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Jean LeBlanc nous avait offert, en 2002 un imposant Dictionnaire biographique des évêques catholiques du Canada, outil de travail et ouvrage de référence indispensable pour ceux qui oeuvrent dans le domaine de l’histoire religieuse. Cinq ans plus tard, il nous arrive avec ce Dictionnairebiographique des cardinaux du xixe siècle, instrument, avouons-le, beaucoup plus rare et beaucoup plus inusité, apparemment sans lien avec son ouvrage précédent puisqu’un seul canadien figure au nombre de ce club international alors fort restreint : le cardinal Taschereau. On pouvait même se demander ce qui avait bien pu pousser ce bibliothécaire retraité à entreprendre un tel travail. Il faut du reste attendre la page 72 avant que l’auteur lui-même nous donne la réponse à cette question. « Pourquoi, se demandera-t-on sans doute, consacrer plusieurs années de sa vie à une cohorte de vieillards dont la plupart sont aujourd’hui bien — et fort heureusement oubliés ? » La réponse vient immédiatement : « Mon intérêt pour les cardinaux du xixe siècle a trouvé son origine dans la rédaction du Dictionnaire biographique des évêques catholiques du Canada […]. Qui étaient par exemple ces préfets de la Propagande ou ces cardinaux membres de la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires qui eurent si souvent à intervenir dans la vie de l’Église canadienne ? Quelles étaient leur formation, leur carrière, leurs opinions théologiques ou politiques ? Pourquoi penchaient-ils dans ce sens plutôt que dans l’autre ? »

C’est ainsi que Jean LeBlanc entreprit une recherche minutieuse dans plusieurs sources pour nous offrir les biographies des cardinaux du xixe siècle (complétées par des références iconographiques, une liste d’oeuvres, des références aux sources, etc.) qui, non seulement avaient le pouvoir exclusif d’élire les papes, mais dont plusieurs, surtout à l’époque, intervenaient, comme cardinaux de curie, dans les affaires ecclésiastiques de toute l’Église et, en plus, dans plusieurs affaires politiques de l’Europe. La partie biographique de ce dictionnaire (p. 75-987), de loin la plus importante (912 pages sur 1 090), n’épuise toutefois pas ce travail colossal. Elle est en effet précédée d’une présentation générale substantielle (67 p.) qui ouvre l’ouvrage et qui tente de situer ces hommes dans leur contexte historique, le xixe siècle qui posait de terribles défis à l’Église catholique : les révolutions et les mouvements de sécularisation, la montée des nationalismes en Europe, l’industrialisation et des mouvements sociaux de grande ampleur qui l’accompagnèrent, l’urbanisation, etc. Cette présentation situe également ces hommes dans le contexte de l’évolution des idées, en particulier de la pensée religieuse de l’époque. La deuxième partie de cette présentation dresse un tableau des 106 consistoires (secrets ou publics) tenus au xixe siècle par les six papes qui se succédèrent sur le siège de Pierre, de Pie VII à Léon XIII, et qui créèrent pas moins de 475 cardinaux. Quant à la troisième partie, elle tente d’établir une typologie des cardinaux créés au cours de chacun des pontificats en les répartissant suivant leur lieu de naissance (la grande majorité européens et un nombre important d’Italiens, même si la situation évolue au cours du siècle), leur origine sociale (surtout la noblesse et l’aristocratie), leur appartenance à un ordre religieux, leurs études, leur carrière pré-épiscopale, épiscopale et cardinalice.

La dernière partie de l’ouvrage nous offre plusieurs appendices : d’abord, une liste des nonciatures, internonciatures et délégations apostoliques à travers le monde et, pour chacune, le nom des titulaires, la courte liste des cardinaux appartenant à des ordres religieux, les cardinaux participant aux divers conclaves tenus au xixe siècle, les fonctions curiales occupées par les cardinaux — avec le nom des titulaires — tout au long du siècle, ce qui donne une bonne idée du gouvernement central de l’Église catholique au cours de cette période, la liste des institutions romaines d’enseignement, une imposante liste des sources et un index onomastique indispensable.

Il s’agit d’un ouvrage de référence bien construit et d’une grande qualité. Les chercheurs dans le domaine de l’histoire ecclésiastique accueilleront cet outil de travail dont ils ne sauront plus se passer.