Recensions

Bruno Demers, Mathieu Lavigne, dir., Religions et laïcité. Pour un nécessaire dialogue. Anjou, Fides, 2014, 240 p.[Notice]

  • Jean-François Lapierre

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  • Jean-François Lapierre
    Université Laval, Québec

Publié dans la foulée des débats entourant le projet de loi 60 intitulé « Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement », ce petit ouvrage de 240 pages est composé de huit contributions liées au thème de la laïcité. La majorité de celles-ci sont issues de conférences données au Centre culturel chrétien de Montréal les 20 et 21 septembre 2013, prononcées dans le cadre du colloque « Christianisme et laïcité : pour faire avancer le débat », organisé en partenariat avec l’Institut de pastorale des dominicains. Les autres contributions, présentant les points de vue d’auteurs juifs et musulmans, ont été sollicitées ultérieurement et offrent d’autres perspectives à cet ouvrage qui s’articule autour de deux préoccupations présentées par Bruno Demers dans l’introduction : « […] comprendre les enjeux du processus de laïcisation d’une société et esquisser le point de vue de traditions religieuses sur la question » (p. 19). La première partie de l’ouvrage correspond à la première préoccupation et est composée de trois contributions. Dans la première, Michel Morin propose une analyse historique dans laquelle il montre que l’idée de neutralité religieuse date d’il y a environ 50 ans au Québec. Il avance la thèse que le Québec n’a pas été touché par la Révolution française, principalement à cause de la Conquête de 1760, ce qui mériterait sûrement d’être nuancé par une analyse des conséquences de l’immigration de religieux français hostiles aux politiques de la jeune république à leur égard. Quoi qu’il en soit, la laïcité de type français n’a pas pris racine chez nous, dit-il : « [a]u contraire, le monopole conféré à la religion catholique a d’abord été remplacé par un dualisme, puis par un pluralisme religieux » (p. 29). Dans le deuxième article, la théologienne Solange Lefebvre fait d’abord la distinction entre sécularité et laïcité puis postule que, malgré les thèses de plusieurs intellectuels qui parlent d’un supposé retour du religieux comme d’une « post-sécularité », la religion a toujours conservé un espace important dans la vie collective. Ceci lui fait dire que « [c]e qui paraît dominer en fait, jusqu’à tout récemment, c’est une ignorance de la réalité complexe caractérisant les rapports entre religion, société et État » (p. 50). C’est pour remédier à ce manque qu’elle présente quatre modèles de séparation et de collaboration. Malgré les pertes ressenties par les religions historiquement établies en termes de ressources, de légitimité et de fonction sociales, Lefebvre conclut en affirmant qu’« une indépendance plus grande à l’égard de l’État peut constituer une source de dynamisme, en insistant sur l’engagement volontaire des croyants » (p. 61). Enfin, dans la troisième contribution de la première partie, Pierre Bosset déplore la confusion qui règne actuellement sur les termes du débat sur la laïcité. Il propose donc une clarification des termes laïcité et neutralité, en établissant le lien entre ceux-ci et la liberté de religion, cette dernière étant elle-même mise en relation avec les autres droits et libertés fondamentaux ainsi qu’avec les valeurs communes. La conclusion de Bosset est claire : « […] ce débat me semble assez mal parti. […] Comme j’ai tenté de le rappeler ici, c’est la laïcité qui doit être au service de la liberté de conscience et de religion, et non l’inverse » (p. 89). La deuxième partie de l’ouvrage aborde la laïcité dans la perspective des trois religions monothéistes. D’abord, Sharon Gubbay Helfer, Victor C. Goldbloom et Lisa J. Grushcow présentent dans un article commun la manière dont cette question s’est posée pour les Juifs de façon …

Parties annexes