisations non gouvernementales (ONG) (Havinga, Waarden et Casey, 2015 ; Daugbjerg et Feindt, 2018), et surtout les citoyens eux-mêmes (Dubuisson-Quellier, Lamine et Le Velly, 2011), pèsent dans les processus de décision. Leur mobilisation autour des enjeux de production agricole (Mayer et al., 2011 ; Bricas, Lamine et Casabianca, 2013) et de consommation alimentaire (Dubuisson-Quellier, 2009 ; Feindt, Schwindenhammer et Tosun, 2021) s’est intensifiée.

Surtout, la politisation des questions alimentaires tient à leur porosité croissante avec d’autres secteurs de politiques publiques. Sortant du champ exclusif des ministères de l’agriculture, elles concernent désormais les ministères chargés de la santé, de l’environnement et de la protection des consommateurs, mais aussi de la recherche et du développement ou encore de l’éducation nationale. Cette dimension intersectorielle offre une multiplicité de cadres de politisation des politiques alimentaires. Toutefois, certains ont un potentiel plus important que d’autres, surtout si l’on s’intéresse à la politisation de ces questions en dehors de leurs arènes conventionnelles pour se tourner vers le champ politique.

1.2. Transformation des systèmes partisans, nouveaux clivages et nouveaux enjeux

Dans les champs politiques des sociétés d’Europe de l’Ouest, deux nouveaux clivages ont mis un terme à une longue période de stabilité des systèmes partisans (Mair, 1997). Certains auteurs rattachent ces transformations au développement des « nouveaux mouvements sociaux » et d’un nouveau système de valeurs, à l’avènement d’une New Politics (Inglehart, 1977 ; Kitschelt et Hellemans, 1990), tandis que d’autres les lient aux mutations socioéconomiques provoquées par la mondialisation (Kriesi et al., 2012). Une synthèse possible aboutit à la thèse du développement de deux nouveaux clivages : identité/cosmopolitisme et écologie/productivisme (Martin, 2007).

Le premier, centré sur les enjeux d’immigration et d’identité, de sécurité et de frontières, est largement documenté par la littérature en science politique (Ignazi, 1992 ; Mudde, 2019). Il est à l’origine du développement des partis d’extrême droite et mobilise les citoyens les plus affectés par la mondialisation. Le second est centré sur les enjeux environnementaux au sens large (crises climatique et de la biodiversité, remise en cause des modèles de production et de consommation). Il s’articule autour d’une idéologie écologiste, des partis verts (Dolezal, 2010 ; Van Haute, 2016) et d’une vaste nébuleuse d’organisations environnementales, ainsi que d’une classe de citoyens aux frontières sociologiques encore floues (Latour et Schultz, 2022).

Dans les systèmes politiques d’Europe de l’Ouest, ces nouveaux clivages ont affecté la structure des opinions (Stimson, 1999 ; Tiberj, 2012), mais aussi le contenu des politiques publiques (Baumgartner, Green-Pedersen et Jones, 2008) et des programmes des partis (Brouard, Grossman et Guinaudeau, 2012 ; Green-Pedersen, 2019). Ces clivages sont en effet des macro-conflits qui forcent les acteurs à prendre position (Abou-Chadi, Green-Pedersen et Mortensen, 2019 ; Grossman et Guinaudeau, 2021), à récupérer, ou non, les enjeux de l’adversaire (Damore, 2005), à sélectionner, à l’intérieur de ces grands conflits, les sujets et les problèmes plus restreints qui permettent de s’inscrire dans un clivage à son avantage (Guinaudeau et Persico, 2014).

La restauration scolaire se prête bien à ces dynamiques de politisation par sélection d’enjeux et prises de position stratégiques. Ses frontières sectorielles peuvent être aisément franchies pour associer ses enjeux aux nouveaux clivages. Cela étant, cette politisation nationale pourrait rester sans effet sur les politiques publiques menées à l’échelle locale, conformément aux enseignements de la littérature classique sur la mise en oeuvre (Matland, 1995).

