Notes critiques

L’actualité du thomisme vue par les héritiers des théologiens et des philosophes disciples de saint Thomas qui ont gravité autour de la Revue thomiste[Notice]

  • Lionel Ponton

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  • Lionel Ponton
    Faculté de philosophie
    Université Laval, Québec

Sous le titre énigmatique Thomistes ou de l’actualité de saint Thomas d’Aquin, cet ouvrage collectif rédigé par des professeurs et des chercheurs regroupés autour de la Revue thomiste a pour but de souligner la pertinence et la fécondité du thomisme en notre temps. Le Père Serge-Thomas Bonino, o.p., directeur de la Revue thomiste depuis 1991, explicite cet objectif dans la présentation de cet ouvrage : « C’est cela avant tout que ce livre entend manifester. Il veut faire oeuvre positive en attirant l’attention du public cultivé sur quelques-unes des ressources du thomisme dans le contexte doctrinal actuel » (p. 11). Ceux qui ont collaboré à la rédaction de cet inventaire se disent thomistes en ce qu’ils se situent, chacun à sa manière, dans la suite des théologiens et des philosophes qui se sont réclamés dans le passé de saint Thomas d’Aquin. Leurs exposés, incisifs et stimulants, remettent en honneur les nombreux écrits de saint Thomas qui répondent directement aux préoccupations contemporaines. Pour sa part, qui est importante, le Père Olivier-Thomas Venard, o.p., rappelle la contribution exceptionnelle de l’Aquinate aux études bibliques, en insistant, non seulement sur les lectures cursives et les commentaires évangéliques ou pauliniens, mais surtout sur les innovations herméneutiques, en particulier l’articulation des multiples sens de l’exégèse biblique : « Le fait que l’Écriture a plusieurs sens était tenu pour acquis à son époque, mais on ne savait pas très bien comment organiser les “quatre sens” retenus par la tradition : sens littéral ou historique, sens allégorique ou typologique, sens tropologique ou moral, sens anagogique ou eschatologique […] » (p. 40). L’auteur ajoute que la formation linguistique et littéraire que saint Thomas a acquise à la Faculté des arts « le rend extrêmement sensible à l’épaisseur signifiante du langage biblique lui-même. Il est ainsi conduit, par ses travaux de bibliste, à scruter en profondeur les mécanismes innombrables de la métaphore et de l’analogie […] ». La façon dont saint Thomas conçoit l’étude des Écritures pourrait, conclut l’auteur, tirer les sciences bibliques de l’ornière du néopositivisme (p. 44). Dans le chapitre remarquable intitulé « Dieu et l’être ou la nouvelle alliance », le Père Thierry-Dominique Humbrecht, o.p., rappelle le procès fait à l’onto-théologie dans les années 1960-1970, puis les recherches qui ont été menées sur son histoire et sur son essence. Il met au clair la place qu’occupe le thomisme dans ce débat : « Pour se limiter au sujet qui nous occupe, il est admis aujourd’hui que l’onto-théologie ne saurait inclure Thomas d’Aquin, mais qu’elle commence après lui, avec Duns Scot, pour s’achever avec Kant qui, le premier, la nomme. La conception de l’être n’est pas la même à chaque fois, conception au sens strict : il y a onto-théologie quand Dieu appartient à l’être représenté » (p. 72). Saint Thomas emploie certes le terme de représentation, mais « pour lui, représenter ne réfère pas — dans ce contexte, à la fonction de connaître, mais à la similitude d’être. Ce sont les êtres qui représentent Dieu, et non l’esprit connaissant » (p. 80). La théologie négative retient aussi l’attention de l’auteur qui n’ignore pas les discussions acerbes auxquelles elle donne lieu en philosophie contemporaine. Le thomisme, en y prenant part, n’entend pas affirmer l’existence d’une théologie négative, mais bien déterminer le statut de la via negativa et de la via remotionis. Si Dieu est connu comme inconnu, c’est dans un sens tout particulier : « Dieu est connu comme inconnu : cela n’est pas, chez saint Thomas, une inconnaissance, mais une connaissance. Pour donner un élément de solution, il faut dire qu’il y a saisie …

Parties annexes