Recensions

Leonard C.D.C. Priestley, Pudgalavāda Buddhism. The Reality of the Indeterminate Self. University of Toronto, Centre for South Asian Studies, 1999, viii-255 p.[Notice]

  • Jean-François Belzile

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  • Jean-François Belzile
    Université du Québec à Montréal

Avec ce livre, qui vient couronner une longue carrière universitaire, Leonard Priestley nous offre une des premières monographies consacrées aux sectes bouddhistes personnalistes (pudgalavāda). Ce que nous savons de l’histoire du développement des doctrines bouddhistes est maigre en regard de la richesse du sujet. Si le Grand Véhicule (mahāyāna) est assez bien connu, c’est parce qu’il s’est maintenu en Asie sinisée. En ce qui a trait aux écoles anciennes, on possède le canon theravāda, secte religieuse principale du Srī Lankā, et une partie du canon sarvāstivāda. Toutefois, de la mort du Bouddha (que les historiens situent entre 480 et 368 av. n.è.) jusqu’à la disparition du bouddhisme en Inde vers 1000 n.è., 20 à 30 autres écoles bouddhiques se sont développées, dont on connaît fort peu de chose. L. Priestley contribue donc à combler cette lacune en nous présentant cette étude de la pensée de ceux que la tradition a nommés les pudgalavādin, c’est-à-dire les personnalistes. L’ouvrage est d’autant plus important que, bien que considéré hérétique par les autres écoles, le courant pudgalavāda était loin d’occuper une position marginale dans la religion du Bienheureux. En effet, la moitié des sectes du bouddhisme indien appartenaient au Petit Véhicule, et la moitié de celles-ci étaient personnalistes (cf. É. Lamotte, Histoire du bouddhisme indien, 1958, cité par Priestley 1999, p. 31). De plus, ce mouvement est attesté dès le second siècle avant notre ère et s’est maintenu aussi longtemps que le bouddhisme indien. L. Priestley nous introduit d’abord à la doctrine bouddhiste du soi (ātman), au peu qu’on arrive à reconstituer de l’histoire des sectes pudgalavāda, et aux sources disponibles en sanskrit, pāli, chinois et tibétain (toutes langues que l’auteur maîtrise). L’auteur rappelle que, selon l’orthodoxie, le Bouddha ne voit dans le soi (ātman) qu’une façon de désigner un système composé de cinq agrégats, à savoir le corps, les sensations, la perception, la volonté et les autres forces mentales et, enfin, la conscience. En d’autres termes, la personne (ou l’âme, le soi, le vivant) se reconnaît uniquement à un certain corps et à une vie psychique consciente et inconsciente conditionnée par l’histoire passée du sujet. Cela étant, le mot soi désigne le concept d’une chose irréelle. S’il permet de parler facilement d’un ensemble dynamique de phénomènes physiques et psychiques, c’est aussi d’une façon moins précise que les agrégats et non sans danger, puisque la croyance au soi est la source de l’attachement aux choses et du désir de se les approprier. La doctrine de la coproduction conditionnée décrit, justement, le mécanisme par lequel la douleur et la misère qui envahissent toute vie découlent du désir qui a lui-même pour cause l’ignorance. Or, l’ignorance réside avant tout dans l’égocentrisme et l’égoïsme, elle consiste à croire en sa valeur « à soi ». C’est pourquoi la croyance au soi apparaît généralement comme la pierre de touche permettant de distinguer les hindous, jains et autres tenants du soi, des bouddhistes. Les pudgalavādin, pourtant, voient dans la personne une réalité vraie et ultime. Au moins trois considérations, nous dit L. Priestley, leur ont dicté cette position. D’abord, il y a la question de la responsabilité des actes : chaque action laisse une trace que les Indiens nomment le karma, qui aura pour le sujet des conséquences bénéfiques si l’action est méritoire, néfastes si l’action est mauvaise. Or, de simples éléments matériels comme les agrégats (le corps, etc., ou plutôt si nous le décomposons en ses parties, les atomes de terre, d’eau, de feu et d’air) ne forment pas un sujet capable d’accumuler …