2. Données et méthodes

Ce travail repose sur l’étude de deux larges corpus de presse, examinés à travers une analyse lexicométrique classificatoire, pertinente pour éclairer les logiques de politisation et de sélection d’enjeux (Walgrave, Soroka et Nuytemans, 2008 ; Helbling et Tresch, 2011), et une analyse de contenu qualitative. Cela permet d’évaluer la visibilité des cantines scolaires – dimension importante de leur politisation – et de voir par quels cadres ces enjeux sont politisés, ainsi que leur degré de conflictualité dans les arènes nationale et locale.

Le premier corpus contient 8 261 articles (éditions numérique et papier) issus de trois quotidiens nationaux : Le Monde, Le Figaro et Libération. Le deuxième comprend 2 292 articles parus dans La Dépêche du Midi (éditions générale et du département), diffusée dans deux communes sur lesquelles reposent nos études de cas. Les deux corpus, constitués à partir de la base de données Europresse, couvrent la période située entre le 1er janvier 2010 et le 28 février 2021[4]. Les articles sélectionnés contiennent tous en leur sein les termes « cantine(s) » ou « restauration(s) collective(s) », et leur lecture a permis d’en contrôler la pertinence[5].

Les données recueillies ont été traitées avec le logiciel Iramuteq[6], une version libre d’Alceste. Après l’élimination des mots-outils, un processus de lemmatisation et de segmentation des articles, le logiciel réalise une classification selon la méthode Reinert. Il s’agit d’une classification descendante puis ascendante, visant à relier « les contextes qui ont des mots communs » (Delavigne, 2003) et à faire émerger des classes de discours récurrentes dans les articles étudiés, leurs poids respectifs et les termes qui en sont les plus représentatifs. Ces classes de discours s’apparentent aux différents cadres que les acteurs mobilisent pour se saisir des enjeux de restauration scolaire. Le logiciel rend possible l’étude de la distribution statistique des différentes variables caractérisant chaque article (date et source) au sein de chacune des classes ; en cela, il favorise la nécessaire exploitation de l’hétérogénéité des données qui composent le corpus construit (Garric et Longhi, 2012) en permettant de relier les textes non seulement entre eux, mais aussi à leurs extériorités (Cointet et Parasie, 2018), à leurs contextes (Garric, 2012). L’approche statistique de ce corpus exhaustif, collecté de manière systématique, est approfondie par un travail d’analyse qualitative de contenu pour les périodes de haute visibilité.

Ces données sont complétées par des entretiens conduits avec des acteurs locaux de la restauration collective de cinq territoires ruraux, dans deux départements d’Auvergne-Rhône-Alpes (trois communes en Isère) et d’Occitanie (deux communes du Lot) (élus, cuisiniers, personnel des cuisines centrales ou centres de vacances privés chargés de la restauration collective scolaire, personnels des communes responsables des achats publics, parents d’élèves, producteurs locaux). Ces entretiens visaient à identifier les freins et les leviers des changements des politiques locales de la restauration collective. Observons désormais les résultats auxquels ce croisement méthodologique aboutit.

3. À l’échelle nationale : une logique de politisation par publicisation et conflit

L’analyse de la presse quotidienne nationale (PQN) confirme l’hypothèse d’une politisation nationale de la restauration collective, puisqu’elle témoigne de la visibilité croissante de ces enjeux et de leur association aux clivages qui structurent la vie politique nationale.

3.1. La cantine, un problème public de plus en plus saillant

La cantine et la restauration collective connaissent un processus de politisation incarné par une augmentation de leur saillance dans les médias, dont on peut mesurer l’ampleur dans la figure 1 (multiplication par 5 du nombre d’articles consacrés à ces questions entre 2010 et 2021). Au-delà de cette tendance, les pics de visibilité sont souvent liés à l’activité des responsables politiques, susceptibles de générer des tempêtes médiatiques (Boydstun, Hardy et Walgrave, 2014). Ces pics illustrent parfaitement les trois univers de discours identifiés au sein du corpus, qui confirment en grande partie nos hypothèses.

