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Sources

1. Guido Treffler, dir., Julius Kardinal Döpfner. Konzilstagebücher, Briefe und Notizen zum Zweiten Vatikanischen Konzil. Regensburg, Verlag Schnell und Steiner (coll. « Schriften des Archivs des Erzbistums München und Freising », 9), 2006, li-730 p.

Ce ne sont pas moins de 474 lettres du cardinal Döpfner ou lui étant adressées et se rapportant au concile Vatican II qui sont publiées dans ce volume IX de la collection « Schriften des Archivs des Erzbistums München und Freising ». Cette collection de lettres couvre la période qui va du 29 janvier 1959 au 23 janvier 1967, quinze lettres dépassant en effet la date de clôture du Concile. Ces lettres sont précédées de la reproduction de l’agenda du cardinal Döpfner (p. 3-55). Ce matériel est largement inédit, même si on peut trouver certaines de ces lettres dans les Acta et Synodalia. C’est dire tout son intérêt, surtout lorsque l’on considère le rôle important joué par Döpfner au moment du Concile : d’abord évêque de Berlin, derrière le rideau de fer, puis archevêque de Munich, il fut membre de la Commission centrale préparatoire, puis, à partir de la deuxième session, l’un des quatre modérateurs au Concile. Par ailleurs, il fut également membre du Secrétariat pour les affaires extraordinaires, et membre de la Commission de coordination à partir de 1963, où il fut relateur du schéma sur les évêques et les religieux, ce qui fait de lui un important protagoniste du Concile (voir la présentation de G. Treffler, p. xi-xxiv). Si le nom de Döpfner est attaché au fameux « Plan Döpfner » qui visait à réduire le nombre des schémas en vue d’accélérer les travaux du Concile, il ne faut pas négliger le rôle de Döpfner dans les questions relatives à l’oecuménisme, à la liberté religieuse et aux relations avec les Juifs. Sa correspondance volumineuse avec A. Bea en témoigne et montre à quel point son pastorat à Berlin a été pour lui marquant. L’index des noms à la fin du volume indique que les relations de Döpfner, en plus de ses correspondances avec les papes et les cardinaux responsables des organismes romains, se limitent à l’Europe, hormis quelques percées en direction de l’Amérique du Nord, notamment avec le cardinal Léger et Maurice Baudoux, président de la conférence épiscopale du Canada. Cela ne préjuge pas de son souci pour le tiers-monde ni de son soutien aux pays de mission, mais on voit que l’horizon demeure encore Rome et les grands sièges européens : Malines-Bruxelles, Milan, Cologne, Utrecht, etc. La lecture de cette correspondance nous révèle non seulement les réseaux si déterminants au moment du Concile, mais nous permet également de construire une « géographie » du monde catholique à cette époque. On n’avait pas réellement affaire à une Église aux dimensions du monde, suivant l’observation de Rahner à la fin du Concile. Les grands cardinaux africains ou asiatiques ne figurent pas au nombre des correspondants de Döpfner.

Souhaitons que la publication de cet ouvrage de très grande qualité encourage d’autres initiatives du même genre, les archives du diocèse de Munich affichant un véritable leadership dans les publications sur Vatican II.

Gilles Routhier

2. Mauro Velati, Dialogo e rinnovamento. Verbali e testi del segretariato per l’unità dei cristiani nella preparazione del concilio Vaticano II (1960-1962). Bologna, Società editrice il Mulino (coll. « Testi e ricerche di scienze religiose », série « Fonti e strumenti di ricerca », 5), 2011, 944 p.

M. Velati, sans doute le plus grand spécialiste des questions oecuméniques à Vatican II, nous offre dans ce volume l’ensemble des documents élaborés par le Secrétariat pour l’Unité des chrétiens au cours de la phase préparatoire du Concile. Il s’agit de correspondances, vota, procès-verbaux de réunions (de sessions plénières ou de sous-commissions), des diverses versions des schémas élaborés par le Secrétariat au cours de cette période, et des rapports, observations et remarques acheminés par les membres au Secrétariat. Il s’agit d’un travail considérable et, naturellement, ce travail rend disponible aux chercheurs une documentation précieuse et d’un très grand intérêt.

L’ensemble de la documentation est présenté en suivant la chronologie des travaux du Secrétariat, depuis le projet de ses statuts (avril 1960) jusqu’à l’achèvement des travaux de la phase préparatoire au mois d’avril 1962. L’ensemble est précédé par une longue introduction (p. 15-94) qui, à elle seule, vaut le détour. Cette introduction contribue à donner au lecteur une meilleure intelligence de cette documentation en resituant notamment la naissance du Secrétariat au cours des premiers mois de l’année 1960, et en le situant sur l’horizon du projet de reconquête catholique de l’Europe de l’après-guerre, ainsi que sur le rêve d’un retour des dissidents à l’Église catholique. Velati, en plus de présenter également les « hommes du Secrétariat », situe parfaitement ce nouvel organisme dans la Curie, considérant cette création comme les premiers pas de la réforme de la Curie.

Nous disions plus haut que cette documentation est importante, puisqu’elle traite de sujets très variés, tous d’une grande portée et qui feront l’objet de discussions souvent vives au cours du Concile. Parmi ces sujets, on note : les membres de l’Église, la liberté religieuse, les rapports avec le monde juif, le sacerdoce des baptisés, les moyens à prendre pour parvenir à l’unité (l’unionisme, la conversion des dissidents, le retour des non-catholiques, le dialogue, etc.), la centralité de la Parole de Dieu, les foyers mixtes, etc.

Les textes eux-mêmes sont publiés dans leur langue originale, principalement le latin, l’italien l’anglais et le français. Un apparat critique très développé les accompagne, ce qui permet de situer les intervenants et le contexte dans lequel ce texte a été produit. Enfin, chaque ensemble est introduit, ce qui rend encore davantage compréhensible aux lecteurs les textes présentés.

Le tout est complété par une table des matières très détaillée, et un index onomastique (p. 926-939) complète ce travail remarquable et en rend la consultation facile. Il nous reste à souhaiter que Velati poursuive ce travail pour la phase conciliaire elle-même.

Gilles Routhier

3. The Second Vatican Council Diaries of Met. Maxim Hermaniuk, C.SS.R. (1960-1965). Translated by Jaroslav Z. Skira, annotated by Karim Schelkens. Leuven, Peeters Publishers (coll. « Eastern Christian Studies », 15), 2012, 333 p. + CD.

Parmi les évêques canadiens participants au Concile, Maxim Hermaniuk, éparque des Ukrainiens du Canada, se distingue. Membre de la Commission théologique préparatoire, il y introduit déjà une discussion sur la collégialité des évêques et suggère, comme c’est le cas dans les Églises orientales catholiques, la mise sur pied d’un synode d’évêques autour du pape, de façon à le conseiller. Par la suite, élu membre du Secrétariat pour l’Unité des chrétiens, il contribua abondamment à ses travaux, sans compter ses nombreuses interventions dans l’aula conciliaire, notamment sur l’oecuménisme, le De Fontibus Revelationis, la collégialité épiscopale et la liberté religieuse. Cette seule liste indique déjà qu’il a été au coeur des débats et des questions les plus discutées au concile Vatican II.

Ce que l’on connaissait moins, c’était son très grand engagement dans le groupe extra aulam des évêques ukrainiens catholiques au moment où cette Église était encore opprimée, derrière le rideau de fer. Ainsi, au-delà de ses discours sur la collégialité, son combat a été de la mettre en oeuvre dans un groupe d’évêques divisés par les circonstances difficiles dans lesquelles était placée leur Église, vivant pour une large part dans la diaspora et qui se sentait souvent incomprise dans l’Église catholique, aussi bien en raison du programme oecuménique mis en avant par Jean XXIII et le Secrétariat pour l’Unité des chrétiens, que de l’Ostpolitik amorcée sous le pontificat de Jean XXIII et poursuivi par son successeur Paul VI. Avant la libération du Métropolite Slipyj, retenu en captivité pendant douze ans dans les geôles soviétiques, c’est Hermaniuk qui assuma le leadership de ce groupe d’évêques ukrainiens. Même après l’arrivée de Slipyj à Rome, son rôle demeura central dans ce groupe et c’est à lui que revint la tâche de produire un mémorandum en vue d’élever au rang d’Église patriarcale l’Église de Kiev, ce qui s’avéra impossible dans le contexte. Maxim Hermaniuk, premier évêque métropolitain des Ukrainiens catholiques dans la diaspora, exerça donc un grand leadership dans ce groupe et il n’est pas surprenant qu’on lui confia la rédaction de divers documents, dont les lettres pastorales des évêques ukrainiens présents à la première et à la quatrième session, ainsi que le directoire sur les pratiques oecuméniques de l’Église ukrainienne. Les textes de ces trois documents, dont traite fréquemment Hermaniuk, sont d’ailleurs reproduits en annexe de son Journal conciliaire, comme l’est également un texte que publia Hermaniuk sur l’esprit du Concile en 1963.

L’importance de ce Journal tient donc aussi au fait qu’il nous permet de connaître et de comprendre les évolutions de l’Église ukrainienne au cours de cette période délicate de son histoire, tout comme au fait qu’il lève également le voile sur la dynamique interne de l’épiscopat canadien, voire des commissions conciliaires auxquelles participa Hermaniuk.

Son discours sur la collégialité s’enracine également dans son expérience au sein de la Conférence catholique canadienne dont il souligne souvent le fonctionnement, l’efficacité et le climat collégial. Son discours en faveur de la collégialité dans l’Église, combat qu’il poursuivit après le Concile, est donc tout autre chose qu’un discours romantique, mais s’enracine concrètement dans la pratique.

On pourrait dire la même chose de son discours sur l’oecuménisme. Hermaniuk est également très actif dans ce domaine, notamment au Canada. Il faut comprendre que ses réserves à l’égard des observateurs orthodoxes de Moscou reposent sur des motifs politiques et ne contredisent pas son engagement oecuménique.

Le Journal conciliaire d’Hermaniuk, rédigé en ukrainien, est ici présenté en langue anglaise, un CD-ROM accompagnant le volume offrant l’original ukrainien. Certains passages qui ne se rapportaient pas à la participation conciliaire d’Hermaniuk en ont cependant été retirés, sans que cela nuise à la compréhension d’ensemble. Au contraire, cela rend le propos plus homogène. Le Journal lui-même est précédé d’une courte biographie d’Hermaniuk assurée par Gloria Romaniuk, archiviste de l’éparchie ukrainienne de Winnipeg, et par Jaroslav Skira du Regis College (Toronto), qui assura par ailleurs la traduction du Journal. On retrouve également une préface, signée par Jan Grootaers et un mot de remerciement aux diverses personnes qui ont accompagné la réalisation du projet et qui y ont contribué. Il faut dire un mot également des notes qui accompagnent cette édition critique du Journal, réalisées par Karim Schelkens. Elles sont d’une grande qualité, ce qui permet à un non-initié au concile Vatican II d’avoir une bonne compréhension des événements qui sont présentés et des personnes mises en scène par Hermaniuk.

Bien que d’autres évêques canadiens aient tenu un Journal au cours du Concile, il s’agit à ce jour de la seule publication d’un Journal conciliaire d’un Père canadien. De plus, cet ouvrage représente une contribution majeure pour l’Église ukrainienne. En effet, si Andrij Sapeljak avait déjà publié un ouvrage sur sa participation au concile Vatican II, le Journal de Maxim Hermaniuk offre beaucoup plus d’informations sur la participation de l’Église ukrainienne à Vatican II. En ce sens, cet ouvrage restitue à l’Église ukrainienne la mémoire de sa contribution à Vatican II. Pas surprenant que ce volume se soit mérité le Manitoba Day Award remis par l’Association for Manitoba Archives (2012).

Gilles Routhier

4. Karim Schelkens, dir., The Council Notes of Edward Schillebeeckx 1962-1963. Leuven, Maurits Sabbebibliotheek, Faculteit Godgeleerdheid et Peeters Publishers (coll. « Instrumenta Theologica », 34), 2011, xxx-77 p.

Bien qu’il ne fût jamais peritus au Concile, E. Schillebeeckx n’y joua pas moins un rôle considérable, spécialement au cours de la première session et au cours de la discussion sur la Constitution Gaudium et Spes. Ce rôle capital, il a pu le jouer grâce à son étroite collaboration avec l’épiscopat néerlandais dont chaque évêque résident était membre d’une commission. Cette étroite collaboration avec cet épiscopat donna une autorité particulière à son analyse des premiers schemata, analyse qui fut largement diffusée parmi les Pères conciliaires et qui en influença plus d’un. Cela valut aussi à Schillebeeckx une audience particulière au Concile. Il fut de ce fait appelé à prononcer plusieurs conférences et à produire plusieurs textes sur des questions qui y étaient débattues. Enfin, cela lui valut également d’être intégré à la petite équipe européenne qui planifiait déjà le 19 octobre 1962, à peine quelques jours après l’ouverture de Vatican II, de remplacer les quatre schemata doctrinaux par un texte alternatif.

Aussi, la publication des notes conciliaires d’E. Schillebeeckx, limitées pratiquement à la première session (seul l’épisode des cinq questions fait l’objet de notes à la deuxième session), sont d’un intérêt particulier. Elles nous permettent de toucher de plus près le climat et l’atmosphère au moment où le Concile en était encore à ses premiers pas. Ces notes permettent également de voir la dynamique qui se développa à l’intérieur de l’épiscopat hollandais et à l’intérieur d’un groupe de théologiens européens qui mesuraient encore mal l’humeur chez les évêques du reste du monde, comme en témoignent les évaluations hasardeuses de Schillebeeckx des positions des autres épiscopats (20 novembre 1962). On voit bien que son horizon se limite encore, au début du Concile, à la France, à la Belgique et à l’Allemagne, pays auxquels on peut ajouter la Suisse et l’Autriche. Pour Schillebeeckx, et sans doute pour plusieurs autres, la théologie « avancée » s’arrêtait là et se dressait en face de celle qui était développée par la Curie et qui était partagée par le bloc italo-ibérique et anglo-irlandais. Ces pages sont à cet égard fort révélatrices de l’ignorance que l’on avait de ces autres catholicismes avec lesquels on avait peu de contacts. En témoigne également la liste des participants à la rencontre du 19 octobre 1962 convoquée par Mgr Volk. Tous les participants sont soit allemands, français, néerlandais, belges ou suisses. Le reste du monde n’existe pas, pas même l’Italie.

C’est dans ce climat que s’ouvre Vatican II, et l’on peut dire que la grâce du Concile est d’avoir permis la rencontre de ces Européens avec les autres mondes catholiques. Ce n’est que par la suite que Schillebeeckx se rendra aux États-Unis et découvrira un catholicisme plus complexe et plus « évolué » qu’il ne le pensait.

Ces notes conciliaires (seulement 40 pages) sont succinctes, concises et limitées dans le temps. Qu’importe, elles permettent de sentir un peu l’état des lieux au moment où le Concile prenait son envol. Elles sont suivies, en annexe, des notes prises par Schillebeeckx lors de cette réunion du 19 octobre et précédées notamment d’une intéressante réflexion de M. Lamberigts sur l’importance des journaux conciliaires pour l’étude de Vatican II. En plus de développer une typologie des journaux conciliaires, le professeur de Louvain prend une position très ferme et bien appuyée dans un débat initié par A. Marchetto qui souhaiterait que l’étude de Vatican II se limite aux Acta synodalia.

L’édition de ce Journal, dont l’original néerlandais est reproduit en deuxième partie, est accompagnée des notes précises et abondantes du directeur de la publication, K. Schelkens, et complétée par un index onomastique indispensable qui en fait un instrument de recherche performant.

Gilles Routhier

5. Joseph Ratzinger, Mon Concile Vatican II. Enjeux et perspectives. Traduction et adaptation française par Éric Iborra. Perpignan, Artège Éditions, 2011, 303 p.

On disposait déjà en allemand et en anglais de ce que l’on appelle communément le Journal conciliaire de Joseph Ratzinger. Peritus personnel du cardinal Frings, il contribua également aux rencontres annuelles de l’épiscopat allemand en fournissant des analyses précises des schémas soumis à la discussion du Concile. De plus, il faisait partie de ce petit groupe de théologiens qui, en octobre 1962, voulait remplacer les schémas élaborés par la Commission préparatoire par des schémas alternatifs. Il s’engagea de manière plus résolue dans les débats sur la Révélation et sur Gaudium et Spes. Il prit part également à quelques commissions conciliaires, notamment celle qui élabora le De missionibus. Sa contribution conciliaire n’est donc pas négligeable.

Tout de suite après le Concile, il se fit remarquer par quelques commentaires précis et fort perspicaces des textes conciliaires, notamment un chapitre sur la collégialité d’un ouvrage collectif dirigé par G. Baraúna, et un commentaire sur la transmission de la Révélation, dans l’ouvrage collectif dirigé par H. Vorgrimler (sans compter, dans le même ouvrage, le commentaire du chapitre I de Gaudium et Spes).

En réalité, les quatre textes qui forment ce « Journal conciliaire » ne représentent pas des notes prises au jour le jour, mais des conférences qu’il donna à la suite de chacune des sessions du Concile. Il s’agit donc de relectures distanciées des événements. De plus, ces textes ont un caractère plus synthétique et plus organisé que des notes prises à la volée, au coeur des événements. Au sens strict, il ne s’agit donc pas d’un journal conciliaire, mais d’une réflexion qui bénéficie d’une certaine hauteur que procurent la distance et l’analyse par rapport aux événements vécus à chaud.

On lira avec intérêt ses réflexions sur à peu près tous les sujets débattus au cours du Concile, ainsi que sur le déroulement de celui-ci. Plus intéressante me semble son analyse des débats de la quatrième session, en particulier ses réflexions sur la Constitution pastorale Gaudium et Spes.

L’ensemble est précédé d’une longue introduction (p. 13-51) signée par Éric Iborra. Celui-ci reprend les étapes de la réflexion de J. Ratzinger à propos du Concile, en particulier depuis 1975. Celle-ci se concentre surtout, on le devine, sur le rapport de l’Église au monde. Dans la dernière section, on est étonné de lire que le pape Benoît XVI propose l’herméneutique de la continuité. Or, si nous avons bien lu son allocution du 22 décembre 2005, ce qu’il met en avant, c’est une herméneutique de la réforme, rappelant que la véritable réforme consiste en un « ensemble de continuité et de discontinuité à divers niveaux ». En somme, la pensée du pape Benoît XVI est beaucoup plus subtile et équilibrée que ce que l’on nous présente ici.

On peut se réjouir de la publication de ce volume qui rend accessible en langue française les réflexions du théologien Joseph Ratzinger au cours des années durant lesquelles il participait au Concile. Cela est une pièce importante au débat.

Gilles Routhier

6. Karl Rahner, Das Zweite Vatikanum. Beiträge zum Konzil und seiner Interpretation. Bearbeitet von Günther Wassilowsky. Freiburg, Verlag Herder GmbH (coll. « Karl Rahner - Sämtliche Werke », 21, 1 et 2), 2013, xxxix-1 155 p.

On peut ranger parmi les sources conciliaires la réédition dans un même volume de contributions de théologiens sur le Concile autrement dispersées et parfois difficilement accessibles aujourd’hui.

« Vergessene Theolog(i)en » — « Des théologie(n)s oublié(e)s » ? C’est ainsi que la revue théologique et pastorale germanophone Lebendige Seelsorge a intitulé son dernier numéro de l’année 2013[1], consacré notamment à Karl Rahner et à Edward Schillebeeckx. Il est vrai que nous sommes à un point charnière en ce qui concerne le rôle des grands théologiens de Vatican II : dans les facultés de théologie, et dans les différents champs d’activités de l’Église, de nouvelles générations succèdent à celle qui a connu les maîtres à penser de Vatican II et de l’immédiat après-Concile. Tout naturellement, des disciples de ces grands théologiens ont prolongé de manière constructive et critique les intentions de leurs maîtres de sorte que, en partie, ces intentions sont désormais entrées dans la mémoire collective de la théologie, sans pour autant que ce soit toujours évident. De plus, certaines questions disputées à l’époque ne le sont plus, alors que d’autres questions apparaissent à l’horizon. En ce sens, il est difficile de parler d’un « oubli » de ces théologiens et de leurs théologies. Ce qui est vrai, en revanche, c’est qu’une relecture vaut toujours la peine. Car de nombreuses prises de positions méritent le détour, de nombreuses pistes de réflexion restent inexploitées, et de nombreuses intentions implicites sont à expliciter. En même temps, l’historicisation de la réception de Vatican II gagne en profondeur si l’on connaît de près les réflexions théologiques qui ont accompagné cette réception. Dans le cadre des « Oeuvres complètes de Karl Rahner », Günther Wassilowsky, dont la thèse sur la participation de Karl Rahner (et avec lui un groupe de théologiens) à Vatican II est une référence bien connue, vient de publier les textes rahnériens se rapportant à Vatican II. Comme c’est le cas pour l’ensemble de cette édition de l’oeuvre monumentale du théologien jésuite, il s’agit là d’un outil des plus précieux. Car on n’y trouve pas seulement réunis les textes parfois difficilement accessibles, mais on en dispose désormais dans une version annotée et commentée.

Une partie A ne réunit que deux contributions (sur le Concile à venir), mais qui à elles seules témoignent d’une réflexion extrêmement riche qui augure bien de la participation rahnérienne à Vatican II et à sa réception. Dans la partie B, on trouve les expertises du théologien pour le cardinal de Vienne, Mgr Franz König, dont il était l’expert. Ces expertises datent toutes de 1962, car avec le début du Concile, Rahner devient peritus. D’où découle une partie C avec des expertises que Rahner a écrites ou co-écrites avec d’autres théologiens. On y trouve notamment le fameux « schéma Rahner-Ratzinger » sur la Révélation. Comme beaucoup d’autres théologiens, le peritus Rahner n’a pas seulement oeuvré aux travaux conciliaires à Rome, mais a contribué à la dimension véritablement ecclésiale de l’événement conciliaire en donnant des conférences et en écrivant des articles sur des sujets débattus à Rome. Ainsi, la partie D regroupe des conférences et articles de l’époque, par exemple sur des « questions dogmatiques du Concile », sur le rapport entre la doctrine sur l’Église et la vie chrétienne, ou encore sur le changement comme dimension de l’Église. La partie E contient les commentaires écrits par Rahner sur des documents conciliaires. À part les introductions et commentaires que Rahner a rédigés pour son « Kleines Konzilskompendium », cette édition des documents conciliaires rééditée déjà 35 fois à ce jour, on trouve ici un commentaire sur Lumen Gentium et un autre, très court, sur Gaudium et Spes 32. La partie F réunit des conférences et articles postconciliaires, à commencer par sa fameuse conférence de Munich « Das Konzil — ein neuer Beginn ». Rien que les titres de ces contributions (qui portent sur des sujets conciliaires tels que le peuple de Dieu, la théologie postconciliaire, la présence du Christ, le christianisme « implicite », mais aussi sur l’herméneutique conciliaire au sens propre) indiquent des tâches théologiques qui restent d’actualité.

Cette édition est désormais incontournable pour comprendre des enjeux majeurs de la contribution germanophone à Vatican II, à sa réception et à son herméneutique. Considéré à partir de l’ensemble des « Oeuvres complètes », on peut se demander si le problème de la théologie rahnérienne dans le contexte contemporain est vraiment son oubli. Le problème semble plutôt être de situer la place des différentes prises de positions de Rahner dans l’ensemble de sa pensée (et ceci est bien entendu également vrai pour les autres « grands théologiens » de Vatican II). Vu le rôle de Vatican II pour la théologie contemporaine, les contributions rahnériennes sur Vatican II peuvent être, au-delà des questions qui touchent plus directement le Concile, une porte d’entrée dans sa théologie qu’il faut certes comprendre dans son contexte, mais qui a tellement marqué la théologie et l’Église germanophones qu’elle reste une source d’inspiration majeure. Ainsi, on ne parvient pas à une lecture du Concile à partir de tel ou tel théologien, mais de tel ou tel théologien à partir du Concile. Rahner, pour qui le « sentire cum Ecclesia » était une évidence, ne s’opposerait sans doute pas à cette perspective.

Michael Quisinsky

7. Joseph Ratzinger, Zur Lehre des Zweiten Vatikanischen Konzils. Formulierung - Vermittlung - Deutung. Freiburg, Verlag Herder GmbH (coll. « Joseph Ratzinger Gesammelte Schriften », 7, 1 et 2), 2012, 1 256 p.

Tout naturellement, les plus jeunes théologiens du Concile sont ceux qui ont accompagné par la suite sa réception, ainsi que l’élaboration de son historiographie et de son herméneutique. Dans le cas de Joseph Ratzinger, ses ministères successifs — archevêque de Munich, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et pape — ne peuvent qu’augmenter l’intérêt qu’on doit porter envers ses différentes contributions et prises de position. C’est à l’Institut Papst Benedikt XVI, à Regensburg, que l’on doit la publication de ces volumes précieux et exemplaires au niveau de l’édition. On peut saluer en particulier une note des éditeurs situant les textes dans leur contexte d’origine ou de publication (p. 1 202-1 223). Vu la richesse théologique, la signification historique et la portée pastorale des textes rassemblés dans ces deux volumes, on ne peut qu’évoquer, dans le cadre d’une recension, les sujets abordés dans ces textes partiellement inédits. Ceci ne peut pas remplacer une évaluation théologique, historique et pastorale de ces mêmes textes, et ne constitue qu’une invitation à une telle évaluation.

Dans le premier volume, on trouve tout d’abord des textes en rapport avec la situation à la veille du concile Vatican II. Non sans signification pour la pensée de Joseph Ratzinger, le volume commence ainsi — dans une partie A — avec une présentation des traits caractéristiques du renouveau eucharistique au xxe siècle, avant de continuer avec une mise en perspective du Concile à venir avec les pensées du monde moderne, et avec une élaboration d’une théologie du Concile. Une partie B reprend des textes issus de la collaboration de Joseph Ratzinger à l’élaboration des documents conciliaires. On y trouve également les préparatifs des interventions du cardinal Joseph Frings, dont Ratzinger était l’expert. Une partie C rassemble les publications contemporaines de Ratzinger qui ont accompagné les travaux conciliaires et qui reflètent ses positions théologiques pendant le Concile. L’impossibilité de résumer ces nombreuses prises de positions réside dans le fait que Ratzinger s’exprime à propos d’un grand nombre de sujets auxquels le Concile s’est consacré, ce qui renvoie d’ailleurs aussi à la cohérence interne de la théologie de Ratzinger. À côté des publications très connues — notamment ses résumés des différentes sessions conciliaires —, on trouve aussi quelques textes moins facilement accessibles jusqu’ici. La partie D est consacrée à la collaboration avec le cardinal Frings et comporte des textes dans lesquels Ratzinger thématise cette collaboration.

Dans le deuxième volume, on trouve d’abord une partie E qui rassemble les commentaires que Joseph Ratzinger a écrits au sujet des différents documents conciliaires dans le supplément Vatican II du « Lexikon für Theologie und Kirche » (1966-1968). Il s’agit là de commentaires qui ont largement influencé l’interprétation du Concile pour avoir été consultés pendant de longues années par des pasteurs et des professeurs. Ensuite, dans une partie F, les contributions sur la réception montrent à quel point Ratzinger a accompagné l’évolution théologique et pastorale après Vatican II. Si le sujet « Église et monde » est clairement au centre de l’intérêt, il est surtout l’occasion pour Ratzinger d’approfondir les questions théo-logiques au sens propre du terme. Il n’est pas étonnant que de plus en plus d’homélies et d’entretiens soient documentés, si l’on prend en considération les responsabilités de Ratzinger depuis sa nomination comme archevêque de Munich et Freising après la mort prématurée du cardinal Döpfner, qui fut l’un des modérateurs du Concile et la figure principale de la première réception de Vatican II en Allemagne. Une dernière partie E contient des préfaces de Ratzinger à des ouvrages d’autres théologiens. Il s’agit là d’une sorte de dialogue théologique qui est d’autant plus intéressant que la théologie de Ratzinger est marquée par la cohérence qu’on vient de diagnostiquer.

