Recensions

Esther Bloch, Marianne Keppens, Rajaram Hegde, dir., Rethinking Religion in India. The Colonial Construction of Hinduism. London, New York, Routledge, 2010, 192 p.[Notice]

  • André Couture et
  • Claudia Nadeau-Morissette

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  • André Couture
    Université Laval, Québec

  • Claudia Nadeau-Morissette
    Université Laval, Québec

La publication de ce collectif est le fruit d’une conférence quinquennale inaugurée à New Delhi en janvier 2008 et portant sur le thème de « Rethinking Religion in India ». Le but de la présente collection d’essais, et de la rencontre d’indianistes dont elle émane, est de sensibiliser les spécialistes à l’importance et à l’urgence du devoir de re-conceptualiser la notion de religion en Inde (p. xiii). Même si les langues actuelles de l’Inde opposent un dharma hindou à des dharma bouddhique, musulman ou chrétien (ibid.), il s’agit là d’abstractions transmises aux Indiens par une certaine éducation, mais qui ne correspondent à rien, semble-t-il, dans le vocabulaire de la vie courante. Devant cet état de fait, les études postcoloniales, c’est-à-dire l’ensemble des réflexions qui ont surgi d’abord en Inde à la suite du livre phare, Orientalism, d’Edward Said (1978), se sont demandé si la notion même de « religion » (traduite par dharma) ne serait pas tout simplement l’une de ces constructions coloniales. L’appellation de religion pour désigner un ensemble de phénomènes divers auquel on accole en Inde l’épithète d’« hindoue », ou auxquels on donne l’appellation globale d’« hindouisme », ne serait-elle pas un emprunt au christianisme européen, ou encore un calque du mot « christianisme » ? Tout en conférant une essence à un ensemble complexe de croyances et de comportements spécifiques, ces termes ne serviraient-ils pas en fait à asservir et à dominer une population complètement étrangère à ces notions ? La question du sécularisme et celle de la conversion ne feraient-elles que poursuivre une discussion posée dans une catégorie étrangère à l’Inde, et par conséquent aliénante ? Ce collectif est divisé en deux parties. La première partie est intitulée : « Historical and Empirical Arguments ». David N. Lorenzen y signe un premier texte : « Hindus and Others », qui défend entre autres l’idée que la notion d’hindouisme en tant que religion distincte de l’islam existait dès le xvie siècle dans la poésie médiévale de Kabir (mort en 1518) et du gourou sikh Arjan (mort en 1606), et même quelques siècles plus tôt dans des poèmes attribués à Gorakhnath. Plusieurs études ont certes montré que le hindu dharma a subi d’importants changements avec la colonisation britannique. Mais, poursuit Lorenzen sur un ton polémique, « [w]hen, however, scholars extrapolate from the existence of such changes and claim that Hindu religion as a unified conceptual identity did not exist prior to the British conquest of the sub-continent and that it was principally the British orientalists who invented or constructed a unified Hindu religion, this seems to me to be at best a highly misleading exaggeration, a wilful denial of historical continuities that are an evident part of the historical record » (p. 30). Geoffrey A. Oddie confirme, dans « Hindu Religious Identity with Special Reference to the Origin and Significance of the Term ‘Hinduism’, c. 1787-1947 », que les Indiens du nord de l’Inde utilisaient le terme « hindu » dans un sens religieux, et que le terme « Hindooism » circulait dans les milieux missionnaires une trentaine d’années avant que le réformateur Rammohan Roy ne l’utilise en 1816. L’invention de ce terme est le fruit d’échanges entre missionnaires européens et érudits traditionnels : il reflète certains éléments du brahmanisme mais met entre autres l’accent sur la dimension de foi (« creed »), inédite dans ce contexte. Ce terme, et la nouvelle compréhension qu’il suppose, a toutefois été vite adopté par les Indiens. Avec le mot dharma au sens de religion, il a servi à unifier des Indiens de toutes sectes …

Parties annexes