Figure 1

Évolution mensuelle du nombre d’articles relatifs aux cantines et à la restauration collective dans Le Monde, Le Figaro et Libération entre janvier 2010 et février 2021

Évolution mensuelle du nombre d’articles relatifs aux cantines et à la restauration collective dans Le Monde, Le Figaro et Libération entre janvier 2010 et février 2021

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En effet, l’analyse classificatoire met en évidence neuf univers de discours dans la PQN[7], représentés dans la figure 2. Parmi ces neuf classes, deux ne relèvent pas des cantines scolaires[8], et trois renvoient à des enjeux présentés de manière dépolitisée[9]. Ces classes de discours ne doivent pas être sous-estimées, mais dépassent l’objet de cet article. En revanche, quatre classes retiennent notre attention et nécessitent un commentaire plus approfondi. D’abord, deux d’entre elles correspondent aux nouveaux clivages identifiés plus haut (classes 2 et 4). Par ailleurs, les enjeux socioéconomiques de la restauration (6) et ceux liés à la crise de la COVID-19 (8) contribuent également aux discours médiatiques sur la cantine.

Figure 2

Dendrogramme des différentes classes de discours dans la PQN

Dendrogramme des différentes classes de discours dans la PQN

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3.2. Le conflit autour des menus de substitution pour les enfants musulmans

Tout d’abord, la classe 2 (en orange) relève du débat autour de l’islam et de la laïcité, avec de nombreuses références à la vie politique nationale. Les termes les plus caractéristiques de la classe désignent les acteurs de la compétition politique (Sarkozy, droite, maire, Nicolas, candidat, UMP, gauche, FN, François, élection, Pen, républicain, PS) ainsi que la question de la laïcité et de l’islam (laïcité, islam, musulman). Regroupant 15,66 % des segments de texte classés, cet univers de discours constitue la classe la plus importante.

Parmi les sujets les plus évoqués en son sein se trouvent les prises de position du président candidat Nicolas Sarkozy et de son ministre de l’Intérieur Claude Guéant contre les menus de substitution lors de la campagne de 2012. Ce dernier affirmait ainsi : « Accepter le vote des étrangers, c’est la porte ouverte au communautarisme. Nous ne voulons pas que des conseillers municipaux étrangers rendent obligatoire la nourriture halal dans les repas des cantines[10]. » Ces déclarations suscitent la réaction des adversaires politiques et de certains membres de l’Union pour un mouvement populaire (UMP)[11], tandis que Nicolas Sarkozy, deux jours plus tard, « réaffirme le principe de laïcité dans les cantines[12] ».

En mars 2015, durant la campagne pour les élections départementales, Nicolas Sarkozy se prononce à nouveau contre les repas de substitution[13], emboîtant le pas à un maire de son camp les ayant supprimés dans sa commune. Cette polémique va animer les derniers jours de campagne et produire le plus important pic observé dans cette décennie. C’est finalement lors de la campagne pour la primaire de la droite, à l’automne 2016, que Nicolas Sarkozy fait sa déclaration sur la « double ration de frites ». C’est bien la droite qui impose dans le débat public les questions de restauration scolaire en affirmant son rejet de l’islam. Cette radicalisation est caractéristique de la transformation de la droite française qui s’est opérée au début des années 2010 (Haegel, 2012) et de la phase de réalignement ouverte à partir de 2007, marquée par l’unification d’un pôle de droite sur le versant identité du nouveau clivage (Gougou et Labouret, 2013).

3.3. La visibilité plus consensuelle et floue des enjeux agroécologiques

La classe 4 (en vert clair) fait référence aux enjeux agricoles et écologiques associés à la restauration collective et couvre 9,2 % des segments textuels classés. Les termes qui en sont le plus caractéristiques renvoient à la filière de production agricole (agriculture, alimentaire, alimentation, agricole, production, consommation, agriculteur, consommateur, filière, produit) et aux enjeux environnementaux qui y sont liés (gaspillage, environnement, transition, bio, écologique). La présence du terme loi évoque le vote de la loi EGalim[14], qui a pour objet de réguler ces problématiques dans le secteur de la restauration collective, et accroît la visibilité des questions relatives à la transformation des menus pour inclure plus d’aliments bio et locaux.

