Note critique

Penser la science et la foi par la passion de la rechercheÀ propos de Chercheurs en science, chercheurs de sens[Notice]

  • Philippe Gagnon

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  • Philippe Gagnon
    University of St. Thomas Saint Paul, Minnesota

Le récent livre de Pierre Valiron et Philippe Deterre présente un dialogue « à quatre mains », comme on le dirait d’une sonate pour piano, au sens où il nous permet de découvrir la perspective de deux chercheurs respectés dans leur discipline, l’un astrophysicien et l’autre biologiste, travaillant en immunologie cellulaire mais d’abord formé en physique, sur deux thèmes eux-mêmes dédoublés. En effet, la question de la motivation de la recherche, de ce « pourquoi » derrière l’univers et son organisation (souvent laissée pour compte par les scientifiques, si ce n’est en fin de carrière, lorsqu’ils n’ont plus d’attachement professionnel), est ici au centre du propos, mais il s’y introduit une autre perspective assez tôt dans le livre, parce que Philippe Deterre (PD pour la suite) est prêtre de la mission de France et a choisi d’exercer sa vocation presbytérale dans le monde du travail, qui dans son cas est celui de la recherche en laboratoire dans une unité de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Cela ne peut qu’intriguer son collègue et ami Pierre Valiron (PV pour la suite), qui pour sa part se dit agnostique sans toutefois être hostile à la quête de sens représentée par la spiritualité et les religions. Le livre est structuré autour de six chapitres, qui traitent successivement de la recherche, de sa motivation, de ce que peut signifier la création pour le croyant qui ne se veut pas créationniste, de l’articulation de la science et de la foi, de questions restées sans réponse par-delà les grandes théories scientifiques contemporaines, et finalement, de l’engagement du chercheur. Une conversation entre amis a quelque chose de magique et il lui reste possible, en certaines circonstances, de conserver une part de ce pouvoir d’évocation même lorsqu’elle se voit transcrite, éditée puis relue. Ce livre réussit un tel tour de force, celui de conserver le charme et l’émerveillement de la découverte, bref il ne surcharge pas le regard sur les sujets abordés, ne le disqualifie pas au moyen de ce que l’anglais nomme death from a thousand qualifications. Une part de ce mérite est due à la touchante lettre écrite par PD à l’intention de PV, qui est malheureusement décédé avant que le livre ne puisse voir le jour, et présentée au début avant de lire les entretiens. On se souvient du cas de Maurice Clavel, converti au catholicisme, qui tenta de forcer son ami Jean-T. Desanti à montrer les cartes de son jeu et à dire comment il pouvait continuer à nier l’existence de Dieu, le sommant de cesser de s’abriter derrière la phénoménologie et les mathématiques. On ne peut dire que Desanti, qui reconnut la plénitude des moments que permet de vivre une amitié, ait cependant répondu aux questions de Clavel autrement que par une montagne d’analyses qui font s’évanouir la question. PD ne semble pas poursuivre de visée apologétique, ni face à son partenaire de conversation ni face au lecteur. Son propos est une forme de témoignage, nous faisant voir à l’oeuvre un effort d’intégration de la science et de la foi. La position de PD donne d’une certaine manière le ton de cet ouvrage, au sens où son interlocuteur trouve en lui un chrétien qui refuse nombre de positions répandues sur les rapports de la foi à la science. Ainsi, lorsque Dieu est invoqué comme une possibilité pour rendre compte de l’organisation et de la complexité des entités naturelles, donc devant la question du caractère très perfectionné du bricolage présent dans la nature, PD rétorque que pour lui Dieu n’est pas le fabricant de la nature (p. 34). …

Parties annexes