Recensions

François-René de Chateaubriand, Génie du christianisme. T. 1 et t. 2. Paris, Éditions Flammarion (coll. « GF », 104 et 105), 2018 [1802], 512 p. et 504 p.[Notice]

  • Yves Laberge

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  • Yves Laberge
    Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté (Centre ÉRE)

Souvent réédité, le Génie du christianisme reste encore de nos jours le livre le plus influent de François-René de Chateaubriand (1768-1848), auteur considéré comme un précurseur du Romantisme, et dont on aurait célébré les 250 ans en 2018. Comme pour l’édition précédente, cette parution en deux tomes contient toujours les abondantes notes de Pierre Reboul (1918-1989) rédigées au départ pour l’édition de 1966 ; celles-ci occupent près du quart du deuxième tome et constitueraient presque une étude à part entière (t. 2, p. 285-393). Au lieu d’une critique de ce texte — devenu classique — du vicomte de Chateaubriand, la présente recension rappellera simplement l’éloquence de certains passages pour ensuite mettre en valeur les nombreuses annexes contenant des passages inédits, retirés de la première édition du Génie du christianisme. À première vue, la mise en situation de cette nouvelle version aux Éditions Flammarion semblera laconique : la 4e de couverture de la réimpression en « GF » est presque vide et ne contient même pas de résumé ni de présentation. Il faudrait pallier cette lacune pour bien saisir la raison d’être de ce livre incomparable, que l’on ne présente plus. Écrivain érudit et catholique fervent, Chateaubriand a voulu s’opposer aux superstitions de son temps, à ce qu’il nomme « l’idolâtrie » et le fanatisme (t. 2, p. 255), pour réaffirmer l’humanisme et la grandeur de la Chrétienté et ce, dans le contexte tourmenté des persécutions et de la terreur ayant suivi la Révolution de 1789 : anticléricalisme, déchristianisation, déprêtisation forcée des prêtres, fermeture des églises de France et confiscation de certains presbytères pour les revendre. Ces éléments contextuels ne sont pas inclus dans la présente édition, ce qui est regrettable. C’est pourtant pour ces raisons que Chateaubriand, alors exilé en Angleterre, a rédigé cet ouvrage monumental et ambitieux sur les forces de la chrétienté en tant qu’institution et gardienne de l’équilibre moral et social. Lorsque les deux tomes de Génie du christianisme paraissent au début de 1802, le futur ambassadeur de France n’a que 33 ans et commence à peine à être connu comme écrivain ; mais l’essentiel de son oeuvre reste à venir. Le ton y est volontiers apologétique et l’ambition, universelle. Plus factuel et axé sur la tradition, le premier tome décrit les Mystères chrétiens (Trinité, Rédemption, Incarnation) et les Sacrements, les vertus et les lois morales, mais aussi l’organisation du monde animal ; il aborde successivement une multitude de thèmes citoyens et moraux comme l’instinct de la patrie ou encore « le désir de bonheur dans l’homme » (t. 1, p. 197, et t. 2, p. 440), en voulant d’abord démontrer le principe de « l’existence de Dieu prouvée par les merveilles de la nature ». Dans la partie centrale, Chateaubriand élabore une poétique du christianisme axée sur trois composantes : la poésie, les Beaux-Arts et la littérature, qui seraient toutes empreintes de valeurs chrétiennes. Le premier tome se termine par des réflexions opposant la philosophie (ce qui incluait alors les mathématiques et la chimie) à la théologie (t. 1, p. 405 sq.). Au terme de son argumentation, Chateaubriand réaffirme que « le christianisme est une religion révélée » (t. 2, p. 256), tout en soutenant que « le christianisme est parfait ; les hommes sont imparfaits » (ibid.). L’une des idées centrales de Génie du christianisme part d’un constat fait par Chateaubriand, selon lequel la disparition de l’idée du Beau serait directement reliée à la perte généralisée de la Foi ; autrement dit, que l’incrédule serait incapable d’apprécier la Beauté. Ce postulat esthétique à propos de l’influence du christianisme sur la …

Parties annexes