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Cet ouvrage est le résultat du travail d’une équipe d’une trentaine de chercheurs de diverses disciplines (histoire et sociologie de la religion, théologie, philosophie, droit, études littéraires) qui, de 2002 à 2008, ont réfléchi sur le thème Modernité et religion au Québec. Les textes de ce volume sont issus des communications présentées au colloque tenu sur ce thème à l’Université Laval du 21 au 23 avril 2008.

Le volume se divise en cinq parties. La première effectue d’abord un retour sur la Révolution tranquille des années 1960. Pierre Lucier, parle de « la sortie de la religion » au Québec comme étant la fin du rôle qu’elle a joué dans la structuration de l’espace social. Maxime Allard, s’inspirant particulièrement de la revue Maintenant des Dominicains fondée en 1962, affirme qu’« il est temps de sortir de la chrétienté pour entrer dans le christianisme », marqué par le pluralisme et l’éclatement. Le théologien Gilles Routhier montre comment Vatican II a été une occasion unique de penser l’Église à partir du Québec au lieu de la penser à partir de Rome. Enfin, Donald L. Boisvert et Maurice Boutin invitent à réfléchir sur le destin du catholicisme québécois, le voyant de plus en plus « hors des institutions », se vivant dans la diversité la plus totale.

La deuxième partie du volume explore le paysage socioreligieux du Québec actuel. Trois auteurs, E.-Martin Meunier, Jean-François Laniel et Jean-Christophe Demers, présentent une étude détaillée et comparative des pratiques socioreligieuses des catholiques québécois, entre 1970 et 2008. Constatant la diminution des effectifs du clergé, Louis Rousseau annonce une multitude de petites communautés, offrant un pluralisme de pratiques jusqu’ici inconnues. C’est ce que constate aussi Isabelle Dalcourt en parlant de la place du religieux dans L’Annuaire du Québec. Isabelle Matte expose par la suite les résultats d’une recherche de maîtrise anthropologique sur la place de Dieu dans la chanson québécoise, de 1997 à 2000. Elle parle de l’insatisfaction des jeunes, de la perte des repères et du sens de la vie, du constat d’un monde qui court à sa perte. Frédéric Parent, analysant les pratiques religieuses et les espaces-temps sociaux dans un village québécois, fait la démonstration que la religion n’est désormais plus que la spiritualité d’un monde ancien, un artefact ou un patrimoine qu’il faut conserver. Diana Cohen-Reis et Robert A. Kenedy, par la suite, retracent le cheminement du judaïsme francophone au Québec. Enfin, cette deuxième partie de l’ouvrage se termine avec une réflexion fort pertinente de Jean-Philippe Doucet, sur le retour du religieux au Québec. Il fait le constat de la fin d’une certaine religion et indique le passage qui conduit à vivre la religion autrement.

La troisième partie du livre porte sur les rapports entre la religion et l’État québécois. Les textes de Landheer-Cieslak et de Lucia Ferretti élaborent les données d’une dynamique de sécularisation en faisant particulièrement référence au nouveau Code civil du Québec en vigueur depuis le 1er janvier 1994 et de ses implications dans la vie sociale du Québec (autonomie du droit par rapport à la religion, particulièrement à la religion catholique). Les textes de Denis Jeffrey et de Danièle Letocha, portant sur la laïcité, invitent à la tolérance, parfois à certains accommodements raisonnables.

Le colloque Modernité et Religion au Québec donne, par la suite, la parole à Jacques Racine, Jacques Cherblanc et Pierre Cardinal qui, chacun à leur tour, expose l’évolution de l’enseignement religieux au Québec, depuis plus de quatre décennies. Cette partie expose fort bien le débat qui entoure la place de la religion à l’école. Débat que le cours Éthique et culture religieuse instauré en 2008 est loin d’avoir clos.

La cinquième partie de l’ouvrage fait état d’études, certes plus difficiles pour le lecteur plus ou moins avisé, du rapport religion/modernité. Jacques Pierre propose un modèle de stratification du discours religieux en régime moderne, Michel Despland se demande, de son côté, si le discours sur la religion n’a pas épuisé son utilité, Dany Rodier nous plonge dans l’herméneutique de Hans-Georg Gadamer pour penser le rapport de la modernité occidentale et son héritage religieux, Patrice Bergeron, s’inspirant de l’oeuvre de Marcel Gauchet, se situe par rapport à la pertinence publique de la théologie chrétienne. Enfin, George Leroux, se rapportant à l’oeuvre de Charles Taylor et de Hegel, offre une relecture et une réactualisation de la question théologico-politique en ouvrant des perspectives d’avenir pour la communauté humaine.

À la lecture de cet ouvrage — que je qualifierais d’exceptionnel et d’extrêmement révélateur —, le lecteur constatera rapidement que le but poursuivi dans ces exposés n’est pas d’offrir une direction toute faite, un chemin à suivre, une voie toute tracée. Chaque communication présente une des multiples facettes du religieux québécois et la présence, souvent encore embryonnaire, plus ou moins bien articulée, d’une nouvelle spiritualité qui sera, sans doute, enrichissante pour les temps nouveaux qui s’annoncent.