Recensions

Hans-Georg Gadamer, Les chemins de Heidegger. Traduction, présentation et notes par Jean Grondin. Paris, Librairie Philosophique J. Vrin (coll. « Bibliothèque des textes philosophiques »), 2002, 289 p.[Notice]

  • Yvon Lafrance

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  • Yvon Lafrance
    Université d’Ottawa

Jean Grondin est bien connu dans les milieux philosophiques pour ses nombreuses publications en philosophie allemande : sur Kant (Kant et le problème de la philosophie : l’a priori, 1989 ; Emmanuel Kant : Avant/Après, 1991), sur Martin Heidegger (Le tournant dans la pensée de Martin Heidegger, 1987), sur Gadamer (Hermeneutische Wahrheit ? Zum Wahrheitsbegriff Hans-Georg Gadamer, 1982 ; Hans-Georg Gadamer. Eine biographie, 1999 ; Introduction à Hans-Georg Gadamer, 1999 ; Von Heidegger zu Gadamer. Unterwegs zur Hermeneutik, 2001), et sur l’herméneutique en général (Einführung in die philosophische Hermeneutik, 1991 ; L’universalité de l’herméneutique, 1993 ; Sources of Hermeneutics, 1995 ; L’horizon herméneutique de la pensée contemporaine, 1993), sans compter ses traductions de Gadamer : La philosophie herméneutique, (1996) et de Vérité et Méthode (1996), en collaboration avec P. Fruchon et G. Merlio. Les vastes connaissances de Jean Grondin en philosophie allemande et en herméneutique ainsi que sa parfaite maîtrise de la langue allemande, qu’il écrit et qu’il parle avec aisance, lui donnent toute l’autorité requise pour nous présenter cette excellente traduction des études de Gadamer sur Heidegger. Ces études comprennent 15 essais ou conférences que Gadamer a écrits ou prononcés entre 1960 et 1981, qu’il a réunis lui-même en un volume (1983), et qu’il a repris dans ses Gesammelte Werke, III, 1987, en y ajoutant ses 3 études de 1986 sur le jeune Heidegger. C’est l’ensemble de ces 18 études que nous présente Jean Grondin, telles qu’on les trouve maintenant dans les Gesammelte Werke (1985-1995) de Gadamer. L’importance de cette traduction des écrits ou conférences de Gadamer sur Heidegger est soulignée par notre traducteur dans la première phrase de son avant-propos : « Ce livre offre d’abord une formidable introduction à la pensée de Martin Heidegger, comme il y en a peu et comme il n’y en aura plus » (p. 7). Tout est dit dans cette phrase péremptoire sur la pertinence et l’utilité de s’introduire dans l’univers philosophique complexe de Heidegger sous la gouverne de son disciple Gadamer, qui en a fait son maître à penser, et qui a suivi, pendant toute sa vie, l’évolution de sa philosophie. Personne mieux que Gadamer ne pouvait nous parler avec autant d’autorité et de crédibilité sur la formation de la pensée de Heidegger, sur le milieu philosophique allemand du xxe siècle et les interlocuteurs de Heidegger, tels que Edmund Husserl, Max Scheler, Nicolai Hartmann, Karl Jaspers, Karl Löwith, Hannah Arendt, Rudolf Bultmann, Werner Jaeger, Leo Strauss, et combien d’autres, sur les rapports de Heidegger à la théologie scolastique, au courant néo-kantien de Cohen et Natorp, à la phénoménologie de Husserl, à la philosophie grecque et, en particulier, Aristote, sur l’évolution de cette pensée, sur ses diverses problématiques et sur la fameuse Kehre heideggérienne, tout en expliquant la nouvelle terminologie utilisée par Heidegger pour exprimer sa propre pensée : les concepts d’historicité du Dasein humain, de facticité, du « là » du Dasein, de la clairière de l’être, de l’oubli et du souci de l’être, de la différence ontologique, être et étant, de l’être-pour-la-mort, de l’être-dans-le-monde, etc. Non seulement Gadamer peut utiliser les écrits du maître, mais aussi ses cours, ses conversations, sa correspondance, sans parler de ses nombreuses années de fréquentation, pour nous expliquer toutes les nuances de la pensée de son maître. En effet, comme témoin de la pensée de Heidegger, il n’y en aura plus d’aussi crédible que Gadamer. Contrairement à Aristote qui nous rapporte ce que l’on a appelé les « doctrines orales » de Platon dans un contexte …