Bien entendu, la cohérence ne signifie pas l’immobilisme. Comme tous les théologiens, Ratzinger réfléchit à des questions qui se posent à un moment donné et dans un contexte particulier. Il n’est donc pas surprenant que telle ou telle accentuation se modifie au fil des ans. En ce sens, les deux volumes permettront dans l’avenir de situer historiquement les prises de position théologiques de Joseph Ratzinger/Benoît XVI. Ils permettront aussi d’expliquer certaines formulations qui sont nécessairement courtes, parce que le genre littéraire le demande. C’est par exemple le cas d’homélies, d’interviews et de préfaces. Ainsi, dans sa préface au premier volume (signée uniquement « Benedikt XVI » et non pas « Joseph Ratzinger », comme indiqué pour l’auteur de l’ouvrage, ou « Joseph Ratzinger/Benedikt XVI », pour la trilogie sur Jésus [p. 9]), le pape juge que malgré ses points positifs, la Constitution pastorale n’aurait pas réussi à « définir plus exactement ce qui est essentiel et constitutif pour les temps modernes » (p. 6). Certes, déjà dans la préface même, le pape situe ce jugement dans un contexte herméneutique plus large — notamment en ajoutant que cette « rencontre avec les grands sujets des temps modernes » (p. 7) aurait eu lieu dans d’autres documents conciliaires tels que DH et NA. Mais comme le montre cette préface de manière exemplaire, au-delà de cette rencontre, les nombreuses prises de position ratzingériennes concernant GS et la discussion dont celles-ci font partie permettent de mesurer plus exactement l’impact et la portée de ces jugements et de leur contexte. Ainsi, le pape lui-même considère les textes rassemblés dans ces deux volumes comme des « prises de parole fragmentaires qui reflètent le processus d’apprentissage que représentait et représente le Concile et sa réception pour moi » (p. 9). Dans ce sens, ces prises de position invitent les lecteurs à se mettre à l’apprentissage, eux aussi, de cette « école du Saint Esprit » (p. 8) qu’a été le Concile.

Michael Quisinsky

Instruments de travail

8. Leo Declerck, Inventaire des archives personnelles du cardinal J. Willebrands. Secrétaire (1960-1969) et Président (1969-1989) du Secrétariat pour l’Unité des chrétiens. Archevêque d’Utrecht (1975-1983). Avec une introduction de K. Schelkens. Leuven, Peeters Publishers (coll. « Instrumenta Theologica », 35), 2013, 495 p.

Nous avions salué dans ces pages la publication, en 2009, des Agendas conciliaires de Mgr J. Willebrands, Secrétaire du Secrétariat pour l’Unité des chrétiens et, la même année, du Diary of J.G.M. Willebrands 1958-1961. À la suite de ces deux publications importantes pour les études en oecuménisme, L. Declerck met entre les mains des chercheurs dans ce domaine un instrument de travail incomparable, l’Inventaire des archives personnelles du cardinal J. Willebrands. Inutile de reprendre ici ce que nous avons dit sur l’importance du cardinal Willebrands pour toutes les études en matière d’oecuménisme. Ce fonds d’archives est indiscutablement un trésor et couvre une période capitale pour la participation de l’Église catholique au mouvement oecuménique, engagement que l’on peut suivre à travers un acteur de premier plan. Cet impressionnant inventaire (près de 500 pages où sont inventoriés 380 dossiers) couvre une période qui s’étend de ses études théologiques entreprises en 1934 jusqu’à sa mort en 2006. Comme le souligne L. Declerck, qui fait une présentation précise de son contenu (p. 21-31), ce fonds ne contient toutefois qu’une partie des archives Willebrands, les parties les plus importantes ayant été déposées soit à Chevetogne, pour ce qui regarde la Conférence catholique pour les questions oecuméniques, soit à l’Archivio Segreto Vaticano pour la partie se rapportant à son activité au Secrétariat pour l’Unité, soit à l’archevêché d’Utrecht pour ce qui a trait à ses activités à titre d’archevêque de ce diocèse. Ceci dit, une première consultation de cet inventaire nous indique à quel point ce fonds est important pour l’examen de diverses questions, allant des apparitions de la Dame de tous les peuples à Amsterdam en 1955 à la lettre Dominus Iesus, en passant par la situation de l’Église aux Pays-Bas. Certes, au coeur de ces archives, demeure bien sûr au premier rang la question oecuménique — avant, pendant et après Vatican II — et, si de nombreux papiers de Willebrands se trouvent dans d’autres fonds, celui-ci n’en est pas dépourvu, loin de là, si on considère la présentation que nous en donne L. Declerck. On retrouve notamment les papiers se rapportant à sa présidence de la Sint Willibrordvereniging et, par la suite, à la préparation du Concile. Un événement se détache ici : ses contacts et voyages en vue d’obtenir la participation d’observateurs non catholiques parmi lesquels il faut placer l’« affaire de Rodhes » en 1959. Vient enfin la période conciliaire avec comme climax peut-être le voyage historique de Paul VI en Terre Sainte en 1963. Au cours de la période postconciliaire, on trouve beaucoup de papiers intéressants relatifs aux relations entre l’Église catholique et les autres confessions chrétiennes, l’Église anglicane, l’orthodoxie russe et les autres Églises orthodoxes, etc. À cela il faut ajouter les rapports avec le COE, dont le rapport du Joint Working Group et les rapports avec le monde juif dont il était chargé. En somme, un fonds riche et diversifié qui éclairera plusieurs questions se rapportant à l’histoire du catholicisme contemporain.

Sur le plan formel, l’inventaire est réalisé par quelqu’un qui a acquis une grande expérience dans ce domaine, et qui a en outre une connaissance étendue du concile Vatican II, de la théologie et de la vie ecclésiale en Belgique et aux Pays-Bas durant la deuxième moitié du xxe siècle. Il s’agit donc d’un travail précis, soigné et rigoureux qu’il faut saluer.

La publication de cet inventaire nous permet d’espérer prochainement la biographie de J. Willebrands mise en chantier par K. Schelkens, qui signe l’introduction de cet inventaire.

Gilles Routhier

9. Philippe J. Roy, Bibliographie du concile Vatican II. Préface de Jean-Dominique Durand. Città del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana (coll. « Atti e Documenti », 34), 2012, 482 p.

J’ai toujours pensé que constituer une bibliographie sur Vatican II était mission impossible tant la littérature sur le Concile est variée et abondante, si bien qu’il devient quasi impossible de la dominer et de la maîtriser. Malgré tout, Philippe Roy, jeune chercheur, auteur d’une thèse remarquable sur le Coetus Internationalis Patrum, a affronté ce défi, encouragé par le Comité pontifical des sciences historiques et son président, Mgr Bernard Ardura. Je dois avouer que le résultat est impressionnant et, surtout, très utile. Certes, la bibliographie n’est pas exhaustive, l’auteur en convient et le répète dans son introduction, cela aurait été d’ailleurs impossible, et il lui a souvent fallu faire des choix entre des publications importantes et d’autres sans valeur.

Cette bibliographie, qui comprend 4 183 entrées, n’est pas simplement une liste alphabétique des publications sur Vatican II. Il s’agit d’une bibliographie raisonnée et d’un travail obéissant à une systématique d’ensemble qui permet au chercheur de s’orienter dans cette jungle foisonnante des études sur Vatican II. Ainsi, les entrées sont réparties en six grands chapitres : les instruments de travail, les sources imprimées, l’histoire du Concile, les auteurs ou protagonistes du Concile, les études sur les documents conciliaires et, enfin, la réception de Vatican II. Chacune de ces sections est naturellement subdivisée en plusieurs sous-sections.

Cette bibliographie qualifiée de « massive » et d’« alluviale » par le professeur Jean-Dominique Durand, qui en assure la préface, fait droit principalement aux publications dans les grandes langues dans lesquelles sont publiées les recherches sur Vatican II : l’italien, le français et l’anglais, tout en faisant une bonne place aux recherches conduites dans d’autres langues, notamment l’allemand, le néerlandais et, dans une moindre mesure, l’espagnol et le portugais.

On ne pourrait imaginer un tel ouvrage sans un index onomastique (p. 437-467). Celui qui nous est offert ici renvoie non seulement aux auteurs, mais également aux études consacrées à un auteur (par exemple celles qui portent sur Paul VI ou sur un autre protagoniste).

Il faut souligner la qualité exceptionnelle de cette édition réalisée sous le patronage du Comité pontifical des sciences historiques et réalisée par la Liberia Editrice Vaticana. Il s’agit d’un volume qui se distingue réellement, que ce soit par sa typographie, sa mise en page, sa reliure, la qualité du papier, etc.

Philippe Roy se propose de compléter et de mettre à jour cette bibliographie « après la commémoration du cinquantenaire de la conclusion du Concile en 2015 ». Je souhaite pour ma part qu’un tel instrument soit mis en ligne de manière à en permettre plus facilement la mise à jour continue. Le site web du Comité pontifical des sciences historiques, ou un autre site web universitaire, pourrait héberger une telle bibliographie. Dès à présent cependant, il faut souhaiter que cet instrument de travail incomparable soit connu et diffusé et serve aux chercheurs, en particulier aux étudiants, qui entreprennent des travaux sur Vatican II.

Cette bibliographie, fruit de quelques années de travail de la part de son auteur, nous fait toucher la qualité, l’étendue et la profondeur de son travail et nous ne pouvons que souhaiter voir la publication prochaine de sa thèse.

Gilles Routhier

Ouvrages collectifs et Actes de colloques

10. Mariano Delgado, Michael Sievernich, dir., Die großen Metaphern des Zweiten Vatikanischen Konzils. Ihre Bedeutung für heute. Freiburg, Verlag Herder GmbH, 2013, 456 p.

Quelle lecture de Vatican II aujourd’hui ? Quel rapport entre cette lecture (ou ces lectures) et celles qui ont marqué les étapes de sa réception ? Quel rapport entre notre compréhension de Vatican II et les tâches de l’Église aujourd’hui ? Ce ne sont que quelques-unes des questions auxquelles ce volume tout à fait original peut apporter des réponses.

Plus exactement, l’originalité de ce volume réside dans trois faits. Premièrement, c’est l’usage de la notion de « métaphore », explicitée par les auteurs (p. 24 et suiv.), dans son application au Concile ainsi qu’à ses énoncés. Cette notion peut combiner deux approches qui risquent parfois d’être opposées : celle partant des documents conciliaires et celle partant d’une compréhension globale des grandes intentions et intuitions de ces mêmes documents, mais aussi de leur genèse et de leurs implications. Deuxièmement, l’originalité de ce volume permet de dépasser certaines impasses au niveau de l’herméneutique conciliaire. Dans ce sens, les auteurs proposent une « herméneutique de l’évangélisation » (p. 29-31), prolongeant ainsi la proposition de Benoît XVI visant à comprendre Vatican II dans le cadre d’une « herméneutique de la réforme ». Troisièmement, les auteurs évoquent le nouveau pontificat du pape François qui incite l’Église à aller aux périphéries (p. 29, voir aussi p. 31 et suiv.). Une fois que les différentes manifestations autour du cinquantième anniversaire de Vatican II s’achèveront en 2015, le paradigme « d’une évangélisation “diaconique” » inauguré par François peut mener, selon les éditeurs, à un « nouveau début de la réception conciliaire » mettant l’accent sur les « dimensions oecuméniques et interculturelles ainsi que sur celle du dialogue entre les religions » (p. 9). D’ailleurs, il s’agit là d’un véritable défi : faire en sorte que les commémorations du cinquantième anniversaire ne mènent pas à un essoufflement des recherches sur Vatican II, mais à un nouvel élan.

Si le choix de notions, d’auteurs, d’exemples est toujours difficile, on peut dire d’emblée que le choix des « métaphores » pour ce volume est très réussi. Il s’agit en effet de notions que l’on rencontre très fréquemment dans les discussions et publications sur Vatican II, et rien que pour cela il est utile de les analyser de près dans un recueil. Plus encore, cette vue d’ensemble permet, notamment aux jeunes théologiens, de se familiariser avec les intentions du Concile en se basant sur sa lettre, sans pour autant négliger ce qu’on peut appeler son esprit — bien entendu, l’approche même du livre rend impossible toute opposition entre les deux, mais renvoie au caractère pour ainsi dire pentecôtal de cet esprit, dans la ligne de Jean XXIII qui souhaitait que Vatican II soit une « nouvelle Pentecôte ». Dans un premier temps, quelques métaphores-clés pour l’herméneutique conciliaire sont analysées : la « pastoralité » (Michael Sievernich), l’« aggiornamento » (Michael Bredeck), le « dialogue » (Peter Walter), les « signes des temps » (Hans Waldenfels) et la « hiérarchie des vérités » (Markus Enders). Dans un deuxième temps, et dans un rapprochement très heureux entre « Église et liturgie » (ainsi se formule le titre), on trouve les métaphores « sacrement du salut » (Jan-Heiner Tück), « peuple de Dieu » (Eva-Maria Faber), « unité collégiale » (Santiago Madrigal), « Église des pauvres » (Margit Eckholt), « Mère du Christ et Mère de l’Église » (Mgr Gerhard Ludwig Müller), « participatio actuosa » (Benedikt Kranemann). Dans un troisième temps, « Monde et culture » sont en outre examinés à travers les métaphores suivantes : « l’enrichissement de l’Église et des cultures différentes » (Robert Schreiter), « l’autonomie des réalités terrestres » (Ingeborg Gabriel), mais aussi à travers des réflexions « méta-métaphoriques » au sujet de l’athéisme (Benedikt Gilich et Gregor Maria Hoff), du mariage (Christoph Kaiser), de la paix (Heinz-Gerhard Justenhoven) et de l’éducation (Werner Simon). Finalement, une quatrième partie réunit des études sur l’évangélisation (Kurt cardinal Koch), la théologie des religions (Franz-Gmainer Pranzl), et la liberté religieuse (Roman A. Siebenrock). La contribution de Gustavo Gutiérrez sur la spiritualité de l’événement conciliaire met en rapport Vatican II et la parabole du samaritain (Lc 10,29-37), en se référant au document final de la réunion de l’épiscopat latino-américain à Aparecida en 2007.

Mariano Delgado conclut le recueil avec une réflexion sur la « famille humaine », non sans évoquer dès le titre de sa contribution la « mystique du Concile ». Comme Gutiérrez, il démontre par là même qu’une « herméneutique de l’évangélisation » réunit les dimensions théologiques et pastorales, spirituelles et ecclésiales, historiques et anthropologiques, bref : un ensemble de dimensions qui font de la vie chrétienne dans le monde de ce temps un véritable « habitus », pour lequel Vatican II, renvoyant ainsi à l’Évangile, est une « boussole ».

Michael Quisinsky

11. Philipp Thull, dir., Ermutigung zum Aufbruch. Eine kritische Bilanz des Zweiten Vatikanischen Konzils. Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2013, 188 p.

Ce recueil a pour but d’introduire aux documents de Vatican II, ainsi que d’en dévoiler le potentiel dans la situation contemporaine. Des théologiens et acteurs ecclésiaux de renom ont rédigé les contributions relativement courtes, mais denses et de grande qualité. Puisqu’il est impossible de résumer toutes les contributions — dont on aurait pu montrer un peu plus en détail le dénominateur commun, par exemple dans une introduction ou un chapitre récapitulatif —, contentons-nous d’en présenter trois. Premièrement, la contribution de Joachim Theis a le mérite de sensibiliser au rôle de Vatican II dans la pédagogie religieuse. S’il s’agit là, me semble-t-il, d’une dimension assez peu présente dans les discussions contemporaines en pédagogie religieuse, Theis parvient à esquisser de manière convaincante comment, tant au niveau du contenu qu’au niveau de la méthode, Vatican II et sa réception peuvent inspirer les réflexions dans ce champ de réflexion et de pratique. Deuxièmement, la contribution de Peter Knauer présente des énoncés de Vatican II dont « la portée n’est encore que très peu saisie » (p. 138). Il démontre par là qu’une lecture de l’ensemble des documents conciliaires reste une source d’inspiration pour l’Église et pour la théologie, au-delà des sentiers battus. Troisièmement, la contribution finale de Gisbert Greshake, intitulée « souvenirs personnels et commentaires subjectifs » combine l’approche du « témoignage » (Zeitzeugenbericht) et l’analyse du théologien systématique. Elle est exemplaire d’un certain intérêt, devenu manifeste ces dernières années, pour le dialogue intergénérationnel autour de Vatican II. En même temps, elle démontre que la réception de Vatican II ne se fait pas et ne se fera pas sans interférences avec les biographies de chrétiennes et de chrétiens « dans le monde de ce temps ».

Michael Quisinsky

12. Jürgen Bärsch, Winfried Haunerland, dir., Liturgiereform und Bistum. Gottesdienstliche Erneuerung nach dem Zweiten Vatikanischen Konzil. Regensburg, Verlag Friedrich Pustet (coll. « Studien zur Pastoralliturgie », 36), 2013, 584 p.

Ce n’est pas la première fois que Jürgen Bärsch et Winfried Haunerland animent et coéditent des recherches sur la réforme liturgique autour de Vatican II. Après la lecture de ce recueil très riche, on ne peut que féliciter les éditeurs pour leurs activités, marquées par une vue d’ensemble qui est le fruit des différentes étapes entreprises dans le cadre de leurs recherches communes. Cette vue d’ensemble mène à des recherches détaillées d’autant plus instructives qu’elles réussissent à lier les discussions théologiques au Concile et au-delà, mais aussi à la vie ecclésiale sur le terrain. Dans ce volume, qui prend le relais d’un recueil d’études sur la réforme liturgique au niveau paroissial[2], 15 contributions très poussées examinent la réforme liturgique au niveau diocésain. Vu le rôle attribué par Vatican II aux évêques, et par là aux diocèses ou aux Églises locales, cette perspective, sans pouvoir être exclusive (car il ne faut pas non plus oublier, d’une part, les rapports existant entre Églises locales et Église universelle, et d’autre part, le rôle des communautés paroissiales et eucharistiques dans le cadre d’une ecclésiologie eucharistique), mérite toute l’attention des chercheurs sur Vatican II et sa réception, au-delà des spécialistes de la liturgie. Dix contributions se consacrent à des diocèses allemands, deux autres traitent respectivement d’un diocèse suisse (Bâle) et autrichien (Gurk), tandis que trois autres études élargissent l’horizon en présentant respectivement les Pays-Bas (à travers l’exemple du diocèse de Roermond), la Pologne et le Chili.

La dimension « comparative » qui marque le volume est des plus instructives pour la compréhension des dynamiques à l’oeuvre lors de la réforme liturgique et de l’interférence entre ces différentes dynamiques. Les conclusions des différentes contributions, et qui peuvent différer selon les auteurs et les diocèses, sont ainsi situées dans un contexte plus grand, ce qui permet d’en saisir la dimension fondamentale sans majorer ou minimiser des aspects concrets. Certes, à l’heure actuelle, cet aspect « comparatif », et que l’on pourrait étendre de manière systématique — par exemple à une comparaison plus poussée entre des espaces linguistiques, à l’instar des espaces francophones et germanophones, mais aussi à une prise en considération plus profonde des « jeunes Églises » —, interdit toute conclusion définitive et montre plutôt la nécessité d’un grand nombre de recherches portant sur les différents niveaux de la vie ecclésiale — ceci d’autant plus que la réforme liturgique est, comme le dit Stephan Wahle, « un “projet” qui ne se limite pas à une génération, mais qui perdure jusqu’à aujourd’hui, et dont la réalisation se fait dans un processus permanent » (p. 160).

En ce sens, la contribution de Winfried Haunerland, à la fin de ce recueil, a le mérite inestimable de dégager les grandes lignes des différentes contributions, mais surtout, à partir des observations faites au fil de la lecture, de présenter un grand nombre de questions et de pistes de recherches pour aujourd’hui, au moment où les études sur la réforme liturgique représentent un chapitre capital de la réception de Vatican II. Qu’il suffise de mentionner les deux thèses avec lesquelles Haunerland termine sa conclusion : premièrement, la réforme liturgique aurait surtout mis l’accent sur la participatio actuosa, ce qui constitue selon lui un principe ecclésiologique de la réforme. Deuxièmement, le principe christologique et sotériologique de la liturgie, à savoir l’histoire du salut et notamment le mysterium paschale, n’aurait pas été reçu avec la même intensité. Ce diagnostic invite les liturgistes de concert avec les représentants des autres disciplines théologiques, mais aussi les acteurs de la vie ecclésiale à tous les niveaux, à inscrire les recherches futures sur l’oeuvre liturgique de Vatican II dans une vue d’ensemble historique, systématique et pastorale. C’est ainsi que le caractère de la liturgie comme « sommet et source de la vie de l’Église » se reflétera le mieux dans la théologie qui s’y consacre et dont on reconnaîtra ainsi au mieux le caractère ecclésial.

Michael Quisinsky

13. Jörg Ernesti, Leonhard Hell, Günter Kruck, dir., Selbstbesinnung und Öffnung für die Moderne. 50 Jahre II. Vatikanisches Konzil. Paderborn, Ferdinand Schöningh Verlag, 2013, 143 p.

Dans l’espace germanophone, le cinquantième anniversaire de Vatican II a mené à un grand nombre de manifestations, conférences et publications autour du Concile. Ainsi, au fur et à mesure, Vatican II est pour ainsi dire devenu un sujet d’actualité dans l’ensemble de la théologie germanophone. Beaucoup de théologiennes et de théologiens spécialisés dans des domaines les plus divers de la théologie se sont initiés à l’herméneutique conciliaire et enrichissent désormais les débats avec des perspectives nouvelles. Dans ce sens, les organisateurs d’un colloque tenu à Frankfurt en 2012, tout en montrant leur gratitude pour les « spécialistes » de Vatican II, ont tenu à inviter surtout des théologiens qui jusqu’ici n’ont pas beaucoup travaillé sur Vatican II (p. 7). Avec la publication des actes de ce colloque, on dispose désormais d’un recueil contenant un certain nombre de nouvelles perspectives sur Vatican II, son herméneutique et sa réception. Ainsi, cette publication témoigne de la manière dont les recherches sur Vatican II sont perçues et prolongées par leur mise en contexte dans l’ensemble de la théologie germanophone. Certes, « la » théologie germanophone ne peut être représentée qu’à travers quelques exemples dans le cadre d’un colloque, mais ces quelques exemples permettent malgré tout d’élargir l’horizon et d’ouvrir de nouvelles perspectives au-delà des exemples contenus dans ce recueil.

Jörg Ernesti ouvre le recueil avec une étude sur les papes Jean XXIII et Paul VI en examinant de plus près leur rapport à la « Modernité ». Dans sa contribution sur la réforme liturgique après Vatican II, Alexander Zerfass démontre à la fois que celle-ci a ses racines bien avant Vatican II et qu’elle ne peut pas tout simplement être considérée comme terminée : ainsi, à la fin de sa contribution, Zerfass illustre la manière dont on pourrait mener une discussion « constructive et qui mène plus loin » (p. 43), notamment en intégrant l’ensemble des enjeux en question dans la discussion. La contribution de Leonhard Hell et de Benjamin Dahlke met en exergue une lecture transversale de Lumen Gentium, Unitatis Redintegratio et Dei Verbum et constate une « sortie des impasses de l’apologétique » (p. 47). Pour que les opportunités rendues possibles par cette « sortie » puissent être saisies de manière responsable, constructive et prospective, les auteurs plaident pour une collaboration plus étroite entre les recherches systématiques et historiques sur le Concile, ces dernières étant considérées comme insuffisantes dans l’espace germanophone (p. 60). Günter Kruck participe à l’herméneutique de Dignitatis Humanae et Nostra Aetate avec des réflexions philosophico-théologiques. Vu le rôle des théologiens américains et français dans l’élaboration de Dignitatis Humanae, on lira ici notamment avec intérêt les paragraphes consacrés aux pensées de Karl Marx et d’Emmanuel Kant. Dans sa contribution sur l’Église et son rapport au peuple juif, Maria Neubrand décrit la genèse difficile de Nostra Aetate et sa réception. Elle plaide pour une « nouvelle théologie d’Israël ». Ce faisant, elle montre comment le Concile l’a rendu possible et même nécessaire. Martin M. Lintner personnifie le débat entre continuité et discontinuité avec son analyse de la doctrine morale de Vatican II et de sa réception, et plus exactement de la doctrine sur le mariage et la famille. Ce faisant, il inscrit les discussions à ce propos — et avec elles le Concile tout entier — dans une vue globale, considérant des aspects philosophiques aussi bien que des aspects canoniques, historiques et autres. C’est l’évêque du lieu, Franz-Peter Tebartz-van Elst, qui conclut le recueil en proposant une lecture de Gaudium et Spes dans une perspective de « sacramentalité ». Là encore, on perçoit l’intérêt d’une lecture « transversale » des documents conciliaires.

Michael Quisinsky

14. Guy Bedouelle, Mariano Delgado, dir., La réception du Concile Vatican II par les théologiens suisses. Die Rezeption des II. Vaticanums durch Schweizer Theologen. Fribourg, Academic Press Fribourg (coll. « Studia Friburgensia », série « Historica », 7), 2011, 240 p.

Petit pays, la Suisse n’en compte pas moins plusieurs théologiens importants au xxe siècle, dont plusieurs eurent une grande influence au moment de Vatican II ou de sa réception. Que l’on pense à H. Küng, K. Barth, O. Cullmann, C. Journet, H.U. von Balthasar, etc. Aussi, il importait que cette contribution soit valorisée et étudiée de manière plus approfondie. Certes, l’historien V. Conzemius (« Die Schweizer Kirche und das II. Vatikanische Konzil », dans K. Wittstadt, dir., Der Beitrag der deutschsprachigen und osteuropäischen Länder zum Zweiten Vatikanischen Konzil, Leuven, Bibliotheek van de Faculteit Godgeleerdheid, 1996, p. 87-108) avait déjà fourni un premier aperçu de l’apport de l’Église suisse à Vatican II, mais cette première ébauche méritait d’être complétée.

Le présent ouvrage, fruit d’un colloque tenu à l’Université de Fribourg, permet de combler cette lacune. Plusieurs chapitres sont consacrés aux grandes figures énumérées plus haut. Certes, tous n’ont pas participé au Concile. Ainsi, K. Barth, qui a suivi de près le Concile, ne se rendit à Rome que post festum, sa santé l’empêchant de répondre positivement à l’invitation à y participer à titre d’observateur que lui adressa le Secrétariat pour l’Unité des chrétiens. Néanmoins, il s’y intéressa de près et son ombre plana en quelque sorte sur Vatican II. Pour sa part, H.U. von Balthasar suivit le Concile de manière beaucoup plus détachée et éloignée en ces années où cet ex-jésuite, récemment incardiné au diocèse de Coire, se consacrait à la rédaction de ses grandes oeuvres. Du reste, il n’avait pas montré beaucoup d’enthousiasme, d’empressement et de conviction au moment de sa phase préparatoire, alors que J. Döpfner avait sollicité son avis. N’ayant pas participé au Concile, celui-ci n’avait pas d’attente particulière à son égard. Comme il l’écrira en 2002, « le Concile [Vatican II] […] a été à mon avis, trop, infiniment trop prolixe […]. Il s’y trouve bien des éléments disparates, de très nombreuses répétitions, quantité de choses divergentes, certaines magnifiques ; mais il y a aussi du dilettantisme, notamment dans Gaudium et spes. Qu’est-ce qui peut donc être sujet à réception ? Je pense que ce qui est vraiment fondamental, ce qui s’impose, par exemple Dei verbum, a été reçu par la théologie, de même que l’essentiel de Lumen gentium[3] ».