Les derniers débats parlementaires sur la loi EGalim induisent un pic d’activité médiatique au mois de septembre, juste avant qu’elle ne soit votée par l’Assemblée nationale en octobre 2018. La presse relaie les votes successifs des différentes composantes de la loi et publicise les initiatives locales allant dans le même sens. Cependant, à la différence des enjeux liés à l’islam et à la laïcité, le traitement de la loi EGalim se caractérise par une faible intensité de conflit – la plupart des acteurs partagent l’objectif d’accroître les aliments bio et locaux. Cette capacité des acteurs nationaux à rendre consensuels des objectifs généraux en matière d’environnement n’est pas nouvelle (Evrard et Persico, 2021), mais le cadrage écologique des enjeux de restauration scolaire peut aussi prendre une tournure plus conflictuelle autour de la diminution de la place de la viande dans les menus. Si ces enjeux étaient peu présents avant la séquence lyonnaise de février 2021, sur laquelle nous reviendrons, ils sont devenus plus visibles et conflictuels depuis. En témoigne la polémique qui a suivi la publicisation des propos de Sandrine Rousseau, en août 2022, à propos du symbole de virilité que représentait une entrecôte cuite au barbecue[15]. La question végétarienne, initialement confinée à sa dimension nutritionnelle et individuelle, est désormais reliée à d’autres enjeux, comme la lutte contre les inégalités sociales ou de genre et leurs impacts respectifs sur le climat.

3.4. Enjeux socioéconomiques et pandémie

La classe 6 (en bleu clair) est caractérisée par des termes qui renvoient à des enjeux économiques et sociaux, tant individuels que collectifs, dépassant le cadre des cantines scolaires pour porter aussi sur la restauration collective d’entreprise ou d’administration (euro, impôt, emploi, chômage, payer, salaire, taux, allocation, augmenter, aide, pauvreté, social, logement, dépense, aider). Si cette classe est la plus restreinte (7,25 % des segments de texte classés), elle peut être unie à la classe 8 (en violet), qui consiste en sa spécification dans le contexte de la crise de la COVID-19 et représente quant à elle 11,92 % des segments textuels pris en compte dans la classification. En effet, les termes les plus représentatifs de la classe 8 sont liés aux enjeux économiques du secteur (service public, entreprise, salarié, travail, transport, personnel, collectivité), au lexique propre à la crise sanitaire (mesure sanitaire, déconfinement, masque, réouverture, télétravail) et aux contestations existantes (grève, syndicat). Le pic médiatique observé en avril 2020, au moment du premier confinement, retrace les difficultés rencontrées par les acteurs (groupes, employés et même usagers) du secteur en raison de la crise de la COVID-19.

En février 2021, la décision de la municipalité de Lyon de mettre en place un menu unique sans viande dans les cantines scolaires dont elle a la gestion provoque la dernière tempête médiatique observée. Ce choix déclenche une polémique dans la PQN, qui peut être saisie à travers les trois grilles de lecture évoquées (identité/cosmopolitisme ; écologie/productivisme ; crise de la COVID-19) et correspond à un moment de forte conflictualité. Certaines voix à droite parlent d’un choix « guidé par des pressions communautaristes[16] », le gouvernement dénonce une décision idéologique du maire écologiste qui, lui, l’avait justifiée par la volonté de fluidifier le service dans le contexte de la pandémie de la COVID-19[17]. Si cette décision entraîne une polémique à l’échelle nationale qui se réaligne autour des deux nouveaux clivages structurant la vie politique – identité/cosmopolitisme et écologie/productivisme –, elle emprunte, localement, un régime de justification propre à des logiques dépolitisées (précaution sanitaire). Les contestations locales ne sont pas centrées sur les nouveaux enjeux de la compétition politique, mais plutôt sur des enjeux économiques locaux moins conflictuels[18].

