Recensions

Piero Stefani, Qohelet. Milan, Garzanti (coll. « I Grandi Libri dello Spirito »), 2014, 248 p.[Notice]

  • Jean-Jacques Lavoie

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  • Jean-Jacques Lavoie
    Université du Québec à Montréal

Il ne fait aucun doute que le livre de Qohélet est de plus en plus populaire. En effet, depuis l’an 2000, près de 120 nouveaux livres ont été publiés sur ce petit texte de sagesse, qui se conclut par un avertissement à ne pas produire en surabondance des livres (Qo 12,12) ! De cette centaine de nouveaux livres publiés depuis l’an 2000, c’est le quatorzième à paraître en italien. Les seize chapitres de l’ouvrage peuvent se regrouper en trois grandes sections : un commentaire général, dans lequel sont traités quelques problèmes classiques (auteur, date, unité du livre, canonicité, etc.) (p. 3-90 ; 231-237), une traduction et un bref commentaire chapitre par chapitre (p. 95-142 et 237) et, enfin, une section intitulée « Relectures et affinité » (p. 143-229 ; 237-244). Une très brève bibliographie d’ouvrages publiés strictement en italien est présentée aux pages 91-92. À l’instar de maints exégètes, Stefani date le livre aux alentours du milieu du troisième siècle avant l’ère chrétienne (p. 42-44). Pour justifier cette datation, il fait essentiellement appel au livre de Ben Sira (pour la datation ante quem) et à la langue du livre, notamment les nombreux aramaïsmes et les deux mots d’origine perse en Qo 2,5 et 8,11 (p. 39-40). S’il est vrai que l’argument linguistique permet de dater le livre de Qohélet à la période du second Temple, il ne permet pas à lui seul de le dater avec précision à la période hellénistique. En somme, en retenant une telle datation, Stefani se permet de faire maintes affirmations qui ne sont jamais étayées avec des arguments à l’appui. Quelques exemples vont illustrer mon propos. Premièrement, il affirme que la description du roi en Qo 2 évoque non seulement le premier livre des Rois, mais aussi un riche magnat de l’époque ptolémaïque (p. 122). Deuxièmement, il écrit que le roi présenté en Qo 8,1-5 s’apparente à un monarque absolu de l’époque hellénistique (p. 133). Troisièmement, il est d’avis que c’est le Dieu même de Qohélet qui ressemble à un souverain hellénistique, dans la mesure où son pouvoir ne peut être remis en question, et ce, malgré la distance qui le sépare de ses sujets (p. 89). Bien entendu, dans les trois exemples cités, on pourrait très bien remplacer le magnat ou le souverain hellénistique par le roi mésopotamien ou perse. La datation retenue par Stefani lui permet aussi de supposer, sans aucun argument à l’appui, que Qohélet connaissait certaines idées de base provenant du monde grec et que son approche rationnelle s’apparente au carpe diem grec (p. 48). Par contre, plus prudent que maints exégètes, il ne signale aucun texte grec qui aurait pu directement influencer Qohélet et il refuse d’assimiler la « voie médiane » en 7,15-18 au « juste milieu » aristotélicien (p. 60) et l’affirmation de Qo 1,9-11 à l’éternel retour des stoïciens (p. 121). De façon tout aussi prudente, il refuse de justifier la datation du livre à partir de soi-disant allusions à des faits historiques précis ; à ce sujet, il prend pour exemple le passage de Qo 4,14-16 (p. 40-41). Comme tous les commentateurs, Stefani a dû expliquer les contradictions apparentes ou réelles qui pullulent dans le livre de Qohélet. Il est bien connu que maints exégètes, surtout au 20e siècle, ont été d’avis que ces contradictions provenaient du fait que le livre de Qohélet aurait été rédigé par plus d’un auteur. Stefani rejette cette hypothèse, sauf pour Qo 1,1 et 12,9-14, épilogue qui proviendrait même de deux auteurs différents (p. 9-10 ; 23 ; 50 ; 54 ; 65 ; 68 ; 119 ; 141-142). …