Note critique

Aux sources du pragmatisme américain, de l’interactionnisme symbolique et de la sémiotique : George H. Mead et Charles S. Peirce[Notice]

  • Yves Laberge

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  • Yves Laberge
    Faculté de philosophie
    Université Laval, Québec

Cette note critique présentera successivement les travaux de deux penseurs fondamentaux du pragmatisme, George Herbert Mead et Charles Sanders Peirce, à partir de quatre ouvrages relativement récents et très peu recensés ailleurs. Certains aspects de leurs écrits respectifs seront présentés et comparés succinctement. Le but de cette note est de reconnaître chez ces deux auteurs les fondements et les prolongements du pragmatisme. Par la suite, quelques remarques proposeront une réflexion plus générale sur l’interactionnisme symbolique, courant de recherche venu des États-Unis, qui inspira plusieurs générations de chercheurs et d’étudiants de diverses disciplines, autant en psychologie sociale, en sociologie et en philosophie de l’esprit, et qui se situe en continuité du pragmatisme promu par Mead et Peirce, mais aussi par William James et John Dewey. En conclusion, quelques conseils indiqueront à quels types de lecteurs chacun de ces ouvrages pourrait idéalement convenir. Auteur inclassable et théoricien interdisciplinaire souvent rattaché au pragmatisme et à la psychologie fonctionnelle, George Herbert Mead (1863-1931) est surtout connu des universitaires francophones pour son livre posthume, L’esprit, le soi et la société, d’abord publié aux États-Unis en 1934, soit trois ans après sa disparition. Les Presses Universitaires de France avaient déjà fait paraître une première traduction française de ce livre en 1963, mais celle-ci était devenue introuvable depuis plusieurs années. Dans sa nouvelle édition, l’éditeur français présente cet ouvrage substantiel comme étant « l’un des grands classiques de philosophie et de sciences sociales ». Or, il s’agit toujours du seul livre de George H. Mead qui soit disponible dans notre langue, alors qu’il existe au moins sept ouvrages publiés en anglais, parfois réédités sous des titres différents. Chose inhabituelle, puisque tous les livres de Mead sont posthumes, ceci implique dans son cas que les titres de ses ouvrages ont toujours été choisis par leurs éditeurs respectifs et jamais par l’auteur lui-même. L’édition française de 2006 de L’esprit, le soi et la société comprend d’abord un essai exhaustif et inédit sur Mead sous le titre « Naturalité et socialité du self et de l’esprit », signé conjointement par Daniel Cefaï et Louis Quéré. En près d’une centaine de pages, les deux traducteurs de cette nouvelle édition y justifient leur entreprise de deux manières, tout en rappelant que ce livre était déjà considéré comme « un classique » bien avant qu’il soit traduit en français (p. 3). D’abord, Cefaï et Quéré situent la pensée de G.H. Mead dans le courant des sciences cognitives ; en outre, ils lui accordent un statut de précurseur négligé en Europe, en le plaçant dans la continuité des penseurs essentiels du pragmatisme américain : Charles S. Peirce, William James et John Dewey (p. 4). Les préfaciers reconnaîtront d’emblée « l’oeuvre de Mead en tant qu’expression majeure de pragmatisme américain » (p. 4). Ils admettront de plus le caractère fondamentalement transdisciplinaire de ses écrits, et par conséquent de son lectorat : « Mead se tient en deçà de la césure entre sciences de la nature et sciences de l’esprit, de la culture ou de la société » (p. 4). Les premières pages de la préface servent à élaborer et à préciser l’appareil conceptuel instauré par Mead dès ses premiers articles pour expliquer les dynamiques du « Soi ». De ses concepts — complètement distincts de la psychanalyse freudienne — dont les traducteurs ont conservé sans les modifier les termes en anglais, on distingue trois instances inter-reliées : le « I », le « Self », le « me », comme autant de façons de se concevoir et de tenir compte de l’image que les autres retiennent de vous, face à « l’instance agissante » …

Parties annexes