4. Les effets limités de la politisation nationale sur le plan local

La politisation constatée à l’échelle nationale affecte en partie seulement la trajectoire du débat à l’échelle locale, un phénomène qui s’observe dans le traitement médiatique de ces enjeux par la presse locale et, surtout, dans la mise en oeuvre des politiques de restauration scolaire dans les territoires étudiés.

4.1. La faible visibilité des cantines scolaires dans la presse locale

Le traitement médiatique réservé aux cantines scolaires dans la presse quotidienne régionale (PQR) ne suit pas la même dynamique que dans les médias nationaux. L’analyse du cas de La Dépêche du Midi montre que la saillance de ces enjeux reste stable, voire légèrement décroissante, au cours de la période. Comme l’indique la figure 3, les pics d’attention dans la PQR correspondent plutôt à des périodes durant lesquelles les collectivités locales doivent assumer leurs responsabilités quant à l’organisation de la cantine scolaire : changements d’équipe municipale en septembre 2014, réouverture des écoles après le confinement en mai 2020, rentrée scolaire de septembre 2020 en pleine pandémie.

Figure 3

Évolution mensuelle du nombre d’articles relatifs aux cantines et à la restauration collective dans La Dépêche du Midi entre décembre 2013 et janvier 2021

Évolution mensuelle du nombre d’articles relatifs aux cantines et à la restauration collective dans La Dépêche du Midi entre décembre 2013 et janvier 2021

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La distinction vis-à-vis des modes de politisation nationale est moins nette au moment d’étudier les registres discursifs employés par la presse locale. La figure 4 met en évidence cinq univers de discours, organisés autour d’une bipartition initiale entre les principales questions débattues en lien avec la cantine et la restauration collective (classes 1, 4 et 5), et la gestion municipale de la cantine scolaire (classes 2 et 3)[19].

Figure 4

Dendrogramme des différentes classes de discours dans la PQR

Dendrogramme des différentes classes de discours dans la PQR

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Les classes 1, 4 et 5 font référence aux trois modes de politisation identifiés dans la PQN. La classe 1 (en rouge), contenant 20,09 % des segments de texte classés, traite de la cantine au travers des enjeux écologiques et de qualité de l’alimentation (bio, local, agriculture, circuit, déchet). La classe 4 (en bleu) fait quant à elle référence aux débats politiques autour du clivage identité/cosmopolitisme (laïcité, Sarkozy, républicains, polémique) et agrège 13,85 % des segments de texte classés, ce qui en fait la plus petite classe dans cette classification. Enfin, la classe 5 (en violet) traite des enjeux socioéconomiques de la restauration collective, notamment dans le contexte de la crise sanitaire (social, gouvernement, COVID, risque, mesure, épidémie). Elle recouvre 20,29 % des segments de texte classés.

Si les cadres autour desquels la cantine est abordée recoupent les logiques nationales de politisation, les proportions réservées à chacun de ces enjeux diffèrent. Les enjeux écologiques et socioéconomiques dépassent nettement les discours centrés sur la laïcité. Le clivage identité/cosmopolitisme apparaît donc comme un facteur de politisation nationale qui peine à être traduit sur le plan local. À l’inverse, les discours abordant la cantine suivant le clivage écologie/productivisme sont plus nombreux à l’échelle locale que nationale, la question du bio et de la qualité de l’alimentation se mêlant aux enjeux de consommation en circuits courts.

La classe 2 (en gris) renvoie à la vie scolaire (élève, classe, école) et regroupe 18,68 % des segments de texte classés. Enfin, la classe 3 (en vert) constitue la principale classe (27,08 % des segments textuels classés) et traite de la gestion municipale de la cantine (conseil municipal) dans ses aspects pratiques (tarif, aménagement). Ces derniers conservent une dimension politique, mais sont traités avec un faible degré de conflictualité et des préoccupations plus gestionnaires.

