Recensions

Valéry Laurand, Stoïcisme et lien social. Enquête autour de Musonius Rufus. Paris, Éditions Classiques Garnier (coll. « Les Anciens et les Modernes - Études de philosophie », 14), 2014, 580 p.[Notice]

  • Vincent Trudel

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  • Vincent Trudel
    Université Laval, Québec

Cet ouvrage de Valéry Laurand présente une étude issue de la thèse de l’auteur, soutenue en 2002, sur la pensée éthique et politique de Musonius Rufus. Il est vrai que, parmi les stoïciens de la période dite impériale, Musonius a été peu étudié si on le compare à Sénèque, Épictète ou Marc Aurèle et, à ce titre, l’étude de Valéry Laurand est de fait, originale. En effet, peu d’études d’ensemble de la pensée de Musonius ont été publiées en français à ce jour depuis l’édition avec commentaires de ses Entretiens et fragments par Amand Jagu en 1979. Dans son livre Stoïcisme et lien social, l’auteur se propose d’étudier la question stoïcienne du lien social à travers les thèmes musoniens de l’autarcie du philosophe par le retrait de la vie urbaine en campagne, du mariage comme fondement de la société et de l’action politique du monarque philosophe, en se basant entre autres sur les textes de Musonius qui nous ont été conservés, à savoir surtout des comptes rendus (rassemblés par Stobée dans une anthologie) de l’enseignement de Musonius à Rome transmis par son élève Lucius. Ce faisant, l’auteur passe de la question du développement de soi, dans le sillage de Pierre Hadot et Michel Foucault, à celle de l’implication sociale et politique du philosophe selon Musonius, thèmes que l’auteur rattache tous deux à la notion, si centrale pour les stoïciens, de l’oikeiôsis (souvent traduite par « attachement »). Tout au long de son propos, Valéry Laurand procède à d’importantes mises en contexte et analyses thématiques selon les diverses notions abordées (la nature du vice, les passions, la relation corps-âme, l’oikeiôsis, le modèle du sage, la divinité, l’amour, l’amitié, la cité, la royauté, etc.) chez plusieurs commentateurs anciens et modernes pour recouper les textes de Musonius ou tenter de faire le tour des différentes questions abordées. En effet, chacun des thèmes analysés reçoit un traitement étendu impliquant le recours aux textes de nombreux auteurs (Platon, Sénèque, Cicéron, Épictète, Plutarque, Marc Aurèle, Plotin, etc.). La résultante est un ouvrage volumineux et dense, ponctué d’excursus qui impliquent nombre d’analyses demeurant fort justes, mais dont le fil directeur est parfois difficile à suivre, sans doute en raison du souci d’exhaustivité de l’auteur. Dans la première partie de son étude, Valéry Laurand traite d’abord de la question de l’individualité, en étudiant divers textes de Musonius, principalement les traités VI (De l’exercice) et XI (Des moyens d’existence appropriés au philosophe). À travers quelques digressions hors du corpus musonien (surtout chez Sénèque et Épictète) pour introduire par exemple les notions d’origine du vice, d’oikeiôsis ou d’idéal du sage chez les stoïciens, l’auteur présente le modèle d’isolement rural en communauté philosophique proposé par Musonius d’abord pour se prémunir de la perversion et de la mollesse (truphê) de la vie avec la foule urbaine, puis pour s’exercer à l’autarcie et à la vertu par le travail et l’effort. Ce faisant, Valéry Laurand montre avec justesse en quoi consiste l’une des singularités de Musonius, à savoir sa relation particulière avec le corps et la peine (ponos). En effet, sans faire de ces indifférents des biens, Musonius présente la peine comme un préférable et fait du corps un lieu d’entraînement à la vertu via sa prescription d’exercices visant à la fois le corps et l’âme. Comme le résume très bien l’auteur : « [L]e noeud de l’enseignement moral de Musonius : prendre de la peine pour la vertu, être philoponos, c’est vivre la vertu, en faire l’expérience et donc ne pas se contenter de discours vides, mais aussi, …

Parties annexes