Si Balthasar s’intéressa peu au Concile, le jugeant de loin et de haut, il jouera cependant un rôle de premier plan au cours de sa réception, d’abord par ses publications successives, notamment, en 1967, son ouvrage Cordula ou l’épreuve décisive, puis, en 1974, Le complexe antiromain, etc. Appelé à la Commission théologique internationale en 1969, il y rencontre H. de Lubac, L. Bouyer, J. Le Guillou et J. Ratzinger avec qui il se liera et avec qui, dans le cadre d’une session de cette Commission, il planifiera la création d’une revue dont le but sera de rectifier une fausse interprétation du Concile.

De son côté, H. Küng connut un parcours exactement inverse. Au centre du jeu au moment du Concile, même s’il ne fut jamais peritus au Concile, il se marginalisa de plus en plus au cours de la période postconciliaire. En effet, si son activité éditoriale et médiatique s’accrut, sa capacité d’influence dans l’Église catholique décrut sensiblement. Ces parcours à sens inverse ne sont pas sans nous faire réfléchir sur le fonctionnement complexe et original de l’Église catholique.

On pourrait continuer ainsi à faire le tour des contributions de cet ouvrage intéressant en soulignant par exemple les contributions au Concile du cardinal Journet ou du P. de Riedmatten, que ce soit au moment du Concile ou après celui-ci. La contribution d’O. Cullmann, invité comme observateur par le Secrétariat pour l’Unité des chrétiens, ou celle de Lukas Vischer pour le Conseil oecuménique des Églises sont elles aussi très importantes. Toutefois, il nous a semblé qu’il manquait une contribution à ce volume, celle sur la Fraternité St-Pie X installée à Écône et dont Mgr Charrière, évêque de Genève-Lausanne-Fribourg, a approuvé les statuts en 1970 avant qu’ils ne lui fussent retirés en 1975. Peut-on parler de la réception de Vatican II par les théologiens suisses, sans parler de ce développement ? Certes, Mgr Lefebvre n’est pas un théologien suisse, mais il est difficile de faire l’impasse sur ce développement postconciliaire en Suisse qui affecta toute l’Église catholique.

Ce bref panorama nous montre la complexité de ce petit pays : la dimension oecuménique y est très présente, les positions théologiques y sont fortes, parfois contrastées, divergentes et opposées. Témoignant de cette complexité, les contributions de l’ouvrage sont aussi bien rédigées en français qu’en allemand. Ce livre trace un sillon et donnera peut-être l’idée à d’autres pays de réfléchir à leur contribution au concile Vatican II et à sa réception.

Gilles Routhier

15. Silvia Scatena, dir., 1962-2012 : la storia dopo la Storia ? Contributi e prospettive degli studi sul Vaticano II dieci anni dopo la Storia del concilio. Bologna, Cristianesimo nella storia, 34, 1 (2013), 460 p.

La revue Cristianesimo nella storia présente un numéro monographique sur l’histoire de Vatican II après L’Histoire, celle réalisée sous la direction de G. Alberigo. Cette publication spécialement consacrée aux nouvelles tendances en matière d’historiographie de Vatican II rassemble, pour une part, des contributions consacrées aux sources : les sources audio, dont F. Ruozzi, auteur d’une thèse sur le sujet, nous démontre l’utilité pour l’étude de Vatican II à partir de la séance du 13 octobre 1962, l’archivio du Concile, dont l’archiviste P. Doria s’avère un collaborateur ouvert, et les pièces manquantes dans les Acta synodalia. D’autres contributions sont consacrées à des protagonistes dont le rôle a été mis en lumière par la recherche récente : les évêques allemands ou italiens, les periti canadiens, H. de Lubac, E. Tisserant, L. Vischer, ou encore P. Gauthier. Ces diverses contributions indiquent bien que la recherche qui se poursuit continue d’apporter des éclairages nouveaux sur le Concile. Comme le soulignait M. Lamberigts au cours de sa participation à la table ronde, on peut penser que, dans ses lignes directrices, L’Histoire de Vatican II ne connaîtra pas de changements appréciables, bien que, sur des questions particulières, de nouvelles informations, fruits d’études à partir de nouvelles sources, pourront apporter des éclairages nouveaux. D’autres contributions s’intéressent pour leur part à des groupes : la Commission sur la liturgie au cours de la phase préparatoire ou la communauté de Taizé, etc.

Un quatrième ensemble touche précisément la question de l’historiographie. M. Faggioli ouvre ce fascicule en offrant une étude panoramique des tendances actuelles dans les études sur Vatican II où l’auteur identifie deux pôles, celui des chercheurs et le monde romain. Au cours de la table ronde, J.W. O’Malley, plutôt que d’opposer ces deux pôles, parlera de la légitimité d’une interprétation historique, théologique et institutionnelle du Concile. Par ailleurs, l’ensemble se conclut par une table ronde, constituée d’historiens et de théologiens, sur les perspectives et les nouvelles voies dans les études sur Vatican II. Un plaidoyer revient constamment : le retour aux sources avec tout le travail que cela suppose : leur accessibilité, leur publication, leur mise en valeur, etc.

Cette étude monographique montre à l’évidence que la recherche sur Vatican II est toujours vivante et que, loin d’être répétitive, elle permet d’explorer de nouvelles questions à partir de nouvelles sources ou de nouvelles problématiques.

Gilles Routhier

16. Papst Benedikt XVI. und sein Schülerkreis, Kurt Kardinal Koch, Das Zweite Vatikanische Konzil. Die Hermeneutik der Reform. Augsburg, Sankt Ulrich Verlag GmbH ; Roma, Libreria Editrice Vaticana, 2012, 160 p.

Le professeur Joseph Ratzinger et le cercle de ses disciples (Schülerkreis) se retrouvent une fois par année pour un colloque scientifique. En 2010, le sujet débattu était l’herméneutique de Vatican II. Le discours du professeur Ratzinger, devenu le pape Benoît XVI, à la Curie romaine à l’occasion de la présentation des voeux de Noël, le 22 décembre 2005, fait figure de préface (p. 9-19). C’est donc tout naturellement que l’on peut lire les contributions et discussions documentées dans ce livre comme une analyse et un commentaire de ce discours qui retrace les lignes générales de l’herméneutique conciliaire selon Benoît XVI. Ce n’est cependant pas ce discours en tant que tel qui est le point de départ des discussions, mais deux exposés du cardinal Kurt Koch, président du Conseil pour la promotion de l’unité des chrétiens et, lui aussi, ancien professeur de théologie dogmatique. Un troisième texte de Werner Neuer, théologien protestant, n’est pas, contrairement aux exposés du cardinal Koch, sujet de discussion, mais présenté comme « annexe » (p. 132-142).

Le premier texte du cardinal Koch analyse Vatican II « entre innovation et tradition » et examine de plus près la notion d’une « herméneutique de la réforme » si chère à Benoît XVI, notion située entre une « herméneutique de la discontinuité ou de la rupture » et une « herméneutique de la continuité anhistorique ». Par ce sous-titre, Koch précise les termes utilisés par le pape dans un sens qui orientera ses analyses et explications. Dans la discussion qui suit cet exposé, on peut retenir deux aspects qui, au-delà des différents arguments théologiques avancés par les anciens doctorands du professeur Ratzinger, peuvent aider à exploiter théologiquement la contribution de Benoît XVI à l’herméneutique conciliaire. Premièrement, la discussion s’ouvre par des questions de Siegfried Wiedenhofer concernant la portée et la signification de « ruptures » dans l’histoire du christianisme. Ces questions permettent ensuite à ceux qui participent à la discussion de clarifier cette notion même dans sa diversité, mais aussi de développer une attitude constructive envers ces « ruptures » (ou non-« ruptures »), en identifiant la question de Dieu comme vraie question en jeu. Deuxièmement, on remarque que plusieurs participants à la discussion évoquent des souvenirs personnels de l’époque conciliaire et des premières années de la réception de Vatican II. Ceci conduit, en fin de compte, à la question cruciale et fondamentale de l’impact « personnel » de toute herméneutique conciliaire, cette dimension personnelle étant à la fois indispensable et limitée. Dans l’avenir, une évaluation véritablement « catholique » des herméneutiques conciliaires pourrait ainsi être un défi de premier ordre. Parmi les arguments théologiques avancés dans la discussion, retenons tout particulièrement l’interprétation de Benoît XVI du « subsistit », selon laquelle le terme est « à la fois plus étroit et plus vaste » que le terme « est » (p. 62).

Le deuxième texte du cardinal Koch est consacré à la liturgie et veut illustrer (p. 97) l’herméneutique de la réforme à partir de là. Évidemment, les questions autour du motu proprio « Summorum Pontificum » sont évoquées dans cet exposé. Cette fois-ci, c’est le pape lui-même qui ouvre la discussion de manière remarquable : « L’intensité de la dispute autour de la liturgie est, à plusieurs égards, un bon signe » (p. 100). Il est donc tout naturel que le débat au sein du Schülerkreis soit également très intense. Si l’on ne peut guère résumer les très nombreux aspects discutés (expériences personnelles, réussites et problèmes de la réforme liturgique, rôle du latin, abus liturgiques, formation liturgique et catéchétique, dimension cosmique de la liturgie, liturgie et histoire du salut, orientation de la célébration, interprétations ethnologiques des rites, certaines demandes de fidèles désirant participer à la préparation de célébrations liturgiques, etc.), on peut observer une évolution de cette discussion vers une préoccupation « pastorale », dans le sens où Vatican II lie dogme et pastorale. Cette dimension pastorale s’exprime notamment à travers le souci de pasteurs tels que Mgr Hans-Jochen Jaschke (évêque auxiliaire de Hambourg) proposant des manières concrètes de concilier exigences de la liturgie et attentes des fidèles (p. 117). C’est parce que ce souci pastoral domine que certaines questions centrales peuvent être discutées de manière controversée mais respectueuse au sein du Schülerkreis, ainsi qu’entre les disciples et leur professeur. C’est dans ce sens que la remarque initiale de Benoît XVI prend tout son sens : une dispute (qui doit bien entendu suivre certaines règles) peut être nécessaire et bénéfique dans la mesure où elle permet de retrouver la vraie dimension des questions concrètes, à savoir la question de Dieu et de sa relation aux hommes (ainsi Benoît XVI, p. 116).

Michael Quisinsky

17. Martin Stuflesser, dir., Sacrosanctum Concilium. Eine Relecture der Liturgiekonstitution des II. Vatikanischen Konzils. Regensburg, Verlag Friedrich Pustet (coll. « Theologie der Liturgie », 1), 2011, 136 p.

Depuis quelques années, le directeur de ce volume, professeur de sciences liturgiques à Würzburg, dirige un projet de recherche sur la réforme liturgique et le processus de sa réception en mettant l’accent sur les effets de Vatican II sur les Églises locales. La « relecture » de Sacrosanctum Concilium entreprise dans ce volume ne profite cependant pas seulement de cet enracinement scientifique concret, mais aussi d’une certaine vue globale des sciences liturgiques contemporaines, que Stuflesser présente en guise d’introduction.

Pour rendre compte de ce volume, il faudrait plutôt parler de « relectures » au pluriel, car chacune des trois contributions de « témoins (Zeitzeugen) » (p. 11) de la réforme liturgique — ces témoins sont tous des évêques, car il s’agit des cardinaux Godfried Danneels et Karl Lehmann, ainsi que de Mgr Paul-Werner Scheele, ancien évêque de Würzburg — est accompagnée par le commentaire d’un liturgiste ou d’un théologien universitaire. D’emblée, ce caractère dialogal s’avère fort heureux, car si le cardinal Danneels présente une sorte d’introduction générale sur l’essence de la liturgie et ses défis contemporains, Manfred Probst en retient les caractéristiques, mais aussi certaines lacunes, démontrant par là même que la liturgie est certes célébrée, mais aussi saisie dans une communion qui dépasse des approches individuelles. La contribution de Mgr Scheele, elle, mérite attention, car cet oecuméniste de renom n’hésite pas à relire l’histoire de la réforme liturgique en évoquant Martin Luther. Ainsi, Scheele démontre qu’une relecture de la Réforme peut interpeller notre compréhension de Vatican II — et vice-versa. S’il cherche à démontrer le potentiel oecuménique de Sacrosanctum Concilium et de la réforme liturgique, Ulrich Kühn, théologien protestant, n’omet pas de formuler un certain nombre de desiderata émanant du dialogue oecuménique. Dans sa contribution, le cardinal Lehmann évoque d’abord quelques souvenirs personnels qui sont d’autant plus utiles qu’il se garde soigneusement de confondre ses souvenirs, expériences et goûts avec une compréhension générale de la liturgie. Ensuite, il inscrit la réforme liturgique commencée par Vatican II dans l’histoire de la liturgie du xxe siècle et au-delà, dédramatisant par là même quelques aspects de la discussion actuelle autour de la continuité et de la discontinuité. Si selon Lehmann (qui s’appuie sur les travaux très importants d’Arnold Angenendt), les deux dimensions font partie de l’histoire de l’Église en général, et de celle de la liturgie en particulier, les chercheurs sur Vatican II liront avec intérêt la conclusion qu’il en tire. Il y critique en effet nettement ceux qui critiquent la réforme liturgique après Vatican II (p. 85), et y évoque un degré actuel de centralisation qui n’avait jamais été atteint avant Vatican II (p. 88). Parmi les nombreux éléments d’interprétation théologique de l’histoire de la réforme liturgique qu’il aborde, qu’il suffise de mentionner le rapport complexe entre « liberté et liaison (Freiheit und Bindung) » (p. 84, 90), rapport qui pourrait servir aux chercheurs sur Vatican II comme une véritable clé de lecture pour la compréhension tant des réussites que des difficultés de la réforme liturgique. Dans sa réponse, Klemens Richter évoque une liste très instructrice des intentions de la réforme liturgique, tout en livrant un certain nombre d’observations concernant des questions liturgiques dans la situation actuelle. Mais ce qui devrait le plus intéresser les chercheurs sur Vatican II, c’est le rôle qu’il accorde à SC 7, où il est question des différents modes de présence de Jésus (p. 114), et ceci d’autant plus que Richter n’est pas le seul à souligner ce point (voir par exemple la contribution de Scheele, p. 59 et suiv.). On peut donc penser qu’il s’agit là d’un point central pour la compréhension de la liturgie par et à la suite de Vatican II, et d’un point qui, en plus, pourrait aider à tempérer certains conflits en inscrivant les questions sous-jacentes à ces conflits liturgiques — et par là même ecclésiologiques — dans un horizon plus vaste.

Michael Quisinsky

18. Jan-Heiner Tück, dir., Erinnerung an die Zukunft. Das Zweite Vatikanische Konzil. Erweiterte und aktualisierte Auflage. Freiburg, Verlag Herder GmbH, 2012, 662 p.

Le cinquantième anniversaire de Vatican II a lieu, semble-t-il, dans un contexte de double perplexité. D’un côté, des discussions très vives portent sur la question de savoir comment il faut interpréter le passé de la foi chrétienne. D’un autre côté, les chrétiennes et les chrétiens se demandent quel pourrait être l’avenir de leur foi au sein des sociétés européennes qui ne cessent de se transformer. Le présent volume apporte de manière vigoureuse et profonde des éléments de réponse à ces deux interpellations : en présentant Vatican II comme « mémoire de l’avenir », il considère effectivement mémoire et avenir comme deux revers de la même médaille. Rassemblant les contributions d’un colloque tenu à l’Université de Vienne en 2011, le volume constitue ainsi une excellente ouverture sur les nombreux colloques et publications germanophones autour des cinquante ans de Vatican II.

Les contributions sont rassemblées dans cinq chapitres principaux portant respectivement sur la liturgie (I), l’ecclésiologie (II), l’oecuménisme et le dialogue interreligieux (III), la Révélation, l’Écriture et la Tradition (IV), l’Église et le monde moderne (V). Un sixième chapitre ne comporte qu’un seul article, celui d’Eberhard Schockenhoff sur Dignitatis Humanae, ce qui peut être lu comme programmatique pour l’avenir de la foi. Ceci dit, après l’introduction très substantielle de Jan-Heiner Tück, professeur de théologie dogmatique à Vienne, le premier chapitre ne commence pas tout de suite. On trouve plutôt trois articles sur l’herméneutique conciliaire. Peter Hünermann défend sa théorie selon laquelle le corpus des textes conciliaires est une sorte de constitution de l’Église. On retient notamment la manière dont le théologien de Tübingen discute les critiques de sa position. Le philosophe viennois, Hans Schelkshorn, examine pour sa part l’herméneutique de Vatican II sous l’angle de la philosophie, ce qui ne manque pas d’apporter de nouvelles perspectives à une discussion théologique dont les arguments sont parfois un peu prévisibles, et donc pas toujours productifs. Jan-Heiner Tück présente quant à lui l’herméneutique de la Réforme comme clé d’interprétation de Vatican II. Il s’agit là d’un commentaire approfondi des événements récents autour de l’interprétation conciliaire qui s’exprime clairement contre toute tentative visant à minimiser la complaisance théologique et juridique des énoncés conciliaires. On lira aussi avec intérêt la note finale (n. 47, p. 104) qui montre, comme le fait la conclusion provisoire, comment le sujet traité par Tück est fondamental pour l’avenir de l’Église.

Au lieu de présenter une par une les vingt-quatre contributions des chapitres I-V, dont certaines offrent des perspectives nouvelles (qu’on pense par exemple aux réflexions de Kurt Appel et de Sebastian Pittl sur le tombeau de Paul VI et sur le pacte des catacombes), contentons-nous d’esquisser quelques observations qui pourront être utiles aux chercheurs sur Vatican II. Premièrement, on saluera la participation au colloque de trois cardinaux (Christoph Schönborn, Walter Kasper, Kurt Koch), bel exemple d’un dialogue entre la hiérarchie et la théologie. Deuxièmement, on retiendra la présence de spécialistes reconnus de Vatican II, c’est-à-dire des auteurs de la Storia d’Alberigo et du commentaire de Herder (Peter Hünermann, Christoph Theobald, Helmut Hoping, Ottmar Fuchs), et de théologiens qui ont peut-être moins travaillé sur le Concile en tant que tel, mais dont les réflexions sur le Concile ne sont pas pour autant moins importantes. Si ce sont surtout des théologiennes et des théologiens de la Faculté de Vienne qui présentent leurs perspectives sur des sujets liés à Vatican II, on ne peut que saluer une Faculté qui se consacre à Vatican II en mettant au profit de l’Église la complémentarité de ses spécialisations diverses qui font la richesse de la pensée théologique universitaire. Aussi peut-on espérer que les manifestations qui auront lieu dans les différentes facultés germanophones à l’occasion des cinquante ans de Vatican II suivront la même dynamique, en se consacrant au Concile — et à travers lui à l’avenir de la foi — dans un esprit dialogal et dans un souci interdisciplinaire. Troisièmement, on constate que les interventions sur des sujets ecclésiologiques sont relativement nombreuses. En lisant l’ensemble des contributions, on peut alors en arriver à la question suivante : dans quelle mesure faut-il aborder conjointement certains problèmes théoriques et pratiques au niveau de l’ecclésiologie pour pouvoir apporter des solutions à des questions théo-logiques (au sens propre du mot) centrales concernant les conditions de la foi aujourd’hui ? Quatrièmement, on retiendra que le chapitre III sur l’oecuménisme n’est pas une réflexion sur les autres confessions, mais un dialogue avec un certain nombre de leurs représentants.

Parmi les nombreuses questions abordées dans les différentes contributions, mentionnons à titre d’exemple l’exégèse. Ainsi, Ludger Schwienhorst-Schönberger, à la suite de Joseph Ratzinger, identifie deux modèles d’herméneutique biblique dans Dei Verbum, à savoir l’exégèse historico-critique et l’exégèse patristique. Si le Concile a juxtaposé ces modèles plutôt que de les avoir réconciliés, la question est de savoir comment il faut recevoir Vatican II aujourd’hui, prenant en considération à la fois notre connaissance des discussions conciliaires, et les interrogations contemporaines autour de la Révélation. « Mémoire » et « avenir » sont ainsi indissociablement liés, indépendamment du fait de savoir avec évidence comment rendre fructueuse la tension qui ne peut pas ne pas exister entre eux. Ainsi, des questions concrètes mènent automatiquement à une historicisation qui va de pair avec un pluralisme de fait.

C’est dans ce contexte qu’apparaissent des questions cruciales pour la perception de Vatican II dans la vie de l’Église, après cinquante ans. En fait, si le corpus conciliaire est déjà considérable, la littérature sur Vatican II abonde et va sans doute augmenter encore beaucoup. Comment alors initier de jeunes chrétiennes et chrétiens à une vue d’ensemble du Concile, de ses enjeux et de ses documents, une vue d’ensemble qui ne doit pas oublier qu’après tout, Vatican II n’était pas un but en soi ? Comment s’inspirer de Vatican II, et de ses prises de positions concrètes, dans le travail théologique et pastoral, sans succomber à la tentation d’une vue superficielle de tel ou tel aspect ? Comment parvenir à une compréhension constructive et intégrative du pluralisme de perspectives qui devient d’autant plus frappant que le nombre de personnes qui s’intéressent à Vatican II augmente ? On peut être de l’avis que la réponse est à trouver dans un certain « style » qui se nourrit de l’histoire et des documents conciliaires. Rien que parce que pareil style nécessite un certain « habitus conciliaire », autrement dit des lieux et des attitudes de partage, de dialogue et de réflexion commune, les colloques et manifestations, comme il y en aura beaucoup ces prochaines années (voir l’agenda sur le site de la conférence des évêques allemands : www.konzilskalender.de) ont une importance majeure pour la théologie et pour l’Église. Si, à l’instar du colloque de Vienne, ces colloques apportent, au-delà de cette fonction première d’« initiation », de nouvelles perspectives pour telle ou telle question — que celles-ci portent plutôt sur le Concile ou plutôt sur un sujet d’actualité, les deux dimensions étant d’ailleurs souvent très liées —, ils seront l’expression de cette dynamique d’aggiornamento qui ne cesse pas avec la fin du Concile. C’est ainsi qu’on peut conclure la présentation de ce volume en retenant son caractère exemplaire pour l’état des recherches germanophones sur Vatican II.

Michael Quisinsky

19. Nicolas Bauquet, Philippe Chenaux, dir., Rileggere il Concilio. Storici e teologi a confronto. Rome, Lateran University Press, 2012, 300 p.

Le débat herméneutique autour de Vatican II, qui se poursuit depuis quelques années, a donné l’idée à deux institutions, le Centro Studi e Ricerche sul « Concilio Vaticano II » de l’Université du Latran et l’Institut français - Centre Saint-Louis, d’inviter historiens et théologiens à relire six textes majeurs de Vatican II, six textes au centre des débats actuels : la Constitution sur la liturgie, le Décret sur l’oecuménisme, les constitutions dogmatiques Lumen Gentium et Dei Verbum, la Déclaration Dignitatis Humanae et la Constitution pastorale Gaudium et Spes. L’idée était de mettre en dialogue Italiens et Français, historiens et théologiens, autour de ces textes qui ont connu des interprétations parfois divergentes, ou de confronter les lectures respectives de ces textes.

En plus de ces deux polarités, historiens et théologiens, Français et Italiens, ce cycle de conférences se fonde sur une troisième polarité construite à partir de pôles antinomiques : la rupture vs la continuité de la tradition. Le dépliant annonçant ce cycle de conférence orientait cependant dans une direction assez précise la relecture de ces grands textes : « L’événement conciliaire marque-t-il une rupture dans l’histoire de l’Église ? N’est-il pas nécessaire au contraire, comme nous y invite le magistère, d’interpréter les textes qu’il a produits à la lumière de la grande tradition de l’Église ? » Encore une fois, on renvoie dos à dos herméneutique de la rupture et herméneutique de la continuité, alors que l’herméneutique de la réforme, faite d’« un ensemble de continuité et de discontinuité à divers niveaux », et proposée par le pape Benoît XVI, n’occupe pas une place centrale. Pourtant, il me semble que c’est là le défi le plus important lancé à la théologie : penser la réforme de l’Église. De plus, je crains que l’opposition entre rupture et continuité ne nous conduise directement à une impasse et qu’elle ne stérilise la réflexion. Certes, cette problématique bipolaire est de nature à nourrir les débats et pourrait conduire à des réflexions intéressantes permettant de surmonter cette dualité stérile. Toutefois, elle risque également de nous enfermer encore davantage dans une lecture clivée du Concile et de renforcer les polarisations.

Cette problématique a également eu comme effet de développer une lecture qui conduit à lire ces documents en les situant dans le temps long de la vie de l’Église. En effet, à quelques exceptions près, l’ensemble des communications situe l’enseignement du Concile sur la liturgie, l’oecuménisme, l’Écriture, la liberté religieuse, etc., en le référant aux positions de l’Église catholique sur ces diverses questions au cours du siècle qui précéda Vatican II. Comme le pose clairement Maria Paiano dans le premier chapitre de cet ouvrage collectif, « examiner un document du concile Vatican II d’un point de vue historique revient à mettre à jour la relation qui existe, d’une part entre le contenu de cet enseignement et la société et la culture de l’époque dans laquelle il s’est développé et, d’autre part, le rapport qui existait entre l’Église catholique et cette société et cette culture ». Cela conduira les historiens à accorder beaucoup d’importance aux évolutions culturelles et sociales, et à examiner le rapport que l’Église entretenait avec ces évolutions sociales et culturelles, voire religieuses. En contrepartie, la lecture des textes conciliaires eux-mêmes occupera une moindre place dans leurs interventions.

Les théologiens, mais également les historiens, essaieront de montrer comment on peut situer l’enseignement de Vatican II par rapport aux prises de position antérieures de l’Église catholique, ou comment cet enseignement apparaît à la fois comme le fruit de développements internes de mouvements à l’intérieur de l’Église catholique et comme de véritables nouveautés par rapport à certaines prises de position qui jalonnent le long xixe siècle. En somme, le point de départ est plus souvent l’histoire (histoire culturelle et sociale, histoire religieuse et histoire du catholicisme, histoire de la rédaction des textes) que les documents conciliaires eux-mêmes. Ceux-ci sont en effet la plupart du temps pris pour acquis ou connus et ne font pas l’objet d’une relecture précise, bien que des contributions fassent exception à cette forme générale.

Il s’agit, certes, d’une méthode éprouvée, et je n’en conteste pas la légitimité, voire sa nécessité. Toute intelligence de l’enseignement de Vatican II nécessite une lecture en contexte de ses enseignements. Ceci dit, ne faut-il pas penser également à une lecture de ces documents à partir de méthodes synchroniques. Aussi, l’idée de mettre en dialogue deux disciplines comme on le voit ici mériterait d’être poursuivie et élargie, notamment en ouvrant le débat à des littéraires et à des linguistes. Il est toujours intéressant de voir comment des personnes rompues à la lecture de textes à partir de théories en usage en histoire de la littérature (les théories de Jauss ou de Bakthine, par exemple) lisent les textes de Vatican II. Ces théories ne situent pas en dehors du temps les oeuvres étudiées, comme si elles flottaient dans un état d’apesanteur historique ou comme si elles étaient intemporelles, mais c’est à partir du texte, et non à partir de l’extérieur de ce texte, que le contenu de l’enseignement est situé dans le temps. Si l’histoire a beaucoup apporté aux études sur Vatican II, il me semble urgent de mobiliser d’autres sciences si l’on veut renouveler les approches et les lectures de ces textes. L’idée sous-jacente à ce volume a donc de l’avenir et elle suggère d’élargir cet échange entre les disciplines à des approches plus littéraires. Nous avons besoin de ré-apprendre à lire les textes conciliaires.

Gilles Routhier

20. Ute Leimgruber, Avantgarde in der Krise. Eine pastoraltheologische Ortsbestimmung der Frauenorden nach dem Zweiten Vatikanischen Konzil. Freiburg, Verlag Herder GmbH (coll. « Fuldaer Studien », 14), 2011, 446 p.

