Recensions

Jean-Louis Vieillard-Baron, La religion et la cité. Édition augmentée et corrigée. Paris, Éditions du Félin (coll. « Félin poche »), 2010, 392 p.[Notice]

  • Anatole Kere

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  • Anatole Kere
    Université Laval, Québec

Dans cet ouvrage, l’A. envisage le rapport de la religion — quelle qu’elle soit —, à la cité. En dépassement de la perspective augustinienne de l’antinomie des deux cités et en référence à Claude Lefort (p. 9, n. 2), il estime que la cité est tout à la fois la société des hommes, leur organisation politique et l’histoire humaine tout entière. Selon lui, la religion est toujours mêlée de la façon la plus intime à cette aventure, de sorte qu’on ne peut pas la considérer comme relevant seulement du suprasensible ou du divin. Si l’homme est le seul vivant qui ait la perception du bien et du mal, du juste et de l’injuste, la cité est donc le lieu où se partagent ces valeurs (p. 8, n. 1). La religion a donc nécessairement une dimension sociale et il s’agit de mettre en relief cette dimension, d’indiquer son rôle parmi les divers aspects d’une religion et la destination de la religion elle-même (p. 9). L’ouvrage comporte onze chapitres distribués en quatre parties. Dans la première partie, l’A. s’attache à présenter en quatre chapitres les « prolégomènes à l’analyse du fait religieux : les réductions impossibles de la religion ». Le premier chapitre traite de l’avenir du christianisme dans la société moderne, le deuxième, du pape et de son image actuelle, le troisième, de la réduction politique de la religion, le quatrième, de la réduction de la religion à la fonction de lien social. Dans les deux chapitres de la deuxième partie, l’A. traite du thème du religieux sans religion et propose d’en finir avec deux confusions : l’assimilation du sublime avec le religieux et l’assimilation du christianisme et de la démocratie. La troisième partie (deux chapitres) aborde la question du sujet de la religion face à la cité. Il s’agit d’un plaidoyer en faveur de l’âme ou la question de l’intériorité religieuse et, la foi et son rapport à la conversion. La quatrième partie (trois chapitres) présente trois aspects de la religion : la dimension symbolique, la dimension de témoignage et la dimension de communauté et d’intersubjectivité. L’ouvrage est un essai sur la religion, à travers lequel l’A. cherche à démontrer comment celle-ci s’inscrit nécessairement dans la cité, sans qu’on puisse la réduire à la dimension sociopolitique. Selon lui, plutôt que de s’apitoyer sur le manque de religion dans la société moderne, il importe, dans un premier temps, de cerner les obstacles épistémologiques à la compréhension de la religion. On n’y parvient qu’en étudiant les diverses réductions de la religion, qu’en montrant leur illégitimité (p. 26), et qu’en abordant sans illusion le pôle subjectif de la religion comme support de la vraie religion d’un peuple libre (p. 200 et suiv.). Ces réductions sont vues à travers le prisme de la version française de la laïcité que l’A. propose de lire comme un recours aux humanités destinées à permettre à chacun l’éveil d’une pensée personnelle. Or cette laïcité reconnaît la place sociale du christianisme, mais tend à l’y confiner. La formule de Marcel Gauchet, selon laquelle le christianisme a été « la religion de la sortie de la religion », est une illustration théorique de cette réduction. Pour l’A., il s’agit d’une mise en évidence du caractère partial et restrictif des notions de sécularisation et de laïcisation, dans la mesure où elles font croire qu’il y avait un patrimoine religieux donné qui s’est perdu, et que le monde est désenchanté dès le moment que les hommes n’attendent plus des faveurs de Dieu pour les récoltes ou pour les succès mondains, collectifs ou privés (p. 34). Selon lui, la formule de Gauchet ne …

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