Recensions

Jean-Georges Boeglin, Pierre dans la communion des Églises. Le ministère pétrinien dans la perspective de l’Église-Communion et de la communion des Églises. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Cogitatio Fidei », 242), 2004, 642 p.[Notice]

  • Gilles Routhier

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  • Gilles Routhier
    Université Laval, Québec

Le titre de cet ouvrage de Jean-Georges Boeglin, « curé d’une importante paroisse de Strasbourg », représente à lui seul un programme ambitieux. En effet, la question du ministère pétrinien est fort complexe, car elle ne peut être isolée de tant d’autres questions débattues (notamment celle de la collégialité des évêques, des Églises locales, de la conciliarité foncière de l’Église, etc.). L’ouvrage fait appel aux disciplines historique, canonique et théologique, et situe la recherche à l’intérieur d’une vaste production qu’il est difficile de maîtriser parfaitement. En effet, en particulier depuis la publication de l’encyclique Ut unum sint qui invitait les « pasteurs et théologiens de nos Églises […] », les « responsables ecclésiaux et leurs théologiens », à rechercher « ensemble » la « forme concrète d’exercice de la primauté […] » ou « les formes dans lesquelles ce ministère pourra réaliser un service d’amour reconnu par les uns et par les autres » (nos 95 et 96), que de colloques et de publications sur cette question, sans compter toutes les interventions romaines sur l’une ou l’autre question qui se rattache à ce débat (on pense en particulier à Communionis notio, Apostolos Suos, le dialogue Kasper-Ratzinger sur l’Église locale, etc.). De plus, depuis le début des années 1970, pratiquement tous les dialogues oecuméniques, bilatéraux et multilatéraux, auxquels participe l’Église catholique, abordent, à un moment ou à un autre, la question du ministère primatial. On n’est donc pas étonné dans ce contexte de constater l’ampleur de l’ouvrage de Boeglin, surtout que l’auteur ne se contente pas d’examiner la question du ministère pétrinien dans le cadre de l’Église catholique, mais qu’il ambitionne de situer ce ministère dans le cadre de la communion des Églises chrétiennes. Les dix-neuf chapitres de l’ouvrage se répartissent en quatre parties. La première, consacrée au tournant ecclésiologique que constitue Vatican II, commente, paragraphe par paragraphe, les articles 19 à 25 de la Constitution Lumen Gentium. Isolés de l’ensemble du travail conciliaire et du reste de la Constitution dogmatique sur l’Église, cette présentation, sous forme de commentaire, réussit mal à mettre en perspective ce chapitre III de Lumen Gentium qui n’est probablement pas le lieu où se manifeste le plus le tournant ecclésiologique de Vatican II. De plus, cette présentation, qui recourt rarement aux sources archivistiques aujourd’hui disponibles, ne bénéficie pas des apports des travaux les plus récents sur la question. Ainsi, le commentaire des articles 19 et 20 ne prend pas en compte les études qui critiquent la systématique de la constitution qui a pour effet de construire l’identité de l’évêque en relation avec le collège plutôt qu’en le rapportant à l’Église locale pour laquelle il est ordonné. Le manque de prise en compte de l’Église locale dans cette construction de la figure de l’évêque n’est pas sans faire problème, aussi bien en regard de la tradition que des discussions oecuméniques actuelles. Certes, on revient sur la question dans la deuxième partie (p. 97-98), mais cela demeure sans vigueur. De la même manière, l’exposé sur la communio hierarchica est sans doute trop dépendant de la thèse de G. Ghirlanda sans que l’on fasse droit aux réserves bien fondées d’Y. Congar. En observant que « l’adjectif “hiérarchique” fut rajouté partout lors de l’élaboration des modi » (p. 89), Boeglin sous-entend — cela est bien ambigu — que cette notion s’étend à la compréhension de la communion dans l’enseignement du concile plutôt que de la contenir strictement comme le font les textes conciliaires. Même flottement au chapitre V, pour me limiter à ce dernier exemple, qui commente la « Nota praevia explicativa » sans se rapporter …