Il n’est sans doute pas exagéré de dire qu’actuellement, la question du rôle des femmes dans l’Église est un « point chaud » dans les discussions, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Église. Si cette question englobe un grand nombre de dimensions, les ordres religieux féminins en sont un aspect particulièrement instructif. De manière générale, les ordres religieux, liant « charisme » et « institution », sont d’une certaine façon plus faciles à saisir et à analyser que les multiples vies de femmes dans les paroisses, associations et autres lieux de la foi, où les « charismes », à l’instar de la vie chrétienne de tous les jours, n’ont pas toujours une structure « institutionnalisée ». C’est dans ce sens que l’étude d’Ute Leimgruber, soutenue comme thèse d’habilitation à la Faculté de théologie de Fulda, porte sur les ordres religieux féminins comme « avant-garde » de l’Église. Selon Leimgruber, les congrégations féminines peuvent être considérées de la sorte, aussi bien avant qu’après le Concile, puisque leur développement montre au mieux, non seulement comment un certain nombre de défis se sont posés à la foi lors des processus de transformation au sein de la société, mais encore à quel point les réponses à ces défis sont révélatrices pour la situation de la foi et de l’Église, dans leurs difficultés aussi bien que dans leurs chances inhérentes.

Dans son deuxième chapitre (l’introduction étant le chapitre 1), Leimgruber s’efforce de démontrer l’impact de la crise des ordres religieux féminins à l’aide d’un riche matériel statistique. Dans un troisième chapitre, elle retrace sur une longue période les grandes étapes de l’histoire de ces mêmes ordres, et ceci avec une grande sensibilité non seulement pour les motifs théologiques et spirituels, mais aussi pour l’histoire des mentalités et des évolutions culturelles et sociales. Ici, on retient notamment son interrogation sur la manière dont les ordres, dans les différentes étapes de leur évolution, ont pu être un vecteur de ce que Leimgruber appelle les possibilités d’épanouissement pour des chrétiennes. Ensuite, un quatrième chapitre très substantiel examine les répercussions de la « seconde modernité » sur les ordres religieux féminins, période pendant laquelle intervient Vatican II, ainsi que d’autres événements et évolutions au niveau de la société. Si Leimgruber n’entreprend pas ici de recherches dans des archives, mais se base sur les publications de spécialistes tels que Joachim Schmiedl, ce chapitre a néanmoins le mérite de pointer et de situer dans ces publications, et cela dans un vaste horizon, des énoncés conciliaires sur les ordres et les congrégations. Dès lors, le défi et la chance que signifie Vatican II pour la spiritualité chrétienne en général, et pour la vie religieuse en particulier, sont mis en lumière de manière convaincante. On retient aussi, toujours dans ce chapitre, un paragraphe court mais dense sur le synode commun des diocèses allemands à Würzburg (p. 238). Si ceci illustre l’enracinement du travail de Leimgruber dans l’espace germanophone, cela se fait néanmoins dans l’horizon de l’Église universelle. Dans le cinquième chapitre, Leimgruber entreprend une analyse théologique de la situation des ordres religieux féminins dans l’Église et la société après Vatican II, en mettant en exergue une compétence interdisciplinaire qui est très bénéfique à la théologie. Pour terminer, elle revient sur le terme « avant-garde », et elle présente les ordres religieux féminins comme étant des « lieux d’apprentissage » au milieu des « signes des temps ».

Au fil de la lecture, le lecteur (peut-être plus encore que la lectrice) apprend énormément de choses, non seulement sur les religieuses et les moniales, mais également, à travers leurs décisions et leurs questions, sur la vie chrétienne de nombreuses femmes — et hommes — au fil du temps. Les chercheurs sur Vatican II trouveront ici un bel exemple d’étude qui a comme dimension la « longue durée », inscrivant d’un côté Vatican II dans l’histoire, et de l’autre la situation présente dans les perspectives théologiques de Vatican II. Enfin, les théologiens (et, bien sûr, les théologiennes) systématiques, historiques et pastoraux seront mis au défi par une interpénétration de leurs disciplines, qui seule semble être capable de saisir les enjeux de Vatican II, concile pastoral à valeur dogmatique, qui appartient désormais à l’histoire tout en guidant l’Église présente et future.

Michael Quisinsky

21. Andreas R. Batlogg, Albert Raffelt, dir., Karl Rahner. Das Konzil - ein neuer Beginn. Mit einer Einführung von Karl Kardinal Lehmann. Freiburg, Verlag Herder GmbH, 2012, 91 p.

Lorsque Karl Rahner, le 12 décembre 1965, a prononcé au Herkulessaal de Munich son fameux discours à l’occasion de la fin des travaux conciliaires, le cardinal Döpfner a jugé que, suite aux propos du jésuite, tout autre mot serait « superflu » (pour cette citation voir le commentaire des directeurs du volume, Andreas R. Batlogg et Albert Raffelt, p. 62). Ce jugement est toujours valable. On ne peut donc que conseiller à tous ceux qui s’intéressent à Vatican II, ainsi qu’à la foi dans le monde de ce temps, de lire les quelques pages de ce discours facilement accessible grâce à cette publication. En fait, ce discours, que Rahner a prononcé par la suite dans d’autres villes telles que Freiburg im Breisgau, n’a pas seulement rencontré un écho immédiat et considérable dans la presse germanophone, mais sur le long terme, il a aussi d’abord inspiré la réception conciliaire, et ensuite un bon nombre des recherches germanophones sur Vatican II. Présentant le Concile comme le « début du début (Anfang des Anfangs) » (p. 36), le théologien et peritus conciliaire a pour ainsi dire canalisé la dynamique de l’immédiat post-Concile, tout en approfondissant cette dynamique par des questions et des réflexions substantielles. Aussi n’a-t-il pas seulement tenu compte d’un certain enthousiasme du moment, mais il a esquissé une manière d’affronter les déceptions, dans un sens comme dans l’autre, qui n’allaient pas tarder à se produire. Finalement, on peut dire que Rahner présente ici une sorte de programme de travail qui n’aura pas manqué d’influencer ses travaux postconciliaires, aussi bien sur le niveau théologique au sens académique du terme, qu’au niveau de son engagement dans l’Église en Allemagne, notamment lors du synode commun des diocèses allemands à Würzburg (1972-1975). Ce discours, d’ailleurs disponible sur CD audio pour ceux qui s’intéressent à l’art rhétorique de Rahner, est réédité à l’occasion des 50 ans de Vatican II, et en le relisant, on retient à la fois la force de synthèse du fameux théologien et l’ambiance marquante de l’époque conciliaire.

Dans son introduction (p. 9-20), le cardinal Karl Lehmann n’évoque pas seulement sa collaboration avec Rahner au moment du Concile et après, mais il donne surtout une clé de lecture pour ce discours-phare : selon l’ancien président de la conférence épiscopale allemande, parler du « début du début » est en réalité un signe de modestie (p. 20). En fait, contrairement à ce qu’on pourrait soupçonner en lisant pareille formule, Rahner ne se laisse pas du tout enfermer dans des antagonismes entre le passé et le futur de l’Église. Au contraire, il inscrit le Concile — avec ses continuités et discontinuités — dans l’histoire de l’Église et du monde. Plus profondément, il présente le Concile comme un événement historique d’une foi dont aucune expression n’est un but en soi, mais vise à la relation salutaire offerte à l’homme par Dieu. Ne déconsidérant pas les faiblesses humaines qui ont inévitablement marqué le Concile, Rahner en montre néanmoins une force inouïe, dont le but est justement de nourrir cette foi. Tout ceci se fait sur l’horizon de ce que Rahner appelle les questions éternelles de la vie et de la mort de l’homme, ce qui donne une dimension existentielle à cette interprétation du Concile. C’est d’ailleurs par ce côté existentiel que la théologie de Rahner a attiré des lecteurs et auditeurs au-delà des cercles théologiques.

Quant à eux, Andreas R. Batlogg et Albert Raffelt, dans leur postface (p. 59-87), situent ce discours dans les activités conciliaires de Rahner, ainsi que dans son engagement pour la réception du Concile. Ainsi, le discours est encadré au mieux par des explications et analyses qui, au-delà du texte qui « parle » encore, permettent à de jeunes chrétiens de saisir les enjeux de l’interprétation rahnérienne du Concile.

Si le discours de Rahner est dans l’ensemble une véritable introduction au texte et à l’esprit de Vatican II, quelques aspects méritent particulièrement d’être mentionnés, car ils peuvent inspirer les recherches actuelles sur le Concile. Tout d’abord, Rahner insiste sur le fait que ce Concile a été tenu. À l’époque, il pouvait même considérer que l’Église, au-delà des questions relatives à la foi, a ainsi pu donner un modèle à la société, lorsqu’il s’agissait pour elles (l’Église et la société) de chercher ensemble des chemins d’avenir. Ensuite, Rahner évoque le rapport entre Dieu et l’homme comme centre de la foi chrétienne en général, et du Concile en particulier. Si cela paraît évident, il n’est certainement pas inutile de le rappeler de temps en temps, et la manière avec laquelle Rahner le fait permet en effet de parvenir à une réflexion approfondie sur maints sujets abordés au Concile. Ceci dit, Rahner voit aussi que le Concile n’a ni pu ni voulu parler de tous les sujets, d’autant que de nouvelles questions allaient se poser après le Concile dans une situation où de multiples changements aux niveaux sociaux, économiques et intellectuels se produisaient (par exemple, à propos de Gaudium et Spes, il parle de « schéma anticipant », p. 42). C’est dans ce sens qu’il donne des clés de lecture de Vatican II et des tâches qui attendent l’Église après le Concile. De plus, c’est cette même clé de lecture qui peut interpeller aujourd’hui les chercheurs sur le Concile et sa réception. Le fameux « début » qu’est le Concile est donc tout sauf l’occasion d’un triomphalisme, qu’il compare au genêt sous lequel le prophète Élie s’est endormi (1 R 19,4). Au contraire, selon le très prudent et sobre Rahner, il faudra beaucoup de temps « avant que l’Église, qui a reçu de Dieu le cadeau d’un Concile Vatican II, ne devienne l’Église du Concile » (p. 49). En rappelant avec insistance les différentes dimensions de cette modestie dont parle le cardinal Lehmann dans son introduction, il esquisse tout un programme de travail pour l’Église qui doit continuer son chemin à travers le temps.

Face à la tentation de mentionner maintenant tous les aspects spirituels, théologiques ou autres de ce discours qui peuvent toujours inspirer — et ils sont nombreux —, qu’il suffise de souhaiter à ce grand petit livre une traduction en différentes langues, ainsi que des lecteurs et lectrices disponibles pour chercher et trouver au quotidien, avec les hommes et femmes de ce temps, ce Dieu-amour qui s’est révélé en Jésus le Christ et qui, dans la grâce, veut être présence mystérieuse au monde (cf. p. 54-56).

Michael Quisinsky

22. Margit Eckholt, Saskia Wendel, dir., Aggiornamento heute. Diversität als Horizont einer Theologie der Welt. Ostfildern, Matthias Grünewald Verlag, 2012, 320 p.

Ce livre — les Actes de la dixième rencontre des théologiennes à Hohenheim organisée par AGENDA (Forum des théologiennes catholiques) en 2011 — mérite l’attention des chercheurs sur le Concile pour deux raisons qui correspondent à ses deux parties. D’un côté, comme le montre la première partie, la mémoire de l’Aggiornamento conciliaire est un facteur de l’herméneutique actuelle de Vatican II. En fait, la question de savoir comment on peut percevoir et exprimer ces mémoires — car elles sont innombrables — est hautement instructive pour la compréhension de la diversité qui marque l’Église contemporaine. D’un autre côté, c’est cette diversité qui est au centre de l’intérêt de la deuxième partie, consacrée à des questions contemporaines qui ne se sont pas encore posées au Concile, en tout cas pas de la même manière qu’aujourd’hui.

Dans le cadre de cette chronique, il convient de se concentrer sur la première partie, même si les interférences entre la mémoire et l’actualité, exploitées notamment dans la deuxième partie, sont trop évidentes pour être négligées, aussi bien par tous ceux qui s’intéressent au Concile que par ceux qui réfléchissent sur l’actualité ecclésiale. Tout d’abord, la contribution de Margit Eckholt présente les enjeux de l’« Aggiornamento aujourd’hui ». Elle justifie la doublure de ce titre (en fait, « aggiornamento » et « aujourd’hui » renvoient tous les deux au temps présent) par des réflexions qui n’introduisent pas seulement aux discussions tenues à Hohenheim en 2011, mais également à quelques aspects de la discussion autour du « Memorandum » de 240 théologiens (et théologiennes) catholiques germanophones de 2011 (souscrit aussi par 71 théologiens en dehors de l’Allemagne). Les défis de l’Aggiornamento apparaissent en ce qui concerne la question de la femme. Ce sont les deux contributions de Regina Heyder qui sont les plus importantes pour les chercheurs sur Vatican II. Heyder examine dans un premier article le rôle de quelques femmes catholiques allemandes (dont notamment des auditrices telles que Gertrud Ehrle) au Concile. Il s’agit là d’une étude très suggestive qui s’appuie sur une recherche d’archives. Dans sa deuxième contribution, Heyder évalue et présente des témoignages (Zeitzeugenberichte) de seize femmes catholiques et présente par là même des regards très enrichissants sur l’histoire du catholicisme en Allemagne dans la deuxième moitié du xxe siècle, qu’on ne saurait limiter au Concile. Naturellement, celles qui peuvent donner aujourd’hui un témoignage appartenaient à des générations de jeunes femmes à l’époque du Concile (les seize femmes qui témoignent sont nées entre 1927 et 1951). Quant aux perspectives des générations précédentes, elles ne peuvent plus être sollicitées par des témoignages. Le fait d’avoir une perspective a le mérite incontestable de sensibiliser au fait que le Concile n’a jamais existé sans être perçu par des croyants (et aussi des non-croyants) confrontés à toutes sortes de questions de la vie de tous les jours. Or, la foi vécue sur le terrain, souvent si difficile à saisir pour l’historien, fait partie de l’histoire chrétienne. Heyder évalue non seulement comment les femmes ont suivi les événements romains ou ses répercussions dans des organisations ecclésiastiques allemandes (par exemple les Verbände qui jouent un rôle important dans le catholicisme allemand), mais aussi comment elles ont vécu les continuités et discontinuités, par exemple dans les paroisses et dans les différents lieux de réalisation de l’Église. Si la liturgie prend une large place dans cette analyse, c’est parce qu’elle est effectivement « source et sommet de toute la vie chrétienne » (LG 11), ce que Heyder réussit fort bien à déceler en présentant les interférences entre, premièrement, la vie personnelle des femmes qui ont donné leur témoignage, deuxièmement, l’évolution de la société au sein de laquelle la place des femmes change considérablement depuis le Concile, et troisièmement, les évolutions au sein de l’Église. Certes, celles-ci ont seulement permis aux femmes de prendre leur part de responsabilité, par exemple dans la vie paroissiale, mais, selon les femmes qui témoignent, elles n’étaient néanmoins pas libres de frictions et de restrictions. On retiendra aussi la place accordée au synode commun des diocèses allemands à Würzburg, mené à bien par le cardinal Döpfner, et dont on oublie parfois les mérites pour une réception conciliaire responsable. Finalement, cette contribution est aussi hautement instructive du point de vue méthodologique, ce qui vaut en particulier pour les questions conclusives autour du concept des « lieux de mémoire » qui renvoient à des défis pastoraux d’aujourd’hui et de demain (voir p. 71 n. 83).

Les deux autres contributions de la première partie sont de Hanna Grossmann, qui présente Marianne Dirks, une femme catholique précurseur dont la biographie est révélatrice d’importantes évolutions dans le catholicisme allemand, et de Maria Clara Lucchetti Bingemer, dont la contribution reflète l’intérêt des catholiques allemands pour l’Église en Amérique latine. Si elle se consacre également à la question de la femme, elle le fait à partir de réflexions à la fois personnelles et théo-logiques, c’est-à-dire centrées sur la question de Dieu telle que Vatican II permet de l’aborder.

Les contributions de la deuxième partie sont à plusieurs titres un fruit de Vatican II et de sa réception et sont ainsi très instructives pour la compréhension des enjeux conciliaires. D’abord, les relations entre les Églises locales en Allemagne et l’Amérique latine (chères à Margit Eckholt, qui prend ainsi le relais de Bernhard Welte et Peter Hünermann) qui se sont intensifiées considérablement grâce à l’événement conciliaire, ce qui explique sans doute la présence de plusieurs théologiennes latino-américaines à Hohenheim et dans ce recueil. Ensuite, comme le dit l’une d’entre elles, le fait que des femmes latino-américaines et caribéennes font de la théologie, soutenues par des associations créées dans ce but et dont Virginia Raquel Azcuy retrace l’itinéraire, est « un fruit de l’Aggiornamento » (p. 198). Dans les sujets traités dans les autres contributions — en outre des questions nouvelles telles que celles des religions non chrétiennes, des « gender studies » et des « queer studies », mais aussi des traités classiques de la théologie tels que la Création, la Trinité — le regard des femmes introduit des perspectives stimulantes en théologie, et on ne peut que souhaiter que dorénavant, hommes et femmes en discuteront ensemble afin de pouvoir exploiter en commun ces richesses qui peuvent résulter des « diversités » dont parle le titre du livre.

Michael Quisinsky

23. Reimund Haas, Jürgen Bärsch, dir., Ruhrbischof Franz Kardinal Hengsbach. Aspekte seines Bischofsamtes. 1958 - 1961 - 1991 - 2011. Münster, Verlaghaus Monsenstein und Vannerdat OHG (coll. « Beiträge und Miscellen », 7), 2012, 108 p.

Premier évêque du nouveau diocèse d’Essen en 1958, cardinal en 1988, Franz Hengsbach marquera la vie de l’Église en Allemagne et au-delà, jusqu’à sa mort en 1991. Son diocèse s’étendant sur la région industrielle Ruhrgebiet, il est confronté aux divers changements économiques et sociaux de son temps, à l’accueil des réfugiés des anciens territoires allemands en Europe de l’Est après la Deuxième Guerre mondiale, ainsi qu’au passage particulièrement marquant dans sa région de l’industrie des mines et du charbon au secteur tertiaire. Au Concile, Mgr Hengsbach a été un membre très actif de la Commission sur l’apostolat des laïcs. On salue donc vivement cette publication, même si elle n’a pas la prétention de dresser un bilan exhaustif (p. 6), mais qu’elle s’efforce plutôt de présenter certains aspects caractéristiques de l’épiscopat de Hengsbach.

Hans Jürgen Brandt dresse un portrait assez élogieux de l’évêque, en soulignant notamment la facilité de ce dernier à être en contact avec les gens. Ceci dit, il montre bien que Hengsbach ne joue pas seulement un rôle de premier plan pour l’Église catholique en Allemagne, mais aussi, à travers Adveniat, au niveau de l’Église universelle, notamment à Vatican II, et jusque dans les années 1980 avec les conflits touchant à la théologie de la libération. D’ailleurs, dès les années 1970, Hengsbach était proche du jeune évêque colombien, et futur cardinal, Alfonso Lopez Trujillo (p. 14).

La contribution de Severin Gawlitta est consacrée à la question de savoir comment il faut interpréter le « boom » des années Hengsbach relativement à la fondation de nouvelles paroisses et à la construction de nouvelles églises. Ceci est d’autant plus important qu’il ne s’agit pas là seulement de la question cruciale, débattue actuellement de manière encore un peu plus vive dans le diocèse d’Essen que dans d’autres diocèses allemands, de la restructuration de la pastorale suite notamment au manque de prêtres. Car cette question renvoie en même temps à la réception conciliaire, ou au moins à la question de savoir comment à l’époque du Concile, responsables diocésains, paroissiaux et fidèles ont perçu l’Église « sur le terrain ». Selon Gawlitta, la fondation de nouvelles paroisses de taille « familiale » (p. 26) n’était en rien une idée fixe de l’évêque, qui se plia plutôt à des attentes des paroissiens et des pasteurs sur le terrain — bien que, d’ailleurs, le problème du manque de prêtres se dessinait déjà à l’horizon (p. 39). En ce qui concerne Hengsbach, il soutenait d’autant plus facilement ces revendications qu’il était marqué par une conception paulinienne des communautés chrétiennes (p. 39).

Reimund Haas se consacre au premier synode diocésain du nouveau diocèse en 1961 et se demande pourquoi le projet d’un deuxième synode, prévu à l’époque, a été abandonné. À travers une reconstruction détaillée, il peut démontrer que les raisons en sont multiples : tout d’abord, on voulait attendre les directives romaines concernant la réception conciliaire, ainsi que le résultat des premières expériences faites (p. 52). Ensuite, au niveau diocésain, les conseils créés à la suite de Vatican II (p. 58) ont en partie rendu obsolète un synode formé essentiellement de prêtres (même si Mgr Hengsbach tenait à associer dès 1961 des laïcs au synode, et ceci en dépit du droit canonique en vigueur à l’époque). Troisièmement, le Katholikentag allemand de 1968 (p. 59 et suiv.) — tenu à Essen par le hasard du calendrier — a conduit à la décision de convoquer un synode commun des diocèses allemands à Würzburg (1971-1975), synode commun qui a en quelque sorte remplacé les synodes diocésains projetés ou souhaités.

Jürgen Bärsch analyse les lettres pastorales de Mgr Hengsbach qui traitent du Concile, souvent d’ailleurs rédigées à Rome. Ici, on découvre des différences d’accentuation tout au long du Concile, de l’enthousiasme initial jusqu’à la conscience de la complexité des tâches qui se dessinent à l’horizon. Si Bärsch démontre comment Hengsbach invite les paroissiens à s’inspirer des impulsions conciliaires, il remarque à juste titre à propos de l’engagement des laïcs dans le « monde » que les décisions conciliaires mêmes impliquaient des conséquences ecclésiologiques que Mgr Hengsbach, au moment du Concile, n’entrevoyait que partiellement (p. 82). Aussi, on lira avec intérêt la manière dont Hengsbach essayait d’« équilibrer » les reportages sur Vatican II dans les médias en présentant une lecture spirituelle de l’événement conciliaire (p. 87). Même si Bärsch conclut que son étude ne peut être qu’une pierre de la mosaïque, il nous permet de comprendre, au moins en partie, comment un évêque a pu vivre les quatre sessions conciliaires. À partir de ce premier pas, il sera possible de compléter l’image au fur et à mesure par d’autres études.

Finalement, Christoph Moss présente le fonds Hengsbach aux archives diocésaines d’Essen, invitant les chercheurs à étudier les sources autant que possible (p. 97).

En annexe, on trouve le texte d’un document datant de 1964, retraçant en pleine période conciliaire l’état de ce diocèse fondé peu avant Vatican II. On est frappé de constater la coïncidence entre, d’une part, les activités intenses destinées à créer une infrastructure diocésaine et, d’autre part, la prise en compte de l’infrastructure paroissiale (une statistique incluse dans ce document mentionne 74 nouvelles églises construites entre 1958 et 1964). C’est à ce moment qu’il faut revenir sur la contribution de Gawlitta consacrée aux paroisses fondées dans les premières années du diocèse (et regroupées depuis quelques années). Si aujourd’hui des paroisses sont regroupées et que certaines églises sont fermées, c’est plutôt dû à un problème de transmission de la foi, car les enfants et petits-enfants de la génération des « fondateurs » des paroisses ne pratiquent plus la foi de manière aussi explicite (p. 41, il parle volontiers de Generationsbruch). En fait, à partir des résultats de cette étude de cas, surgit une question qui pourrait intéresser les chercheurs sur Vatican II, à savoir : dans quelle mesure la réception (ou non-réception) de Vatican II à tous les niveaux de l’Église, ainsi que l’interaction de ces réceptions (ou non-réceptions) de Vatican II avec les bouleversements au sein des sociétés occidentales, ont pu influencer ce problème de transmission de la foi ? S’il s’agit là d’une question cruciale, il est sans doute presque impossible d’y répondre. Mais en ce qui concerne la compréhension du Concile, il se peut que les discussions vives de ces dernières années, notamment dans le diocèse d’Essen, accompagnant les restructurations des paroisses et les fermetures de certaines églises, renvoient plus qu’on ne le pense à certaines dimensions profondes de la réception conciliaire par les fidèles sur le terrain. Et ceci d’autant plus si l’« appropriation » des paroisses par les paroissiens, dont parle le théologien français Dominique Barnérias dans un ouvrage récent, est un résultat de la réception de Vatican II sur le terrain, au moins en ce qui concerne les générations conciliaires et postconciliaires.

Michael Quisinsky

24. Karl Borsch, Johannes Bündgens, dir., Konzil und Bistum. Das II. Vatikanische Konzil und seine Wirkung im Bistum Aachen und bei den Nachbarn. Festgabe für Bischof Heinrich Mussinghoff zur Vollendung des 70. Lebensjahres. Aachen, Einhard Verlag GmbH, 2010, 426 p.

Ville de Charlemagne, Aix-la-Chapelle est un centre historique de l’Europe. Proche des frontières hollandaise et belge, la ville est également un centre important de l’Europe contemporaine. Il s’avère donc particulièrement heureux que les responsables des Mélanges pour l’évêque de la ville, Mgr Heinrich Mussinghoff, aient choisi le Concile comme sujet. Plus exactement, on trouve ici rassemblés des articles de grande qualité qui examinent le rapport entre Vatican II et les diocèses, à commencer bien entendu par celui d’Aix-la-Chapelle, mais aussi les (archi-) diocèses voisins que sont Cologne, Essen, Münster et Trèves en Allemagne, Hasselt et Liège en Belgique, ainsi que Roermond aux Pays-Bas. Comme évêque diocésain, Mgr Mussinghoff est aussi un acteur oecuménique, et ceci d’autant plus qu’il a été pendant de longues années vice-président de la conférence épiscopale allemande aux côtés du cardinal Lehmann. De plus, dès ses études de doctorat, Mgr Mussinghoff accompagnait les relations entre les catholiques et les orthodoxes en Allemagne. Il est donc tout naturel que les Mélanges contiennent un chapitre sur l’orthodoxie en Allemagne et à Vatican II, ainsi qu’un chapitre sur l’Église protestante en Rhénanie (Evangelische Kirche im Rheinland), qui se situe sur le même territoire que le diocèse d’Aix-la-Chapelle. Notons d’emblée que ce regard transfrontalier — au-delà des frontières politiques et confessionnelles — est un grand atout de ce volume qui reflète ainsi au mieux la richesse d’une Église locale en interaction avec son environnement concret : sans forcément pousser trop loin l’aspect comparatif, le soin mis à la présentation des différents diocèses permet d’entrer dans des recherches — comparatives aussi bien que locales — qui mènent plus loin.

Dans sa contribution, Wilhelm Damberg (Université de Bochum) établit un bilan de l’historiographie diocésaine après Vatican II. Si, selon le professeur d’histoire ecclésiastique, les recherches sur l’après-Concile en Allemagne n’abondent pas encore, il en évoque plusieurs raisons, situant par là même l’historiographie ecclésiastique dans l’ensemble des sciences historiques telles qu’elles sont pratiquées en Allemagne. Pour l’historiographie ecclésiastique, ce constat est néanmoins problématique, dans la mesure où Vatican II a mis en valeur le diocèse comme Église locale (p. 10 et suiv.), même si, par la suite, Damberg propose un regard non théologique sur les diocèses comme « phénomènes historico-sociétaires » (p. 12). Sur le plan des méthodes, ceci peut s’avérer très fructueux, car comme plusieurs contributions le montrent, un regard théologique implique des présupposés qui peuvent influencer l’évaluation des faits historiques et même leur description. Ceci dit, pour l’histoire de l’Église comme discipline théologique, un regard historique qui se croit non théologique ne peut pas être entièrement satisfaisant. Non seulement les présupposés théologiques peuvent rester implicites, mais l’objet même de la recherche — l’Église se définissant comme une réalité divino-humaine (LG 8) — nécessite, au-delà d’une identification des dimensions historique, pastorale, sociologique, théologique et autres (voir à ce sujet p. 16), une réflexion sur leur articulation et leur interaction. Dans ce sens, ce volume mérite le titre d’ouvrage pionnier, car il met à la disposition du lecteur un très grand nombre d’informations, souvent difficiles à trouver, et s’avère donc un premier pas indispensable pour toute réflexion historico-théologique approfondie.

