Recensions

Gwenaëlle Aubry, Plotin, Traité 53 (I, 1). Introduction, traduction, commentaire et notes. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Les écrits de Plotin »), 2004, 396 p.[Notice]

  • Jean-Chrysostome Kanyororo

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  • Jean-Chrysostome Kanyororo
    Université Laval, Québec

Au beau milieu du iiie siècle ap. J.-C., après onze ans passés auprès du platonicien Ammonius Saccas à Alexandrie, puis venant d’Antioche suite à l’impossibilité de faire l’expérience de la philosophie pratiquée chez les Perses et les Indiens, Plotin de Lycopolis (205-270) vient s’installer à Rome en 244, âgé de quarante ans. Sans tarder, il y fonde une école de philosophie, axée sur la lecture et l’exégèse (ἐξήγησις) des textes des Anciens (παλαιοί), des Platoniciens essentiellement. L’empereur Gallien et son épouse Salonine ont pour Plotin, qu’ils connaissent, beaucoup d’estime et de vénération. L’on note que, pendant dix ans, le philosophe livre un enseignement oral : pas d’écrits ni de divulgation complète de ses opinions. Par la suite, il se résout à écrire des traités, de 254 jusqu’à la veille de sa mort, en 270, traités que Porphyre de Tyr arrangera en cinquante-quatre et éditera vers l’année 300 en leur imposant un ordre ennéadique, systématique ou didactique, en six neuvaines. Voulant privilégier l’ordre chronologique des textes de Plotin, celui de leur rédaction, ordre que Porphyre divulgue aux chapitres 4 à 6 de sa Vie de Plotin, Pierre Hadot a entrepris depuis 1987 une nouvelle traduction française des traités séparés dans une collection particulière (« Les Écrits de Plotin ») qu’il dirige et qui compte actuellement (en janvier 2007) onze ouvrages, publiés aux Éditions du Cerf. L’ouvrage de Gwenaëlle Aubry, le septième de cette collection, adopte pour l’essentiel le schéma de présentation proposé, pour chaque traité plotinien, par P. Hadot lui-même dans son avant-propos (qui est identique) aux trois traités (38, 50 et 9) qu’il a déjà fait paraître. Le livre de G. Aubry, écrit en un style limpide et captateur, se développe en trois principaux volets : l’introduction, la traduction et le commentaire, accompagnés de notes riches et éclairantes. La traduction d’Aubry (p. 63-105) est tout à fait nouvelle et fiable, comparativement à la vieille traduction de Bouillet, puis à celle de Bréhier reprise « à l’identique » par Jérôme Laurent dans son édition de la Première Ennéade parue en 1999 aux Belles Lettres dans la collection « Classiques de poche. Bilingue ». L’on pourra remarquer que G. Aubry tire profit de l’établissement du texte plotinien grec fait par Henry-Schwyzer et des progrès actuels dans la connaissance de l’oeuvre de l’Alexandrin. L’on remarquera également que son commentaire (p. 107-342) qui suit pas à pas les treize chapitres du Traité 53 développe les idées déjà annoncées dans l’introduction, idées concernant le statut du « nous », du ἡμεῖς (hêmeis), et l’acheminement de ce hêmeis vers son essence singulière et la compréhension de celle-ci. Dans l’introduction (p. 15-61), G. Aubry expose le mouvement global du Traité 53 [I, 1], en décrivant sa structure et en cernant sa place et ses thèmes particuliers dans l’oeuvre de Plotin. Elle explique que Porphyre renverse l’édifice du philosophe en plaçant son avant-dernier traité au tout début des Ennéades. Non pas qu’il s’agisse, à première vue, d’un texte facile ni même séduisant, mais parce qu’il fait figure d’introduction non seulement aux traités éthiques de la Première Ennéade, mais à l’oeuvre de Plotin en son entier, ou si l’on préfère, parce qu’il joue le rôle pédagogique d’initiation et d’entrée en philosophie. En effet, sa visée est d’ouvrir à la connaissance de nous-mêmes et celle-ci doit guider toute autre investigation que nous voudrions engager. Par là, le Traité 53 de Plotin est comparable au Premier Alcibiade de Platon, comme le notera également Olympiodore dans son commentaire au même dialogue platonicien (p. 15-16). On comprend donc que Porphyre puisse « le placer à l’orée …

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