Recensions

François-Marie Humann, La relation de l’Esprit-Saint au Christ. Une relecture d’Yves Congar. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Cogitatio Fidei », 274), 2010, vi-397 p.[Notice]

  • Gilles Routhier

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  • Gilles Routhier
    Université Laval, Québec

La pensée et l’oeuvre d’Yves Congar inspirent une nouvelle génération de chercheurs et on ne peut que se réjouir de voir cet héritage fructifier à travers leurs travaux. François-Marie Humann en fait partie et ce 274e volume de la collection « Cogitatio Fidei » publie sa thèse réalisée à l’Institut Catholique de Paris. La relecture qu’il propose s’intéresse à une question clé de la théologie d’Yves Congar, la théologie de l’Esprit-Saint. En effet, celui-ci, au contact avec la pensée orthodoxe, a milité en faveur d’une ecclésiologie pneumatologique, consacrant un important ouvrage à l’Esprit-Saint (Je crois en l’Esprit-Saint), au tournant des années 1980. Toutefois, même si Congar a dénoncé le christomonisme en ecclésiologie et en théologie des ministères, il est indéniable que sa première ecclésiologie a été davantage christologique et que, par la suite, l’articulation entre les deux missions trinitaires, celle du Christ et de l’Esprit, a été plus de l’ordre de la juxtaposition que de l’articulation. C’est précisément à cette relation de l’Esprit-Saint au Christ qu’est consacrée cette recherche, question d’un grand intérêt oecuménique en raison de la querelle autour du filioque. En ce sens, entrer dans cette question à partir de Congar s’impose encore davantage en raison de sa qualité d’oecuméniste et d’ecclésiologue. La première partie de l’ouvrage retrace la genèse d’une christologie pneumatique dans l’oeuvre de Congar. Ce parcours est réparti en trois étapes : des années 1930 aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale, de la fin de la Deuxième Guerre mondiale au Concile Vatican II et, finalement, la période postconciliaire. Cette périodisation me semble s’imposer, non seulement en fonction de critères externes — les grands événements déterminant la délimitation des périodes — mais en raison même des étapes que l’on peut identifier dans l’évolution de la pensée et de l’oeuvre d’Yves Congar, notamment sur la question de la relation du Christ à l’Esprit-Saint. La première période montre que les réalités christologiques et pneumatologiques sont simplement juxtaposées dans l’oeuvre de Congar, dans le cadre d’une ecclésiologie marquée par la pensée scolastique. La deuxième période, où la méthode théologique évolue sensiblement, est marquée par une réflexion en profondeur qui se traduit dans plusieurs articles importants sur la relation entre christologie et pneumatologie, réflexion sans doute influencée par la réflexion de Congar sur les rapports entre Orient et Occident. Les années 1950-1955, marquées par plusieurs anniversaires qui conduisent à autant d’articles importants (le 900e anniversaire du schisme de 1054, le 1 500e anniversaire du Concile de Chalcédoine et le 100e anniversaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception), me semblent représenter le foyer de cette réflexion. Enfin, la dernière période se caractérise par un aboutissement de cette réflexion dans le cadre d’ouvrages de synthèse importants : Je crois en l’Esprit-Saint (3 volumes) et La Parole et le Souffle. La deuxième partie (chapitres V à VIII) présente l’anthropologie ou la relation de l’homme à Dieu comme le motif central du rapport entre le Christ et l’Esprit chez Congar. C’est sans doute là le coeur de cet ouvrage et l’A. a bien compris la place déterminante qu’occupe « la question de l’homme dans l’itinéraire intellectuel de Congar » (p. 127), en particulier à partir de son expérience de captivité au cours de la Deuxième Guerre mondiale, mais déjà auparavant. C’est dans cette section (p. 131) que l’auteur fait appel pour la première fois à un ouvrage fondamental pour comprendre la pensée de Congar, son Journal d’un théologien. Les deux premiers chapitres de cette section suivent davantage l’approche plus historique ou génétique de la pensée de Congar (son « tournant anthropologique » …