En ce qui concerne la présentation des différents diocèses, il est naturellement impossible d’en présenter les détails. Limitons-nous à quelques observations qui pourraient avoir un intérêt méthodologique et théologique pour les diocèses situés au-delà d’Aix-la-Chapelle. Tout d’abord, on constate des variations au niveau de l’identité diocésaine, qui est un facteur important, quoique souvent sous-jacent, pour la réception du Concile. Tandis que Cologne ou Trèves sont des diocèses pluriséculaires d’une importance majeure pour l’histoire de l’Allemagne, celui d’Essen est de fondation récente. Sous l’impulsion de son premier évêque, le très dynamique futur cardinal Franz Hengsbach, le diocèse de la région industrielle de Ruhr (Ruhrgebiet) partage l’essor et le déclin économique de l’industrie du charbon et de l’acier. Fondé juste avant le Concile, celui-ci est reçu dans d’autres conditions que celles prévalant dans le diocèse de Hasselt, une autre fondation postconciliaire, dont le premier évêque Jozef Maria Heuschen figurait parmi les Pères conciliaires remarqués. Certes, les différences au niveau diocésain sont souvent subtiles, et autant dues à la personnalité de l’évêque qu’à des structures et à des mentalités parfois difficiles à comparer. Mais quoi qu’il en soit, au-delà de la réception conciliaire commune à tous les diocèses — réforme de la liturgie, introduction des différents conseils, etc. — on ne saurait sous-estimer ces différences, même s’il faut être très prudent pour en tirer des conclusions plus générales.

Tous les lecteurs ne seront peut-être pas d’accord avec plusieurs prises de position des auteurs, mais elles ont le mérite de renvoyer à de vraies questions. Dans sa présentation du processus de réception conciliaire dans l’archidiocèse de Cologne, le cardinal Joachim Meisner, successeur des cardinaux et Pères conciliaires Frings et Höffner, distingue une réception officielle des documents conciliaires et une volonté de réforme se réclamant de l’esprit du Concile, sans toutefois toujours connaître les textes (p. 23). Par conséquent, Meisner décrit les tensions postconciliaires qu’il diagnostique à partir de cette clé herméneutique (p. 33 et suiv.). Au-delà même de la relation entre lettre et esprit du Concile, la question se pose de savoir comment on peut « appliquer exactement (exakt umsetzen) » (p. 34) les décisions conciliaires, dans la mesure où de nouveaux problèmes se posent (p. 35). De même, dans la contribution de Ben Janssens sur le diocèse de Roermond, quelques prises de position sous-jacentes touchent des questions essentielles, au-delà de l’opinion personnelle de l’auteur, qui reprend pour son article l’impression qu’avait exprimé le jeune Karol Wojtyla par rapport à la vie religieuse dans la région : il s’agirait d’un « koppig katholicisme » (« catholicisme entêté »). Janssens diagnostique une certaine différence entre les prêtres d’un côté, et la masse des fidèles de l’autre, les premiers appartenant à une sorte d’élite de formation et souhaitant par là même des réformes pour lesquelles leur degré de formation les a préparés, alors que les derniers sont majoritairement incapables de suivre le rythme des changements (ainsi le jugement exprimé p. 270). Au-delà des particularités historiques et socioculturelles du diocèse de Roermond, qui peuvent expliquer ce jugement, ce genre de jugement peut évidemment, de manière générale, soulever un certain nombre de questions par rapport aux présupposés théologiques de l’historien, de même que par rapport à la méthodologie historique. En outre, il renvoie à la question, tant méthodologique que théologique, consistant à savoir comment on peut saisir des processus de réforme dans la vie ecclésiale, alors que cette dernière comporte d’importantes dimensions émotionnelles. Comme dans la contribution du cardinal Meisner, une expression mérite attention, même s’il se peut qu’il s’agisse juste d’une question de traduction du néerlandais : ainsi, p. 285 n. 27, il est question de « délimitation » (Abgrenzung) des textes conciliaires par rapport à leur contexte historique. Ne s’agit-il pas plutôt d’une « dé-limitation » (Ent-grenzung), c’est-à-dire d’une tentative pour rendre la foi accessible à travers une situation concrète tout en dépassant celle-ci ? Aussi, à partir de l’histoire particulière du diocèse de Roermond suite à la nomination de Mgr Gijsen comme évêque en 1972, la question générale se pose de savoir comment, après Vatican II, il convient de concevoir la vocation, la formation et le ministère des prêtres (p. 286). En fait, cette même question surgit, d’une manière ou d’une autre, quasiment dans tous les diocèses, et particulièrement quand il est question du célibat des prêtres et de leur raréfaction. Encore au sujet des ministères et de leur exercice dans une Église locale, la contribution sur le diocèse de Münster mérite une attention particulière, car elle inscrit la question du rôle des prêtres dans un ensemble de questions liées à la vie chrétienne sur le terrain. C’est dans ce diocèse, sous l’épiscopat de Mgr Heinrich Tenhumberg, que le rôle des paroisses a été repensé de manière très intense après le Concile, ce qui reflétait d’ailleurs une certaine « euphorie de la planification » (p. 61) qui a marqué la République Fédérale d’Allemagne à tous les niveaux de la vie publique dans les années 1960 et 1970. Ce parallèle conduit alors à la question de l’interférence entre processus de réception et évolutions de société. Si dans un premier temps, les tentatives dans le diocèse de Münster sont l’exemple le plus marquant en Allemagne pour dépasser un certain esprit de clocher, la valeur positive de ces mêmes clochers a également pu être retenue (voir à ce sujet les déclarations substantielles du synode commun des diocèses allemands à Würzburg, 1972-1975). Ceci dit, le problème contemporain semble plutôt être le contraire, à savoir un manque de plus en plus ressenti d’enracinement de l’Église dans sa dimension sacramentelle sur le terrain. C’est en effet précisément ici que la raréfaction des prêtres conditionne de plus en plus toute la vie ecclésiale, au-delà d’une réception conciliaire proprement dite.

Pour terminer nos observations, retenons deux aspects méthodologiques. Tout d’abord, la contribution de Mathijs Lamberigts et de Karim Schelkens sur le diocèse de Hasselt. Cette contribution peut être considérée comme exemplaire dans l’évaluation des sources, car les auteurs réussissent à donner un aperçu global des évolutions à partir d’une documentation variée et analysée au mieux, malgré les lacunes inévitables (dues à l’accessibilité des documents, et parfois même à leur non-existence) qui caractérisent nécessairement chaque documentation. La contribution d’Alfred Minke sur le diocèse de Liège intègre quant à elle les réponses données par un certain nombre de prêtres à des questionnaires préparés par l’auteur. Si les réponses sont évidemment très subjectives, c’est néanmoins dans cette subjectivité même qu’elles peuvent donner une idée de cette dimension ô combien importante de la réception de Vatican II, dimension qui ne se trouve écrite nulle part, mais qui est du domaine du vécu. Sans remplacer d’autres outils herméneutiques, cette histoire « orale » s’avère de la plus haute importance si l’on veut saisir, au-delà des faits qui ne peuvent que décrire la surface de la foi vécue, l’ambiance des années de Vatican II. Minke y réussit d’autant plus qu’il prend soin de ne pas confondre les faits avec leur interprétation dans la vie et la foi des gens.

Il va de soi qu’à ce stade, certaines questions méthodologiques et théologiques pour les recherches sur Vatican II ne font que commencer. Toutefois, le fait que ceux qui veulent pousser plus loin les questionnements puissent s’appuyer sur une documentation très riche n’est pas le moindre mérite de ce précieux volume.

Michael Quisinsky

25. Theologische Kommission des Katholischen Deutschen Frauenbundes, dir., Die Tür ist geöffnet. Das Zweite Vatikanische Konzil - Leseanleitungen aus Frauenperspektive. Münster, Aschendorff Verlag GmbH & Co. KG, 2013, 152 p.

Ce « guide de lecture à partir de perspectives féminines », comme le dit le sous-titre, fait partie des publications germanophones les plus originales sur Vatican II des dernières années. Ce livre ne s’adresse pas d’abord aux scientifiques, mais aux femmes du « Katholischer Deutscher Frauenbund », afin d’initier, au-delà des différentes générations qui marquent actuellement la vie de l’Église, le dialogue sur Vatican II et, par là même, sur la foi (voir Margit Eckholt dans son introduction, p. 11). Néanmoins, la qualité théologique des introductions des différents documents conciliaires, l’apport de la documentation historique à la connaissance de l’événement conciliaire, la profondeur existentielle des témoignages (Zeitzeugenberichte), les perspectives si diverses des suggestions d’activités en vue de sessions de travail sur le terrain et les nombreuses idées exprimées de manières très différentes font que la lecture de ce volume s’avère extrêmement fructueuse pour les chercheurs qui se consacrent de manière scientifique à Vatican II.

La documentation historique — qui doit beaucoup à Regina Heyder — témoigne des activités des actrices de Vatican II issues du « Katholischer Deutscher Frauenbund » (notamment l’auditrice Gertrud Ehrle), mais les situe aussi dans l’ensemble des auditrices et actrices de Vatican II. Les nombreuses propositions de pistes de discussions et d’activités autour des documents conciliaires impliquent un grand nombre de perspectives théologiques et méthodologiques qui peuvent enrichir et parfois défier l’herméneutique conciliaire telle qu’elle se fait au niveau scientifique.

Il serait intéressant de discuter entre femmes et hommes, d’une part, pourquoi une publication qui s’adresse spécialement aux femmes est tout à fait légitime, tout en essayant, d’autre part, de relever en quoi cela est caractéristique d’une situation historique du christianisme. Car, bien entendu, beaucoup de sujets de discussions, méthodes de travail et questions évoquées concernent aussi bien les femmes que les hommes. De manière générale, on peut alors se demander si l’on mesure, dans l’herméneutique conciliaire (en tant que partie de la théologie en général), les enjeux de l’anthropologie biblique qui professe que Dieu a créé homme et femme à son image (Gn 1,27). Plus concrètement, on peut se demander quelle serait une lecture « masculine » de Vatican II, car dans le cadre d’une vraie complémentarité théologique entre femmes et hommes et entre la compréhension de la féminité et de la masculinité, les raisons différentes qu’il peut y avoir pour de pareilles lectures spécifiques n’excluent point l’utilité, voire la nécessité, d’aller plus loin… ensemble. Dans le but de développer cette complémentarité, on peut souhaiter, comme un premier pas, qu’au-delà de la lecture « féminine » de ce livre, une lecture « masculine » entre en dialogue avec cette dernière. Le seul regret qu’on puisse exprimer à l’égard de cette publication est le fait que le sous-titre très pertinent se cache un peu derrière le titre principal qui est certes très suggestif, mais qui ne mentionne sans doute qu’une partie des enjeux explicites et implicites des sujets traités.

Michael Quisinsky

Monographies

26. Richard R. Gaillardetz, Catherine E. Clifford, Keys to the Council. Unlocking the Teaching of Vatican II. Collegeville, The Liturgical Press, 2012, 202 p.

Cet ouvrage, écrit par deux professeurs qui, bien que non spécialistes de Vatican II, en sont de très bons connaisseurs, a pour première qualité d’être pédagogique. On a en effet affaire à un ouvrage destiné à un large public cultivé et à des étudiants de premier cycle qui désirent être initiés à Vatican II et en comprendre les principaux enjeux. L’ouvrage est réparti en 20 courts chapitres, chacun présentant un enjeu particulier et renvoyant à l’un ou l’autre document du Concile, en particulier les quatre constitutions, excepté trois renvois à Unitatis Redintegratio et un seul à Christus Dominus, Dignitatis Humanae et Nostra Aetate, les autres documents ne faisant pas l’objet d’un chapitre particulier.

La structuration des documents du Concile, elle-même présentée à la p. xx, m’a semblé déficiente, ce qui indique de toute manière la difficulté à vouloir faire entrer dans un schéma l’ensemble des documents de Vatican II. Il est en effet problématique de parler de relations extérieures de l’Église, d’une part, et de mission, d’autre part, comme si l’activité missionnaire n’était pas tournée vers l’extérieur. De plus, il est hasardeux de situer les Églises orientales catholiques avec l’oecuménisme et les religions non chrétiennes. Enfin, le schéma, prisonnier de la problématique ad intra-ad extra mise en avant par Suenens au début du Concile, mais contestée par la suite, n’offre pas réellement une clé de compréhension du Concile. En effet, la réalité du peuple de Dieu n’apparaît pas ici, comme le fondement scripturaire de l’expression le suggérerait, comme un signe levé au milieu des nations, c’est-à-dire une réalité en soi missionnaire. Cette lacune empêche en quelque sorte de rejoindre la première définition de l’Église qui apparaît dans Lumen Gentium, l’Église conçue comme un sacrement (chapitre 6), un signal levé dans le monde et pour le monde. J’aurais beaucoup à dire sur ce schéma trop simplificateur et pas assez compréhensif qui structure cependant l’ouvrage et la pensée de ses auteurs.

L’ensemble est de lecture agréable et représente une bonne introduction aux textes conciliaires, sans en dispenser la lecture comme le souligne l’introduction. Le lecteur est pris par la main et conduit pas à pas dans l’exploration des grands axes des textes conciliaires. De nombreux encadrés, toujours brefs, introduisent au vocabulaire technique utilisé, même s’il faut déplorer le manque de rigueur dans la présentation de certaines définitions. Par exemple, à la p. 32, on dira que le terme « magisterium » « refers to the teaching authority of the whole college of bishops in communion with its head, the pope […] », ce qui représente une définition partielle du terme. On trouve un autre exemple dans l’encadré de la p. 43 portant sur l’infaillibilité : on parle ici de l’enseignement « ordinaire » des évêques là où Vatican II parle de leur enseignement « authentique ». De même, on remarquera que dans le radiomessage de Jean XXIII du 11 septembre 1962, Ecclesia Christi, lumen gentium, c’est l’Église qui est désignée comme lumière des nations, alors que le Concile corrige en reportant sur le Christ cet attribut, ce qui n’est pas relevé ici (p. 52). De fait, le spécialiste trouvera ici ou là des imprécisions ou regrettera le manque de rigueur de certains passages dont je ne veux pas faire la liste ici.

En somme, cet ouvrage rendra sans doute un grand service à quiconque veut s’initier aux grands thèmes de Vatican II.

Gilles Routhier

27. Philippe Chenaux, Le temps de Vatican II. Une introduction à l’histoire du Concile. Paris, Éditions Desclée de Brouwer, 2012, 227 p.

Dans son dernier livre, Philippe Chenaux — professeur d’histoire de l’Église moderne et contemporaine à la Pontificia Università Lateranense et directeur du Centro Studi e Ricerche « Concilio Vaticano II » de cette même Université — propose une introduction à l’histoire du Concile. Cet ouvrage a pour but, selon les mots de l’auteur dans son avant-propos, « d’offrir une synthèse claire et équilibrée, accessible au grand public cultivé ».

Cet objectif est indéniablement atteint. À partir de l’historiographie récente, dont il est l’un des meilleurs connaisseurs, Philippe Chenaux ne se contente pas d’étudier l’événement conciliaire en tant que tel, mais il part de l’héritage de Pie XII (chapitre 1), et des plus importants mouvements ecclésiaux préconciliaires, à savoir le mouvement liturgique, le mouvement biblique et patristique, le mouvement marial, le mouvement oecuménique et le mouvement pour l’apostolat des laïcs (chapitre 2). Il présente ensuite « Le concile de Jean XXIII » (chapitre 3), la préparation de l’événement dans ses phases antépréparatoire et préparatoire (chapitre 4), les participants (chapitre 5), et le déroulement du Concile (chapitre 6), en ne s’attardant pas seulement à chacune des quatre périodes mais également aux intersessions.

Les trois chapitres suivants portent sur les schémas les plus importants du Concile. Ainsi, dans « L’Église ad intra », il présente les débats qui ont mené aux constitutions Dei Verbum sur la Révélation et Lumen Gentium sur l’Église (chapitre 7). Dans « L’Église ad extra », il s’attarde à l’élaboration de la Constitution Gaudium et Spes, aux rapports entre l’Église et le monde, et à la déclaration Dignitatis Humanae sur la liberté religieuse (chapitre 8). Enfin, dans « La voie du dialogue », il présente l’histoire du décret Unitatis Redintegratio sur l’oecuménisme, la déclaration Nostra Aetate sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes, et il se penche (mais il ne s’agit pas cette fois d’un schéma) sur l’épineuse question du communisme (chapitre 9). Dans ces trois chapitres, l’auteur met les choses en contexte et présente les enjeux liés à chacune des questions étudiées.

Les chapitres 10 et 11 portent sur la première réception de Vatican II. Dans « Paul VI, le prince réformateur », Philippe Chenaux traite de la réforme liturgique et de celle de la Curie, en mentionnant préalablement, et avec justesse, qu’on « ne peut séparer l’histoire du concile et celle de l’immédiat après-concile ». Il présente ensuite « La crise postconciliaire » en abordant successivement la crise de la foi, la crise du magistère, la crise du clergé et la crise de l’Action catholique.

Enfin, dans le dernier chapitre intitulé « Sources et historiographie », Philippe Chenaux présente tout d’abord l’historicisation de Vatican II en s’attardant surtout à l’école de Bologne et sa genèse. Il présente ensuite le travail sur les sources, avec la publication des Acta et Documenta Concilio Oecumenico Vaticano II apparando et des Acta Synodalia Sacrosancti Concilii Oecumenici Vaticani II, la fondation de divers centres de recherche qui recueillirent des fonds conciliaires, la publication d’inventaires de fonds privés, et la typologie des sources documentaires (documents officiels reçus par les Pères conciliaires, documentation relative aux travaux des commissions, journaux conciliaires, correspondance). Il aborde également l’importante question de l’herméneutique du Concile, car, comme il le souligne, « L’historicisation du concile Vatican II impliquait un travail fondé non seulement sur la recherche des sources […] mais aussi sur l’interprétation des sources elles-mêmes, sur l’“herméneutique” conciliaire ». Cette partie permettra à ceux qui voudraient connaître les fondements du débat herméneutique actuel et ses enjeux de faire le tour de la question en quelques pages. Enfin, dans les « Questions ouvertes », Philippe Chenaux montre les limites des travaux réalisés jusqu’à présent et présente des points à approfondir ainsi que des pistes de recherches pour l’avenir. Elles sont nombreuses et prouvent que l’histoire du concile Vatican II est encore loin d’être entièrement écrite.

Le livre est complété par une bibliographie et par un index onomastique.

Nous ne pouvons donc que souligner l’intérêt de cet ouvrage. Le spécialiste de Vatican II pourra toujours regretter que l’auteur n’ait pas développé davantage tel ou tel aspect, mais il s’agit d’une synthèse et cet exercice requiert de faire des choix. Ceux de Philippe Chenaux sont judicieusement faits et son livre permettra au lecteur de se faire une bonne idée de l’histoire du dernier Concile oecuménique de l’Église catholique, de le situer dans son contexte historique, et d’en appréhender les grands enjeux.

Mentionnons, pour terminer, qu’avant d’être traduit en français, cet ouvrage est paru en italien sous le titre Il Concilio Vaticano II (Roma, Carocci editore, 2012, 189 p.).

Philippe Roy-Lysencourt

28. Christoph Theobald, « Dans les traces… » de la Constitution « Dei Verbum » du concile Vatican II. Bible, théologie et pratiques de lecture. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Cogitatio Fidei », 270), 2009, 206 p.

Depuis des années, C. Theobald poursuit, de manière originale, souvent avec des groupes et toujours dans des contextes sociaux et culturels variés, la lecture de la Bible. Parallèlement, il ne cesse d’approfondir la Constitution Dei Verbum. Le présent ouvrage, qui rassemble en partie des contributions publiées ailleurs, nous introduit à sa pensée sur la Bible, sur son statut dans la culture et dans l’Église, sur sa lecture et son interprétation. Il nous introduit également à son approche de la Constitution Dei Verbum, que C. Theobald considère comme la clé d’interprétation du concile Vatican II à partir de laquelle tout le corpus trouve son sens et sa cohérence. Dans cette Constitution qui compte six chapitres, Theobald nous propose une démarche originale qui nous fait partir du chapitre VI, sur la lecture actuelle de l’Écriture, Parole de Dieu toujours actuelle. Toutefois, pour Theobald, il s’agit de reconstruire les liens entre la Bible, dont on affirme l’inspiration (chapitre III) et dont on encourage la lecture (chapitre VI), et sa portée révélatrice que l’on affirme au chapitre I. En somme, les deux premiers chapitres consacrés à la Révélation et à sa transmission présupposent en quelque sorte que soient clarifiés le statut de ce livre (la Bible/les Écritures) et ses règles d’interprétation. Par conséquent, Theobald renonce à faire une lecture linéaire de la Constitution, pour proposer un parcours circulaire, en commençant en quelque sorte par « lire les Écritures » avant d’aller à la Révélation. Ainsi, il faut établir au point de départ le statut de ce livre dans la culture, livre qui a acquis le statut de « classique », avant de parler à la fois de l’accès et de la capacité révélatrice de ce livre qui donne accès à un monde nouveau pour le lecteur, la lecture impliquant la construction d’une relation entre le narrateur et le lecteur.

L’ensemble de l’ouvrage est dominé par la conscience d’un « nouveau positionnement de la Bible dans la culture » (p. 58). Celle-ci s’est en quelque sorte sécularisée et se présente désormais comme un classique parmi d’autres (idée reprise aux chapitre I, III, IV et VII). Il est également dominé par la conscience qu’on ne peut plus penser la tradition dans les mêmes termes en raison des changements culturels de grande portée, des écarts entre les cultures dans lesquelles l’Église s’inscrit aujourd’hui, et du pluralisme radical des traditions religieuses (voir le chapitre II). Une troisième idée-force effleure constamment : le rapport entre le narrateur et le lecteur, et la présentation de Jésus comme initiateur, c’est-à-dire qui ne persuade pas de l’extérieur, mais qui sollicite ce qui est déjà à l’oeuvre dans les auditeurs qu’il rencontre, la Bible ayant dans ce contexte pour fonction d’ouvrir au lecteur un monde qui peut éclairer le sien. Enfin, cet ouvrage est traversé par une bonne connaissance des théories actuelles de l’acte de lecture.

Tout cela conduit à renouveler notre lecture de Dei Verbum ou, suivant les titres et les sous-titres, à « un nouveau regard sur le chapitre II de “Dei verbum” » (p. 52), à « [u]ne relecture du chapitre III de “Dei verbum” » (p. 57) ou à « “[r]ecadrer” le chapitre IV de “Dei verbum” » (p. 117).

Gilles Routhier

29. Giampietro Ziviani, Una Chiesa di popolo. La parrocchia nel Vaticano II. Prefazione di mons. Franco Giulio Brambilla. Bologna, Edizioni Dehoniane Bologna (coll. « Biblioteca di teologia dell’evangelizzazione »), 2011, 306 p.

La paroisse est aujourd’hui au centre des transformations auxquelles l’église est appelée en réponse aux changements culturels et sociaux en cours. Son enracinement territorial fait d’elle un point de convergence décisif de cette dynamique qui est en train de donner à l’église un nouveau visage. C’est en raison de son importance que la crise (au sens théologique) actuelle de la paroisse a besoin d’être pensée : la paroisse a changé et elle changera encore, mais il ne faut pas la balayer et disperser la richesse pastorale dont elle est porteuse. La réflexion théologique a le devoir d’accompagner ce processus et de proposer un discernement des éléments impliqués, afin que les décisions pratiques qui investissent la paroisse répondent mieux aux exigences de l’évangélisation. Una Chiesa di popolo s’inscrit dans cette logique avec le but de montrer la contribution que Vatican II a offerte, et peut continuer d’offrir aujourd’hui, en vue d’une imagination de la paroisse. Giampietro Ziviani, professeur d’ecclésiologie à la Faculté de théologie de Padoue (Italie), propose un exercice d’herméneutique conciliaire fondé sur la constatation suivant laquelle la paroisse est un point d’observation intéressant de la dynamique conciliaire, bien qu’elle n’ait pas été au centre de l’attention de Vatican II. En effet, protégé des conflits apparus dans l’assise conciliaire autour d’autres thèmes, le sujet-paroisse est positivement sollicité par les changements ecclésiologiques et pastoraux que Vatican II a progressivement introduits. Aujourd’hui, par conséquence, le retour à la source qui est le Concile peut utilement revivifier et guider le discours à propos de la paroisse.

Si l’introduction a comme simple but de fixer le contexte où se pose la question de la paroisse et le rapport entre ce discours et Vatican II, et si le premier chapitre offre des notions assez générales d’herméneutique à propos de Vatican II en dialogue avec les théories traditionnelles et récentes de ces cinquante ans de réception, le développement devient plus original à partir du deuxième chapitre. Il s’agit de l’analyse des vota envoyés à Rome pendant la phase ante-préparatoire du Concile par les cardinaux, les évêques et les patriarches du monde entier, ainsi que par les supérieurs généraux des instituts religieux et les recteurs des universités ecclésiastiques. L’A. propose une lecture attentive de ces contributions qui sont regroupées grâce au critère géographique, en posant la paroisse comme point d’observation. En dépit des différences que les contextes d’origine provoquent, Ziviani montre que, à propos de la paroisse, les vota ne contiennent rien de nouveau. La question de la paroisse est peu présente et, quand elle est citée, la perspective est plutôt juridique : les ecclésiastiques, en général, sont conscients du fait que la paroisse doit changer, mais ils peinent à imaginer les directions de ce changement. Ils ne semblent pas penser que le Concile puisse donner une contribution significative, sauf par rapport à certains problèmes administratifs qu’ils proposent comme thèmes de discussion à l’assemblée conciliaire.

Toutefois cette prévision est niée par le développement du Concile, auquel est consacré le troisième chapitre. En faisant référence aux discussions, aux gestes symboliques et aux documents du Vatican II, l’A. montre que le travail conciliaire touche de plus en plus la paroisse à partir de ses fondements. Malgré la richesse de son enseignement, on ne peut pas attribuer à Vatican II une théologie de la paroisse. Il faut prendre en compte le renouvellement global dont le Concile est à l’origine pour enrichir notre regard sur la paroisse et parvenir à s’en donner une vision théologale qui surmonte les limites d’une compréhension seulement administratives et fonctionnelles. Avec un survol des quatre périodes conciliaires, Ziviani reconstruit ce qu’il appelle « le portrait implicite de la paroisse » (voir p. 229). Le commentaire des extraits de documents où l’on parle explicitement ou par analogie de la paroisse donne les axes principaux de cette nouvelle émergence de la figure de la paroisse : entre autres, son lien avec l’église locale, la centralité de l’annonce, ses dimensions communautaire et missionnaire.

Le quatrième chapitre s’occupe de donner une évaluation de la période postconciliaire à propos de la question de la paroisse. La thèse de l’A. est double. D’abord, il affirme que le caractère implicite que le sujet-paroisse a eu pendant le Concile a déterminé l’absence d’intérêt de la réflexion suivante à propos du rapport entre paroisse et Vatican II, comme si le Concile n’avait pas affecté la compréhension ecclésiale de la paroisse. Ensuite, Ziviani lie aussi cette pauvreté de l’attention à la paroisse à l’injuste oubli de la catégorie conciliaire de « peuple de Dieu ». En effet, à l’occasion du synode des évêques de 1985, la catégorie « peuple de Dieu » est remplacée par la notion de « communion ». Avec la sous-détermination de l’historicité de l’église que la catégorie « peuple de Dieu » défendait, l’A. montre aussi que la paroisse, qui est la première manifestation de cette réalisation historique, a perdu en importance. Dans la conclusion, il propose de voir comme une chance l’attention à la paroisse que la théologie actuelle, dans son travail de réception du Concile, manifeste.

