Recensions

Jean-Baptiste Gourinat, Plotin. Traité 20. I, 3. Sur la dialectique. Introduction, traduction, commentaire et notes. Paris, Librairie Philosophique J. Vrin (coll. « Bibliothèque des textes philosophiques - Les écrits de Plotin »), 2016, vi-307 p.[Notice]

  • Richard Dufour

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  • Richard Dufour
    Université Laval, Québec

Fondée en 1988 par Pierre Hadot, la collection « Les écrits de Plotin » fut publiée chez Les Éditions du Cerf jusqu’en 2016, où elle migra vers la Librairie Philosophique J. Vrin. Le traité 20 (I, 3) de Plotin, introduit, traduit et commenté par Jean-Baptiste Gourinat, est le premier titre à voir le jour dans cette collection suite au transfert de responsabilité. Le livre conserve le même format et la même présentation que ses prédécesseurs. Nous constatons toutefois une amélioration dans la qualité du papier et de l’impression du texte. Gourinat travaillait sur ce livre depuis longtemps. Il discuta du traité 20 avec des spécialistes de Plotin lors de deux journées d’études à Oslo en 2004. Puis il donna un cours sur ce traité à l’École Normale Supérieure en 2004-2005. Il déposa finalement une première version de son ouvrage dans le cadre de son Habilitation à diriger des recherches en 2006. Il s’ensuivit une décennie d’approfondissement avant l’aboutissement final. Nous abordons ainsi une oeuvre mature, qui n’a pas été réalisée dans l’urgence, mais a été mûrement réfléchie et peaufinée. Le résultat est un livre de qualité, accessible bien qu’érudit. L’introduction de trente-huit pages présente la structure et les thèmes du traité, comment Plotin a composé le traité 20 et quelle fut sa postérité. La dialectique est une problématique assez traditionnelle, habituellement abordée dans le cadre de la logique. Pourquoi, se demande Gourinat, Porphyre a-t-il classé ce traité parmi ceux de la première ennéade, qui parlent d’éthique ? Certes le traité Sur la dialectique (I, 3) est lié à celui Sur les vertus (I, 2). Mais la dialectique permet d’introduire aux intelligibles, ce qui la relie aux traités des quatrième, cinquième et sixième ennéades. La question est épineuse, car Plotin ne parle nulle part ailleurs de la dialectique dans ses autres traités. À vrai dire, constate Gourinat, le traité 20 est difficile à classer et se trouve au fond en porte-à-faux avec le classement systématique des oeuvres de Plotin en éthique-physique-époptique. La structure du traité est déterminée par trois questions initiales : quelle méthode permet de remonter au Bien ? Quel type de naturel peut-on faire remonter au Bien ? La méthode est-elle la même pour chacun des naturels ? Les réponses à chaque question sont respectivement : la dialectique ; le musicien, l’amant et le philosophe ; la méthode diffère pour passer du sensible à l’intelligible, mais elle reste la même pour passer de l’intelligible au Bien. L’ensemble du traité s’élabore autour de questions qui ouvrent généralement chaque chapitre et dont les réponses sont obtenues en combinant des textes tirés des dialogues de Platon. Plotin veut redonner la prééminence à la dialectique platonicienne, qui, à son époque, a perdu du terrain face à la logique aristotélicienne et à la logique stoïcienne. Il faut revenir selon lui à une dialectique authentique qui consiste à connaître les formes et qui trouve son achèvement dans l’atteinte de la forme ultime, celle du Bien. Plotin rejette la conception aristotélicienne, qui fait de la dialectique un instrument de la philosophie, et la conception stoïcienne, qui réduit la dialectique à une partie de la logique. Dans son style de composition, le traité 20 n’a rien de scolaire ni de technique. Plotin ne fournit aucun exemple concret d’application. Son style est allusif et se réfère constamment à Platon. Plotin s’efforce de monter en système la pensée platonicienne, parfois au détriment des textes auxquels il puise et en trouvant chez Platon une cohérence qui ne s’y trouve pas toujours. Plotin tient à livrer une pensée cohérente, tant dans sa doctrine propre que dans celle de Platon. Quant à …