Recensions

Fabien Baumann, Claude Muller, Notre-Dame de Strasbourg. Du génie humain à l’éclat divin. Strasbourg, Éditions du Signe, 2014, 140 p.[Notice]

  • Yves Laberge

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  • Yves Laberge
    Université d’Ottawa

Cet album luxueusement illustré retrace l’histoire de la Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, qui compte 1 000 ans de présence au coeur de l’Alsace, et qui fut souvent partagée entre la France et l’Allemagne. La chronologie en début de volume (p. 8-9) retrace les versions préliminaires (p. 12) et les principales étapes de la construction de la Cathédrale actuelle, notamment sa flèche haute et unique, achevée en 1439, qui « devient rapidement le symbole de Strasbourg » (p. 29). Les nombreuses particularités de la Cathédrale de Strasbourg sont décrites successivement, par exemple son immense horloge astronomique avec globe céleste datant du 16e siècle, montrant les liens pouvant alors exister entre lieu de culte, cosmogonie et science (p. 60-61). Plusieurs dimensions sont évoquées, comme « la Cathédrale, nécropole médiévale » (p. 30), « la Cathédrale protestante au xviie siècle » (p. 64), « la restitution de la Cathédrale au culte catholique (1681) » (p. 66), les « splendeurs de la Contre-Réforme » (p. 76), mais aussi, à la suite de la Révolution, la curieuse transformation de la Cathédrale de Strasbourg en un « Temple de la Raison » en 1793 (p. 92) et les nombreuses restaurations qui ont suivi (orgue, vitraux, etc.). Et toujours réapparaît depuis Goethe cette idée continuelle mais inconcevable de parachever cette cathédrale à clocher unique, d’apparence inachevée : d’où ce rêve récurrent, décrit comme ce « Songe romantique à l’idée insensée de construire une seconde tour à Notre-Dame » (p. 112). Des plans avaient même été dessinés au 19e siècle (p. 112) pour cet impossible projet ; une affiche dépliante reproduisant une esquisse signée par l’architecte prussien Karl Friedrich Schinkel (1781-1841) — également peintre spécialisé dans les toiles représentant les cathédrales gothiques — est même incluse, nous faisant voir ce à quoi pourrait ressembler la Cathédrale de Strasbourg avec deux clochers (p. 112). En plus de son évidente dimension religieuse, les co-auteurs Fabien Baumann et Claude Muller ont aussi voulu faire ressortir la valeur culturelle et patrimoniale de la Cathédrale de Strasbourg, par exemple en reproduisant ces notes dramatisées de Victor Hugo, qui relate sa vive émotion en apercevant pour la première fois le paysage de Strasbourg ; on remarquera que le poète référait à la Cathédrale en employant le terme allemand, au masculin et en italiques : « Tout à coup, à un tournant de la route, une brume s’est enlevée, et j’ai aperçu le Münster. Il était six heures du matin. L’énorme cathédrale, le sommet le plus haut qu’ait bâti la main de l’homme après la grande pyramide, se dessinait nettement sur un fond de montagnes sombres d’une forme magnifique […] » (p. 96). Malheureusement, la référence précise de l’ouvrage dont ce paragraphe est extrait n’apparaît pas, ni en bas de page, ni dans les sources en fin de volume — on peut présumer qu’il s’agit d’un extrait du recueil intitulé Le Rhin ou peut-être de Choses vues. En fin de volume, une liste des différents symboles (régionaux, nationaux, religieux) regroupe des commentaires judicieusement choisis (hélas ! non datés), extraits de différents ouvrages d’histoire de l’art (p. 134-135). On comprend à travers cet échange indirect sur les symboles nationaux que cet incomparable édifice religieux a été bien davantage qu’un simple lieu de culte, car il représentait pour beaucoup d’Alsaciens un symbole tangible de reconnaissance et d’identification collective, soit à l’identité allemande, soit à la tradition française. L’ouvrage Notre-Dame de Strasbourg, du génie humain à l’éclat divin est splendide, assurément le plus beau livre religieux paru en France en 2014, et certainement le plus beau livre sur la Cathédrale de Strasbourg. …