Recensions

Aelred de Rievaulx, Dialogue sur l’âme. Introduction, traduction, notes et index par Pierre-Yves Emery. Oka, Abbaye cistercienne Notre-Dame-du-Lac (coll. « Pain de Cîteaux - Série 3 », 26), 2007, 134 p.[Notice]

  • Jean Doutre

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  • Jean Doutre
    Abbaye Val Notre-Dame, Saint-Jean-de-Matha

Voici la première traduction française de ce traité sur l’âme d’Aelred de Rievaulx. La traduction est vivante et bien adaptée à la forme du dialogue. Ce n’est pas un traité de vie spirituelle proprement dit mais un exposé sur les présupposés de la spiritualité. Ce n’est pas toujours facile à lire à cause du sujet traité. Toutefois, les titres et les sous-titres, heureusement ajoutés à la traduction, servent de guide au lecteur qui peut aussi se référer à la table des matières pour avoir une première vue d’ensemble. Le traité est composé de trois livres et Aelred donne un résumé du premier livre à la fin de celui-ci (p. 51-54). L’introduction est importante pour initier le lecteur contemporain et elle est bien faite. Pour approfondir le sujet, on pourra la compléter par l’introduction de Bernard McGinn, dans Three Treatises on Man. A Cistercian Anthropology, Kalamazoo, Michigan, Cistercian Publications (coll. « Cistercian Fathers », 24), 1977, p. 1-27 pour l’introduction générale, et p. 27-100 pour l’introduction à chacun des trois traités traduits dans ce volume (celui de Guillaume de Saint-Thierry, celui d’Isaac de l’Étoile et le traité anonyme sur l’esprit et l’âme), et par l’introduction de C.H. Talbot, dans Aelred of Rievaulx, Dialogue on the Soul, translation by C.H. Talbot, Kalamazoo, Michigan, Cistercian Publications (coll. « Cistercian Fathers », 22), 1981, p. 5-34. Pierre-Yves Emery présente aussi les choix de traduction qu’il a dû faire (p. 10-11). L’index biblique est un outil de travail dont il faut se servir avec précaution puisqu’il ne donne que les citations explicites au texte biblique et omet les simples mentions de certains textes : par exemple, la parabole de Lazare et du mauvais riche (Lc 16,19-31) est mentionnée ici et là sans une citation explicite, or il n’y a que trois références dans l’index. À la fin du traité, Aelred aborde des fins dernières (p. 114-129). Ce texte est un témoin de la réflexion sur le sujet dans la seconde moitié du 12e siècle. Voici la séquence de ce qui se passe après la mort : d’abord les peines temporelles, ensuite le jugement dernier et enfin, quand l’âme aura retrouvé le corps, le ciel auprès de Dieu ou les peines éternelles. Il n’est pas question de jugement particulier ; il n’utilise jamais le terme « purgatoire » auquel on est si habitué aujourd’hui ; il ne parle pas des limbes qui sont une création du 13e siècle ; et il y a différentes demeures pour les saints. Toutefois, les peines après la mort ont une fonction purificatoire et c’est là le sens originel de notre purgatoire. Je crois que la réflexion sur le feu demeure pertinente encore aujourd’hui. Aelred insiste pour dire que le feu n’est pas matériel. On oublie trop souvent que la Bible utilise la métaphore et on interprète souvent tout ce qui concerne les fins dernières de manière littérale et matérielle. Mais un auteur du 12e siècle ne s’y laisse pas prendre et sait bien interpréter les métaphores bibliques. L’introduction affirme que « l’auteur, à la différence de saint Bernard, est augustinien : la prédestination est double, les uns destinés au salut, les autres à la perdition » (p. 16) tandis que C.H. Talbot (Dialogue on the Soul) ne parle pas de prédestination quand il présente ce texte (p. 14-16) et le mot predestination n’apparaît pas dans l’index thématique (p. 157-162). Aelred parle-t-il de prédestination et de double prédestination dans le livre III, 38-40 ? Je ne le crois pas ; mais il y a des expressions qui semblent ambivalentes. Toutefois, la traduction d’Emery va …