Recensions

Sophie Cloutier, Dominic Desroches, Blanca Navaro Pardiñas, Luc Vigneault, dir., Le temps de l’hospitalité. Réception de l’Éthique de l’hospitalité de Daniel Innerarity. Québec, Presses de l’Université Laval, 2015, vi-201 p.[Notice]

  • Gaston Mumbere

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  • Gaston Mumbere
    Université Laval, Québec

Cet ouvrage est consacré à l’Éthique de l’hospitalité de Daniel Innerarity. Né à Bilbao en 1959, Innerarity est actuellement professeur titulaire de philosophie à l’Université de Saragosse (Espagne). Dans ce livre, c’est d’abord la thèse de Daniel Innerarity qui est mise en évidence. Celle-ci consiste de manière fondamentale à envisager l’hospitalité autrement qu’un principe ou une disposition légale, mais plutôt comme un caractère anthropologique qui a toujours permis de vivre dans une société organisée. De ce fait, Daniel Innerarity introduit l’idée d’une hospitalité pensée à partir de ce qui nous arrive sans notre consentement ; une hospitalité d’ouverture à l’impromptu. À partir de cet « impromptu », ou ouverture à la contingence, la grande partie de l’ouvrage fait dialoguer Daniel Innerarity avec d’autres penseurs sur le même sujet, une façon d’évaluer et d’apprécier l’éthique de la réception de l’autre soutenue dans son oeuvre. Ce dialogue se fait en quatre parties. Luc Vigneault et Blanca Navaro Pardiñas ouvrent le dialogue à partir de la genèse du concept d’hospitalité tel que décrit dans l’itinéraire des écrits de Daniel Innerarity, pour ensuite, dans un autre moment revisiter son rapport avec la philosophie moderne. Les auteurs nous font retenir d’une part que déjà l’itinéraire de la vie d’Innerarity témoigne de cette ouverture à l’impromptu. Dans sa jeunesse, il souhaitait étudier les Beaux-Arts à défaut de quoi il a étudié la philosophie. D’autre part, les deux auteurs mettent en évidence, à partir de ses oeuvres de jeunesse (philosophie), l’intérêt d’Innerarity pour une posture philosophique qui prépare son éthique d’hospitalité. Pour lui, la philosophie est en proximité avec l’art. Dans ce sens, le philosophe n’est pas un fonctionnaire de l’humanité, mais quelqu’un qui espionne le réel. Espionner veut dire être aux aguets d’une réalité complexe et contingente. Il s’agit ici d’une attitude que les deux auteurs proposent face à la crise actuelle de la politique. En fait, selon Daniel Innerarity, la crise politique actuelle n’est pas liée à la géostratégie, mais à la difficulté à retrouver un rapport sain au temps. Il convient donc d’être libéré de la tyrannie du présent pour une hospitalité envers les absents, ceux qu’on ne voit pas. Dit autrement, il s’agit de voir l’étranger (à venir) à notre vie quotidienne. La deuxième partie de l’ouvrage étudie l’oeuvre de Daniel Innerarity dans son rapport aux éthiques dites de « notre temps » : le care (souci des autres, attention et sollicitude), la réception, la piété. Certaines affinités entre ces éthiques et l’oeuvre d’Innerarity sont remarquables, aux yeux de Bourgault et Provencher. Ceux-ci soulignent, toutefois, une certaine originalité de l’oeuvre de l’auteur espagnol par rapport à ces éthiques. Les auteurs abordent dans la troisième partie les « regards pluriels » posés sur l’hospitalité telle que formulée par Daniel Innerarity. Dans cette partie, les auteurs Sophie Cloutier, Razvan Amironese, Louis Perron et Olga Bezhanova travaillent les rapports entre l’hospitalité et certaines catégories qui, au premier regard, semblent difficilement conciliables. Cependant, après la lecture, on est agréablement surpris de la réflexion menée. C’est le cas par exemple du texte de Sophie Cloutier sur « L’hospitalité et le jugement. Lecture croisée d’Hannah Arendt et Daniel Innerarity ». D’après sa lecture, Sophie Cloutier ouvre le dialogue entre le jugement et l’hospitalité dans un mouvement de « complétude ». En fait, l’auteure pense que l’hospitalité telle que théorisée par Innerarity vient achever l’étude inachevée d’Arendt sur le jugement. Celle-ci disait que le jugement ne suivait pas des règles, mais avait besoin d’exemples se présentant à l’imagination. Ainsi, le philosophe-espion est aux yeux de Sophie Cloutier l’exemple parfait pour le jugement. La dernière partie du livre, comptant deux …