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En langue française, outre la monumentale synthèse en trois volumes d’E. Vilanova (1997) qui avait pris le relais de l’histoire de la théologie de Cayré (1953), on ne disposait pas d’histoire générale de la théologie. Certes, on a des études particulières sur l’une ou l’autre de ses époques, mais pas de synthèse d’ensemble, hormis le long article de Congar publié dans le Dictionnaire de théologie catholique qui, même s’il date, demeure toujours une référence (il est dommage qu’il ne figure pas ici dans la bibliographie générale, même s’il est mentionné à la p. 433). Cette synthèse de l’histoire de la théologie était donc la bienvenue, surtout qu’elle est relativement brève.

L’ensemble est construit en cinq chapitres. Le premier chapitre, signé par Pierre Gibert, s’attache à examiner les fondements bibliques de la théologie. Le deuxième chapitre entre plus directement dans l’histoire de la théologie en parcourant d’un seul trait la théologie patristique, à laquelle on adjoint la théologie byzantine, jusqu’au xve siècle. Pour plus de clarté dans l’exposé, ce deuxième chapitre aurait mérité d’être réparti en quelques sections, comme le sera le chapitre III qui traitera de la théologie médiévale. Il est en effet périlleux, sur le plan systématique, de faire entrer sous une même étiquette toute la période patristique (qui n’est pas homogène) en y greffant de surcroît la théologie byzantine jusqu’au xve siècle. Le troisième chapitre, sur la théologie médiévale, se présente en deux grandes parties (de Bède à Bonaventure et d’Albert le Grand au nominalisme), elles-mêmes subdivisées suivant un plan très clair. L’exposé facilite l’examen de ce moment capital pour la théologie. Le chapitre IV couvre les xvie et xviie siècles. Cet exposé nous lance rapidement dans la présentation des pères de la Réforme (Luther, Calvin, Zwingli). On passe ainsi sans doute un peu vite sur la longue crise de la chrétienté occidentale (Grand Schisme d’Occident), la crise conciliariste qui en résulte et celle de la théologie qui annonce la Réforme (Hus, Wyclif, etc.). Cela illustre la difficulté des découpages par siècle. Vient enfin le dernier chapitre consacré aux xixe et xxe siècles, également signé par J.-Y. Lacoste. Naturellement, plus on travaille la période récente, plus les appréciations sont risquées. Ainsi, affirmer que la figure de Balthasar, au même titre que celle de Barth, domine toute la théologie du xxe siècle (p. 442), me semble imprudent, surtout si l’on considère que sa figure ne s’impose pas au cours des deux premiers tiers du siècle (alors que d’autres figures dominent cette période) et que ce n’est qu’après les années 1970 qu’elle prendra l’importance qu’elle a acquise aujourd’hui dans l’Église catholique, sans vraiment s’imposer dans les autres Églises chrétiennes. De même, on est étonné que le nom d’E. Schillebeeckx ne figure pas dans ce chapitre sur le xxe siècle, sans compter que le traitement de Vatican II n’est pas réellement approfondi.

Chaque chapitre est complété par une bibliographie qui rassemble les titres les plus importants, même si certains sont absents (par exemple, l’ouvrage de Gibellini, pour la période contemporaine). Il est dommage que le modèle du chapitre II, qui distingue les textes des auteurs de la période et les études sur cette période, n’ait pas été suivi dans la présentation de la bibliographie des autres chapitres, où l’on trouve pêle-mêle textes d’auteurs et monographies sur la théologie de l’époque étudiée. Enfin, l’ouvrage est complété par une brève bibliographie générale et un index onomastique.

Cet ouvrage vient combler une lacune importante en offrant une synthèse solidement informée et facile d’accès, au-delà des milieux théologiques, de l’histoire de la théologie. Ce volume devrait figurer dans toutes les bibliothèques d’étudiants en théologie. De manière à la fois concise et précise, cette histoire fait droit aussi bien à la théologie de l’Orient que de l’Occident et ouvre une fenêtre sur les théologies émergeantes en Afrique, Amérique du Sud et Asie. Un excellent ouvrage.