4.2. Les formes distinctes de politisation de la restauration collective dans les territoires ruraux

Nous proposons de discuter les résultats de l’analyse des débats qui parcourent la PQN et la PQR à la lumière des données récoltées auprès des acteurs locaux de la restauration collective. Dans ces petites communes en territoire rural (dont une à dominante urbaine), la restauration collective n’est pas exempte de conflits (Delfosse, 2019), mais offre des formes de politisation distinctes du cadre national. Il s’agit d’espaces ruraux[20] dans lesquels la définition des frontières du local se joue différemment que dans les grandes aires urbaines. Il en est de même de la matérialité de l’agriculture dans le cadre de vie. Si les compositions sociologiques plurielles des cinq communes étudiées varient, toutes incluent un nombre considérable de personnes travaillant dans l’agriculture, et de personnes ayant quitté les métropoles pour trouver, dans ces territoires, un cadre de vie plus conforme à leurs valeurs. Cette coexistence de groupes sociaux pour qui les questions agroalimentaires sont importantes peut réagencer les formes de conflit sur un registre différent.

D’abord, deux dimensions sont totalement absentes des débats locaux dans les territoires ruraux étudiés : les conflits partisans et idéologiques, et les enjeux associés à l’islam et à la laïcité. L’absence de politique partisane apparaît logique puisque la connexion des vies politiques des petites communes avec le système partisan national est plus faible que dans les grandes municipalités. De manière plus générale, les registres idéologiques, ou le rattachement à des conflits politiques nationaux, sont absents y compris lorsqu’ils prennent un tour conflictuel ou sont portés par des élus affiliés à des partis. Plus surprenante est l’absence totale de débats autour de l’islam et des menus de substitution, pourtant offerts dans la totalité des communes étudiées. Cela offre un exemple de la déconnexion possible entre une politisation nationale guidée par la compétition sur certains enjeux et les politiques locales.

En revanche, les discussions se structurent plutôt autour des enjeux de relocalisation et d’écologisation des menus, d’une part, et de questions absentes des radars de la presse nationale, d’autre part : le développement et l’organisation des réseaux d’acteurs territoriaux à l’oeuvre dans la transition des menus et la structuration des filières.

La concentration sur les enjeux de relocalisation et d’écologisation explique que la loi EGalim soit la seule référence aux cadres nationaux portée par les acteurs de la restauration scolaire que nous avons rencontrés. Qu’elles soient le fait d’élus, de responsables d’une cuisine centrale ou de parents d’élèves, les références à la loi sont généralement positives, conformément au relatif consensus qui a prédominé à l’échelle nationale. Cette loi vient souvent conforter des actions préexistantes. C’est le cas pour ce collectif de parents déjà mobilisés pour améliorer la qualité nutritive et environnementale des repas à la crèche et à l’école[21]. C’est aussi le cas pour cette autre commune, dans laquelle une alternance politique assez conflictuelle préserve pourtant sans débats les avancées importantes mises en place par la municipalité sortante en matière de restauration scolaire[22]. C’est enfin le cas des différentes institutions déjà impliquées dans des projets relatifs à l’alimentation et à la santé dans les territoires étudiés.

Il ne faut pas croire pour autant que les désaccords n’existent pas dans l’ordre des priorités. Notre enquête met ainsi en évidence une tension entre bio et local, objectifs conjoints de la loi EGalim. Dans la plupart des cas, les élus ont tendance à souhaiter privilégier les approvisionnements locaux et éviter de développer les approvisionnements bio venant de territoires ou de pays éloignés[23]. Les élus le justifient par une attention au développement économique territorial, à la nécessité de garantir des débouchés aux producteurs, indépendamment de l’impact environnemental de leur production. Lors d’une discussion avec les élus, l’un d’eux remarquait : « [P]our moi, quand c’est local, c’est quand même bio ; l’important, c’est qu’on peut aller voir comment ils [les producteurs] travaillent[24]. » À l’inverse, les parents d’élèves sont souvent plus attentifs à la dimension biologique des approvisionnements, surtout quand leur mobilisation s’inscrit dans une réflexion plus large sur la santé (et l’utilisation des contenants en plastique ou la qualité de l’air dans les réfectoires, par exemple). Un autre enjeu associé au clivage écologie/productivisme est porteur de conflits à l’échelle locale : il s’agit de la diminution de la place de la viande dans les menus, qui peut rencontrer l’incompréhension d’acteurs de systèmes agroalimentaires dans lesquels l’élevage et le régime carné dominent.