L’ensemble est conduit avec rigueur et cohérence. L’ouvrage se lit bien et est abordable par tout chrétien cultivé. L’analyse des documents (vota et documents conciliaires) est développée avec précision. Le lecteur pourra apprécier l’itinéraire offert comme un excellent exemple d’herméneutique conciliaire. En revanche, celui qui cherchera une réflexion synthétique sur le rôle de la paroisse dans l’église restera un peu désappointé. Malgré le titre qui présente le livre comme étant lié à la question de l’« église du peuple », la dernière partie du développement s’occupe surtout des problèmes de réception conciliaire, alors que la conclusion, trop rapide, peine à proposer une perspective synthétique. Le riche parcours développé aurait pu ouvrir la voie à une reprise ayant pour but de montrer pourquoi et comment c’est en particulier grâce à la paroisse que la figure d’une « église du peuple » se réalise.

Paolo Carrara

30. Verena Schmidt, Das Bistum Essen und das Zweite Vatikanische Konzil. Eine Untersuchung zum Rezeptionsprozess in den Pfarreien. Münster, Aschendorff Verlag GmbH & Co. KG, 2011, 274 p.

Si l’on veut comprendre l’impact de Vatican II sur la foi vécue, la réception du Concile dans les paroisses est certainement l’un des sujets de recherche les plus importants. Car c’est là que se joue une grande partie de la vie chrétienne et que s’inscrit la foi d’une manière institutionnalisée dans des contextes locaux au-delà des pratiquants, même si, de plus en plus, la diversification religieuse à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église semble mettre en difficulté — au moins à première vue — les paroisses. En même temps, c’est un des sujets de recherche les plus difficiles pour ceux qui s’intéressent à la réception de Vatican II. Car la question de savoir par où commencer, et sur quelle documentation se baser, peut déjà poser un certain nombre de problèmes. En plus, une fois la documentation établie, son caractère inévitablement lacunaire se fait remarquer : car ce n’est évidemment pas toute la vie paroissiale qui est fixée et documentée par écrit, et ce n’est pas tout ce qui a été fixé par écrit qui a été conservé. Aussi, il semble évident qu’il ne faut pas se limiter à une seule paroisse, même si une recherche approfondie doit passer par là, mais qu’il faut comparer un certain nombre de paroisses. Bien entendu, ce faisant, il convient de diagnostiquer en quoi ces paroisses choisies peuvent être considérées comme significatives pour la compréhension de telle ou telle dimension de la réception de Vatican II, et en quoi elles sont au contraire marquées par des particularités qui sont d’un intérêt plutôt local.

Avec sa thèse de doctorat, soutenue à l’Université de Bochum sous la direction du professeur Wilhelm Damberg, Verena Schmidt entreprend donc de combler une lacune dans les recherches sur le Concile et sa réception, en tout cas dans l’espace germanophone, même si, ici ou là, quelques études généralement plus modestes sur Vatican II et les paroisses ont déjà été entreprises. Certes, le contexte du diocèse d’Essen — fondé en 1958 et s’étalant pour l’essentiel sur la région de la Ruhr avec ses mines de charbon et son industrie d’acier — est particulier. Néanmoins, certaines caractéristiques communes avec le catholicisme allemand d’avant Vatican II (on parle volontiers de « katholisches Milieu » pour désigner une certaine forme désormais historique du catholicisme, notamment entre les deux conciles du Vatican) font que les observations faites dans ce livre sont, mutatis mutandis, instructives pour l’ensemble des diocèses allemands (ne serait-ce que parce qu’elles identifient certaines questions et mettent en exergue certaines approches méthodologiques). Même si Schmidt peut résumer la réception conciliaire à Essen en indiquant qu’elle s’est faite relativement hésitante au niveau diocésain (p. 255 et suiv.), la diversité de ses sources paroissiales permet d’établir un panorama assez différencié des changements intervenus, ainsi que de leur perception par les fidèles.

Un premier chapitre retrace l’histoire des débuts du diocèse, avant qu’un deuxième chapitre n’envisage la préparation du Concile aux niveaux diocésain et paroissial. Dans un troisième chapitre, nous découvrons en outre les interventions de Mgr Franz Hengsbach dans son diocèse, intervention ayant pour but d’informer ses fidèles du déroulement des travaux conciliaires, mais aussi des activités paroissiales, notamment dans le domaine liturgique, où des changements ont été introduits et débattus. Enfin, le quatrième chapitre, qui est aussi le plus long, analyse les évolutions des années 1966 à 1975, date de la fin du synode commun des diocèses allemands à Würzburg.

Dans son introduction, Schmidt évoque de manière très convaincante les raisons l’ayant conduite à choisir ses cinq paroisses représentatives (p. 15). Elle évoque aussi les problèmes rencontrés au niveau des sources (diverses publications diocésaines et paroissiales) et de leur analyse systématique, ainsi que les options méthodologiques destinées à faire face à ces problèmes. Somme toute, Schmidt fait le choix de privilégier des sources imprimées telles que des bulletins paroissiaux. Ce choix se justifie en raison de ses nombreux avantages. En revanche, on peut penser que la communication paroissiale se passe en grande partie oralement, à commencer par les prédications, les explications faites par les prêtres pendant ou à la fin des messes, les discussions sur le parvis, dans les réunions des différents groupements paroissiaux (en l’occurrence très actifs à l’époque du Concile, si l’on pense aux « Verbände » du catholicisme allemand) et les conseils paroissiaux instaurés après le Concile, et, last not least, les discussions en famille et au « Stammtisch », dont on ne saurait sous-estimer le rôle social et communicatif à l’époque du Concile. Très naturellement, toutes ces discussions se reflètent beaucoup moins dans les bulletins paroissiaux, sauf dans le cas où celui-ci est rédigé de manière très complète ou avec le souci explicite de répondre à ces discussions. En ce sens, l’étude de Schmidt renvoie à un défi de premier rang pour de futures recherches sur la réception de Vatican II dans les paroisses, un défi qu’il est très difficile de relever avec une seule approche. Sans doute faudra-t-il continuer à développer une épistémologie pluridisciplinaire, combinant des approches théologiques, historiques, sociologiques et autres, sans oublier qu’on a affaire à des convictions de foi de paroissiens, et donc à une dimension intime de leur vie. Malgré les limites des sources orales, on pourrait ici notamment penser à profiter des témoignages de contemporains (« Zeitzeugenberichte »).

Le choix étant donc fait de privilégier des sources diocésaines et paroissiales qu’on peut qualifier, à des degrés divers, d’« officielles », une image certes partielle, mais très instructive de la réception conciliaire surgit. Aux hésitations des responsables diocésains à Essen — qui ne sont pas à confondre avec de l’hostilité, et qui ne sont pas forcément typiques des 27 diocèses allemands — correspondent les réactions multiples et diverses des paroissiens du même diocèse. Ainsi, le déroulement concret de l’introduction de changements diverge considérablement selon les paroisses. Si l’on sait que les paroisses, ce sont les paroissiens et leurs curés et vicaires, le rôle éminent des agents locaux dans le processus de réception saute aux yeux. Aucun modèle épistémologique ne pourra faire fi de cette dimension personnelle et relationnelle qui marque la vie des paroisses. Il faudra d’ailleurs aussi prendre en considération le fait que les jeunes paroissiens de l’époque du Concile sont les aînés des paroisses d’aujourd’hui, qui très souvent ont apporté beaucoup à ces mêmes paroisses, et ceci non sans être inspirés par le Concile. Dans ce sens, les discussions parfois très vives à l’occasion des restructurations paroissiales de ces dernières années font, à leur manière aussi, partie de la réception conciliaire, et ceci d’autant plus qu’elles touchent, au-delà d’un attachement à une paroisse particulière, des questions de fond.

Michael Quisinsky

31. Rodrigo Coppe Caldeira, Os Baluartes da Tradição. O Conservadorismo Católico Brasileiro no Concílio Vaticano II. Curitiba, Editora CRV, 2011, 336 p.

Numériquement, au concile Vatican II, l’épiscopat du Brésil était le quatrième en importance. C’est dire son poids, comme l’ont montré les travaux d’O. Beozzo, en particulier Padres Conciliares Brasileiros no Vaticano II. Participação e Prosopographia, 1959-1965. Dans cet épiscopat, quelques figures se détachent, la plus connue étant sans doute celle de Dom Helder Camara. La recherche doctorale de Luiz Carlos Luz Marques qui en édita la correspondance (Vaticano II : Correspondência Conciliar. Circulares a Familia do São Joaquim) permet déjà de voir l’influence de celui-ci au Concile. À l’autre extrémité du spectre, on retrouve les figures de l’évêque de Diamantina, Geraldo de Proença Sigaud, et de Campos, Antônio de Castro Mayer, tous les deux élus évêques par Pie XII à la fin des années 1940 et qui seront des membres actifs du Coetus Internationalis Patrum au cours du Concile. On connaissait déjà un peu leur participation à Vatican II et la thèse de Philippe Roy a bien montré le rôle crucial qu’ils ont joué au sein du Coetus. Si l’étude de Rodrigo Coppe Caldeira fait également état de leur participation au Concile (les chapitres V à IX), sa plus grande originalité se trouve ailleurs, soit dans le fait de montrer l’enracinement de leur position dans un mouvement traditionnaliste brésilien, « Tradição, Família e Propriedade » (TFP), animé par Plínio Corrêa Oliveira. Ce mouvement, que l’on devrait caractériser avant tout comme antimoderne et anticommuniste plutôt que conservateur ou traditionnaliste, s’enracine, comme le montre le premier chapitre (genèse d’une pensée), dans une réaction aux Lumières et à la Révolution française et, sur le plan magistériel, dans le Syllabus de Pie IX qui se prolonge ensuite dans la lutte antimodernisme au début du xxe siècle. Cette dogmatique antimoderne, forgée dans la mouvance du catholicisme ultramontain et intégraliste qui dépend des mouvements européens, construit dans le nouveau monde, au moment où le Brésil passe de l’Empire à une république laïque (1891), une forme de catholicisme antimoderne et, au sens propre, réactionnaire. On voit ici non seulement la rencontre de deux contextes (européen et brésilien), mais également de deux courants qui fusionnent, la pensée catholique antimoderne et le conservatisme politique. On ne sera donc pas surpris de voir que la relation entre l’Église et l’État (et la présence publique de l’Église) va occuper une place centrale dans le développement de cette pensée. Cela conduit à l’élaboration d’un projet de nouvelle chrétienté au moment où la crise économique désoriente les esprits au cours des années 1930-1945, qui correspondent à la première période du gouvernement Vargas.

L’ouvrage repose sur une hypothèse et sur une vision du Concile et de la vie de l’Église qu’il nous faut mettre à jour. L’hypothèse est clairement formulée dans la préface (p. 13), à savoir que l’on doit chercher à comprendre le concile Vatican II comme un événement qu’il faut insérer dans la longue durée et situer comme moment d’un processus historique qui s’initie bien avant sa tenue. Nous avons certainement là une clé herméneutique importante pour comprendre le Concile et pour bien le situer sur un horizon plus ample. Rodrigo Coppe Caldeira honore cette hypothèse en nous faisant en quelque sorte traverser ce que John W. O’Malley appelle le long xixe siècle, qui court selon lui jusqu’au début des années 1960. Plutôt que de commencer avec le concile Vatican II, Rodrigo C. Calderia nous fait cheminer durant quatre chapitres à travers ce long xixe siècle brésilien dont on ignore beaucoup de choses en Occident. Cette traversée de la première partie de l’ouvrage ne m’est pas apparue superflue ou fastidieuse, bien au contraire. En fait, c’est là que j’ai appris le plus de choses, et c’est cette partie qui m’a semblé la plus originale. Cet enracinement historique de la pensée de Sigaud et Castro Meyer nous permet précisément de comprendre leur combat au Concile. Bien plus, il nous permet aussi de comprendre bien des débats postconciliaires.

La lecture de cet ouvrage nous renvoie également à une représentation du Concile et, à la limite, de la vie de l’Église. Le Concile est en quelque sorte compris comme une arène où s’affrontent des forces conservatrices et progressistes. Je durcis sans doute un peu le trait ici, mais cette conception se dégage assez facilement de la lecture de la deuxième partie où l’on suit l’opposition de Castro Meyer et de Sigaud à l’orientation de la majorité conciliaire qui poursuivait un projet de recadrage de la posture ultramontaine de l’Église — avec notamment la discussion sur la collégialité épiscopale — et de l’attitude antimoderne du catholicisme (voir Gaudium et Spes et Dignitatis Humanae, par exemple). Certes, l’opposition farouche et tenace du Coetus et la bataille pied à pied qu’il mena contre les schémas soumis au Concile peut conduire à se forger cette représentation. Toutefois, je résiste un peu à cette vision bipolaire, tant la dite majorité est complexe dans sa formation (notamment sur la liberté religieuse et sur le schéma XIII). De plus, il faut encore tenir compte de l’effort constant de Paul VI pour construire le consensus (pari qu’il parvient à relever) et du souci constant, dans les commissions, d’en arriver à un compromis qui honore les diverses parties. En ce sens, on peut dire que la polarisation qui existe réellement n’est en fait qu’une partie d’une histoire plus complexe.

Enfin, cet ouvrage qui nous arrive de l’hémisphère sud stimule notre réflexion à deux égards : d’une part, il a l’avantage de nous faire réfléchir à la transposition de débats proprement européens dans le Nouveau Monde, notamment sur le développement d’une réaction antimariténienne au Brésil, et d’autre part, il a le mérite de montrer comment interagissent les développements proprement politiques et la pensée de l’Église catholique.

L’ensemble est bien construit, mené avec rigueur, en s’appuyant sur des sources de première main et des études pertinentes. Un premier ouvrage d’un jeune chercheur qui mérite le détour.

Gilles Routhier

32. Eugen Daigeler, Jugendliturgie. Ein Beitrag zur Rezeption des Zweiten Vatikanischen Konzils im deutschen Sprachgebiet. Regensburg, Verlag Friedrich Pustet (coll. « Studien zur Pastoralliturgie », 34), 2012, 552 p.

Le sous-titre de cette thèse soutenue à Munich (Ludwig-Maximilians-Universität) ne manquera pas d’attirer l’attention des chercheurs sur Vatican II. L’auteur se propose en effet d’analyser la liturgie des jeunes (et/ou pour les jeunes) des dernières décennies dans l’espace germanophone et comme le sous-titre l’indique, cette liturgie est considérée comme une contribution à la réception de Vatican II.

L’étude commence par une impressionnante bibliographie (p. 18-98) qui constitue déjà en elle-même une documentation de première importance. Y sont en effet mentionnés, non seulement des sources publiées, mais aussi des sources non publiées (dont différentes catégories de sources difficilement accessibles), ainsi que des témoignages oraux. Analyser cette documentation riche et diversifiée est une tâche ambitieuse, car cette analyse peut se faire de différentes manières et à partir de différentes perspectives.

Dans une première partie, après un premier chapitre qui sert d’introduction et qui contient notamment des définitions utiles et nécessaires, le deuxième chapitre retrace l’histoire des liturgies des jeunes, ce qui a notamment le mérite de montrer qu’on ne peut pas isoler la réforme liturgique de Vatican II d’une certaine évolution liturgique sur le terrain. Le troisième chapitre est consacré à la musique, et plus concrètement à une discussion (très vive dans les années conciliaires) portant sur la manière dont on peut (ou non) intégrer la musique contemporaine (les protagonistes des liturgies des jeunes parlent volontiers de « Jazzmessen » et de « Beatmessen ») dans la liturgie — il serait d’ailleurs intéressant de considérer de manière plus approfondie la décennie de Vatican II comme étant aussi celle des Beatles… ! Une deuxième partie est ensuite consacrée à la liturgie des jeunes « pendant cinq décennies » (voir le titre, p. 170). Un premier chapitre décrit le début de la réforme liturgique « officielle » dans la première moitié des années 1960. Un deuxième chapitre est consacré à la deuxième moitié de cette décennie, mais aussi à la dynamique propre de ces liturgies qui ne se limite pas toujours au cadre des changements établis par la réforme « officielle ». S’ensuivent par la suite un chapitre par décennie jusqu’à la première décennie du nouveau millénaire. Enfin, une troisième partie contient un seul chapitre qui récapitule les grandes lignes des liturgies des jeunes et leurs évolutions, tout en analysant les sujets auxquels ces liturgies ont été consacrées. L’étude se termine par un index très utile.

Les différents chapitres sont caractérisés par une multitude d’informations, avec d’ailleurs un accent particulier sur le diocèse de Würzburg (cf. p. 102), accent qu’il est impossible de retracer dans le cadre d’une recension. Bien évidemment, certains aspects sont d’un intérêt particulier pour comprendre l’histoire religieuse de l’Allemagne en général — on peut penser par exemple à l’impact de certaines traditions musicales dans la liturgie, même avant Vatican II, ou encore au rôle « extra-liturgique » de certaines liturgies des jeunes (ainsi, les complies des jeunes étaient très populaires dans les années 1930, mais ont été abandonnées assez vite une fois que leur rôle au moins implicite d’opposition face au régime nazi n’était plus d’actualité) — et la réception de Vatican II dans les diocèses allemands en particulier.

D’autres aspects sont eux révélateurs des enjeux de la réception de Vatican II au niveau de l’Église universelle, et cela même si cette étude parvient à les identifier à partir de l’exemple allemand. Ainsi, Daigeler se réfère au musicologue Hans Elmar Bach, qui considère dès 1974 que le manque de musique liturgique (de qualité) contemporaine s’explique par la politique de restauration musicale du xixe siècle (p. 164), siècle qui voit en effet le passage considérable de la « Katholische Aufklärung » à l’ultramontanisme (en ce qui concerne la liturgie contemporaine, il convient de remarquer qu’aujourd’hui, les catholiques allemands apprécient des chants liturgiques des deux époques, de même que ceux provenant de l’époque de la Réforme — et d’autres époques encore). Cette remarque soulève en fin de compte, comme Daigeler le montre, la question de la conciliation parfois difficile entre la qualité musicale et l’acceptation par les fidèles de la musique liturgique.

Toutefois, l’intérêt de cette étude pour les recherches sur Vatican II ne réside sans doute ni dans les aspects qui concernent l’Allemagne, ni dans ceux qui valent mutatis mutandis pour d’autres contextes. C’est plutôt une question méthodologique, telle qu’elle apparaît au fil de la lecture, qui pourra stimuler les recherches sur la réception de Vatican II. En effet, la question se pose de savoir en quoi les développements prennent leur racine dans une tendance générale, dont une dynamique propre était bel et bien à l’oeuvre avant Vatican II, et en quoi ils sont inspirés par le Concile, et donc aussi par une réception de ce dernier. Ceci dit, il s’agit là d’une question des plus complexes, et on ne peut pas attendre d’une seule étude qu’elle y réponde de manière définitive.

En ce qui concerne la « contribution à la réception de Vatican II » mentionnée dans le sous-titre, cette précieuse étude aurait encore gagné à clarifier plus explicitement ce qu’elle entend par « réception de Vatican II ». Ainsi, l’auteur passe assez vite de l’histoire du Consilium à la pratique en Allemagne (p. 174 et suiv.). Sont également introduits des paramètres à usage plutôt descriptif, mais lourds de conséquences théologiques, tels que la « déritualisation » et la « désacralisation » (p. 185). En ce qui concerne certains aspects de l’histoire et de la réception d’un texte conciliaire (cf. p. 204 la mention de SC 22 qui passe sous silence l’histoire de ce texte), on pourrait imaginer une problématisation historico-théologique de certains enjeux qui les accompagnent.

Afin de pouvoir exploiter pleinement la signification des événements pour la compréhension de Vatican II, les recherches sur le Concile et sa réception devront sans doute continuer à développer la dimension méthodologique, dont les études de cas seront un aspect indispensable. En ce sens, le livre de Daigeler peut notamment donner une idée de l’histoire générale de la liturgie des jeunes dans la deuxième moitié du xxe siècle. Telle qu’elle est présentée dans cette étude substantielle et hautement instructive pour les recherches sur Vatican II et au-delà, cette histoire interpellera tous ceux qui s’intéressent aux processus et aux contenus de la réception conciliaire, mais aussi à ses particularités — avec ses chances et ses limites — dans un contexte donné.

Michael Quisinsky

33. Francesco Saverio Venuto, La recezione del Concilio Vaticano II nel dibattito storiografico dal 1965 al 1985. Riforma o discontinuità ? Torino, Effatà Editrice (coll. « Studia taurinesia », 34), 2011, 448 p.

C’est beaucoup plus qu’à une relecture du débat historiographique que nous convoque Francesco S. Venuto dans sa thèse de doctorat sur la réception de Vatican II. En somme, à travers les revues Concilium et Communio, et quelques monographies, il nous invite à revisiter les interprétations que l’on a données du concile Vatican II. Il le fait, ce qui ne va pas sans péril, en s’appuyant sur des catégories offertes par Benoît XVI, réforme et discontinuité, dont se sont emparés les partisans d’une thèse ou d’une autre pour en faire leur bannière, instrumentant le discours pontifical à leurs fins, désirant par-dessus tout se situer dans le bon camp. En effet, la subtilité du discours de Benoît XVI risque d’échapper au lecteur pressé, le pape rappelant que « c’est précisément dans cet ensemble de continuité et de discontinuité à divers niveaux que consiste la nature de la véritable réforme ». La véritable réforme ne s’oppose donc pas à la discontinuité, mais elle est faite précisément d’un ensemble de continuités et de discontinuités à divers niveaux, Benoît XVI reconnaissait d’ailleurs explicitement que l’enseignement de Vatican II sur plusieurs questions représentait une certaine discontinuité par rapport à l’enseignement antérieur de l’Église catholique : « Il est clair que dans tous ces secteurs [relations de l’Église avec l’État, avec la pensée moderne, avec les autres confessions chrétiennes et les autres religions], dont l’ensemble forme une unique question, pouvait ressortir une certaine forme de discontinuité et que, dans un certain sens, s’était effectivement manifestée une discontinuité », dans la continuité des principes. La discontinuité qu’il met en avant est celle de l’unique sujet-Église et celle qu’il fustige est celle qui « risque de finir par une rupture entre Église préconciliaire et Église post-conciliaire ».

Le pape Benoît XVI avait donc pris soin de bien qualifier les substantifs « continuité » et « rupture », et il faut avouer que ceux qui en font usage, depuis son discours, empruntent ces catégories sans les qualifier de manière aussi précise, ce qui en grève finalement l’usage. C’est malheureusement ce que l’on retrouve parfois dans cet ouvrage, ce qui conduit à la construction de deux groupes qui se dressent l’un face à l’autre. Si l’on qualifie davantage les catégories, il devient alors beaucoup plus complexe de situer les uns et les autres, ceux qui soulignent les discontinuités observées à Vatican II ne mettant pas forcément en avant la discontinuité de l’unique sujet-Église.

Néanmoins, le travail présenté ici demeure intéressant et suggestif par le fait qu’il nous permet une traversée des vingt années qui suivent le Concile. La documentation mise en oeuvre (principalement en italien, allemand, anglais et français) est impressionnante et fait l’objet d’une lecture fine et précise. Le dossier est de grande qualité et le traitement qui en est fait, rigoureux. En particulier, l’auteur montre à quel point les années 1968-1970 sont chargées et décisives pour la réception de Vatican II, plus peut-être que l’année 1985 qui marque également un point tournant avec la tenue de l’Assemblée extraordinaire du synode des évêques. Ces années 1968-1970 sont des années de ruptures (Rahner-Balthasar et Ratzinger) et de recomposition (Balthasar-Ratzinger) ; années de contestation, non seulement de la part de mouvements « gauchistes », mais également de la part de catholiques intransigeants, ce qui mena à la fondation du Séminaire d’Écône et de la Fraternité St-Pie X. Il s’agit là des années qui fondent une polarisation à l’intérieur de l’Église catholique, le consensus acquis au moment du Concile ne résistant pas à l’épreuve de sa mise en oeuvre dans la pratique. À mes yeux, ces années charnières prennent de plus en plus d’importance, si bien qu’elles pourraient à elles seules constituer une étape dans la périodisation du Concile.

Cette étude repose sur un postulat, à savoir que les historiens sont des acteurs et des agents de la réception de Vatican II. Même si les matériaux mis en oeuvre dépassent largement les contributions des historiens pour s’intéresser plus souvent à celles des théologiens, cette étude pose une question qui n’a pas été suffisamment examinée jusqu’ici. On s’est autrefois demandé si les théologiens n’avaient pas été les artisans de Vatican II (J.F. Kobler, « Were Theologians the Engineers of Vatican II ? », Gregorianum, 70, 2 [1978], p. 233-250). Il est légitime de se demander aujourd’hui dans quelle mesure ces acteurs que sont les historiens et les théologiens qui, avec les mass media et le magistère, ont accès à la parole publique sont les « ingénieurs » de la réception de Vatican II.

De plus, cet ouvrage donne à penser et relance la réflexion sur le rapport entre innovation et tradition, ou encore sur les rapports complexes entre développement et continuité dans l’expression de la doctrine et la figure de l’Église. En somme, un travail qui nourrit la réflexion.

Gilles Routhier

34. Massimo Faggioli, Vatican II. The Battle for Meaning. New York, Paulist Press, 2012, 200 p.

Le petit livre de Massimo Faggioli, écrit dans un style vif et nerveux, présente en termes simples et accessibles le développement du catholicisme postconciliaire. En six brefs chapitres, il présente les grands débats qui ont traversé l’Église catholique au cours de cette période. Après un premier chapitre qui ébauche une périodisation de cette tranche de 50 années d’histoire du catholicisme, ce chercheur, qui a déjà ouvert plusieurs dossiers sur le devenir du catholicisme, cartographie ce catholicisme en mouvement, tiraillé entre plusieurs directions : celle que voudrait lui voir suivre le pape Paul VI, celle de la Curie, celle du front du refus incarné par Mgr Lefebvre, celle développée par la théologie de diverses obédiences sur les divers continents, etc. Enfin, l’A. illustre bien les interprétations divergentes du Concile qui s’expriment dans les relectures historiques parfois conflictuelles du Concile lui-même à partir de 1985 : d’une part, son historisation, contestée par quelques-uns, à travers l’histoire de Vatican II sous la direction de G. Alberigo et, d’autre part, la relecture du Concile réalisée dans d’autres cercles.

Il faut retenir qu’il s’agit d’un ouvrage destiné à un large public. L’auteur, bon communicateur, réussit à simplifier les enjeux, parfois en courant le risque de la schématisation. Bien informé, il parvient à rendre vivante une histoire complexe à souhait et à rendre accessible à un large public, en les simplifiant, des débats qu’une présentation beaucoup plus exhaustive rendrait moins attrayants. De plus, l’idée d’une bataille, exprimée déjà dans le titre, rend le récit palpitant et passionnant, au risque toutefois de partager le monde en quelques groupes bien définis et aux positions bien campées.

Certes, il faut sans doute s’intéresser à ces débats entre ces protagonistes. Toutefois, je me demande si ces études ne doivent pas de plus en plus faire une place plus large au peuple de Dieu ou au plérôme de l’Église dans la réception de Vatican II. En somme, si ces débats ont souvent un écho dans le peuple de Dieu et ne sont pas sans conséquences pour l’ensemble du corps ecclésial, je suis persuadé que la compréhension de la réception de Vatican II dépasse les conflits dans ce petit cercle d’acteurs qui ont la parole, qui écrivent et qui peuvent mobiliser les mass media. En somme, je me suis demandé s’il ne s’agit pas d’un conflit entre des acteurs tous désireux d’établir que leur discours est le seul légitime comme l’a montré Pierre Bourdieu dans sa théorie des champs (voir « Le marché des biens symboliques », L’Année sociologique, 22 [1971], p. 49-126). S’il y a une bataille entre rivaux désireux d’occuper le pôle de légitimité, cela n’épuise pas ce qui se développe dans le corps ecclésial. Certes, cela est beaucoup plus difficile à saisir et à discerner. Toutefois, je suis persuadé que nous n’arriverons pas à une compréhension pleine et approfondie des années postconciliaires si nous ne mettons pas plus d’efforts à appréhender ce qui se joue dans le « champ du grand public », pour reprendre les catégories de Bourdieu.

