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En avril 2008, la ministre de l’Éducation du Loisir et du Sport annonçait que les rites et les symboles des cinq grandes religions et les spiritualités autochtones seraient enseignés dans le nouveau programme intitulé Éthique et culture religieuse. La question de l’athéisme, « connotée négativement » par les experts du Ministère, était forcément évacuée du nouveau programme. Le présent ouvrage vise à rappeler qu’il existe une très longue, très riche et très respectable tradition de pensée incroyante. La présente anthologie est consacrée à l’incroyance sous toutes ses formes, à ses penseurs, à leurs idées, à ce qu’ils attaquent et condamnent ainsi qu’à ce qu’ils défendent et célèbrent.

L’ouvrage est exposé en huit chapitres. Le premier présente une petite cartographie de l’incroyance, présente les différentes familles de l’incroyance et en dégage la portée et la signification historique et contemporaine. Le deuxième chapitre s’attarde à la question de l’existence de Dieu, met de l’avant les principaux arguments légués par les grandes traditions philosophiques et théologiques. L’ouvrage présente certains arguments visant à démontrer l’inexistence de Dieu. L’anthologie s’intéresse, par la suite, aux principales explications naturalistes de la religion et de la croyance religieuse. Les grandes thèses classiques en faveur de l’athéisme défilent à partir des écrits fondamentaux de Karl Marx, d’Auguste Comte, de Freud et de Bakounine. L’ouvrage retient aussi les idées plus contemporaines des courants athéistes issus de la biologie, de la psychologie évolutionniste.

Le quatrième chapitre présente la liste des torts causés à l’humanité par les délirantes croyances sans fin. Le choix est forcément sélectif. Le nouveau catéchisme de l’Église catholique romaine est passé au crible, particulièrement pour tout ce qui touche le domaine de la sexualité. Les abus des intégristes musulmans, le rite de la circoncision juive n’échappe pas non plus à la critique de l’auteur. Une anthologie consacrée à l’incroyance ne pouvait pas ne pas faire une part importante aux textes anticléricaux. On y reconnaît des visages connus : Jacques Prévert, Friedrich Nietzsche, Antonin Artaud, livrant leurs discours virulents, parfois badins, habituellement caustiques.

Le sixième chapitre affirme la nécessité de proclamer une éthique indépendante de toutes croyances religieuses. Il vise à récuser le sophisme dans lequel les croyants veulent enfermer les incroyants, en affirmant que si Dieu n’existe pas, tout est permis. Le chapitre s’attarde à présenter les grandes traditions éthiques non religieuses, comme l’utilitarisme, l’éthique arététique (Aristote), l’éthique déontologique (Kant), etc.

Le septième et avant dernier chapitre présente un idéal de laïcité dans l’espace public et tout particulièrement en éducation. Le grand discours de Victor Hugo dans la discussion du projet de loi sur l’enseignement, le 15 janvier 1859, y occupe une place prépondérante. Le professeur de philosophie français Henri Pena-Ruiz expose les trois principes de l’idéal de la laïcité : liberté de conscience (ni credo obligé, ni credo interdit), séparation des pouvoirs publics des pouvoirs religieux, interdiction de fractionner l’argent public venant de la sphère commune. Pour lui, la laïcité n’est pas plus l’ennemie de la religion que de l’athéisme. Elle vise tout simplement à la neutralité confessionnelle des institutions publiques qu’il ne faut évidemment pas confondre avec le respect de la neutralité confessionnelle en toutes circonstances.

Le huitième chapitre de cette anthologie exprime, parfois avec humour, le large éventail des positions incroyantes. L’ouvrage se termine, en annexe, par un formulaire préparé par le Mouvement laïque québécois invitant les catholiques romains à un acte d’apostasie. Pourquoi n’y retrouve-t-on pas d’autres formulaires invitant à renier l’islam, le judaïsme, le bouddhisme ou l’hindouisme, la vision animiste des spiritualités autochtones ? Si l’ouvrage porte sur l’incroyance et la libre-pensée, pourquoi l’auteur invite-t-il, en terminant son ouvrage, à renier une forme de religion plutôt qu’une autre ? Si Dieu n’existe pas, pourquoi demander aux gens d’apostasier ?