Recensions

Gaëlle Fiasse, coord., Paul Ricœur. De l’homme faillible à l’homme capable. Paris, Presses Universitaires de France (coll. « Débats philosophiques »), 2008, 178 p.[Notice]

  • Simon Castonguay

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  • Simon Castonguay
    Université Laval, Québec, et Paris-Est Marne-la-Vallée

Paru au tout début de l’année 2008, Paul Ricœur. De l’homme faillible à l’homme capable s’articule autour d’un thème persistant dans l’œuvre de Paul Ricœur depuis Soi-même comme un autre (1990), soit la capacité de la philosophie à rendre compte de l’action du sujet. Gaëlle Fiasse, professeur à l’Université McGill et spécialiste en éthique grecque et contemporaine, s’est entourée de Jeffrey Andrew Barash, Jean Grondin, Richard Kearny, Johann Michel et Alain Thomasset afin de retracer le passage d’une philosophie de la culpabilité vers une reconsidération intégrale des « capacités » de l’homme agissant et souffrant. Ricœur lui-même, plutôt préoccupé à la fin de sa vie par la question du bonheur, a avoué vouloir analyser en dernière instance les différents degrés de cette capacité. Loin de vouloir clore la discussion, les participants de l’ouvrage reprennent à leur compte le chemin ouvert par Ricœur et témoignent de la portée féconde d’une œuvre moins hétérogène que le lecteur pressé pourrait être porté à le croire. À la racine de ce soi dont Ricœur cherche à comprendre la constitution, il apparaît impératif de souligner la persistance d’une inépuisable potentialité du bien qui ne pourrait en aucun cas se voir reconduite au mal originaire (absence de bien). Comme l’attestent ses nombreuses réactualisations de l’éthique téléologique aristotélicienne, Ricœur demeure convaincu que le fond de l’homme est bon, lui qui est appelé à vivre une « vie bonne avec et pour les autres dans des institutions justes ». Si l’homme verse — par malheur — dans le mal, seule l’action peut renverser cette tendance et ainsi ouvrir un domaine qui la transcende, c’est-à-dire la possibilité de pardonner la faute. Ainsi, comme l’affirme Fiasse dans l’introduction de l’ouvrage, « l’être humain n’épuise pas son être dans l’action mauvaise » (p. 11). C’est, nous l’aurons compris, vers une analyse des différentes modalités du « je peux » que conduisent ces différents essais. Tout comme l’être pour Aristote, on sait que le soi analysé par Ricœur se décline de plusieurs façons. Pourtant, un invariant demeure : le soi est fondamentalement « éthique ». Qu’est-ce à dire ? Écartelé entre le caractère faillible de son ethos et son potentiel originaire de bien, le soi est déposé — plus encore qu’il ne se pose — à l’intérieur d’une tension entre le bon et le juste, ou pour inscrire la problématique dans le cadre d’un débat contemporain, entre « une éthique communautarienne contextuelle et une éthique procédurale formelle » (p. 12). À l’image de ce soi qu’il analyse à partir d’une posture médiane, Ricœur lui-même se fait médiateur à l’intérieur de ce débat important ; c’est du moins la position soutenue par Alain Thomasset. Son essai cherche plus particulièrement à resituer l’appropriation d’Aristote dans les domaines de l’éthique, du récit et de la métaphysique, en soulignant l’affirmation originaire du bien pour l’homme. La téléologie aristotélicienne — qui constitue, avec la déontologie kantienne, la structure d’articulation de Soi-même comme un autre — permettrait selon lui d’arbitrer ce débat entre éthique contextuelle et éthique formelle. Toutefois, la part véritablement originale de cet article revient à sa tentative de retourner au débat éthique initial en prenant le détour de l’ontologie, afin de penser cette fois l’autonomie du sujet devant sa dimension religieuse. Puisque Soi-même comme un autre s’arrête justement sur l’indétermination finale de cet Autre, et sur le refus méthodologique de reconduire cette aporie à la sphère religieuse, il n’en demeure pas moins qu’entre l’« être-enjoint » — troisième déclinaison de la structure de l’ipséité comme altérité — et le « sujet convoqué » par le texte biblique, il s’établit ce que Thomasset nomme, dans …

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