La lecture de ce petit livre me suggère donc d’encourager les études sur la réception du Concile dans le peuple de Dieu, sur le plan paroissial notamment.

Gilles Routhier

35. Jörg Ernesti, Paul VI. Der vergessene Papst. Freiburg, Verlag Herder GmbH, 2012, 376 p.

C’est une lacune considérable que vient combler cette biographie du pape Paul VI, rédigée par Jörg Ernesti. Professeur d’histoire ecclésiastique à Brixen, l’auteur vit et travaille au point de rencontre entre les langues et les cultures allemandes et italiennes. Il est donc particulièrement bien placé pour rédiger cette biographie en langue allemande, car les recherches les plus récentes sur Paul VI se sont faites le plus souvent en italien, grâce notamment à l’Istituto Paolo VI de Concesio-Brescia. Ce n’est donc pas le moindre de ses mérites de présenter les résultats de ces recherches aux lecteurs germanophones, et ceci d’autant plus que le livre, tout en étant scientifique, est aussi accessible à un public plus large. Les discussions et recherches sur le pontificat montinien, et ainsi donc sur une partie essentielle de la réception conciliaire, ne peuvent qu’en profiter. Pour citer la préface du cardinal Karl Lehmann : « Quiconque veut se prononcer de manière sérieuse sur le temps du Concile Vatican II et de sa réception ne peut pas passer à côté de ce livre instructif et objectif » (p. 9). Le cardinal, tout comme l’auteur, n’oublie cependant pas d’ajouter (et Ernesti commence même avec cette remarque, voir p. 11) que ce livre ne prétend pas tout dire sur Giovanni Battista Montini/Paul VI, et que des recherches substantielles restent à faire.

Dans son introduction, Ernesti reprend à son compte la formule « Il papa dimenticato », « le pape oublié », titre d’un documentaire diffusé par la télévision italienne en 2006, avant de présenter les sources, les publications et recherches sur Paul VI. Une première partie retrace « les étapes d’une carrière ecclésiastique », autrement dit la vie de Montini jusqu’à son élection comme Paul VI en 1963 (p. 27-64). Si cette partie-là est courte, elle est très dense et instructive. Ainsi, l’auteur démontre les influences intellectuelles et spirituelles du jeune Montini, qui d’ailleurs n’a pas vécu au séminaire pour des raisons de santé, et a donc pu s’instruire, par exemple dans le domaine de la littérature, au-delà d’un certain canon prévu à l’époque pour les séminaristes. On retiendra aussi l’influence, pour le futur pape, de son père, véritable modèle de laïc engagé, mais aussi homme politique, qui a jeté les bases de la proximité durable de Montini avec la Democrazia Cristiana. Ernesti explique aussi fort bien comment la collaboration étroite avec Pie XII a marqué à jamais Montini, qui néanmoins a pu cultiver et développer son caractère propre, par exemple en tant qu’assistant ecclésiastique de la FUCI et, bien entendu, en tant qu’archevêque de Milan à partir de 1954. C’est d’ailleurs cet épiscopat dans la ville ambrosienne qui permet de saisir comment le futur pape allie des méthodes modernes en pastorale et une doctrine souvent peu novatrice.

Si l’élection de Paul VI en 1963 se fait sous le signe du Concile, Ernesti prend soin de dresser un portrait du nouveau pape qui ne le limite pas à son action conciliaire, pourtant décisive, nonobstant l’importance des années 1963-1965, caractérisées par une ambiance de grand départ. Pour les chercheurs sur Vatican II, ce procédé a le mérite d’offrir une perspective montinienne sur le Concile. Si le Concile n’est pas présenté en tant que tel in extenso, c’est aussi dû au fait que Paul VI, tout en suivant de près les travaux conciliaires et en les réorganisant de manière très substantielle, ne s’y est pas impliqué personnellement en permanence. En revanche, ses voyages à l’étranger ont pu amplifier la perception des travaux conciliaires dans les différents pays, et même dans l’opinion publique mondiale. Par ailleurs, Ernesti met fort bien en relief comment ce pape, qui a poursuivi l’oeuvre conciliaire de Jean XXIII, a pu être à la fois en continuité avec certains aspects caractéristiques du pontificat de Pie XII (voir aussi p. 125), tout en étant le premier pape à utiliser l’avion, à visiter tous les continents, etc.

Une deuxième phase du pontificat est l’après-Concile, qui est placé contre les attentes de Paul VI sous le signe de la crise. Malgré son épuisement à la fin du Concile, le pape initie et poursuit de multiples réformes, dont celle qui est visible par tout le monde, à savoir la réforme liturgique, mais aussi celle qui n’est autre chose qu’une grande tentative d’aggiornamento des institutions vaticanes, à savoir la réforme de la Curie. Chacune, d’une façon spécifique, demanda beaucoup d’énergie au pape, qui fut d’ailleurs lui-même à la fois inspiré par le mouvement liturgique et sa longue expérience à la Curie. Incontestablement, l’année 1968 marque une rupture, et Ernesti situe fort bien l’encyclique Humanae Vitae, qui est en quelque sorte l’emblème de cette rupture, dans l’ensemble de l’après-Concile. Si crise postconciliaire il y a eu, elle a d’autant plus touché Paul VI qu’il a espéré réconcilier l’Église catholique avec le monde moderne.

La question de savoir dans quelle mesure Paul VI était un pape « moderne » est donc plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, beaucoup d’aspects de son pontificat reflètent une vraie modernité, et ceci jusque dans des détails tels que les parements liturgiques ou le décor de l’appartement papal. De plus, tant au niveau oecuménique que pastoral, les initiatives de Paul VI sont incontestablement novatrices. Un pape qui célèbre la messe de minuit à Noël avec les ouvriers et qui envoie des messages aux astronautes sur la lune fait entendre des messages forts, non seulement au monde, mais également à son Église. L’encyclique Populorum Progressio montre à quel point ce pape est ouvert à la modernité et au progrès, tout en voulant le mettre au service de l’homme. Ernesti montre ainsi comment le pape perçoit très clairement les mutations à l’oeuvre dans la société et dans l’Église, mais aussi le degré de perplexité et d’impuissance qui marque de plus en plus son état d’esprit, et ceci d’autant plus que sa représentation du ministère pétrinien était tellement exigeante qu’il ne se facilitait pas les choses. Ainsi, des aspects plutôt « conservateurs » accompagnent les ouvertures que Paul VI ne cesse de mettre en oeuvre. Ceci dit, en lisant les analyses d’Ernesti, on peut conclure que ces aspects sont plutôt le reflet d’un souci de sauvegarder la foi dans un temps de crise que l’expression d’une théologie classique cohérente. En revanche, c’est justement parce qu’ils ne se révèlent pas toujours très efficaces que les moyens dont Paul VI se sert pour contrer la crise peuvent mener à la question de savoir si cela n’est pas dû aussi, au moins en partie, à un certain manque de cohérence théologique, et ceci notamment dans la perspective conciliaire. Autrement dit, les tensions qui marquent le pontificat de Paul VI résulteraient, dans l’ensemble, du fait que chez le pape, l’aggiornamento de la pastorale et l’aggiornamento de la théologie ne suivent pas le même rythme, ce qui nuance d’ailleurs l’attitude critique d’Ernesti envers certains théologiens qui reprochent justement à Paul VI ce manque d’approfondissement (p. 122).

Sur le plan biographique, Ernesti décèle chez Paul VI un autre tournant avec le succès de l’Année Sainte en 1975, qui aurait, toujours selon l’auteur, assis les bases pour la consolidation de la vie ecclésiale sous le pontificat de Jean-Paul II. Aussi, l’exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi de cette même année peut-elle être considérée — tant sur le fond que sur la forme en ce qui concerne sa genèse — comme une réactualisation de certaines intuitions majeures de Vatican II, qui ont marqué la vie de l’Église au-delà de la mort de Paul VI. Ce n’est peut-être pas le moindre des mérites de l’étude d’Ernesti que de montrer à quel point c’est à Paul VI que reviennent certains mérites qui ne lui sont pas toujours attribués.

En ce qui concerne les différents aspects du pontificat de Paul VI, c’est sa politique envers les régimes communistes qui fait figure d’exception dans ce livre, en ce sens que l’auteur, contrairement au style plutôt descriptif et neutre du livre, la critique relativement ouvertement. Ce style n’exclut pas ici ou là des prises de position et des jugements. Sans exception, ceux-ci diagnostiquent des points qui méritent une discussion approfondie. Ainsi, il considère comme « conservateur » la confiance de Paul VI envers l’importance des institutions (p. 310), ce qui renvoie de manière générale à la question du rapport entre intuitions conciliaires et institutions. De plus, il parle d’un « fleurissement de l’art et de l’architecture sacrés » après le Concile, un jugement qui risque de faire grincer des dents les uns, et enthousiasmer les autres. Si Ernesti reproche à l’école de Bologne d’avoir formé une certaine image de Paul VI (p. 123), ceci renvoie à la question de savoir à quel point, cinquante ans après le Concile, une sorte d’historiographie de l’historiographie commence, souvent de manière subtile, à influencer les recherches contemporaines et futures sur Vatican II.

Sans avoir pu présenter plus en détail les divers éléments de ce livre très riche, qu’il suffise pour conclure de souscrire au jugement du cardinal Lehmann qui considère ce livre comme incontournable. Vu que pour des raisons linguistiques, les études sur Paul VI de ces dernières années sont sans doute moins connues dans l’espace germanophone qu’ailleurs, ce jugement est plus vrai encore en Allemagne (et bien entendu dans les pays germanophones tels que la Suisse et l’Autriche) qu’ailleurs.

Michael Quisinsky

36. Étienne Fouilloux, Eugène cardinal Tisserant (1884-1972). Une biographie. Paris, Desclée de Brouwer (coll. « Pages d’histoire », série « Biographie »), 2011, 717 p.

Professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Lumière-Lyon II, Étienne Fouilloux est spécialiste d’histoire religieuse du xxe siècle. Après son livre sur François Varillon, c’est la deuxième biographie qu’il signe aux Éditions Desclée de Brouwer.

Pour écrire l’histoire d’Eugène Tisserant, il a eu accès aux archives personnelles du cardinal — conservées dans une maison des Pyrénées orientales —, dans lesquelles il a trouvé des documents exceptionnels. De la très abondante correspondance du cardinal, deux séries de lettres lui furent particulièrement utiles pour reconstruire minutieusement le parcours, ainsi que l’évolution intellectuelle et spirituelle du prélat nancéen : les courriers hebdomadaires à ses parents, puis à sa mère, ainsi que le courrier mensuel à ses probateurs successifs dans la Société des prêtres de saint François de Sales, Mgr Charles Ruch, puis le chanoine Samuel Hecquet. Cette correspondance permit notamment à Étienne Fouilloux d’éclairer une autre source très importante, les agendas du cardinal, dans lesquels ce dernier a noté l’emploi de son temps, les noms des personnes rencontrées, ainsi que les lettres reçues et envoyées. Outre ces documents de premier plan, l’auteur a exploité la correspondance que Tisserant entretint avec les papes et les cardinaux, avec les chefs d’État et de gouvernement, mais aussi avec les humbles prêtres et laïcs. Cette correspondance hors du commun — Étienne Fouilloux estime qu’elle doit contenir deux cent mille documents pour dix-huit mille correspondants — est croisée avec d’autres sources, des archives françaises et italiennes, et la documentation accessible dans les Archives Secrètes du Vatican, c’est-à-dire jusqu’en 1939, sauf pour le concile Vatican II. L’inaccessibilité des archives pontificales après la fin du pontificat de Pie XI entraîne inévitablement une différence dans la nature des sources utilisées par l’historien, qui est, après cette date, beaucoup plus dépendant des archives du cardinal.

Dans cet ouvrage, Étienne Fouilloux livre donc à ses lecteurs le récit de la vie exceptionnelle d’Eugène Tisserant, dont voici les faits les plus saillants. Le protagoniste de cette histoire est né à Nancy le 24 mars 1884. Après d’excellentes études primaires et secondaires, il entra au séminaire de Nancy en 1900, et fut ordonné prêtre en 1907. Alors qu’il se destinait à devenir professeur de sciences (l’un des livres qu’il emporta au séminaire était un manuel de calcul différentiel et intégral), il fut dirigé par ses maîtres vers des études supérieures d’orientalisme appliqué à la Bible, car il était extrêmement doué pour les langues orientales anciennes. Après avoir passé une année à l’École biblique de Jérusalem, il entra à l’Institut Catholique de Paris où il obtint, en 1908, le diplôme des cinq langues orientales anciennes. Alors qu’une chaire lui était promise à l’Institut Catholique, il fut appelé à Rome de manière fortuite : Pie X lui demanda, en mars 1907, d’enseigner l’assyrien à l’athénée romain de l’Apollinaire et de travailler au catalogage des manuscrits orientaux à la Bibliothèque Vaticane.

La Première Guerre mondiale l’éloigna de Rome durant quelques années. Mobilisé au 26e régiment d’infanterie comme soldat de 1re classe, le 3 août 1914, il fut blessé au cours de la nuit du 4 au 5 septembre suivant. Sa convalescence à peine achevée, il fut affecté, le 12 janvier 1915, à la Section d’Afrique de l’état-major général de l’Armée. Il y remplit diverses tâches où sa puissance de travail et ses talents d’organisateur furent remarqués. Après avoir été promu lieutenant, le 16 décembre 1918, il fut démobilisé en avril 1919.

Après la guerre, il reprit son poste et ses travaux au Vatican en mai 1919. Peu de temps après, suite au départ de Mgr Ratti pour Varsovie, il fut nommé adjoint de Mgr Mercati, préfet de la Bibliothèque vaticane. Ce fut le début d’une longue carrière administrative où il gravit rapidement les échelons de la notoriété. Les premières années, malgré trois missions en Orient (1923, 1926, 1929), furent cependant très difficiles pour lui en raison de ses rapports complexes avec Mgr Mercati. En 1927, une délégation américaine visita la Bibliothèque vaticane. Ayant trouvé les locaux et les méthodes de travail désuets, elle proposa au pape une subvention pour la moderniser, à la condition que l’un de ses bibliothécaires aille se former aux États-Unis. Parlant couramment l’anglais, Eugène Tisserant fut désigné pour cette mission, au cours de laquelle il découvrit avec intérêt l’American way of life. Après un voyage de 80 jours dans les bibliothèques nord-américaines, il prit en charge le renouveau de la Bibliothèque vaticane, financé par la Dotation Carnegie. En 1930, après dix ans de tensions avec le préfet en titre de la vaticane, il fut nommé propréfet de la Bibliothèque : Mgr Mercati restait préfet en titre, mais le gouvernement réel lui revenait désormais. Il eut ainsi les coudées franches pour continuer la modernisation de l’établissement, qui devint, sous son impulsion, l’un des plus modernes d’Europe. Ce succès lui valut le chapeau de cardinal en juin 1936. À cinquante-deux ans, il devint le plus jeune membre du Sacré Collège.

Après son accession au cardinalat, une nouvelle étape débuta dans la vie d’Eugène Tisserant. Le 19 juin 1936, il fut nommé Secrétaire de la Congrégation des Églises Orientales, qu’il dirigea pendant vingt-trois ans. C’est à ce poste qu’il traversa la Seconde Guerre mondiale et subit le communisme, qui le priva de la moitié de ses fidèles. Il fut un fervent adversaire de la latinisation des Églises orientales ; il défendit leur autonomie, tout en étant clairvoyant sur leurs faiblesses. Selon Étienne Fouilloux, il conféra à cette Congrégation « une stabilité qu’elle n’avait pas connue auparavant et qu’elle ne connaîtra guère par la suite » (p. 690). Nommé archevêque titulaire d’Iconium le 25 juin 1937, il fut sacré le 25 juillet suivant. En 1938, année où il fut élu à l’Académie des inscriptions et belles lettres, Pie XI lui confia une nouvelle charge délicate qui vint se superposer à toutes celles qu’il avait déjà : la présidence de la Commission biblique. D’un organisme de surveillance des exégètes, il en fit un outil au service de la recherche.

En février 1946, le cardinal Tisserant fut nommé cardinal-évêque de Porto et Santa Rufina. Durant une vingtaine d’années, il consacra beaucoup d’énergie à cette charge pastorale, et le bilan de ses réalisations est impressionnant : « quarante-quatre paroisses (au lieu de vingt en 1946), quatre-vingt-dix prêtres et dix-sept auxiliaires (au lieu de vingt-cinq), quarante-deux maisons religieuses masculines et féminines, dont plusieurs maisons généralices, pour une population qui n’a fait que doubler » (p. 514). En 1951, à la mort du cardinal Marchetti, il hérita du petit diocèse d’Ostie, devenant ainsi Doyen du Sacré Collège, c’est-à-dire le second personnage de l’Église. C’est à ce titre qu’il présida les conclaves qui élurent Jean XXIII et Paul VI, et qu’il participa au concile Vatican II.

Sceptique sur le projet de Jean XXIII, il aurait souhaité ne pas y être trop impliqué, mais il ne pouvait être totalement en retrait du fait de ses fonctions. Il fut donc obligé de s’y investir minimalement. Ainsi, pour la préparation du Concile, il fut membre de la Commission centrale préparatoire et de la sous-commission des affaires mixtes. Durant l’événement lui-même, il présida le Conseil de présidence. Malgré ce titre, il ne fut pas un acteur majeur du Concile : « Sauf en de rares moments décisifs, il a plus subi l’événement qu’il ne l’a orienté. Il n’est guère intervenu publiquement au Concile ni sur le Concile, et il n’a pas participé directement à l’élaboration du corpus conciliaire. Son apport à l’oeuvre commune tient en une série d’interventions ponctuelles lors de moments chauds de la discussion » (p. 646).

À partir de l’avènement du pape Roncalli, la brillante carrière romaine du cardinal Tisserant commença à décliner. Jean XXIII, puis Paul VI, le contraignent à abandonner ses responsabilités : en novembre 1959, Jean XXIII lui demanda de quitter sa charge de Secrétaire de la Congrégation pour l’Église orientale ; quelques années plus tard, en 1966, Paul VI le pria de se retirer du diocèse de Porto et Santa Rufina ; après la réforme de la Curie en 1967, il dut se démettre — du fait de la limite d’âge — de la plupart de ses fonctions curiales. Il vivra ces « démissions » plutôt difficilement, malgré les honneurs qu’il continuait de recevoir. Le 21 février 1972, ce fut donc un vieillard plutôt amer et découragé qui s’éteignit, d’autant plus qu’il était pessimiste quant à l’avenir de l’Église postconciliaire.

Le portrait du cardinal Tisserant tracé par Étienne Fouilloux est nuancé. L’auteur fait le tri entre la vérité, la caricature et la légende qui entourait cet homme à la barbe fleurie et au verbe redouté, dont les archives étaient craintes par certains hommes du Vatican. Dans cette biographie qui est un modèle du genre, le lecteur découvre un homme intelligent, entier, généreux, exigeant, travailleur, mal à l’aise dans les intrigues romaines (Wladimir d’Ormesson le compara à un éléphant dans un magasin de porcelaine), et d’une fidélité indéfectible au Saint-Siège.

Alors que le genre biographique est encore négligé, voire mal vu par les historiens actuels, Étienne Fouilloux prouve avec cet ouvrage qu’il est possible de faire une excellente biographie, à la fois agréable à lire et rigoureuse, bien située dans le contexte historique et social de l’époque. Ce n’est pas uniquement la vie du cardinal Tisserant que le lecteur découvre dans ce livre, mais aussi — à travers un acteur majeur — plusieurs aspects de l’histoire de l’Église catholique dans la première moitié du xxe siècle. Mentionnons enfin que l’ouvrage comporte un carnet de seize pages de photos, ainsi qu’un index onomastique.

Philippe Roy-Lysencourt

37. Florian Michel, Traduire la liturgie. Essai d’histoire. Paris, Éditions CLD, 2013, 262 p.

Alors que la traduction du missel romain dans les diverses langues vernaculaires a été remise en chantier, suivant cette fois les normes de l’instruction Liturgiam authenticam (2001), l’ouvrage de l’historien Florian Michel, Traduire la liturgie, permet non seulement de reconstruire l’histoire de sa première traduction en français au cours des années 1960, mais permet surtout de prendre un peu de distance par rapport aux débats, parfois vifs et acrimonieux, autour de ces traductions. En effet, cet effort d’historicisation n’a pas simplement pour effet de nous permettre de reparcourir les controverses et les débats du passé, mais nous permet aussi de prendre un peu de champ et de hauteur par rapport aux événements du présent. La distance est prise également du fait que l’essai ne s’intéresse pas au débat sur la « messe en latin », mais retient pour objet spécifique le fait « traduction » qui n’a pas été considéré en lui-même et qui est souvent passé à l’arrière-plan. De plus, l’auteur plaide pour une « approche historienne de la réforme liturgique » (p. 15) ce qui lui permet de sortir des polémiques entre camps adverses et de déplacer également le débat qui a cours entre liturgistes et théologiens. Cette approche historienne a pour effet de l’amener à considérer d’abord la traduction de la liturgie latine comme un fait marquant de l’histoire culturelle de l’Occident.

L’ouvrage comporte trois parties distinctes. Le premier chapitre, qui en constitue la première, nous présente deux milieux et ses figures : le premier milieu est celui des traducteurs français, le CPL (auquel s’adjoignent évêques et théologiens), qui avait développé une tradition ou un habitus de traduction depuis plusieurs années (Roguet, Duployé, Bouyer, Martimort, Gy, Gélineau et Rimaud). Quant au second milieu, il est essentiellement constitué des récepteurs des traductions, et se recoupe avec, d’une part, le milieu des lettrés, qui, bien qu’adhérant à la Constitution sur la liturgie, critiquent les traductions proposées (en particulier Maritain et Gilson) et, d’autre part, les opposants à la réforme liturgique (et souvent aux enseignements de Vatican II), qui profitent de cette brèche ouverte pour faire entendre leur opposition, le pronostic de Maritain se révélant juste, la traduction fournissant un « combustible à cette minorité aveugle et pleine d’amertume, qui, dans une autre génération, était déjà active en France au temps de Léon XIII, et qui aujourd’hui s’élève avec violence contre les décisions du Concile et du Souverain Pontife » (p. 20). Ainsi, l’on passe de la contestation des traductions par les lettrés au traditionalisme. En fixant notre attention sur le phénomène traduction, l’auteur nous permet de bien distinguer entre le débat sur la « traduction » et la bataille sur la « messe en latin » et les réformes conciliaires, ce qui n’est pas suffisamment distingué la plupart du temps.

Les quatre chapitres suivants sont autant de micro-études qui nous permettent de voir à l’oeuvre et de manière dynamique le fonctionnement de ces deux milieux à partir d’analyses de quatre épisodes qui s’échelonnent de 1964 à 1970 : la traduction du Credo (la question du « consubstantiel »), du Notre Père, du canon de la messe (mysterium fidei) et l’essai de traduction oecuménique du Credo.

Le dernier chapitre propose une approche institutionnelle en mettant cette fois l’accent sur la Commission épiscopale liturgique et en la situant dans cette mécanique complexe qui a produit la réforme liturgique. Travaillant surtout pour cette partie à partir des archives du CPL, et en particulier des archives diocésaines des membres de cette Commission (Mende, Strasbourg, Cambrai), il n’a pas été possible, tout au long de cet ouvrage, de préciser le rôle de la Commission internationale francophone de liturgie (CIFTL), organe des conférences épiscopales de la France, du Luxembourg, de la Suisse, de la Belgique et du Canada, chargée de ces traductions. À certains moments, les traductions semblent être du CPL (p. 24, 38, 41 et 55) et ailleurs de la Commission (p. 34, 37, 66, etc.). L’imprécision tient au fait que les rôles n’étaient pas parfaitement clairs au début, le CPL rassemblant finalement les ressources les plus importantes et les plus expérimentées. De plus, il y a un réel chevauchement de responsabilités, Mgr Boudon se retrouvant à la fois à la tête de la Commission épiscopale de liturgie (de France), du CPL et de la CIFTL, d’où parfois le mélange des casquettes et… des papiers à lettres.

En conclusion, l’enquête est très bien menée, le dossier rassemblé est volumineux et F. Michel l’instruit à charge et à décharge avec beaucoup de bonheur. Peu d’auteurs, sans doute, auraient le talent de le présenter avec autant de sérénité tant le débat est passionné. Une étude qui nous fait sortir des polémiques en distinguant soigneusement le fait de la traduction, comme marqueur de l’histoire culturelle, du combat en faveur de la « messe en latin » ou suivant le missel de Pie V. L’auteur nous introduit sobrement aux diverses options offertes aux traducteurs et indique bien que la solution n’est pas simple entre la méthode d’équivalence dynamique et la traduction littérale. Bref, une étude rafraîchissante sur la question.

Gilles Routhier

38. Marc Ouellet, Actualité et avenir du concile oecuménique Vatican II. Entretiens avec le Père Geoffroy de la Tousche. Dijon, L’Échelle de Jacob (coll. « Visages »), 2012, 246 p.

39. Paul Poupard, Le concile Vatican II. Paris, Éditions Salvator, 2012, 185 p.

Parmi la littérature surabondante publiée sur Vatican II à l’occasion du Jubilé de son ouverture en 2012, on trouve de nombreuses contributions de cardinaux italiens, allemands et francophones. J’ai retenu ici deux contributions de cardinaux francophones qui ont en commun d’avoir l’un et l’autre servi à Rome, à la Curie. Ici s’arrête presque le parallèle. En effet, les deux ouvrages, d’une part, sont d’un genre tout différent : le premier, celui du cardinal Ouellet, est issu d’entretiens, ce qui ne permet pas à son auteur de mener un développement systématique aussi suivi, et qui est propice à de nombreuses digressions qui, si elles l’amènent parfois hors de son sujet principal, le concile Vatican II, n’en sont pas moins intéressantes et révélatrices, surtout pour un lecteur du Québec. Le cardinal Ouellet, qui a séjourné quelques années à Québec, revient très souvent sur son expérience à la tête de ce diocèse et pas simplement dans le premier chapitre biographique. Le second, celui du cardinal Poupard, suit quant à lui un développement plus classique, un plan raisonné que son auteur peut sans doute mieux maîtriser qu’on ne le fait dans le cadre d’entretiens où l’on est conduit par les questions de son interlocuteur. D’autre part, l’expérience des deux cardinaux est fort différente, notamment en regard du Concile. Le cardinal Poupard a très bien connu les deux papes du Concile, Jean XXIII et, surtout, Paul VI dont il a été proche. En revanche, le cardinal Ouellet a été plus familier des papes Jean-Paul II et Benoît XVI. De plus, en raison d’une appartenance à des générations différentes, Paul Poupard semble avoir été plus marqué par le Concile alors que Marc Ouellet semble l’avoir été davantage par les années d’après-Concile. Ainsi, le cardinal Poupard, témoin direct de l’événement — puisqu’il a été attaché à la Secrétairerie d’État de 1959 à 1971 — est plus favorisé par les circonstances que son cadet — qui n’avait que 18 ans à l’ouverture du Concile — lorsqu’il veut en fournir les clés d’interprétation fondées sur ce qu’a été le Concile lui-même. Cela se voit aisément dans les deux ouvrages : celui du cardinal Poupard est plus près des textes conciliaires et de l’événement que celui du cardinal Ouellet plus marqué par les débats des années 1980-2010. Celui-ci n’évite pas alors de projeter dans le passé conciliaire des idées ou des concepts théologiques personnels (sponsalité [2 occurrences], nuptialité ou nuptial [34 occurrences]) qui sont tirés davantage de sa théologie personnelle que des textes conciliaires où l’on ne trouve pas le terme. Par ailleurs, l’expression « peuple de Dieu », qui revient 108 fois dans les textes de Vatican II, expression qui non seulement sature le texte mais qui représente un concept théologique central, est beaucoup moins structurante de la pensée du cardinal Ouellet.

