Recensions

Maria Clara Bingemer, Solange Lefebvre, Erik Borgman, Mile Babić, dir., Concilium. Numéro thématique « Literature and Theology », 5 (2017), 168 p.[Notice]

  • Raphaël Mathieu Legault-Laberge

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  • Raphaël Mathieu Legault-Laberge
    Université de Sherbrooke

Ce numéro thématique de la revue Concilium, édité par Maria Clara Bingemer, Solange Lefebvre, Erik Borgman et Mile Babić, s’intéresse plus particulièrement à l’exploration de la « théopoétique ». Située à la jonction de la littérature et de la théologie, la théopoétique touche également l’esthétique et la philosophie. Il s’agit indéniablement d’un élargissement des champs de compréhension ouverts par la théologie et d’un décloisonnement des espaces rationnels conventionnels qui s’y associent, une ouverture à ce que la création peut représenter, y compris pour les non-croyants engagés dans la production d’oeuvres esthético-littéraires. Le lecteur y trouvera notamment des références à l’herméneutique (Paul Ricoeur), à des auteurs plus proprement théologiques (Hans Urs von Balthasar, Michel de Certeau, Karl Rahner), à des mystiques (Jean de la Croix, saint Antoine), à des philosophes (Bachelard, Kierkegaard) et à des poètes (Rilke, Rimbaud, Escribano, Cardenal, Prado). La première partie regroupe six contributions et décerne une place centrale à la corporéité selon diverses interprétations. Le premier texte, de Heather Walton, intitulé « Theology in the Way We Live Now : A Theopoetics of Life Writing », adopte une approche biographique et féministe. Walton y met en exergue la place du corps, notamment en lien avec la maternité et avec le défi de maintenir une sérénité face aux épreuves de l’existence (stérilité, pauvreté, séparation, renoncement, souffrance, désirs, mort). Walton se donne comme référence première les confessions d’Augustin, pour ensuite considérer les apports contemporains de Sallie McFague (Blessed Are the Consumers, 2013) et Claire Wolfteich (Mothering, Public Leadership, and Women’s Life Writing, 2017), ajoutant à cela quelques références à Dorothy Day. La seconde contribution, de Cecilia Avenatti de Palumbo, est intitulée « Literature : An Important Hermeneutical Mediation for Theology ». L’herméneutique est comprise ici comme étant un corps interprétatif. L’auteure souligne notamment les efforts entrepris suite au concile Vatican II, qui proposent une plus grande prise en compte de la culture à l’intérieur de la théologie catholique et qui sous-tendent le dialogue critique entre la théologie et la littérature entrepris par la théopoétique. Selon l’auteure, trois raisons poussent la théologie à explorer la littérature : « […] the theoretical dimension, which is concerned with discovering the truth, the ethical dimension, whose core is right action, and the aesthetic dimension, focused on the manifestation and perception of beauty » (p. 27). Le troisième texte, intitulé « The Poetics of Silence in the Spiritual Canticle of St John of the Cross », de Luce López-Baralt, s’intéresse plus particulièrement à la dimension du silence dans la poésie du mystique espagnol. Proposant une analyse linguistique de quelques passages choisis de la poésie de saint Jean de la Croix, l’auteure suggère que la dimension spirituelle du mystique émerge d’un espace incorporel. Son analyse, très fine, ramenée à la linguistique hispanophone, confère toute la force des mots aux strophes de saint Jean de la Croix. La quatrième contribution (« Infinite Reading : Scripture and Interpretation ») concerne la question de l’interprétation et s’adresse à l’incorporation herméneutique. En partant d’un texte de Flaubert à propos de la tentation de saint Antoine, José Tolentino Mendonça sonde la question de l’interprétation, du point de vue de l’intention de l’auteur (en référence à Schleiermacher et Dilthey), du texte (selon sa structure, son discours et sa narration) et du lecteur (en fonction de la réception et de l’exploration du texte). Sa prémisse, selon laquelle le texte est un corps pluriel, souligne le caractère pluridimensionnel de l’espace littéraire, rappelant l’impossibilité de l’interprétation unique d’un texte. La cinquième contribution provient de Vittorio Montemaggi et s’intéresse à la « théologie » dantesque. Elle met en exergue le …