Enfin, les arènes locales de restauration collective laissent une large place à la question du périmètre d’acteurs et de leur mise en réseau dans la transition des menus et la structuration des filières – une dimension quasiment absente des débats dans la presse nationale et locale. En effet, si la répartition des compétences officielles en matière de restauration scolaire est clairement identifiée, de nouveaux acteurs des politiques alimentaires territoriales participent aux politiques de restauration scolaire, avant même la mise en place des projets alimentaires territoriaux (PAT) dont c’est l’un des objectifs.

D’abord, les cas d’étude font apparaître le rôle croissant des Parcs naturels régionaux (PNR), dans lesquels quatre des communes étudiées sont inscrites, la cinquième se situant à proximité[25]. Leur intervention ne va pourtant pas de soi : ils sont dotés de peu de ressources humaines et matérielles et ne disposent pas de compétences réglementaires. Cela ne les a pourtant pas empêchés d’être actifs dans la mise en commun de réflexions stratégiques ou de données recensant les producteurs locaux. Ces actions, souvent financées par l’UE ou les régions, permettent de mieux identifier les ressources en matière de production agricole biologique et les besoins des différentes cantines du territoire. Elles permettent aussi de mettre en réseau les collectivités, producteurs, responsables de la restauration collective scolaire, associations de développement de l’agriculture biologique… Cette action des PNR, dont la raison d’être est la soutenabilité des espaces naturels, n’est pas anodine. Elle illustre l’investissement des institutions situées sur le versant écologie du nouveau clivage pour faire évoluer l’action publique locale. Enfin, la mise en oeuvre de la loi EGalim tout comme le développement des PAT ont tendance à conduire les intercommunalités, qui n’ont pas de compétences en matière de politiques alimentaires, à se positionner pour faciliter l’action de communes qui ne peuvent agir seules.

Conclusion

Si cette étude des formes de politisation nationale et locale des cantines scolaires mérite d’être complétée par l’observation des débats au sein de territoires urbains, où les questions associées à l’islam sont sans doute plus présentes (Talpin, O’Miel et Frégosi, 2017), elle offre plusieurs enseignements. À l’échelle nationale, l’hypothèse d’une politisation de l’alimentation est confirmée. L’augmentation sensible du nombre d’articles consacrés à ces questions dans la presse nationale correspond à une logique de politisation par publicisation. L’analyse plus qualitative des pics d’attention confirme cette politisation, puisque ce sont les moments de mobilisation des acteurs politiques qui expliquent cette montée en visibilité. Trois classes de discours à l’importance croissante correspondent nettement à l’alignement de la politisation des cantines sur les nouveaux clivages qui structurent la vie politique : autour de l’islam et de la laïcité ; autour des défis écologiques des cantines, et autour des enjeux économiques et sociaux.

À l’échelle locale, l’analyse du corpus de presse met en évidence une politisation différenciée. La visibilité plus limitée des politiques de restauration scolaire, l’importance des cadrages médiatiques autour de la proximité et du vivre-ensemble, l’absence des questions liées à l’islam quand on interroge les acteurs : tout cela tend à confirmer l’hypothèse d’une faible politisation. De même, la question des échelles d’organisation, absente des débats nationaux, est importante dans l’arène locale. Il serait faux d’en déduire une déconnexion totale des clivages nationaux. Le clivage entre écologie et productivisme génère localement plus de conflits qu’il n’en produit dans la sphère nationale. De fait, l’application d’une loi suffisamment générale pour créer le consensus à l’échelle nationale met en jeu plus concrètement les modèles de production et de consommation dans les territoires ruraux étudiés, des modèles où l’agriculture biologique et l’alimentation végétarienne sont loin de dominer.