Cette lecture en miroir de ces deux volumes indique deux manières de lire les textes conciliaires, l’une plus attachée au Concile et à ses textes, l’autre davantage par les débats actuels, le Concile et ses textes devenant une grandeur plus abstraite et lointaine. Ceci dit, il est tout à fait intéressant de constater, par-delà les générations, l’intérêt des cardinaux pour le concile Vatican II.

Gilles Routhier

40. Walter Kirchschläger, Kirche im Aufbruch. Der Weg zum Konzil. Wien, Styria Premium (coll. « Kardinal König Bibliothek », 1), 2012, 136 p.

Trois anciens collaborateurs du cardinal Franz König ont fondé une collection en souvenir de celui qui a marqué l’Église en Autriche et au-delà pendant plusieurs décennies : Helmut Krätzl, ancien évêque auxiliaire de Vienne, qui est connu dans l’espace germanophone pour ses publications sur le Concile ; Annemarie Fenzl, ancienne secrétaire particulière de König, qui est directrice des archives König ; et Walter Kirchschläger, ancien secrétaire de König, qui est professeur émérite de Nouveau Testament à Lucerne (Suisse). C’est ce dernier auteur qui ouvre la collection avec ce petit volume retraçant « le chemin vers le Concile ». Vu la grande popularité du cardinal König (1905-2004), on comprend le choix des éditeurs de la collection d’opter pour des publications accessibles à un large public. Ainsi, le livre ne contient pas d’appareil scientifique. Cela dit, un glossaire des mots techniques et des noms cités est fort utile pour le public ciblé.

Les chercheurs sur Vatican II, eux, vont néanmoins apprécier ce petit volume. En effet, il contient notamment une présentation substantielle des vota et consilia des évêques de la province ecclésiastique de Vienne (p. 39-43) et un résumé des prises de position de König en tant que membre de la Commission préparatoire (p. 51-69). On retient ici la manière avec laquelle le cardinal combine une certaine prudence avec une ouverture théologique et pastorale. De manière générale, deux remarques caractérisent l’approche de König : concernant la discipline sacramentaire, il pense que le Concile ne devrait pas tout régler, mais « seulement les lignes générales » (p. 64) ; concernant la réintroduction du diaconat permanent, il reste personnellement hésitant, mais ne veut « pas fermer les portes » (p. 62). Néanmoins, quelques suggestions de König annoncent de nouvelles accentuations pour le Concile : ainsi, il insiste sur le rôle du collège épiscopal (p. 56), plaide pour une mariologie christocentrique (p. 59), demande la mise en valeur de la Bible dans la vie de l’Église et une reconnaissance du travail des exégètes (p. 60). En ce qui concerne les laïcs, il suggère d’exprimer plus clairement le fait qu’ils peuvent, eux aussi, contribuer à un certain développement du dogme (p. 62). Très sensible aux questions en rapport avec la Révélation, sa prudence théologique s’exprime, lors d’une discussion concernant le salut des enfants morts non baptisés, dans la formule « Deus nobis non revelavit » (p. 66).

Si la plupart des autres chapitres présentent plutôt de manière générale les enjeux du « chemin vers le Concile », on retiendra une évaluation générale du Concile par Walter Kirchschläger, inspirée pour ainsi dire par l’héritage spirituel et théologique du cardinal König (p. 122 et suiv.), ainsi que quelques citations de ce dernier en rapport avec le Concile (p. 126-128).

Michael Quisinsky

Synthèses

41. John W. O’Malley, L’événement Vatican II. Bruxelles, Éditions Lessius (coll. « La part-Dieu », 18), 2011, 448 p.

Dans notre dernière chronique, nous saluions la publication, en 2008, de l’important ouvrage de l’historien états-unien John W. O’Malley, What happened at Vatican II. Cet ouvrage, déjà traduit en italien, est maintenant offert au public francophone grâce aux Éditions Lessius, qui ont compris qu’il représente sans doute le meilleur ouvrage grand public sur Vatican II à ce jour. Certes, l’originalité de la perspective est intéressante — une approche de Vatican II à partir de la nouveauté de son style — mais le pari d’offrir « un livre de base sur le sujet », « un compte rendu bref et lisible » (p. 11-12) de ce qui est arrivé au Concile, me semble tenu. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un compte rendu bref (426 p.), mais le souffle de cet ouvrage qui tient son lecteur en alerte en rend aisée la traversée. Le grand public ne s’ennuiera pas à la lecture de ce « polar » qui présente de fréquents revirements de situations, des intrigues, des jeux de coulisses, des rebondissements, etc.

Bien entendu, il s’agit, comme je le soulignais dans ma dernière chronique, d’une histoire orientée, au sens premier du terme, c’est-à-dire d’une histoire où la présentation des événements obéit à une perspective et est inspirée d’une interprétation globale de l’évolution de l’Église catholique entre le concile Vatican I et Vatican II. Ceci dit, il s’agit d’une reconstruction qui repose sur une information solide et appuyée sur des sources, ainsi que sur une très bonne connaissance, non seulement du concile Vatican II, mais également de l’histoire du catholicisme.

Pour faciliter l’accès à l’histoire de Vatican II à un large public, l’ensemble est complété d’une chronologie sommaire du Concile, ainsi que de courtes biographies de ses participants les plus fréquemment mentionnés. Cela aide les non-spécialistes à circuler avec beaucoup plus d’aisance dans cette histoire destinée à un public cultivé, mais non spécialiste. En somme, cet ouvrage correspond bien aux objectifs fixés par son auteur : offrir une synthèse historique qui soit en mesure, non seulement de présenter à un large public ce qui s’est passé à Vatican II, mais de fournir au lecteur quelques clés pour lui permettre d’interpréter cet événement marquant de l’histoire du christianisme contemporain. La qualité de cet ouvrage est de proposer un récit capable d’intéresser le non-spécialiste tout en ne choquant pas le spécialiste — tant cette narration repose sur une connaissance approfondie du sujet.

Gilles Routhier

42. Yves Chiron, Histoire des conciles. Paris, Éditions Perrin (coll. « Pour l’histoire »), 2011, 288 p.

Parmi les brèves histoires des conciles, on connaît l’ouvrage classique de H. Jedin, Kleine Konzilengeschichte (1959), et, plus récemment, celui de K. Schatz, Allgemeine Konzilien - Brennpunkte der Kirchengeschichte (1999) et de N. Tanner, The Councils of the Church : A Short History (2001), ces deux derniers ouvrages n’apparaissant pas dans la bibliographie présentée à la p. 271. On n’avait pas l’équivalent en langue française, bien que certains des ouvrages mentionnés aient été traduits en français. Y. Chiron vient donc combler cette lacune en nous offrant une histoire des conciles qui sera utile pour nous donner une image d’ensemble du phénomène conciliaire dans l’histoire. Après une brève introduction, plutôt que de regrouper les conciles par type, comme le faisait Hefele, Jedin ou Schatz, l’auteur choisit de présenter à la suite chacun des 21 conciles oecuméniques, consacrant à chacun une dizaine de pages, sauf pour les trois plus récents, soit respectivement 30 pages pour le concile de Trente, 25 pages pour le premier concile du Vatican, et 40 pages pour Vatican II. L’ensemble représente une introduction généralement solide à chacun des conciles. Le traitement réservé à Vatican II m’a semblé parfois moins nuancé, moins approfondi, ou moins exact. Il est étonnant, par exemple, de parler à deux reprises dans le même paragraphe de réformes « radicales » de la liturgie (p. 242-243). De même, qualifier la majorité de « réformiste ou révolutionnaire » et la minorité de « traditionnelle » (p. 250) est un jugement qui commanderait certainement bien des nuances. Ni l’une ni l’autre n’est homogène et ne peut être ainsi simplement qualifiée. J’ai également une réserve quant à la « vision optimiste du monde » de Jean XXIII (p. 245). Certes, comme le montre la Bulle Humanae Salutis, c’est sa confiance en la Providence qui lui permet d’espérer dans la situation trouble du monde, mais il ne s’agit pas là d’un vague optimisme. Il est également simplificateur de parler de la liste « Frings-Liénart » (p. 247). Les choses sont beaucoup plus complexes. Léger n’a quant à lui jamais été membre de la Commission de coordination, comme on l’affirme à la p. 248. De plus, le discours d’ouverture de la deuxième session ne fait pas que mettre en valeur l’orientation oecuménique du Concile (p. 251). Ce discours est beaucoup plus riche et sa perspective christologique mérite d’être soulignée. De même, il faudrait revoir le passage sur la collégialité où ne s’opposent pas simplement une conception du gouvernement monarchique de l’Église et une autre aristocratique, laissant à Lefebvre et ses alliés l’honneur de défendre la « doctrine traditionnelle » (p. 251). Les analyses de J. Ratzinger, par exemple, sont beaucoup fines et beaucoup plus nuancées sur le sujet. Bref, ce chapitre sur Vatican II dépare un peu ce volume qui, par ailleurs, trouve sa place dans la littérature sur les conciles.

Gilles Routhier

Albums anniversaires, Films et Expositions

43. « L’ABC de Vatican II ». La Croix, Hors-Série (2012), 82 p.

Le numéro hors-série du journal La Croix consacré à Vatican II ne s’intéresse pas beaucoup à l’histoire du Concile, mais plutôt aux documents conciliaires en s’attardant plus particulièrement sur les plus importants d’entre eux. Le numéro débute par un chapitre introductif de Frédéric Mounier qui présente très rapidement le Concile. Cette partie comporte, entre autres, un entretien avec le professeur Philippe Chenaux, directeur du Centro Studi e Ricerche sul « Concilio Vaticano II ». Sont ensuite abordés successivement les documents Sacrosanctum Concilium, Lumen Gentium, Dei Verbum, Gaudium et Spes, Dignitatis Humanae. Le schéma est à chaque fois le même : le texte est présenté par un journaliste qui explique ce que dit le document, comment « en est-on arrivé là », ce qui est nouveau et ce qui a fait débat. Cette présentation est suivie d’un encadré de couleur, intitulé « Ce jour-là », qui cible sur des événements ou des données importantes, puis d’un « portrait » qui présente un personnage ayant joué un rôle particulièrement important dans le document dont il est question. Ces données sont suivies d’un entretien avec un spécialiste qui apporte des précisions. Chacun de ces chapitres se poursuit par un « vu d’ailleurs », par une partie intitulée « les mots », dans laquelle sont expliqués les concepts et les mots importants, et se termine par un extrait du document étudié. Un dernier chapitre présente, de façon très succincte, les onze autres textes du Concile.

Philippe Roy-Lysencourt

44. « Cinquante ans après Vatican II. Histoire. Réception. Herméneutique ». L’homme nouveau, Hors-Série, 9 (2012), 64 p.

L’homme nouveau est un bimensuel français fondé en 1946 sous l’impulsion du Père Marcellin Fillière et de l’abbé André Richard, qui en assurèrent la direction, laquelle passa ensuite successivement au philosophe Marcel Clément, à Georges Daix, puis à Denis Sureau, qui assume cette charge actuellement. Il y a cinquante ans, Marcel Clément couvrait l’événement conciliaire pour L’homme nouveau. Aujourd’hui, la revue présente un numéro hors-série sur Vatican II « qui, de l’historique de Vatican II aux problèmes posés par son interprétation, entend simplement donner un bref aperçu de sa portée dans la vie de l’Église ».

Le numéro est divisé en quatre parties présentant respectivement des « Portraits », l’« Histoire », la « Réception » et l’« Herméneutique ». Dans la première, trois personnages sont présentés : le cardinal Achille Liénart, « L’évêque du coup d’éclat » (Yves Chiron), le cardinal Giuseppe Siri, « Un prince de l’Église » (Philippe Maxence), et l’abbé Joseph Ratzinger, « Expert au Concile » (Éric Iborra).

La deuxième partie, consacrée à l’histoire du Concile, comporte quatre articles. Tout d’abord, dans « Vatican II avant Vatican II », Yves Chiron présente les projets des papes Pie XI et Pie XII de convoquer un concile et les démarches qu’ils entreprirent à ce propos. Christophe Carichon s’attarde ensuite, dans un article très inspiré du livre du Père Ralph Wiltgen (Le Rhin se jette dans le Tibre), sur la mise en place de « divers jeux d’influence pour accepter ou refuser les schémas de la Commission préparatoire ». Le troisième article, écrit à nouveau par Yves Chiron, est une synthèse plutôt réussie des quatre sessions du Concile. Dans la dernière contribution de cette partie, écrite par Luc Perrin et intitulée « La minorité s’active », il est presque exclusivement question du Coetus Internationalis Patrum.

La troisième partie, consacrée à la réception du Concile, débute par un article d’Alain de Penanster sur « Les acteurs du para-concile ». Il est suivi par les réponses à un questionnaire de deux témoins, Jean Madiran — qui a soutenu Mgr Lefebvre jusqu’aux sacres de 1988 —, et Émile Poulat. Ensuite, l’historien Ludovic Laloux présente l’évolution de l’Action catholique après le Concile ; il s’attarde entre autres sur la marxisation des mouvements, ainsi que sur la libéralité financière des épiscopats à leur égard. Enfin, Mgr Luigi Negri, évêque de San Marin, aborde la question des rapports de l’Église au monde.

La dernière partie est consacrée à l’herméneutique du Concile. Tout d’abord, dans « Bien interpréter le concile Vatican II », l’abbé Éric Iborra défend l’herméneutique de la continuité de Benoît XVI. Selon lui, l’un des problèmes les plus fondamentaux de la réception du Concile réside dans « le malentendu, au sujet de l’ouverture au monde, entre ce que recherchaient les Pères conciliaires et ce que l’opinion a perçu ». Les trois dernières contributions sont des extraits de conférences faites par Mgr Athanasius Schneider (évêque auxiliaire de l’archidiocèse d’Astana), Mgr Florian Kolfhaus (prêtre du diocèse de Ratisbonne, en fonction à la Secrétairerie d’État depuis 2009) et le cardinal Velasio De Paolis (Président émérite de la préfecture pour les affaires économiques du Saint-Siège) au colloque des Franciscains de l’Immaculée qui s’est tenu du 16 au 18 décembre 2010. Dans « Un syllabus pour corriger les erreurs ? », Mgr Athanasius Schneider s’oppose à l’herméneutique de la rupture et propose la rédaction d’un document officiel corrigeant les erreurs d’interprétation du Concile : « Il y a besoin d’un nouveau Syllabus, cette fois-ci dirigé non pas tant contre les erreurs provenant de l’extérieur de l’Église, mais contre les erreurs diffusées dans l’Église par les partisans de la thèse de la discontinuité et de la rupture avec son application doctrinale, liturgique et pastorale. Un tel Syllabus devrait comprendre deux parties : la partie qui signale les erreurs et la partie positive avec des propositions de clarifications, compléments et précisions doctrinales ».

Plusieurs contributions de ce numéro spécial ont été écrites par des auteurs qui ne sont pas spécialistes du sujet. Aussi, les approximations sont nombreuses, de même que les erreurs que nous n’allons pas répertorier ici.

Philippe Roy-Lysencourt

45. Christian Sorrel, « Vatican II, le choc de l’ouverture ». Dossier de la revue Histoire du Christianisme Magazine, 62 (septembre-octobre 2012), p. 26-46.

La revue Histoire du Christianisme Magazine, pour son numéro d’automne 2012, présente un dossier « grand public » consacré à l’ouverture et à la première des quatre sessions du Concile. Ce dossier est réalisé par Christian Sorrel, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Lyon 2, membre correspondant du Comité Pontifical des Sciences historiques, et bon connaisseur de Vatican II.

Le dossier est divisé en cinq parties. La première, intitulée « Les lourdes incertitudes de la première session », présente la cérémonie d’ouverture du Concile, l’assemblée, l’allocution d’ouverture du pape Jean XXIII, les périodes antépréparatoire (1959-1960) et préparatoire (1960-1962). Christian Sorrel prend également le temps d’exposer l’incertitude et les questions qui se posaient à l’ouverture du Concile, avant d’aborder les premiers jours de l’événement, qui voient l’émergence de certaines personnalités, la création de groupes formels et informels, la naissance d’une vie conciliaire en dehors de l’aula, et l’affirmation de deux « tendances », l’une « conservatrice », l’autre « libérale ». L’auteur termine cette première partie en s’attardant sur les trois schémas discutés au cours de cette session, tout en prenant soin d’exprimer la façon dont ils furent accueillis par l’assemblée.

La deuxième partie est consacrée à la présentation rapide de cinq acteurs du Concile, qui y jouèrent un rôle important, ou qui marquèrent l’histoire de l’Église postconciliaire. Il s’agit des cardinaux Alfredo Ottaviani (secrétaire du Saint-Office), Léon-Joseph Suenens (archevêque de Malines) et Augustin Bea (président du Secrétariat pour l’Unité des chrétiens), de Mgr Marcel Lefebvre (alors supérieur général des Pères du Saint-Esprit), et de Joseph Ratzinger (théologien personnel du cardinal Frings, puis expert officiel du Concile).

Dans la troisième partie, intitulée « Face à la Curie, le Concile prend son destin en main », Christian Sorrel explique les dessous et les conséquences de la fameuse intervention du cardinal Liénart, le 13 octobre 1962, dans laquelle l’évêque de Lille demanda et obtint le report du vote devant décider la nomination des membres des dix commissions conciliaires.

La quatrième partie est consacrée aux tensions qui ont marqué l’étude par les Pères conciliaires du premier schéma doctrinal, le De Fontibus Revelationis, qui portait sur les sources de la Révélation. L’auteur présente rapidement les schémas alternatifs qui circulaient et les principales interventions, avant de s’attarder sur le vote d’orientation qui fut finalement proposé aux Pères pour décider de l’interruption ou non des discussions, ainsi que sur l’intervention de Jean XXIII qui décida de suspendre les discussions et de renvoyer le schéma devant une commission mixte bien que la majorité des deux tiers requise pour interrompre les débats n’ait pas été atteinte.

Dans la cinquième et dernière partie, qui porte sur « Les enjeux d’un bilan historique », Christian Sorrel montre l’importance de l’événement en donnant quelques données statistiques. Il souligne également la déstabilisation provoquée chez les chrétiens par Vatican II, en prenant soin toutefois de dire qu’il ne faut pas réduire la crise au seul Concile. Il traite également des divers mouvements d’interprétation des textes conciliaires qui verront le jour immédiatement après l’événement, ainsi que du développement de l’historicisation du Concile à partir de la fin des années 1980. Il s’arrête plus spécialement sur la fameuse Histoire du concile Vatican II élaborée par une équipe internationale sous la direction de Giuseppe Alberigo. Il termine son article en présentant les enjeux herméneutiques actuels sur l’interprétation du Concile.

Le dossier est parsemé de photos assez bien choisies pour la plupart, sauf l’une d’entre elles qui présente une concélébration… pour un article consacré à l’ouverture et à la première session. Mais l’universitaire français n’y est pour rien, puisque les titres et les photos ne sont malheureusement pas soumis à l’auteur dans ce type de revue.

Philippe Roy-Lysencourt

46. Francesco M. Valiante, dir., « Vaticano II ». L’Osservatore Romano. Numéro spécial (11 ottobre 2012), 96 p.

Le numéro spécial de L’Osservatore Romano consacré au concile Vatican II, dirigé par Francesco M. Valiante, comporte trois parties. La première, intitulée « Benedetto XVI racconta », est un écrit souvenir de Joseph Ratzinger, daté du 2 août 2012, et qui introduira l’édition de ses écrits conciliaires. La deuxième, intitulée « I giorni del concilio », traite des phases antépréparatoire et préparatoire, ainsi que des différentes sessions de Vatican II. Les différents débats qui se sont succédé dans l’aula sont traités de façon synthétique dans l’ordre dans lequel ils ont eu lieu. Cette synthèse historique est dense et agrémentée de plusieurs photos d’archives. Quant à la troisième partie, elle est intitulée « I Papi del Vaticano II » et présente successivement des textes sur le Concile de Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul Ier, Jean-Paul II et Benoît XVI.

Philippe Roy-Lysencourt

47. Landesstelle der Katholischen Landjugend Bayerns e.V., dir., Zweites Vatikanisches Konzil. Mit der Tradition in die Zukunft (Werkbrief für die Landjugend 2011/III). Landshut, Neumann Druck OHG, 20122, 192 p.

On ne peut que saluer sans aucune restriction l’initiative de cette publication. Si elle ne s’adresse point aux spécialistes de Vatican II, ceux-ci auraient tort de la négliger. Rassemblant une documentation pour les responsables locaux de la pastorale de la jeunesse rurale, le volume réunit des informations condensées sur les principaux documents de Vatican II, des portraits de ses acteurs les plus importants et des témoignages (Zeitzeugenberichte). En plus, on trouve un grand nombre de propositions et d’outils pédagogiques destinés à faire travailler par des groupes de jeunes tel ou tel aspect d’un document ou d’une dimension théologique ou spirituelle de Vatican II (à la p. 107, dans le cadre des « idées d’action » autour de Dei Verbum, on suggère même un « flashmob » biblique !). C’est là que réside l’intérêt primordial de cette publication, qui par là même pose une question de plus en plus urgente aux recherches sur Vatican II : comment introduire des jeunes générations dans la compréhension de cet événement qui continue à marquer l’Église (ici, il faut ajouter que le « Katholische Landjugenbewegung Bayerns » a même créé un jeu de cartes intitulé « Weisser Peter », voir la publicité, p. 193 !) ? Cette question pastorale, pédagogique et catéchétique est intrinsèquement liée à une question fondamentale qui concerne toute l’Église : pourquoi et dans quel but introduire des jeunes générations dans la compréhension de Vatican II ? Poser cette question implique certes la conviction que Vatican II a quelque chose à dire aux jeunes d’aujourd’hui et de demain. Mais il s’agit surtout de la mise en oeuvre d’une théologie qui conçoit l’Église comme « sacrement du salut » (voir LG 1) !

Michael Quisinsky

48. Monseigneur Lefebvre, un évêque dans la tempête. DVD vidéo. Réalisé et écrit par Jacques Régis du Cray. Suresnes, Association pour la Défense du Patrimoine Chrétien (ADPC), 2012, 100 min.

Ce documentaire, réalisé à partir de la biographie de Marcel Lefebvre par Mgr Bernard Tissier de Mallerais[4], commence avec des images des sacres de 1988 et par les commentaires de certains présentateurs de télévision à l’occasion de cet événement. Cette « introduction » est suivie de neuf chapitres qui retracent les étapes les plus importantes de la vie de Marcel Lefebvre. Ils portent respectivement sur : 1) son enfance ; 2) sa formation au Séminaire Français de Rome ; 3) ses années comme missionnaire au Gabon ; 4) son supériorat au scolasticat des Spiritains à Mortain ; 5) son action apostolique en tant que vicaire apostolique de Dakar ; 6) son travail comme Délégué apostolique pour l’Afrique francophone et archevêque de Dakar ; 7) sa participation au concile Vatican II ; 8) la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) ; 9) les sacres.

Tout au long de ce film, le réalisateur a fait intervenir trente-deux témoins variés, parmi lesquels des proches du prélat, des membres de la Congrégation du Saint-Esprit à laquelle il appartenait, des témoins de ses années africaines, des membres de la FSSPX qu’il a fondée en 1970, des spécialistes de l’histoire du traditionalisme, etc. On peut certes dénombrer quelques petites inexactitudes historiques (en particulier sur le Concile), mais elles sont peu nombreuses et sans conséquences sur l’ensemble.

Mises à part quelques archives audiovisuelles inédites (notamment de la période préconciliaire), ce film — techniquement de grande qualité — n’apporte rien de nouveau sur Mgr Lefebvre. Il permettra cependant à celui qui ne connaît ni la vie de ce prélat ni les raisons profondes qui ont dicté ses actes, de prendre connaissance du dossier et de comprendre le sens de son combat et les raisons profondes qui le motivèrent. Ce documentaire constitue en outre un bon résumé de la fondation et de l’histoire de la FSSPX, ainsi que de ses démêlés avec Rome. Il permettra donc au non-initié d’enrichir ses connaissances sur l’un des plus grands débats au sein de l’Église catholique au xxe siècle.

Philippe Roy-Lysencourt

49. Nicola Vicenti, Immagini dal Concilio. DVD vidéo. Cité du Vatican, Filmoteca Vaticana, 2009, 62 min.

La Filmoteca Vaticana a sorti, en 2009, un film sur Vatican II. Comme son titre l’indique, il s’agit d’images du Concile. Le DVD commence par relater l’histoire de la Filmoteca Vaticana avant de passer au Concile lui-même, de l’annonce à la clôture, en passant par la phase préparatoire et la phase conciliaire. Les principales dates sont données, les schémas discutés pendant les différentes sessions sont rappelés, et l’essentiel du contenu de chacun des documents est rapporté. Il ne s’agit pas d’un travail d’historien, car la lecture est engagée et la distance critique insuffisante, mais les images intéresseront tout de même les historiens autant que les théologiens qui étudient le concile Vatican II : le film comporte non seulement des séquences du Concile, mais aussi de la période préparatoire, par exemple de l’installation des stalles dans Saint-Pierre. Nous pouvons également y voir la salle de Presse, l’arrivée de certains Pères à Rome, des images du cortège du premier jour, du voyage de Paul VI à Jérusalem, etc.

Philippe Roy-Lysencourt

50. Andreas R. Batlogg, Clemens Brodkorb, Peter Pfister, dir., Erneuerung in Christus. Das Zweite Vatikanische Konzil (1962-1965) im Spiegel Münchener Kirchenarchive. Regensburg, Verlag Schnell & Steiner GmbH (coll. « Schriften des Archivs des Erzbistums München und Freising », 16), 610 p.

À l’occasion du 50e anniversaire du concile Vatican II, les archives de Munich ont organisé une impressionnante exposition sur le Concile à partir de leurs propres documents. Il s’agit sans doute de la plus impressionnante exposition organisée sur le Concile au cours de cette année jubilaire, rivalisant avec ce qui s’est fait à Rome ou à Bologne (Il Concilio in mostra. Il racconto del Concilio Vaticano II nei filmati delle Teche Rai [1959-1965]). Il est vrai que les fonds d’archives sur Vatican II à Munich sont particulièrement riches. On y trouve non seulement les archives diocésaines, dans lesquelles on retrouve les archives conciliaires de Döpfner et les papiers de Joseph Ratzinger, évêque de Munich pendant quelques années, mais aussi les archives des jésuites de la province allemande, ce qui veut dire les archives du cardinal Bea, des théologiens Rahner, Semmelroth, etc.

Le présent ouvrage se divise en deux parties : la première (p. 19-265) présente les études offertes lors d’un colloque tenu à Munich, alors que la deuxième partie (p. 269-581) représente à proprement parler le catalogue de l’exposition avec plusieurs reproductions de documents inédits tirés des archives. Plus encore que l’ouvrage collectif publié en 1996 par K. Wittstadt (Der Beitrag der Deutschsprachigen und osteuropäischen Länder zum Zweiten Vatikanischen Konzil), les études présentées ici rendent compte de la contribution allemande à Vatican II. On voit à l’oeuvre la fécondité de l’approche historique/systématique mise en avant et pratiquée dans l’espace germanophone. La plupart des contributions s’intéressent à des protagonistes (Döpfner, Bea, Ratzinger, Rahner, Mörsdof, et les periti de la province jésuite allemande), alors quelques autres s’intéressent à des aspects particuliers du Concile et de sa réception, notamment la mise en oeuvre de la réforme liturgique au diocèse de Munich.

Encore ici, nous voyons le leadership des archives de Munich, dont on ne peut qu’espérer encore davantage la valorisation des différents fonds conciliaires. Si ceux contenus dans les archives diocésaines sont bien inventoriés et facilement accessibles, les autres fonds, notamment des jésuites, ne le sont pas encore. Toutefois, la possibilité pour Munich de devenir un centre incontournable dans les études sur Vatican II, au même titre que Bologne, Louvain, Paris, Sao Paolo ou Washington, existe réellement. Il faut souhaiter que cela se réalise.

Gilles Routhier